Notes
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[1]
Discours de Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l’homme, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire, le 30 janvier 2009 (souligné par nous).
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[2]
Laurence Burgorgue-Larsen, « La vulnérabilité saisie par la philosophie, la sociologie et le droit. De la nécessité d’un dialogue inter-disciplinaire », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, Cahiers Européens, n° 7, Pedone, 2014, p. 237.
-
[3]
Notamment en sociologie, où la notion de vulnérabilité a remplacé des notions comme celle d’exclusion (notion très employée dans les années 1990-2000), ou de pauvreté (notion très en vogue dans les années 1980) ou encore celle de marginalité (notion employée dans les années 1970). Sur cette évolution, voir en particulier M.-H. Soulet, « La vulnérabilité, une ressource à manier avec prudence », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit. p. 7-27.
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[4]
Les travaux sur les rapports entre « le droit », « les droits » et la « vulnérabilité » ne manquent pas. Voir notamment Frédérique Cohet-Cordey (dir.), Vulnérabilité et droit. Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000 ; Xavier Lagarde, Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation, La documentation française, 2009 ; Idem, « La protection des personnes vulnérables entre audace et tempérance. A propos du rapport annuel de la Cour de cassation », JCP, éd. G., 2010, p. 862 ; Frédéric Rouvière (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, Bruylant, 2011 ; Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit. ; Élisabeth Paillet et Pascal Richard (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014 ; Pascal Mbongo (dir.), Migrants vulnérables et droits fondamentaux, Berger-Levrault, 2015 ; Caroline Boiteux-Picheral (dir.), La vulnérabilité en droit européen des droits de l’homme. Le législateur lui-même a dû préciser dans certains domaines, tel le droit pénal (art. 223-15-2 C. pén. (abus de faiblesse) ; art. 225-12-6 C. pén. (exploitation de la mendicité) ; art. 222-33 C. pén. (harcèlement sexuel)) ou civil (art. 425 C. civ., relatif à la curatelle), ce qu’il entendait par le concept de « personnes vulnérables ».
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[5]
En ce sens, Charlotte Denizeau, « La vulnérabilité dans la jurisprudence constitutionnelle de la France et du Royaume-Uni », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 149.
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[6]
Loïc Azoulai, « Sensible droit », in Laurence Burgorgue Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 228.
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[7]
Sur ces cas de cumul de vulnérabilités, voir notamment Loïc Azoulai, « Sensible droit », op. cit., p. 233.
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[8]
Il faut préciser que le CDPC-JCE et l’IE2IA composent, avec l’ILF-GERJC et le CERIC (Aix-Marseille Université) l’Unité Mixte de Recherche CNRS 7318 DICE (Droits international, comparé et européen).
-
[9]
Pour une analyse approfondie de la QPC dans une approche comparative, cf. Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, Bruylant, Coll. A la croisée des droits, 2014, 734 p.
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[10]
Il faut garder à l’esprit que l’Italie est un État régional, les régions étant dotées d’une véritable autonomie législative.
-
[11]
Il n’est possible, en effet, de déclencher un recours d’amparo que pour la protection des droits fondamentaux proclamés par les articles 14 à 29 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978, ainsi que pour l’objection de conscience consacrée par l’article 30, alinéa 3, de la Constitution.
-
[12]
Évidemment, la loi organique relative au Tribunal constitutionnel, pose néanmoins, dans son article 44, un certain nombre de conditions de forme, de procédure, mais aussi – au moins depuis une réforme de 2007 – de fond, qui peuvent donner prise à un filtrage, notamment au stade de l’admission, de la part du Tribunal constitutionnel.
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[13]
L’article 134 de la Constitution italienne du 22 décembre 1947 (entrée en vigueur le 1er janvier 1948) dispose, dans son 1er alinéa, que : « La Cour constitutionnelle juge : des questions relatives à la légitimité constitutionnelle des lois et des actes, ayant force de loi, de l’État et des Régions ».
-
[14]
Sur les conditions de recevabilité de la question de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle italienne et l’évolution jurisprudentielle de la Cour, voir en particulier Thierry Di Manno, « L’impossibilité de l’interprétation conforme de la loi à la Constitution, condition de recevabilité de la question incidente de constitutionnalité en Italie », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 123-150.
-
[15]
Sur ce point particulier voir nos développements infra.
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[16]
Bien que ce recours connaisse, depuis les années 2000, un certain infléchissement, avec une forte augmentation du recours par la voie principale, s’expliquant, en grande partie, par une révision importante de la répartition constitutionnelle des compétences entre l’État et les régions intervenue en 2001 (la loi constitutionnelle n° 3 du 18 octobre 2001, modifiant le Titre V de la Seconde Partie de la Constitution italienne) qui a rendu nécessaire l’intervention massive de la Cour constitutionnelle dans les années qui ont suivi.
-
[17]
L’article 163 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 dispose : « Lorsqu’un organe judiciaire considérera, au cours d’un procès, qu’une norme ayant force de loi, s’appliquant en la matière et dont dépend la validité de la sentence, pourrait être contraire à la Constitution, il saisira le Tribunal constitutionnel dans les conditions, sous la forme et avec les effets établis par la loi et qui ne seront en aucun cas suspensifs ».
-
[18]
Voir sur ce point Pierre Bon, « La question d’inconstitutionnalité en Espagne », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 131 ; Hubert Alcaraz, « Le rôle du juge constitutionnel dans le filtrage des questions de constitutionnalité : étude comparée – Le rôle du Tribunal constitutionnel espagnol », Annuaire international de justice constitutionnelle 2011, Vol. XXVII, p. 33 ; Fernando Alvarez-Ossorio, « Juge ordinaire et doute d’inconstitutionnalité. Quelques questions sur le doute d’inconstitutionnalité en Espagne », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 91.
-
[19]
Selon l’expression retenue par le titre II de la loi organique n° 2/1979 du 3 octobre 1979 relative au Tribunal constitutionnel (dite LOTC).
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[20]
Bien que ce terme n’apparaisse dans aucun texte relatif à la QPC, c’est bien l’idée qui ressort tant des travaux du Comité Balladur que des travaux préparatoires des textes relatifs à la mise en place de cette procédure. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même a employé ce terme lors du contrôle de constitutionnalité de la loi organique de 2009, en affirmant que « le constituant a ainsi reconnu à tout justiciable le droit de soutenir, à l’appui de sa demande, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit » (Conseil constitutionnel, décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’art. 61-1 de la Constitution, cons. 3, souligné par nous).
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[21]
En Italie, ce n’est que dans la pratique jurisprudentielle que la voie incidente est devenue, aussi, une arme pour les justiciables dans la défense de leurs droits, alors qu’en Espagne le recours d’amparo remplit pleinement la fonction subjective de protection des droits et intérêts des justiciables.
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[22]
Cette question a notamment été mise en exergue par Thierry Di Manno, colloque final de restitution de notre recherche, Toulon, 8 novembre 2019.
-
[23]
Sur cette spécificité française qu’est le double filtre dans une perspective de droit comparé voir Laurence Gay, « Le double filtrage des QPC : une spécificité française en question ? Modalités et incidences de la sélection des questions de constitutionnalité en France, Allemagne, Italie et Espagne », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 51-89.
-
[24]
Sur cette question, dans une optique de droit comparé, voir Olivier Lecucq, « La modulation dans le temps des effets des décisions des juges constitutionnels. Perspectives comparatives France-Espagne-Italie », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 287-310.
-
[25]
Selon l’analyse menée par Gaëlle Lichardos, 5 décisions DC mentionnent explicitement le terme « vulnérabilité » : décisions n° 89-254 DC du 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’application des privatisations ; n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure ; n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, *Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité *; n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, *Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté *; n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, Loi permettant une bonne application du régime d’asile européen. Et 3 décisions QPC visent, quant à elles, expressis verbis, la vulnérabilité : décision n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014, *Commune de Tarascon *; n° 2018-761 QPC du 1er février 2019, Association Médecins du monde et autres et n° 2019-807 QPC du 4 octobre 2019, M. Lamin J.
-
[26]
La recherche a été réalisée par Marco Berardi.
-
[27]
Le terme n’apparaît d’ailleurs que depuis 2017.
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[28]
Allusion est faite ici à l’affaire Cappato (ordonnance n° 207/2018 et arrêt n° 242/2019), sur laquelle voir, notamment, Anna-Maria Lecis Cocco Ortu, « L’équilibrisme de la Cour constitutionnelle italienne en matière d’euthanasie et d’assistance au suicide : entre activisme et respect du rôle du législateur », La revue des droits de l’homme [en ligne], Actualité Droits-Libertés, 15 janvier 2020 ; Giuliano Serges, « La décision de la Cour constitutionnelle italienne no 207 de 2018 (« Ordinanza Cappato ») : une nouvelle typologie de décision ou un « non liquet » avec date d’expiration ? », Revue française de droit constitutionnel, 2019/4, n° 120, p. 67-89.
-
[29]
Itziar Gómez Fernández prenait en charge l’étude de cette catégorie en Espagne.
-
[30]
Pour l’Italie, c’est Paolo Passaglia qui a analysé la jurisprudence constitutionnelle relative aux mineurs.
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[31]
La recension en a été assurée par Mélina Douchy-Oudot à partir de mots-clefs (« mineurs », « minorité », « enfant », etc.) par le biais d’une interrogation des tables analytiques du Conseil constitutionnel.
-
[32]
Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S.
-
[33]
Conseil constitutionnel, décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, M. Mathieu E.
-
[34]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 278/2013.
-
[35]
Cour constitutionnelle, arrêts n° 494/2002 et n° 50/2006. Tribunal constitutionnel, arrêts n° 138/2005 et 156/2005.
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[36]
Cour constitutionnelle, arrêts n° 61/2006 et n° 286/2016.
-
[37]
Tribunal constitutionnel, arrêt n° 99/2019.
-
[38]
La recherche pour l’Espagne a été réalisée par Francisco Javier Matia Portilla.
-
[39]
La recension a été assurée par Laurence Gay à partir d’une recherche experte sur le site du Conseil constitutionnel avec les termes de recherche « protection santé ». Or, seules 16 parmi les 32 décisions recensées paraissaient pertinentes, auxquelles on en a ajouté 2, qui n’apparaissaient pas dans la liste, parvenant ainsi à un total de 18 décisions. Ne sont pas décomptées ici les 5 décisions qui concernent les personnes handicapées.
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[40]
La recherche a été réalisée par Marina Calamo Specchia par le biais du moteur de recherche des décisions de la Cour constitutionnelle. Sont comprises dans ces 670 décisions celles qui se réfèrent aux personnes handicapées (22 décisions). Précisons aussi qu’en Italie, entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2019, 4907 décisions au total ont été adoptées par la Cour constitutionnelle dans le cadre du procès par voie incidente.
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[41]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S., n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre, n° 2011-202 QPC du 2 décembre 2011, MmeLucienneQ., n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011, Mme Oriette P., n° 2011-185 QPC du 21 octobre 2011, M. Jean-Louis C., n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, Association Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie.
-
[42]
Cour constitutionnelle, ordonnance n° 207/2018.
-
[43]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 242/2019.
