Chaque type de lien social peut être défini à partir des deux dimensions de la protection et de la reconnaissance. Les liens sont multiples et de nature différente, mais ils apportent tous aux individus à la fois la « protection » et la « reconnaissance » nécessaires à leur existence sociale [Paugam, 2008]. La protection renvoie à l'ensemble des supports que l'individu peut mobiliser face aux aléas de la vie (ressources familiales, communautaires, professionnelles, sociales…), la reconnaissance renvoie à l'interaction sociale qui stimule l'individu en lui fournissant la preuve de son existence et de sa valorisation par le regard de l'autre ou des autres. L'expression « compter sur » résume assez bien ce que l'individu peut espérer de sa relation aux autres et aux institutions en termes de protection, tandis que l'expression « compter pour » exprime l'attente, tout aussi vitale, de reconnaissance. L'investissement affectif dans un « nous » est d'autant plus fort que ce « nous » correspond à l'entité – qui peut être aussi réelle qu'abstraite – sur laquelle et pour laquelle la personne sait pouvoir compter. C'est dans ce sens que le « nous » est constitutif du « moi ». Les liens qui assurent à l'individu protection et reconnaissance revêtent par conséquent une dimension affective qui renforce les interdépendances humaines.
Au cours des vingt dernières années, nombreux sont ceux qui ont tenté de comparer le concept de « désaffiliation sociale » que Robert Castel a développé dans ses recherches sur les métamorphoses de la condition salariale [1995] et celui de « disqualification sociale » que j'ai moi-même forgé dans mes recherches comparatives sur la pauvreté et la précarité en Europe [1991, 2005]…