C’est à partir de quinze entretiens menés auprès de femmes de ménage et d’employeurs particuliers que nous nous proposons d’interroger le rôle joué par les sentiments et l’échange de dons dans l’aide professionnelle à domicile. Les recherches sur le travail domestique salarié ont fréquemment souligné l’importance de la dimension personnelle dans ces emplois et fait apparaître la diversité des attitudes envers elle. Tandis que certaines employées et patronnes tentent de prendre leurs distances avec ce qui contredit la définition strictement salariale de leurs relations et adoptent pour cela des stratégies d’évitement, d’autres semblent au contraire non seulement s’accommoder parfaitement de cette confusion des registres, mais aussi la rechercher et l’entretenir. C’est cette seconde attitude, l’adhésion à la dimension personnelle de la relation et sa valorisation, qui nous intéresse ici : l’enquête que nous avons menée nous a en effet permis de rencontrer des couples « patronne-femme de ménage » ayant instauré une relation qu’elle-mêmes ont qualifiée de « plus que professionnelle ». Certaines formules reviennent d’entretien en entretien. « Elle est plus qu’une simple femme de ménage », dit une patronne. « Je ne me considère pas comme femme de ménage », dit une employée. « Elle fait partie de la maison », dit l’une. « Je me sens chez moi ici. Les enfants de Mme Dubois, ce sont mes enfants aussi », dit l’autre. Il arrive que le double registre coexiste dans le même discours, explicitant ainsi un double contrat instauré entre les deux partenaires de la relation : « Je suis femme de ménage et, en même temps, je ne suis pas femme de ménage » (Mme Ferreira) ; « Il y a Régine l’amie et Régine la femme de ménage » (Mme Lacroix à propos de sa femme de ménage)…