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[44]
Sur un total de 4859 décisions adoptées dans le procès par voie incidente (données arrêtées au 1er novembre 2019). La recherche a été réalisée par le Professeur Laura Montanari et par Francesco Grisostolo (Docteur en droit).
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[45]
Selon la recherche réalisée par Olivier Lecucq sur le moteur de recherche du Conseil constitutionnel.
-
[46]
La recherche sur l’Espagne a été réalisée également par Olivier Lecucq.
-
[47]
On dénombre au total 15 recours d’inconstitutionnalité.
-
[48]
Conseil constitutionnel, décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre.
-
[49]
Dans 10 cas sur 23, en effet, la législation contestée n’a pas plus de trois ans ou guère plus.
-
[50]
Voir notamment la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, Consorts L., relative à la cristallisation des pensions.
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[51]
Olivier Lecucq.
-
[52]
La recherche sur la jurisprudence française a été réalisée par Marthe Fatin-Rouge Stefanini.
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[53]
Selon les termes de Giovanna Spanὸ qui a réalisé l’étude pour l’Italie.
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[54]
Cour constitutionnelle, décisions n° 485/2000 (ordonnance) ; n° 145/2009 (ordonnance) ; n° 260/2009 (ordonnance) et n° 115/2011 (arrêt).
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[55]
Comme cela a été souligné par Fernando Alvarez-Ossorio Micheo qui a mené la recherche pour l’Espagne.
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[56]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 115/2011.
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[57]
Dans les autres affaires en effet, le nomadisme ne constituait qu’un aspect, un attribut supplémentaire, s’ajoutant au comportement des parties du litige.
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[58]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010, M. Orient O. et autre, n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, M. Jean-Claude P., et n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019, Union de défense active des forains et autres.
-
[59]
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres.
-
[60]
Les dispositifs dérogatoires prévus par les lois contestées ont en revanche été épargnés, dans leur principe, par le Conseil constitutionnel.
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[61]
CEDH, 17 octobre 2013, n° 27013/07, Winterstein et autres c. France.
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[62]
Ainsi que Valérie Bernaud – qui a réalisé la recherche pour la France – l’a mis en évidence.
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[63]
Selon les recherches menées par Miguel Pérez-Moneo.
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[64]
Daniele Chinni a recensé et analysé la jurisprudence constitutionnelle en Italie.
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[65]
Il s’agit des décisions n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014, *M. David V. *; n° 2014-402 QPC du 13 juin 2014, *M. Lionel A. *; et n° 2017- 623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux. Cette dernière n’aborde cependant pas la question au fond.
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[66]
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-122 QPC du 29 avril 2011, Syndicat CGT et autre. Ce sont l’ensemble de ces vocables (« travailleurs », « travailleurs précaires », etc., mais aussi ces différents types de contrats) qui ont été recherchés au sein des tables analytiques du Conseil constitutionnel pour identifier les décisions à retenir dans le cadre de cette recherche.
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[67]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 58/2006.
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[68]
Rassemblées par Hubert Alcaraz à partir d’un examen des tables analytiques du Conseil constitutionnel à partir des termes « détenu », « détention », « prison », etc.
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[69]
L’analyse de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne a été réalisée par Marco Ruotolo.
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[70]
Selon l’analyse menée par Hubert Alcaraz.
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[71]
Cour constitutionnelle italienne, arrêt n° 257/2006. Et, récemment, l’important arrêt n° 149/2018.
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[72]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 301/2012.
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[73]
Et rappelées par Marco Ruotolo.
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[74]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013, M. Yacine T. et autre, et n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, M. Johny M. Cour constitutionnelle, arrêts n° 158/2001 et n° 341/2006.
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[75]
La recherche a été réalisée par Nicolas Pauthe dans le cadre d’une convention signée avec la Cour de cassation.
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[76]
Nous renvoyons au rapport publié en ligne pour les détails de cette modélisation établie par Nicolas Pauthe.
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[77]
La recherche sur la jurisprudence administrative a été réalisée par Annabelle Pena avec le logiciel d’extraction Ariane, dans le cadre d’une convention signée avec le Conseil d’État.
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[78]
Ce qui n’a rien de surprenant, dans la mesure ce contentieux représente à lui seul 37,5 % de l’activité des tribunaux administratifs et 49,4 % de celle des cours administratives d’appel pour l’année 2018.
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[79]
Selon l’analyse d’Annabelle Pena.
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[80]
Entre mai 2010 et septembre 2019, plus de 60 QPC ont été introduites, en dehors de la matière fiscale, devant le Conseil d’État, à la suite d’un refus d’abrogation d’un décret d’application ; dans plus de 60 % des cas, le mécanisme a été utilisé par des associations, des syndicats ou des organisations d’ordre professionnel.
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[81]
Cela se vérifie, par exemple, en matière de protection des droits des détenus, la grande majorité des QPC ayant été formées par la Section française de l’Observatoire international des prisons (Conseil constitutionnel, décisions n° 2018-763 QPC du 8 février 2019, Section française de l’Observatoire international des prisons ; n° 2018-715 QPC du 22 juin 2018, Section française de l’Observatoire international des prisons ; n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016, Section française de l’Observatoire international des prisons) ; ou concernant les gens du voyage, les QPC étant portées principalement par l’Union de défense des forains (Conseil constitutionnel, décisions n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019, *Union de défense active des forains et autres *; n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, M. Jean-Claude P.).
1Si l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 soulève de nombreuses questions relevant de la technique juridique ou du « dialogue entre les juges », nul doute que l’une de celles qui préoccupent principalement les citoyens reste celle de son efficacité dans la protection de leurs droits. En complétant le système de contrôle de constitutionnalité a priori mis en place en 1958, cette nouvelle voie d’accès au Conseil constitutionnel devait permettre le renforcement de la protection des droits et libertés des citoyens et assurer, ainsi, une plus grande appropriation du texte de la Constitution par les justiciables.
2Répondant à l’appel à projets « QPC 2020 » du Conseil constitutionnel et afin d’évaluer l’efficacité de ce nouveau système de protection, la recherche collective que nous avons réalisée a eu pour ambition de dresser un bilan de la jurisprudence QPC du Conseil constitutionnel sous un angle particulier : celui de la protection des personnes qui en ont le plus besoin, celles en situation de vulnérabilité. À cet égard, comment ne pas considérer qu’un système de protection de droits et libertés, quel qu’il soit, n’est réellement efficace que s’il est véritablement capable d’offrir une protection aux personnes les plus vulnérables ?
I. Le questionnement : la QPC, outil efficace de protection des personnes en situation de vulnérabilité ? Une recherche au prisme du droit comparé
3Comme l’a mis en exergue l’ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme, Jean-Paul Costa, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire, le 30 janvier 2009, le véritable enjeu dans la protection des droits et des libertés est celui de « faire reculer les zones de non-droit et admettre que les femmes, les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les détenus, toutes les personnes vulnérables » puissent bénéficier de façon égale des libertés [1]. Pour ces personnes, seule la réponse apportée par le droit peut offrir une réelle protection et une sauvegarde de leurs droits et libertés fondamentaux. Ainsi, l’effectivité et l’efficacité de la protection des droits et des libertés des personnes se trouvant dans des situations de fragilité, de faiblesse et de besoin, semblent représenter un paramètre particulièrement pertinent pour évaluer, de manière générale, l’efficacité du système de la QPC et pour vérifier s’il offre, dans les faits, une protection conforme aux intentions affichées par ses promoteurs. Il s’est alors agi de vérifier si la QPC répond bien à son objet, c’est à dire, notamment, apporter une plus-value par rapport à la protection offerte jusque-là par le contrôle de constitutionnalité exercé a priori, spécialement - pour ce qui nous intéresse ici - lorsque sont en cause des personnes en situation de vulnérabilité. Pour répondre à cette question, il nous est également paru indispensable et particulièrement pertinent d’utiliser, dans le cadre de cette recherche, une approche comparative, en confrontant la protection offerte aux personnes vulnérables par le système français de la QPC avec les procédures similaires existant dans deux pays voisins : le « procès incident de constitutionnalité », prévu en Italie, et la « question d’inconstitutionnalité », prévue en Espagne.
4Naturellement, ce projet de recherche soulevait des interrogations préalables et, pour y répondre, la réflexion a dû, d’une part, s’accorder sur une définition des situations pouvant être considérées comme des « situations de vulnérabilité », objet de notre étude. D’autre part, quant au choix des systèmes étrangers objet de la comparaison, il s’est naturellement imposé, pour des raisons tenant à la fois à la similitude des systèmes pris en considération avec la procédure de la QPC, mais aussi à la spécialisation de nos champs d’investigation scientifique ainsi qu’à ceux de nos centres de recherche.
A. Une recherche portant sur la protection des « personnes en situation de vulnérabilité »
5Le développement de « nouvelles formes de subjectivité », promouvant des analyses qui mettent « l’accent sur la dépendance relationnelle » [2], marque le temps - le triomphe ? - de la vulnérabilité. Avec la faiblesse, la précarité ou encore la fragilité, elle scande désormais de plus en plus régulièrement les dispositifs institutionnels imaginés par un État qui peine à assumer sa dimension sociale, sans renier pour autant son ambition et son éthique du care and welfare. Elle apparaît également, et presque au moins mécaniquement, de plus en plus régulièrement dans les décisions juridictionnelles. Mais, disons-le franchement : ce concept, qui a connu, dans les dernières années, un très grand essor dans de nombreux champs disciplinaires [3], y compris dans le champ du droit [4], voit ses contours échapper à une délimitation nette [5]. Il fallait, alors, définir le champ de l’analyse, pour ce qui concerne les personnes, justiciables, objet de la protection accordée par les procédures incidentes de constitutionnalité, et nous saisir, pour ce faire, de cette notion.
6D’une manière générale, la personne vulnérable est celle qui peut être blessée, qui présente une certaine faiblesse car elle est atteinte dans son intégrité physique, psychique ou encore patrimoniale. A cet égard, le concept de vulnérabilité est un concept « fédérateur » [6], susceptible d’englober une pluralité de situations différentes. Le débat philosophique et juridique sur la vulnérabilité tourne essentiellement autour de deux approches différentes. Il existe, ainsi, une acception « catégorielle » de la vulnérabilité (en ce sens la vulnérabilité serait, en quelque sorte, un état intrinsèque de certaines catégories ou groupes de personnes, tels que les enfants ou les personnes malades) et une acception « situationnelle », la vulnérabilité étant considérée comme une situation extrinsèque, pouvant toucher n’importe qui et à tout moment, une situation de faiblesse dans laquelle tout le monde peut, potentiellement, se retrouver.
7Ainsi, retenir l’expression « personnes en situation de vulnérabilité », tout comme la décision de réaliser notre recherche par « catégories » de personnes en situation de vulnérabilité, ne constituent pas des choix anodins. En effet, entre les deux approches, « catégorielle » et « situationnelle », chacune avec ses défauts et ses qualités, nous avons opté pour une solution de compromis qui nous paraît être la plus pertinente et la plus performante pour répondre à notre questionnement. Il s’est agi, en d’autres termes, de tenter de déterminer si la QPC offre une protection adéquate et satisfaisante pour les droits et les libertés des personnes qui se trouvent dans des « situations de vulnérabilité », soit parce qu’elles le sont de manière, pour ainsi dire, intrinsèque (par ex. les enfants), soit parce que le contexte dans lequel ces personnes se retrouvent les place dans une situation de faiblesse, de dépendance, de manque d’autonomie (par ex. les détenus, les travailleurs précaires).
