Ce chapitre entend décrire la manière dont les antennes relais de téléphonie mobile ont été inscrites sur l’agenda politique en tant que risques sanitaires. Si rien ne prédisposait ces installations à une telle qualification, il serait pourtant incongru aujourd’hui de suggérer une autre définition de ce problème public, tant il est paré de toutes les caractéristiques d’un risque sanitaire. En témoigne le titre d’un ouvrage récent, écrit par le responsable d’une association opposée au déploiement massif des antennes relais : Et si la téléphonie mobile devenait un scandale sanitaire ?
Quelles sont ces caractéristiques ? Au nombre de quatre, elles composent une trame narrative développée tout au long de la décennie 1990, dans des rapports officiels, ouvrages et articles de presse analysant les crises sanitaires secouant la France. On y trouve : 1) un État qui manque à ses devoirs de surveillance, de contrôle et de sanction ; 2) des opérateurs privés qui font prévaloir leurs intérêts sur la santé des populations ; 3) des experts défaillants qui nient l’existence d’un risque malgré des données alarmantes ; 4) des victimes innocentes. Cette trame entend à la fois rendre compte de l’émergence de risques sanitaires et justifier une intervention accrue de l’État dans la gestion de ces risques.
Ces quatre caractéristiques trouvent en la téléphonie mobile un cas emblématique. 1) L’État y est accusé de négligence lorsque le déploiement des réseaux se fait dans un apparent vide réglementaire ; puis de laxisme lorsqu’il reprend les valeurs limites d’exposition qui, bien que recommandées par la Commission européenne, sont moins sévères que les valeurs retenues par plusieurs pays voisins…