8Et, puisque nous ne pouvions évidemment pas envisager, dans le cadre de cette recherche, toutes les situations de vulnérabilité, nous avons décidé de retenir six « catégories » de personnes se trouvant dans cette situation, c’est-à-dire des cas dans lesquels le déséquilibre entre le sujet et le monde qui l’entoure est particulièrement caractérisé et nécessite ainsi la mise en œuvre d’une protection accrue. Dès lors, la recherche a concentré son analyse sur le cas des mineurs (y compris les mineurs étrangers non accompagnés), des personnes malades ou souffrant d’un handicap, mais aussi des étrangers, des gens du voyage, des travailleurs précaires (ou des personnes sans emploi) et, enfin, sur le cas les détenus. Par ailleurs, il ne nous a pas échappé qu’il existe des situations dans lesquelles les « vulnérabilités » se cumulent, en quelque sorte, tel le cas d’un détenu, étranger, malade, ou d’un mineur étranger, par exemple [7]. Ces cas ont été pris en compte par nos différents contributeurs dans l’analyse de la jurisprudence des juges constitutionnels.
9A travers l’analyse de l’ensemble de la jurisprudence QPC depuis sa mise en place, mais également, dans la mesure du possible, des décisions de non-renvoi, il s’est agi de rechercher si ces personnes parviennent, ou pas, jusqu’au prétoire du Conseil constitutionnel et si, finalement, la protection accordée à leurs droits et libertés est réelle. Au-delà de cette appréciation qui relève du fond, il y avait lieu, dans le même temps, d’évaluer la procédure elle-même, afin de dire si elle s’est révélée adaptée à ces situations particulières qui touchent des personnes qui ont souvent des difficultés à saisir un juge et poursuivre un contentieux jusqu’à son achèvement. La recherche a donc abordé à la fois, inévitablement, des aspects substantiels et procéduraux. C’est la raison pour laquelle, outre des études comparatives, des analyses transversales ont été réalisées, concernant les six « catégories » de personnes en situation de vulnérabilité, afin d’identifier les difficultés et les atouts du mécanisme de la QPC devant le juge ordinaire français, ainsi que le rôle joué par les associations dans l’accès des personnes vulnérables à la QPC. Dans le cadre d’une telle analyse, à propos de l’attitude du juge ordinaire, il aurait été intéressant d’étudier les rapports entre la QPC et le contrôle de conventionnalité de la loi opéré par ce juge, afin de vérifier si, lorsqu’il intervient pour filtrer les questions, il ne privilégie pas le second instrument plutôt que le premier. En effet, il n’est pas impossible qu’une connaissance, faite aussi d’habitudes à l’égard de la manipulation du droit international conventionnel, en particulier de la Convention européenne des droits de l’homme, l’encourage à préférer ce type d’instrument. Toutefois, compte tenu de notre objet d’analyse, de ses dimensions, et dans l’optique comparative qui est la nôtre (les deux systèmes étrangers objet de la comparaison ne connaissant pas, selon des modalités comparables à la formule française, le contrôle de conventionnalité opéré par le juge ordinaire), cette question, complexe - sujet de recherche à part entière - ne pouvait être examinée.
B. Une recherche réalisée au prisme du droit comparé
10Pour que l’évaluation de ces éléments nationaux soit la plus éclairée possible, l’introduction d’un critère externe de comparaison, à travers le recours au droit comparé, nous a paru indispensable. Voilà pourquoi le projet s’est proposé de réaliser une comparaison entre la jurisprudence produite par le Conseil constitutionnel depuis l’introduction de la QPC et celle des cours constitutionnelles italienne et espagnole rendue dans le cadre des procédures de contrôle de constitutionnalité de la loi par voie préjudicielle (giudizio in via incidentale et cuestión de inconstitucionalidad). Cette approche et le choix des systèmes italien et espagnol, comme termes de la comparaison, se sont imposés non seulement pour des raisons tenant à la similitude des trois systèmes contentieux - les systèmes italien et espagnol ayant, d’ailleurs, fortement inspiré le constituant français au moment de la création de la QPC - mais aussi compte tenu des champs d’investigation traditionnels des deux équipes de recherche qui ont porté ce projet : le CDPC-Jean-Claude Escarras (Université de Toulon), spécialisé en contentieux constitutionnel italien, et l’IE2IA (Université de Pau et des Pays de l’Adour), spécialisé en contentieux constitutionnel ibérique [8].
1. Le cadre de la comparaison
11Comme chacun sait, pour bâtir la nouvelle voie de droit qu’est la QPC, le constituant français s’est beaucoup inspiré de mécanismes existants dans d’autres systèmes de justice constitutionnelle, notamment du recours par la voie incidente utilisé en Italie depuis près de soixante-dix ans ou encore de celui, similaire, prévu en Espagne pour le contrôle de constitutionnalité des lois depuis 1978. Par ailleurs, tout en se nourrissant de ces expériences, le mécanisme de la QPC a adopté certaines spécificités, essentiellement, mais pas seulement, destinées à éviter les écueils constatés chez nos voisins. Le droit comparé et ses enseignements ont donc joué un rôle déterminant dans l’introduction et dans l’architecture de la question prioritaire de constitutionnalité ; dès lors, il est, au même titre, un outil utile d’évaluation de ses résultats [9]. Toutefois, précisons, avant tout, qu’en Italie et en Espagne, comme en France, plusieurs voies d’accès au juge constitutionnel existent. Le contrôle par voie préjudicielle de la constitutionnalité de la loi, autrement dit le doute de constitutionnalité de la loi né lors d’un procès ordinaire et renvoyé au juge constitutionnel par le juge en charge de ce procès - compte tenu de son incompétence radicale à le lever -, ne représente que l’un des moyens d’accès au juge constitutionnel. Une voie de droit qui, au surplus, peut revêtir un rôle différent dans chacun de ces trois pays.
12Ainsi, en Italie, à côté de la question préjudicielle, dénommée « recours par voie incidente », figure le « recours par voie principale », déclenché par l’État ou les régions afin de protéger leur sphère de compétence respective [10]. En Espagne, les voies d’accès au juge constitutionnel sont nombreuses et, à côté de la question préjudicielle, appelée « question d’inconstitutionnalité », prennent, notamment, place le « recours d’inconstitutionnalité », abstrait, déclenché par voie d’action par des autorités politiques, mais également, et surtout, une voie d’accès directe des citoyens au Tribunal constitutionnel pour la sauvegarde de certains de leurs droits et libertés constitutionnels : le recours d’amparo constitutionnel [11]. Ce recours, qui, contrairement aux recours par voie préjudicielle, ne peut jamais être dirigé contre une loi, peut, en revanche, porter sur les actes parlementaires non-législatifs, mais également sur les actes administratifs et juridictionnels, ce qui lui confère, aux yeux des justiciables, un intérêt concret pour la défense de leurs droits fondamentaux. Il peut, d’ailleurs, être déclenché par toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime, lorsqu’elle estime ne pas avoir obtenu protection de ses droits par le juge ordinaire, mais aussi par le ministère public et le Défenseur du peuple. Il n’y donc pas de filtre à proprement parler pour ce recours au stade de son déclenchement [12], ce qui, outre ses autres caractéristiques, explique le succès de cette procédure.
13Malgré la présence d’autres voies d’accès au juge constitutionnel et, notamment en Espagne malgré la présence du recours d’amparo, la recherche s’est concentrée sur la comparaison de la jurisprudence produite par ces deux juges constitutionnels dans le cadre de la question préjudicielle, seule voie pouvant véritablement être comparée avec la QPC. Bien évidemment, cela n’interdit pas de tenir également compte des résultats produits par les autres contentieux constitutionnels, chaque fois que cela est pertinent pour la recherche. En particulier, une réflexion sur la concurrence des contentieux dans la protection des personnes en situation de vulnérabilité apparaît particulièrement bienvenue. A cet égard, il faut également rechercher si ce ne sont pas ces autres procédures qui absorbent l’essentiel du contentieux et protègent donc davantage les personnes en situation de vulnérabilité. La réponse à cette question est déterminante concernant la QPC car cette voie de recours constitue, en France, la seule voie d’accès des individus au juge constitutionnel et, qui plus est, la seule voie de contrôle a posteriori de la constitutionnalité de la loi.
14Un mot, alors, sur les principales caractéristiques des recours par voie préjudicielle, objet de notre recherche. Le système, désigné comme le « recours par voie incidente », mis en place en Italie par l’article 134 de la Constitution de 1947 [13], permet aux parties au litige, au ministère public ou bien, d’office, au juge du litige, de saisir, au cours d’un procès et sous certaines conditions, la Cour constitutionnelle italienne afin de contrôler la conformité à la Constitution « d’une loi ou d’un acte ayant force de loi ». Pour renvoyer la question devant la Cour, le juge a quo doit vérifier l’existence de deux conditions : le caractère pertinent de la question (la rilevanza) - la solution du litige doit dépendre de la résolution de cette question - et son caractère non manifestement infondé (la non manifesta infondatezza) [14]. Le contrôle peut alors être opéré à l’égard de toute violation de la Constitution, et non seulement pour la protection des droits fondamentaux [15]. Rappelons, enfin, que ce recours sur renvoi du juge ordinaire constitue, en Italie, le principal mode de saisine de la Cour constitutionnelle et connaît indéniablement, depuis près de soixante-dix ans, un très grand succès pour la protection des droits fondamentaux [16].
15Le système de contrôle dit « question d’inconstitutionnalité », prévu par l’article 163 de la Constitution espagnole de 1978 [17], permet, lors d’un procès, aux parties ainsi qu’au juge, éventuellement d’office, de saisir le Tribunal constitutionnel d’une question d’inconstitutionnalité à l’encontre d’une « norme ayant force de loi ». Autrement dit, si, à l’occasion d’un procès, surgit un doute quant à la constitutionnalité d’une disposition législative, seul le Tribunal constitutionnel est compétent pour le trancher et une question d’inconstitutionnalité doit alors lui être renvoyée. Évidemment, deux conditions essentielles sont posées. D’une part, la norme contestée doit être applicable au procès et en conditionner l’issue : il s’agit de la relevancia, c’est à dire de la pertinence de la question. D’autre part, il faut que le juge auteur de la question doute de la constitutionnalité de la loi dont il doit faire application, c’est à dire qu’il doit « estimer » qu’une violation de la Constitution (dans son ensemble) s’est produite [18]. Enfin, si la question d’inconstitutionnalité doit aujourd’hui faire face à la concurrence du recours d’amparo, elle demeure une voie de droit capitale permettant aux cours et tribunaux espagnols de participer à la garantie de la Constitution, tout en centralisant l’unité de l’interprétation de la Constitution dans les mains du Tribunal constitutionnel. Elle partage, d’ailleurs, avec le recours d’inconstitutionnalité, les traits communs aux « procédures de déclaration d’inconstitutionnalité » [19] et permet, comme lui, de rechercher « l’épuration abstraite de l’ordre juridique », selon l’expression du Tribunal constitutionnel lui-même.
2. La pertinence de la comparaison
16Afin de mieux appréhender les spécificités du fonctionnement des trois procédures, évoquons ce qui distingue les systèmes italien et espagnol par voie préjudicielle du système de la QPC. A cet égard, une première différence, considérable, doit être mise en exergue, différence qui concerne l’inspiration et la conception même du mécanisme. Contrairement aux questions préjudicielles italienne et espagnole, en effet, la QPC française ne peut être soulevée que par les justiciables et uniquement lorsqu’est en cause une éventuelle violation des droits et libertés que la Constitution garantit. La QPC répond ainsi à une conception subjective de protection des droits et libertés des justiciables ; elle est un « droit » [20] des justiciables orienté vers la protection de leurs droits. Rien de tel en Espagne et en Italie : la question de constitutionnalité y a été conçue avec une finalité objective, comme un mécanisme d’épurement de l’ordonnancement juridique visant à faire disparaître les normes contraires à la Constitution [21]. C’est, d’ailleurs, la source, en France, de l’impossibilité pour le juge ordinaire de soulever d’office une question prioritaire de constitutionnalité, alors qu’il peut le faire en Italie ou en Espagne. De ce point de vue, la question de savoir si la QPC, « droit des justiciables », est effectivement utilisée par les plus faibles d’entre eux, rapprochée et comparée avec ce qui se passe chez nos voisins - qui, quant à eux disposent de procédures certes similaires mais n’ayant pas été créées, en principe, pour cette finalité -, révèle alors tout son intérêt [22].
17Ensuite, au stade du filtre, une seconde différence frappe : seul le système français de la QPC met en place un double filtre, la question de constitutionnalité devant forcément transiter par les cours suprêmes - Cour de cassation ou Conseil d’État - avant de parvenir au prétoire du Conseil constitutionnel, tandis qu’en Italie et en Espagne tous les juges ordinaires peuvent saisir directement le juge constitutionnel, au moyen d’une ordonnance soigneusement motivée qui sera, par la suite, contrôlée par le juge constitutionnel lui-même [23]. Les conséquences possibles sont alors nombreuses. Ainsi en va-t-il d’éventuels effets sur la procédure d’accès au juge constitutionnel, accès qui pourrait s’avérer largement entravé, notamment pour les personnes en situation de vulnérabilité qui sont, en principe, plus démunies face à la machine juridictionnelle. D’éventuels effets, également, sur les juges eux-mêmes, en particulier sur la conception de leur rôle dans le mécanisme de la question préjudicielle de constitutionnalité. Ajouté à l’impossibilité pour les juges de saisir d’office le Conseil constitutionnel, ce double filtre « à la française » peut également peser sur la « culture constitutionnelle » et le « réflexe constitutionnel » que les juges français peuvent, ou auraient pu, acquérir - en particulier lorsqu’il s’agit de violations de droits et libertés - à la suite de la mise en place de la QPC.
18Enfin, contrairement aux systèmes espagnol et italien, dans lesquels les textes restent muets sur ce point, le système mis en place en France prévoit la possibilité pour le juge constitutionnel de différer dans le temps les effets d’une déclaration d’inconstitutionnalité. Cette différence importante, relative aux suites des décisions des juges constitutionnels, n’est, bien évidemment, pas sans conséquences au moment de s’interroger sur l’efficacité d’un système de protection. Apparaîtra alors si, et dans quelles conditions, le Conseil constitutionnel français a utilisé cet instrument dans le contentieux QPC, sans que l’on néglige de rechercher dans quelle mesure les juges constitutionnels italien et espagnol ont néanmoins pu, dans leur pratique jurisprudentielle, moduler les effets de leurs décisions afin de garantir une protection plus efficace des droits des personnes en situation de vulnérabilité [24].
II. Le(s) choix méthodologique(s) : la démarche comparatiste, outil performant d’évaluation de la QPC
19Pour mener à bien cette recherche, il fallait constituer une équipe scientifique. Pour ce faire, nous avons fait appel à la fois à des enseignants-chercheurs français, spécialisés dans le contentieux constitutionnel français et étranger, mais aussi à des collègues italiens et espagnols, spécialisés eux aussi, et parmi lesquels certains travaillent auprès des juges constitutionnels de leurs pays (Cour constitutionnelle italienne et Tribunal constitutionnel espagnol), ce qui, au-delà de la valeur ajoutée, a facilité l’accès aux sources et à la jurisprudence et permis de mieux saisir les méthodes de raisonnement. En outre, deux chercheurs de l’équipe ont mené une étude concrète de récolte de données auprès du Tribunal constitutionnel espagnol et de la Cour constitutionnelle italienne. D’un point de vue méthodologique, la recherche comparative a été menée en deux temps et s’est déclinée concrètement en trois rencontres.
A. Une recherche réalisée en deux temps
20Dans un premier temps, il a été nécessaire de travailler en « droit étranger », c’est-à-dire de réaliser une recherche approfondie visant à maîtriser le système de protection et la jurisprudence de chaque pays étudié, dans le domaine envisagé. Ainsi, une première analyse de la jurisprudence des cours constitutionnelles a été réalisée par chaque chercheur dans les trois ordres juridiques envisagés : chaque chercheur a recensé de manière exhaustive l’ensemble des décisions rendues par le juge constitutionnel du pays examiné au regard de la « catégorie » de personnes vulnérables étudiée, en identifiant en même temps les principales questions de fond soulevées ainsi que les réponses apportées. Il s’agissait de travailler à partir de données « brutes », en recensant de manière systématique toutes les décisions rendues, catégorie par catégorie, afin d’établir des éléments statistiques, mais aussi et surtout de mettre en lumière les principales questions de fond posées au juge constitutionnel et les réponses apportées par lui. L’attribution des divers champs d’étude a été concertée dès le début avec les différents participants au projet, en fonction des affinités scientifiques et des domaines de compétence de chacun. Par ailleurs, afin d’assurer la faisabilité et la pertinence de la recherche, pour l’Italie et l’Espagne, seule la jurisprudence produite à partir du 1er janvier 2000 a été retenue, offrant ainsi un recul temporel et un volume de données suffisants. Bien évidemment, cela n’a pas exclu des renvois à des solutions antérieures, lorsque ces renvois étaient pertinents.
21Dans un second temps, et sur la base des données et connaissances récoltées, a été réalisée la comparaison proprement dite, par la confrontation de ces données et la mise en perspective qui en est ressortie quant à l’efficacité du système de protection QPC. Ainsi, les résultats obtenus ont-ils été rapprochés, afin de mettre en lumière les convergences et les divergences entre les trois systèmes étudiés.
B. Une recherche déclinée en trois rencontres
22Dans le cadre du projet, trois rencontres ont eu lieu entre les membres du groupe de recherche : deux séminaires, en novembre 2018 et mai 2019, et un colloque final en novembre 2019. Lors du premier séminaire de travail, une difficulté, en particulier, est apparue : la masse considérable des décisions (4723), rendues entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2018, par la voie du contrôle incident de constitutionnalité de la loi par la Cour constitutionnelle italienne. Une sélection a donc dû être réalisée pour retenir les décisions les plus pertinentes ou soulevant des éléments forts au sein de la jurisprudence constitutionnelle italienne. En Espagne, la difficulté était inverse car le contrôle de constitutionnalité de la loi par voie incidente - la question d’inconstitutionnalité - est utilisé de manière résiduelle par rapport au recours d’amparo constitutionnel, qui reste la voie maîtresse pour la protection des droits fondamentaux. Les chiffres sont particulièrement éloquents : dans le cadre du contrôle incident, sur la période étudiée, le Tribunal constitutionnel espagnol a été saisi annuellement, en moyenne de 94 questions d’inconstitutionnalité ; dans le même temps, les recours d’amparo se sont établis en moyenne autour de 6000 à 7000 saisines annuelles. A l’occasion du second séminaire, des études synthétiques ont été complétées et mises à jour, en même temps que de nouvelles pistes de réflexion étaient explorées. Enfin, pour le colloque final, afin de permettre des échanges et des discussions féconds et interactifs, les contributions de chacun ont été préalablement partagées afin de pouvoir organiser des tables rondes. De cette façon, chaque chercheur pouvait discuter de manière dynamique des points critiques, des singularités procédurales, des convergences et des divergences de fond entre systèmes, toujours à travers le prisme des droits et libertés. Chacun pouvait, ainsi, également débattre des éléments lui paraissant les plus remarquables.
III. La question prioritaire de constitutionnalité protège-t-elle réellement les personnes en situation de vulnérabilité ? Une perspective comparée France-Italie-Espagne
23A la lumière des réflexions menées à l’heure de construire l’objet de la recherche, et compte tenu des présupposés méthodologiques retenus, six catégories de personnes en situation de vulnérabilité ont été retenues, toutes propres à illustrer le caractère opératoire ou, au contraire, défaillant, de la protection procurée par les mécanismes de contrôle incident de la constitutionnalité de la loi. Avant d’aborder l’analyse de la jurisprudence des trois pays sur ces six catégories, il a fallu se saisir de la notion, mouvante, de vulnérabilité, et étudier en particulier, par des recherches transversales, si les juges constitutionnels des trois pays se sont appropriés cette notion ou si, au contraire, ils l’ont délaissée ou, même, totalement ignorée. L’analyse a alors montré que si la notion est rare devant les juges français et espagnol, elle est, en revanche, promue dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne.
24De ce point de vue, la France est sans doute l’État qui se distingue le plus nettement, parmi les trois étudiés. En effet, c’est la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui y fait le plus rarement référence et, paradoxalement moins encore dans le cadre du contrôle a posteriori de la loi que dans celui du contrôle a priori [25]. Au surplus, c’est souvent par le biais de la reprise des termes employés par la loi, objet du contrôle, que la mention de la vulnérabilité intervient. Quant au Tribunal constitutionnel espagnol [26], il apparaît qu’entre 2000 et aujourd’hui, 90 décisions mentionnent la « vulnérabilité spéciale » de certaines personnes ou de certains groupes. Mais cette expression ne voit jamais son contenu ou son sens détaillé par le juge constitutionnel espagnol. Et encore s’agit-il, à l’image de ce qui se produit en France, de références « provoquées » par les qualifications posées par la loi examinée.
25Au contraire, la jurisprudence constitutionnelle italienne se distingue, quant à elle, par des références qui, si elles restent rares, n’en produisent pas moins des développements, explicites et de plus en plus nombreux, consacrés à la notion et à son sens. Ainsi, la recherche, réalisée par Giuliano Serges, fait ressortir 4 décisions dans lesquelles le terme « vulnérabilité » apparaît [27]. Plus fréquente, en revanche, est l’utilisation de l’expression « soggetti deboli » (« personnes faibles »), qui apparaît dans 27 décisions. De l’analyse de cette jurisprudence, ressort un double constat : d’une part, la Cour constitutionnelle lie la notion de vulnérabilité à celle de dignité humaine ; d’autre part, plus remarquable encore, en présence de personnes vulnérables, la Cour va jusqu’à « forcer » les règles du procès par la voie incidente pour assurer une meilleure protection des droits de ces personnes [28].
A) La protection des mineurs
26A l’égard des mineurs, quel que soit l’ordre juridique en cause - espagnol, italien ou français - un même constat s’impose : celui du souci des pouvoirs publics de protéger l’enfance, à travers la catégorie juridique du mineur, dont les systèmes constitutionnels n’ont pas manqué de se saisir. Pour une raison d’âge, la personne se trouve alors placée dans une situation de risque qui peut l’empêcher de jouir pleinement des droits dont elle est titulaire. Aujourd’hui, il ressort de l’examen de la jurisprudence constitutionnelle que la protection dont bénéficient les mineurs se déploie tant à travers la protection de la personne du mineur que l’encadrement des distinctions entre filiations, mais aussi à travers les cas particuliers des mineurs étrangers et de la défense pénale des mineurs.
27Sur le plan quantitatif, nulle part le contrôle de constitutionnalité par voie incidente n’a été déclenché par un mineur agissant de manière autonome, sans intervention de son représentant légal. En Espagne [29], sur la période envisagée, ce sont 54 décisions, parmi lesquelles 46 arrêts et 8 ordonnances de non-admission pour caractère notoirement infondé, qui ont été rendues par le Tribunal constitutionnel. La plus grande partie sont des jugements de non-admission (44 % des affaires), ou des jugements de rejet au fond (40 %). Seuls 16 % des doutes de constitutionnalité ont été confirmés. En Italie [30], les chiffres sont plus considérables encore : en tout, ce sont 77 décisions qui ont été recensées sur la période, parmi lesquelles figurent 41 arrêts et 36 ordonnances, décisions dans lesquelles l’intérêt supérieur de l’enfant joue un rôle central. En France, c’est un ensemble de 17 décisions QPC traitant des mineurs qui peut être identifié [31]. Là aussi, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant tient une place particulièrement importante, peut-être plus encore depuis que ce concept s’est vu explicitement reconnaître valeur constitutionnelle en 2019 [32]. Comme en Espagne et en Italie, une part de la jurisprudence est plus spécifiquement consacrée à deux « catégories » particulières de mineurs : d’une part, les mineurs étrangers et, d’autre part, les mineurs délinquants. Le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant se décline, en réalité, à travers plusieurs exigences qui se réunissent autour de la protection de la personne du mineur.
28Les thèmes évoqués concernent le mineur en tant que personne, sa vie et sa santé, son insertion dans une famille, l’éducation à laquelle il a droit, mais aussi et, de façon particulièrement intéressante s’agissant du mode d’appréciation de la violation d’un droit, le respect de sa vie privée. La sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant se déploie à travers plusieurs impératifs qui tendent à protéger la personne du mineur lui-même. Toutes ces exigences dessinent des droits spécifiques à son bénéfice qu’il s’agisse, à travers sa personne, de sauvegarder tant sa santé et sa vie, que sa volonté et son identité. A cet égard, en Espagne et en Italie, la volonté du mineur est garantie à l’occasion de divers moments ou évènements durant lesquels elle se déploie, aussi bien en tant que droit à l’autodétermination - dans l’accès à l’IVG en Italie, par exemple -, que dans le déroulement de sa vie privée et familiale, en particulier dans ses liens avec ses parents, ou dans l’obligation pour le juge - partout consacrée - de le consulter pour la prise des décisions qui concernent le déroulement de sa vie personnelle. L’identité du mineur, quant à elle, a fait l’objet de développements particulièrement remarquables de la part des jurisprudences constitutionnelles à l’occasion du contrôle incident de constitutionnalité, tant à travers la question du droit à la connaissance de ses propres origines - en France [33] et, plus encore en Italie, où la Cour n’a pas hésité à demander au législateur de prévoir la possibilité de consulter la mère, qui a déclaré ne pas vouloir être identifiée, en vue d’une éventuelle révocation de cette déclaration [34] -, que par le biais de celle de la recherche de paternité - en Espagne et en Italie - [35] ou de l’attribution du nom de famille, ce dernier point ayant même provoqué deux interventions, à dix ans de distance, de la Cour constitutionnelle italienne afin de censurer l’inertie du législateur [36]. C’est pourtant, peut-être, le Tribunal constitutionnel espagnol qui est allé le plus loin, récemment, n’hésitant pas à reconnaître - à propos de la modification de la mention du sexe à l’état civil - l’autodétermination dont doit pouvoir jouir le mineur éclairé [37].
29La distinction entre filiation légitime et filiation naturelle et, plus exactement, les conséquences juridiques susceptibles d’être attachées à cette différenciation, représente un thème largement abordé par les jurisprudences constitutionnelles espagnole et italienne et clairement orienté vers la disparition des discriminations. Les mineurs étrangers font, quant à eux, l’objet d’une jurisprudence à la fois abondante et spécifique, quel que soit l’ordre juridique en cause, à l’image de la construction d’un ensemble de principes propres à une justice pénale des mineurs. Dans toutes ces hypothèses, la jurisprudence des juges constitutionnels démontre une volonté de défendre, par le fait même de la minorité, l’enfant, au moyen d’un régime de protection constitutionnelle spécifique. En Italie, la Cour constitutionnelle cherche, de plus en plus, à trancher les affaires dont elle est saisie de façon précise plutôt que générale. En Espagne, beaucoup de sujets ou de questions qui intéressent les mineurs, sont envisagés par le recours d’inconstitutionnalité, davantage que par la voie de la question d’inconstitutionnalité. Lorsque ce sont les personnes en situation de vulnérabilité elles-mêmes qui agissent, comme dans les autres champs envisagés par la recherche, la voie d’accès privilégiée reste le recours direct (amparo).
B) La protection des personnes malades et handicapées
30Le thème des personnes handicapées et des personnes malades touche, d’une part, une catégorie de personnes vulnérables bien déterminée - les personnes souffrant d’un handicap - d’autre part, des situations de vulnérabilité présumée, caractérisées par la maladie, pouvant même être temporaires, à savoir celles dans lesquelles se trouvent les personnes malades. Concernant, tout d’abord, la protection des personnes malades, l’analyse quantitative laisse apparaître une différence importante entre les trois pays. En effet, alors qu’en Espagne seules 3 décisions sont recensées dans ce domaine [38], en France, le droit à la santé semble occuper une place non négligeable, car 32 décisions QPC ressortent de la recherche [39], parmi lesquelles 18 sont véritablement pertinentes. L’Italie est, sans doute, le pays où l’on dénombre une quantité considérable de décisions - même à l’égard des autres catégories étudiées dans cette recherche - car entre 2000 et 2019, 670 décisions sont recensées concernant le domaine du droit à la santé [40].
31L’analyse de ces décisions a fait ressortir notamment une thématique émergente et commune aux trois pays : celle des soins sans consentement. En France, c’est précisément sur ce terrain que la QPC fournit son principal apport en matière de droit à la santé. Comme le constate Laurence Gay, cette procédure « a permis l’émergence d’un contentieux nouveau, qui n’était pas présent dans le contrôle a priori car les textes étaient anciens : c’est le thème des soins « forcés, sans consentement ». Même d’un point de vue statistique, il s’agit de la thématique de santé la plus traitée en QPC, avec 8 décisions sur les 18 retenues, dont 7 qui portent sur les hospitalisations psychiatriques sans consentement. En Italie aussi, la problématique des « traitements sanitaires obligatoires » est sans doute l’un des thèmes les plus intéressants qui ressort de la jurisprudence en matière de droit à la santé, tout comme en Espagne, où la question des soins sans consentement - en particulier celle de l’hospitalisation sous contrainte - est, dans les faits, la seule qui ressort de la jurisprudence par la voie incidente.
32Sur le fond, les conditions du placement, du maintien et de la mise à terme d’une hospitalisation sans consentement ont été censurées par le Conseil constitutionnel [41], tandis qu’en Italie, la Cour constitutionnelle a, notamment, censuré le caractère automatique de l’hospitalisation de personnes condamnées pénalement, et présentant de graves troubles psychiatriques, au sein d’établissements psychiatriques judiciaires. En Espagne, en revanche, bien que la question de l’hospitalisation sous contrainte de personnes atteintes de troubles mentaux ait été abordée par le Tribunal constitutionnel par la voie préjudicielle, c’est essentiellement une question formelle qui a été tranchée, à savoir si la procédure de l’enfermement prévue par ces dispositions relevait de la compétence de la loi organique ou de la loi ordinaire.
33Dans le domaine des soins sans consentement, une question particulièrement délicate a été jugée, d’une manière fort audacieuse, par la Cour constitutionnelle italienne, en matière d’aide au suicide. Par l’ordonnance Cappato de 2018 [42], la Cour a décidé, de manière inédite, de repousser l’audience d’une année, afin de permettre au Parlement italien de légiférer dans ce domaine éminemment éthique et politique. Face à l’inertie du législateur, en septembre 2019, la Cour constitutionnelle s’est prononcée par une déclaration d’inconstitutionnalité partielle assortie d’une réserve d’interprétation additive [43], déclarant non punissable l’aide au suicide dans certaines conditions. L’attitude adoptée par la Cour constitutionnelle dans cette affaire, consistant à « forcer » les règles du procès incident afin d’assurer une protection pleine et efficace des droits des personnes considérées comme particulièrement vulnérables, peut être interprétée comme une manifestation d’une volonté aigüe de la Cour de protéger les droits fondamentaux, lorsque ces droits concernent des personnes se trouvant en situation de vulnérabilité.
34De même, en matière de handicap, la Cour constitutionnelle italienne s’est montrée très soucieuse de protection, notamment par l’adoption de nombreux arrêts additifs de prestation, obligeant le législateur à fournir des prestations pécuniaires pour garantir les droits des personnes handicapées, tel le droit à l’instruction, le droit de circuler librement ou le droit d’obtenir une assistance.
35En France, en revanche, malgré 5 décisions QPC dans cette matière, la protection des personnes handicapées n’a pas connu de réelles évolutions depuis l’apparition de la QPC. En Espagne enfin, la question n’a pas été abordée dans le cadre de la voie incidente de constitutionnalité.
36Ainsi, l’analyse de la jurisprudence QPC en matière de protection des personnes malades ou handicapées a mis en évidence des apports, tout particulièrement dans le domaine des soins sans consentement. Cependant, face à la jurisprudence audacieuse de la Cour constitutionnelle italienne, censurant notamment l’inertie du législateur, le Conseil constitutionnel peut apparaître timide au regard des possibilités qu’offre la QPC pour protéger les personnes vulnérables pour des situations liées à leur santé.
C) La protection des étrangers
37Comme le souligne le Professeur Olivier Lecucq, l’identification, le contenu et l’efficacité des droits fondamentaux doivent beaucoup au droit appliqué aux étrangers car ils représentent une catégorie humaine dont les droits et libertés sont souvent susceptibles d’être bousculés, voire bafoués, compte tenu de la condition qui est la leur par rapport à la communauté étatique de référence. N’appartenant pas à la communauté nationale, les étrangers sont sans aucun doute une catégorie de personnes vulnérables, soumise, d’ailleurs, au joug de la politique d’immigration, de sorte que leurs droits ont toujours constitué une sorte de laboratoire expérimental de ce que peut subir tel ou tel droit fondamental. Cela est aussi vrai, au demeurant, sur le plan processuel : l’aptitude d’un recours juridictionnel à offrir une protection utile aux étrangers est souvent le révélateur de son opportunité et de son efficacité.
38L’analyse de la jurisprudence constitutionnelle relative aux étrangers dans les trois pays examinés, révèle, d’un point de vue quantitatif, des écarts assez importants, toute proportion gardée. Alors qu’en Italie on dénombre 330 décisions adoptées entre 2000 et 2019 [44] et, en France, 23 QPC sur les 811 rendues jusqu’au 1er novembre 2019 [45], en Espagne, en revanche, aucune décision du Tribunal constitutionnel n’a été repérée dans le cadre de la question d’inconstitutionnalité [46]. Ceci s’explique sans doute par le fait que, dans ce pays, la quasi-totalité des lois concernant les étrangers a fait l’objet d’un recours d’inconstitutionnalité, déclenché par des autorités politiques ou le Défenseur du peuple [47]. Ces recours ont donné lieu à une jurisprudence particulièrement fournie de la part du juge constitutionnel, auxquels s’ajoutent les quelques 150 recours d’amparo qui ont pu utilement compléter le droit constitutionnel des étrangers. Par ailleurs, la recherche sur la jurisprudence italienne a pris en compte aussi, de manière complémentaire, le procès par voie principale, promu par l’État ou les régions afin d’assurer le respect de la répartition des compétences prévue par la Constitution. Dans ce cadre, 30 arrêts viennent compléter l’analyse.
39D’une manière générale, en France comme en Italie, le juge constitutionnel a mobilisé les dispositions de la Constitution afin d’élargir la palette des droits et libertés dont peuvent jouir les étrangers. Il suffit de songer à la consécration, inédite, du principe de fraternité, à propos des dispositions du CESEDA prévoyant le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger et dégagé de l’article 2 de la Constitution énonçant la devise de la République [48]. Il est assez symptomatique que ce soit à l’occasion d’une décision portant sur les étrangers que le principe ait fait son entrée dans le corpus constitutionnel, s’imposant jurisprudentiellement à la loi. Ainsi, ce seul exemple suffirait à démontrer l’intérêt que peut offrir la QPC pour les personnes vulnérables que sont les étrangers. De même, la Cour constitutionnelle a mobilisé, à l’égard des étrangers, pratiquement tous les droits et libertés prévus par le texte constitutionnel, en les étendant par la voie interprétative.
40Sur le plan contentieux, le domaine du droit des étrangers est particulièrement impacté, en France comme en Italie, par la coexistence, avec la voie préjudicielle, du procès par voie d’action. En France, bien que de nombreuses lois sur l’immigration aient fait l’objet d’un contrôle a priori, l’analyse montre que le contrôle a posteriori joue pleinement son rôle, lorsqu’il permet, par exemple, de mettre rapidement en doute des dispositions législatives adoptées récemment et qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle préventif dans le cadre du procès par voie d’action [49]. Dans le même temps, à l’inverse, la QPC a permis la contestation de législations anciennes qui, par la force des choses processuelles, avaient jusqu’alors échappé à tout contrôle de constitutionnalité [50]. En Italie, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle rendue dans le cadre de la voie principale a permis de censurer, par exemple, les différenciations non-raisonnables introduites par les régions à l’égard des étrangers pour la jouissance de certains services régionaux ou, à l’inverse, elle a pu jouer parfois de manière défavorable à l’égard des étrangers, lorsque notamment l’État a souhaité garder la main sur les politiques d’immigration et de sauvegarde de l’ordre public, en faisant censurer des lois régionales plus protectrices des droits des étrangers.
41Sur le plan substantiel, en matière de droits-libertés, une tendance commune a pu être relevée : alors qu’en principe, que ce soit en France ou en Italie, la jurisprudence a toujours reconnu aux étrangers la jouissance des droits-libertés, considérés comme des droits fondamentaux dont sont titulaires tous les êtres humains, les juges constitutionnels manifestent toutefois un certain self restraint lorsqu’il s’agit de leur protection effective, car ces droits se trouvent en première ligne face aux exigences liées à la maitrise des flux migratoires et à la sauvegarde de l’ordre public.
42Malgré ce constat, l’analyse démontre tout de même que la procédure de la QPC offre aux étrangers une réelle voie de droit supplémentaire pour la défense de leurs droits fondamentaux. La QPC peut être appelée à jouer son rôle de filet ultime de protection des droits fondamentaux, lorsque les mailles judiciaires préalables ne sont pas parvenues à retenir les dispositions législatives les plus nocives [51]. En Italie, le constat dressé par Laura Montanari est similaire : même si, face aux impératifs d’ordre public la procédure par la voie incidente s’avère moins efficace, elle permet, néanmoins, à la Cour constitutionnelle de porter une attention toute particulière à la sauvegarde des garanties fondamentales des étrangers, fussent-ils en situation irrégulière.
D. La protection des gens du voyage
43Ainsi que le souligne Marthe Fatin-Rouge Stefanini, la principale cause de vulnérabilité des gens du voyage tient à la spécificité de leur mode de vie par rapport à la majorité de la population. Une vie souvent itinérante, en communauté, à bord de véhicules servant de domicile, caractéristiques auxquelles s’ajoute une façon d’être à part, issue d’une longue tradition. Aux différences de mode de vie s’ajoute une confusion entre gens du voyage, forains, roms, étrangers en situation irrégulière mais aussi, depuis quelques décennies, personnes sans domicile fixe, sans abri... Tous constituent un ensemble de personnes en situation de marginalité pour différentes raisons, avec des degrés de vulnérabilité plus ou moins importants et plus ou moins réels.
44Cependant, dans cet ensemble, les personnes qualifiées par la loi française de « gens du voyage » sont des personnes de nationalité française ne disposant ni de domicile ni de résidence fixe. Leur statut a été fixé par la loi, qui a donc fait d’eux une catégorie à part, dont le statut juridique est dérogatoire par rapport au droit commun [52]. Ce constat ne correspond, en revanche, ni à la situation italienne, ni à la situation espagnole, car, dans ces pays, aucun statut dérogatoire n’a été prévu pour ces populations. Cette différence de taille entre les trois pays explique en grande partie « l’invisibilité constitutionnelle » [53] de cette partie de la population. Cela explique aussi que, d’un point de vue statistique, seules 4 décisions [54] aient pu être dénombrées dans le contentieux incident de constitutionnalité en Italie et qu’aucune décision n’ait pu être relevée dans le cadre de la question d’inconstitutionnalité en Espagne [55]. En Italie par ailleurs, parmi les 4 décisions décomptées, seul un arrêt, rendu en 2011 [56], a traité de manière spécifique de la question des gens du voyage [57]. Quant à l’Espagne, l’explication de cette absence totale de décisions à propos de cette catégorie ne peut pas résider dans le fait qu’il existe l’alternative du recours d’amparo car, dans le cadre de ce contentieux, il n’y a pas davantage de décisions concernant les gens du voyage. De sorte que la seule explication réside dans le fait qu’il n’y a pas, en Espagne tout comme en Italie, une spécificité juridique réglementant ce phénomène social.
45La France constitue, sans doute, le cas le plus intéressant du point de vue de notre étude. Une loi de 1969, modifiée en 2000, a régi pendant longtemps le statut dérogatoire des gens du voyage. Il est à noter, en outre, que si ces lois manifestaient déjà des points critiquables du point de vue de leur conformité à la Constitution, aucune d’entre elles n’a fait l’objet, lors de son adoption, d’une saisine du Conseil constitutionnel, ce qui pourrait signifier que le système du contrôle a priori n’est pas en soi particulièrement favorable à une minorité qui n’est absolument pas représentée, même par les groupes dits minoritaires au Parlement. Dès lors, la question de l’apport de la QPC dans la protection des droits de ces personnes vulnérables ne fait que gagner en pertinence et en intérêt. De ce point de vue, il convient de souligner que les décisions QPC portant sur la législation appliquée aux gens du voyage sont peu nombreuses, puisqu’on peut en dénombrer 3 seulement au 1er novembre 2019 [58], portant directement sur la loi de 1969 ou la loi de 2000, auxquelles peut être ajoutée une décision concernant plus largement un mode de vie nomade [59].
46Il faut également souligner que le statut dérogatoire applicable aux gens du voyage a encore évolué très récemment (en 2017, 2018 et 2019), pour se rapprocher davantage du droit commun. Or, si l’on peut considérer que ces évolutions législatives sont, en partie, une conséquence des questions soulevées lors des QPC, ce n’est toutefois qu’à titre partiel. En effet, certes, sur les 3 décisions qui ont porté sur le statut applicable aux gens du voyage, 2 ont prononcé des censures. Toutefois, ces censures peuvent être considérées comme le minimum que pouvait faire le Conseil constitutionnel, car elles ne concernent que des dispositions très ciblées [60], dont l’inconstitutionnalité avait déjà été dénoncée par la doctrine, par un certain nombre d’autorités françaises tout comme par la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut dire à ce propos que si la Cour de Strasbourg a pu censurer une partie de la législation française sur les gens du voyage [61], elle l’a fait à l’issue d’un contrôle très concret et circonstancié. A l’inverse, le Conseil constitutionnel, dans le cadre de la QPC, s’est cantonné à un contrôle abstrait, qui constitue ainsi une véritable limite de cette voie de droit pour la protection des droits et libertés des gens du voyage.
47Quant à l’Italie, le seul arrêt portant directement sur les personnes nomades a censuré un dispositif discriminatoire qui les visait sans le dire. Cependant, en Italie comme en France, l’analyse montre globalement que cette catégorie de personnes vulnérables ne rentre pas forcément parmi les priorités des juges constitutionnels en matière de protection. Ceci dit, la QPC a, sans doute, constitué un atout pour les gens du voyage, en ce que les décisions QPC rendues, ont eu un effet de levier, poussant le législateur à intervenir.
E. La protection des travailleurs précaires et des chômeurs
48Les définitions de l’adjectif « précaire » mettent en lumière ce qui, d’un point de vue juridique, paraît faire la spécificité de la notion : le caractère révocable par l’autorité qui l’a accordée d’une concession, d’une permission ou, plus généralement encore, d’une faculté. Entendons par-là que, bien que l’expression « travailleur précaire » fasse aujourd’hui partie du langage courant, elle ne constitue pas une catégorie juridique cohérente et autonome, pas davantage que celle de « travailleur vulnérable » [62]. Néanmoins, des thèmes principaux se font jour, que les jurisprudences constitutionnelles ont fait surgir dans ce domaine : l’égalité femmes-hommes dans l’emploi, l’identification de catégories de « travailleurs vulnérables », l’examen des mesures de lutte contre la crise économique de 2008 et, plus spécifiquement en Italie, la confrontation de l’emploi et de la maternité. En Espagne, observons que ce sont quelques 110 arrêts qui ont été rendus, dans le cadre de questions d’inconstitutionnalité, entre 2000 et 2020. Comme en Italie, beaucoup d’affaires sont relatives aux décisions adoptées par le Gouvernement pour enrayer la crise économique [63].
49En Italie, les chiffres ne sont pas seulement remarquables du point de vue du nombre de dispositions constitutionnelles potentiellement mobilisables par le juge [64] ; ils le sont aussi du point de vue du nombre de décisions relatives à la matière : depuis l’année 2000, ce sont plus de 390 questions incidentes de constitutionnalité qui ont été portées devant la Cour constitutionnelle relativement aux travailleurs, ce qui représente, annuellement sur la période, entre 9 et 47 affaires, soit entre 0,7 et 13,1 % des procès incidents de constitutionnalité dont la Cour a eu à connaître chaque année. Ces chiffres sont à rapprocher des 4862 décisions rendues, pendant la même période, dans le cadre de jugements incidents de constitutionnalité. En France, bien qu’il ait pu paraître séduisant de circonscrire le sujet en n’étudiant que les décisions QPC relatives aux travailleurs précaires, tels que définis par quelques rares dispositions du code du travail qui font référence à la « précarité », une telle approche serait par trop réductrice. En effet, si la précarité entraîne la vulnérabilité, cette dernière est plus large, englobant aussi tous les travailleurs qui, par leurs faiblesses supposées ou avérées, intrinsèques ou passagères, peuvent voir leur statut dégradé par le biais de mécanismes institués par des textes de valeur législative. D’un point de vue statistique, le Conseil constitutionnel n’a eu à juger que d’un nombre assez restreint de QPC relatives aux contrats à durée déterminée [65], contrats de travail temporaire ou d’intérim, contrats d’apprentissage, contrats uniques d’insertion, contrats d’accompagnement dans l’emploi et autres contrats de professionnalisation [66].
50Sur le fond, le principe d’égalité représente, en Italie et plus encore en Espagne, un levier particulièrement sollicité et particulièrement efficace à l’heure de protéger les travailleurs et de développer leur statut constitutionnel ; il n’est, par ailleurs, pas ignoré en France. Si l’égalité femmes-hommes occupe une place particulière, spécialement dans l’actualité récente, elle n’a toutefois pas été la seule à nourrir les développements de la jurisprudence constitutionnelle, les motifs de discrimination à l’égard des travailleurs allant bien au-delà du seul critère du sexe. De sorte que c’est souvent à l’occasion de griefs articulés autour du principe d’égalité que les cours constitutionnelles ont pu identifier des catégories spécifiques de travailleurs placés dans une situation particulièrement vulnérable - travailleurs à temps partiel, travailleurs intérimaires, travailleurs employés de nuit, travailleurs invalides et travailleurs retraités -, n’hésitant pas, ensuite - au moins en Italie et en Espagne - à leur appliquer l’ensemble des dispositions constitutionnelles opportunes. En Italie et en Espagne, pays les premiers touchés par les effets de la crise économique de 2008, plusieurs dispositions législatives adoptées à cette occasion ont fait l’objet d’un contrôle incident de constitutionnalité, la jurisprudence constitutionnelle italienne consacrant, au surplus, des développements importants à la question des liens entre maternité et emploi.
51Quelques conclusions spécifiques aux « travailleurs précaires » peuvent être tirées de l’examen de la jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, partout, le juge constitutionnel reconnaît au législateur une importante marge de manœuvre, dès lors que l’encadrement des relations de travail est en cause. Rien n’est moins propice à la « progression qualitative » de la protection des droits des travailleurs, ainsi que l’a démontré, par exemple, la validation des dispositifs législatifs imaginés pour lutter contre les conséquences de la crise économique de 2008. La (large) compétence de principe du législateur en France est également reconnue de longue date. Sans surprise, les décisions QPC rendues n’ont pas modifié cette jurisprudence. On mesure alors d’autant mieux la différence avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne qui n’a pas hésité à reconnaître au travailleur, de manière tout à fait remarquable, la qualité de « sujet vulnérable » dans la relation contractuelle de travail [67]. Au contraire, en France, il n’existe pas dans les décisions QPC une prise en considération spécifique de la vulnérabilité de certaines personnes qui, parce qu’identifiées comme telles par le juge, bénéficieraient d’une jurisprudence plus protectrice que les autres.
F. La protection des personnes détenues
52La situation constitutionnelle des détenus dans les trois systèmes de justice constitutionnelle peut débuter par un constat partagé : la pauvreté, résultat du désintérêt longtemps manifesté, pour la condition juridique de cette catégorie particulière de la population. Il apparaît, néanmoins, que les jurisprudences constitutionnelles ont produit des évolutions qui partagent des points communs, qui s’articulent autour du sens général conféré à la peine privative de liberté et des droits des détenus. En France, longtemps a dominé l’idée selon laquelle il revient au pouvoir règlementaire de déterminer les règles de fonctionnement interne des établissements pénitentiaires. Dès lors, l’action du juge constitutionnel s’est trouvée ici marginalisée et c’est, mécaniquement, sur la jurisprudence administrative que s’est exercée prioritairement la pression du droit du Conseil de l’Europe. Cette observation peut être élargie à l’Espagne et à l’Italie.
53Alors qu’en France on recense 19 décisions QPC concernant la détention [68], en Italie, entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2018, ce sont 193 arrêts de la Cour constitutionnelle italienne qui intéressent notre champ de recherche [69]. Autrement dit, un peu plus de dix fois plus. Mais si la différence est remarquable, elle frappe également avec l’Espagne où c’est le phénomène inverse qui se produit puisqu’aucune question d’inconstitutionnalité portant sur le statut des détenus n’a pu être identifiée entre 2000 et aujourd’hui. Non pas qu’il n’y ait eu aucune question d’inconstitutionnalité formée dans des affaires intéressant le droit pénal et, plus spécialement, l’emprisonnement, mais elles ne portent pas précisément sur les droits et le statut des détenus. Au contraire, pendant la même période, plus encore que dans les autres matières, une avalanche de recours d’amparo. Un succès de l’amparo qui tient non seulement au caractère direct de l’accès au juge constitutionnel, là où la question d’inconstitutionnalité est nécessairement médiatisée par l’intervention d’un juge a quo, mais aussi au délai d’examen – bien trop long et souvent imprévisible – des questions d’inconstitutionnalité - en moyenne 4 ans -. Si un véritable statut constitutionnel des détenus a bien été construit, en Espagne, il l’a été par la voie de l’amparo constitutionnel [70].
54Selon la Cour constitutionnelle italienne, « dans un État évolué, l’objectif de réadaptation ne peut être considéré comme étranger à la légitimité et à la fonction de la peine », le souci de rééducation représentant un élément « ontologique » de la peine [71]. En France, les prises de position ne sont pas aussi explicites, d’autant plus que beaucoup des décisions QPC sont relatives à des personnes placées en détention provisoire. Ce n’est finalement qu’assez récemment (en 2013, puis en 2015) que les conditions proprement dites du déroulement de la détention ont été portées devant le juge constitutionnel français. Par ailleurs, dans la majorité des affaires, c’est bien plus par le prisme de la répartition des compétences entre la loi et le règlement, ou par celui des exigences du procès équitable, que par le prisme des droits fondamentaux, que les questions ont été envisagées et que le Conseil constitutionnel a, en cas de censure, le plus souvent invalidé la disposition contestée.
55Sur le fond, beaucoup de QPC sont relatives à la détention provisoire ou aux règles gouvernant le déroulement de l’instruction et le déroulement du procès lui-même. Il s’agit alors, le plus souvent, de problèmes procéduraux qui, bien que parfois communs aux détenus prévenus et aux détenus condamnés, ne construisent pas à proprement parler un statut constitutionnel du détenu purgeant sa peine. Ces QPC participent, toutefois, de la détermination des droits des détenus, entendus au sens large. Du reste, il y a sans doute là un premier groupe de droits puisqu’en Italie également les droits liés au déroulement de la procédure ont nourri une part importante de la jurisprudence constitutionnelle. Ici, comme lors de la détention définitive, le droit au recours et les éléments qui y sont liés occupent une place toute particulière. A côté de ces droits procéduraux, lato sensu, des droits plus substantiels ont également suscité des développements, à l’égard tant de la vie privée des détenus qu’en matière d’aménagements de l’exécution de la peine ou encore en cas de travail salarié du détenu. De ce point de vue, plus le juge pénètre dans le déroulement de la vie carcérale, plus se fait jour le souci de maintenir, notamment, les liens familiaux et de respecter la vie privée des détenus, la Cour constitutionnelle italienne n’hésitant pas à se saisir de la question de leur sexualité [72]. La possibilité pour les détenus de communiquer, tant avec leurs proches qu’avec leur(s) conseil(s), a également partout nourri la jurisprudence constitutionnelle. Dans le même ordre d’idée, c’est la vie intérieure des établissements pénitentiaires qui se trouve modernisée dans son ensemble grâce au contrôle incident de constitutionnalité de la loi. Restent également les critiques, communes à la France et à l’Italie [73], à l’égard du traitement, très dérogatoire et attentatoire à leurs droits et libertés, qui est fait aux détenus salariés et qui provoque le retour régulier de la question devant les juges constitutionnels [74]. Le panorama dressé illustre, quel que soit l’ordre juridique en cause, une évolution : l’exécution de la peine, comme la détention elle-même, se sont juridictionnalisées, offrant l’occasion au juge constitutionnel de développer, voire de construire, une véritable jurisprudence précisant un peu plus les droits des détenus et d’édifier un véritable statut constitutionnel. Mais toutes les thématiques de la vie en détention n’ont pas été saisies par la jurisprudence constitutionnelle – loin s’en faut --, et pas toutes avec le même intérêt.
G. L’accès des personnes vulnérables au juge ordinaire en QPC
56Au-delà de l’analyse de l’ensemble de la jurisprudence produite par les juges constitutionnels à l’égard des catégories sélectionnées, trois recherches transversales ont été réalisées, visant à étudier, sur la période allant de mars 2010 à juin 2019, la manière dont le juge judiciaire, le juge administratif et les associations en défense des droits des personnes vulnérables se sont appropriés le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité.
57Du côté du juge judiciaire [75], ce sont près de 5000 décisions qu’il a fallu trier, pour finalement conclure qu’il ne serait pas possible de traiter de manière exhaustive et égalitaire l’ensemble des catégories définies dans le cadre du projet de recherche. L’étude transversale, en particulier des décisions de non-transmission, a toutefois permis d’établir une modélisation des hypothèses contentieuses, selon le degré de prise en compte de la situation de vulnérabilité, par les cours d’appel, dans le traitement des QPC [76].
58Quant au juge administratif, la recherche a permis d’identifier 1152 QPC, toutes juridictions confondues, parmi lesquelles 37,6 % devant les tribunaux administratifs et 36,89 % devant les cours administratives d’appel concernent des personnes en situation de vulnérabilité, sachant, par ailleurs, que l’analyse a éprouvé les plus grandes difficultés à extraire les décisions rendues par les cours administratives d’appel à propos des contestations de refus de transmission [77]. La quasi-totalité des QPC recensées concerne des étrangers [78]. De sorte qu’en dehors de ces QPC, il ne reste qu’une vingtaine de QPC relatives aux personnes en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire, finalement, un nombre très faible.
59Sur le fond, l’analyse a abouti à plusieurs constats, sources de réflexions. En premier lieu, au regard du nombre relativement faible de questions soulevées par les personnes en situation de vulnérabilité, il apparaît que, pour elles, l’accès au prétoire du juge constitutionnel reste difficile. La raison tient moins au mécanisme de la QPC qu’à la faculté même de ces personnes de faire appel au juge, qu’il soit constitutionnel ou non.
60En outre, une série de difficultés a trait au filtrage des QPC et à la façon concrète dont les juges administratifs de première instance et d’appel interprètent leur rôle au sein de cette procédure. Ainsi, l’examen in concreto de la condition d’applicabilité des dispositions au litige est de nature à freiner le processus, car le contrôle de cette condition conduit le juge a quo à vérifier que la personne vulnérable se trouve réellement affectée dans ses droits. Il ne suffit donc pas que les dispositions législatives soient « applicables au litige », il faut également que l’application des dispositions législatives critiquées impacte effectivement la situation personnelle de l’auteur de la question. Autre difficulté, les juridictions administratives du premier filtre réalisent de plus en plus un véritable contrôle du « caractère sérieux » de la question, au lieu de se cantonner de vérifier que la question « n’est pas dépourvue de caractère sérieux », le juge du filtre passant, dans tous les cas, la question de constitutionnalité au tamis de la jurisprudence constitutionnelle pour apprécier l’opportunité juridique de la transmettre à la Cour suprême dont il relève [79].
61Une autre difficulté concerne les refus de transmission des QPC. En effet, généralement le refus de transmission du juge de première instance met un terme à la procédure, les contestations devant les cours administratives d’appel contre les refus de transmission étant rares. La voie de l’appel peine donc ici à jouer pleinement son rôle. Cela s’explique, en partie, par le fait que, contrairement à ce qui se passe devant les juridictions judiciaires, la contestation du refus de transmission d’une QPC ne suit pas la même procédure que celle suivie lors de la première invocation d’une QPC. Ce désintérêt pour la voie de l’appel a inévitablement pour effet de renforcer la portée du contrôle exercé par le filtrage des tribunaux administratifs, qui prend ainsi les allures d’un contrôle décentralisé de fait.
62Pour tenter de dépasser les difficultés d’accès au prétoire du Conseil constitutionnel, et notamment pour contourner le premier filtre, se diffuse alors, de plus en plus, une pratique qui consiste à « construire » de toute pièce les recours, en générant artificiellement un litige directement devant le Conseil d’État. Le litige principal ne trouve alors plus sa source dans l’application de la loi, mais dans le refus du pouvoir réglementaire d’abroger le décret d’application de la loi critiquée. Cette pratique, qui n’est pas nouvelle, a tendance toutefois à s’installer durablement, notamment auprès des associations, des syndicats ou des organisations des ordres professionnels. Tous tentent ainsi de déplacer le procès constitutionnel hors du champ des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel [80].
63Surgit, alors, un dernier constat, approfondi par Anna-Maria Lecis dans sa recherche : l’intervention des associations dans la procédure de la QPC s’avère être un moyen plus efficace pour défendre la cause des personnes en situation de vulnérabilité. En fait, les chances d’accéder au prétoire du Conseil constitutionnel augmentent considérablement lorsque la défense des droits fondamentaux des personnes en situation de vulnérabilité est portée par des associations [81].
64En pratique, les associations peuvent participer au contentieux QPC par de multiples voies. Ainsi, elles peuvent être à l’origine d’un recours, notamment d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, et soulever, à cette occasion, une QPC. Elles peuvent, de même, former une question de constitutionnalité, ou présenter des observations à l’appui du renvoi d’une QPC, en tant que tiers intervenant dans le litige au fond, litige déclenché par un autre requérant, que ce soit devant le juge judiciaire ou le juge administratif. Les associations peuvent également participer au contentieux par la voie de la tierce intervention devant le Conseil constitutionnel, pratique désormais encadrée par les textes et à l’égard de laquelle le Conseil se montre plutôt bienveillant. Enfin, même en l’absence d’une participation formelle, les associations peuvent intervenir dans le contentieux de manière indirecte, en offrant leur assistance à la partie ayant soulevé une QPC, à travers ce qui a été dénommée sponsorship.
IV. QPC et protection des personnes vulnérables au prisme du droit comparé : bilan et perspectives
65Mesurer, dans le domaine emblématique de la protection des personnes en situation de vulnérabilité, dans trois ordres juridiques différents, les résultats produits par le contrôle de constitutionnalité de la loi par voie incidente, c’est mesurer l’efficacité – autrement dit, ce que change – d’une procédure qui, en France, a été pensée pour mieux protéger les droits fondamentaux des justiciables. A cet égard, la recherche menée a permis de réaliser une comparaison inédite, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, en forme d’évaluation, tout en produisant également une réflexion sur d’éventuels ajustements et perfectionnements du mécanisme de la QPC. De ce point de vue, bien que la comparaison invite à une part de relativisation, un bilan, mesuré et raisonné, peut être établi, s’articulant autour d’un triptyque des influences : tout d’abord, l’influence de la nature du contrôle exercé par le juge ; celle, ensuite, de la concurrence des contentieux ; et, enfin, celle des modalités procédurales propres aux mécanismes eux-mêmes.
66Au titre, d’abord, de la nature du contrôle exercé par le juge constitutionnel, la comparaison avec les systèmes italien et espagnol met - ou remet - en lumière un constat désormais fermement établi lié à l’office du juge constitutionnel : ce contrôle, dès lors qu’il n’est pas exercé en lien étroit avec une appréciation factuelle et circonstanciée de la situation des requérants, ne produit que des effets dégradés par rapport à ceux que le mécanisme est potentiellement en mesure de générer. Or, la vulnérabilité, et plus précisément son appréciation, sa pesée, apparaît étroitement liée au caractère concret du contrôle ; autrement dit, de la concrétisation du contrôle opéré par le juge, de la prise en compte du contexte concret dans lequel la loi est appliquée, dépend très largement l’appréciation que ce dernier pourra réaliser de la situation de vulnérabilité du justiciable et, avec elle, d’un éventuel intérêt plus aiguisé pour la protection dudit justiciable. Entre la situation de vulnérabilité et la concrétisation du contrôle s’établit une sorte de rapport de proportionnalité.
67Évoquer la concrétisation renvoie non seulement à l’idée que le juge constitutionnel vérifie les conditions factuelles dans lesquelles sont mises en œuvre certaines mesures (par exemple l’enfermement dans des hôpitaux psychiatriques, ou l’enfermement dans des centres de rétention pour les étrangers devant quitter le territoire national), mais cela implique aussi que le juge établisse des distinctions lors de son contrôle, par exemple entre étrangers en situation régulière et étrangers en situation irrégulière, entre mineurs de moins de 16 ans et mineurs de moins de 18 ans, etc. En ce sens, la recherche démontre qu’il existe différents degrés de vulnérabilité qui peuvent être, plus ou moins, pris en compte par le juge. De sorte que, paradoxalement, comme le souligne Laura Montanari, il apparaît que, souvent, dans les systèmes étudiés, les personnes les moins protégées sont les personnes les plus vulnérables (par exemple, les étrangers en situation irrégulière). De ce point de vue, les différences identifiées entre l’attitude de la Cour constitutionnelle italienne, d’un côté, et les juges constitutionnel espagnol et français, de l’autre, illustrent particulièrement cette variété dans l’évaluation : la Cour constitutionnelle italienne, ici, se distingue de ses voisins en retenant une conception de son office qui laisse une place importante à l’évaluation in concreto de la situation des requérants, ce qui se traduit, d’une part, par une attention plus grande aux situations de vulnérabilité et, d’autre part et parallèlement, par des références explicites croissantes à la vulnérabilité dans sa jurisprudence.
68Dans le même sens, les évolutions à l’œuvre depuis plusieurs années dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme se font l’écho de ces réflexions. Ainsi, constatons-nous qu’elle y fait place à une appréciation qui tient autant d’une perception catégorielle que d’une perception situationnelle de la vulnérabilité, afin de s’autoriser l’appréciation la plus fine possible de la condition du requérant. Point de conception unique et univoque du cas de figure mais, au contraire, place à une vision qui entend embrasser, par cette double approche, aussi habilement et précisément que possible la réalité de l’état de la victime auteur de la requête, afin de produire les résultats les plus opérants pour le justiciable. Au fond, en dernière analyse, la question n’est autre que celle de savoir ce que l’ordre juridique et le juge entendent protéger et, surtout, comment - c’est à dire à quel degré - ils entendent le protéger.
69Or, même si des travaux ont mis en lumière une évolution en forme de progression sur ce point, les analyses menées ici démontrent que le Conseil constitutionnel est encore timide en matière de concrétisation de son contrôle. Formé au contrôle abstrait, qu’il a l’habitude de réaliser depuis sa naissance, il a du mal à se détacher de ce qui fait son ADN. À cet égard, chacun entend parfaitement que le Conseil constitutionnel ne se prononce évidemment pas sur l’opportunité des restrictions déterminées par le législateur ; en revanche, au titre de la conciliation qui est opérée entre sauvegarde de l’ordre public, respect des droits d’autrui et droits du requérant, il y a place pour une appréciation qui relève sans doute de son office et qui pourrait aller plus loin qu’un simple contrôle du but légitime de la restriction, approfondissant l’exigence de proportionnalité de l’adéquation de la mesure restrictive au but poursuivi. Pour le dire autrement, peu de place est faite dans le contrôle - tel qu’il est aujourd’hui exercé - pour la vulnérabilité, au point de se demander si le prétoire du juge constitutionnel ne lui est pas fermé, la rejetant dans le giron du seul juge ordinaire.
70Pourtant, cela ne correspond pas véritablement aux intentions affichées par les promoteurs de la QPC. Rapprocher la Constitution, et le Conseil constitutionnel, des citoyens ; démocratiser le contrôle de constitutionnalité ; faire de la QPC une arme pour la défense des droits fondamentaux : voilà un leitmotiv qui s’accommode(rait) mal d’un tel constat. La vulnérabilité fonctionnerait alors comme le révélateur du décalage entre l’intention et l’action, entre le pourquoi de la mise en place de la QPC et la réalité de sa mise en œuvre, entre le procès fait à la loi et le procès fait à l’application concrète de la loi. Un constat qui en appellerait un autre : si le caractère abstrait du contrôle entretient un lien étroit avec le caractère a priori de ce contrôle, le basculement du moment du contrôle, avec sa mise en œuvre a posteriori, disqualifie alors considérablement son caractère purement abstrait. Bien que la QPC soit née, nous a-t-on dit, comme un recours subjectif, puisque visant la protection des droits et libertés des justiciables - et non pas la protection (objective) de la Constitution, assurée par le contrôle a priori - sa mise en œuvre, qui ne laisse guère de place au contrôle concret, paraît déloyale aux intentions de ses promoteurs. Le système espagnol - à front renversé, cette fois - met en exergue parfaitement ce décalage : dans ce système, la question d’inconstitutionnalité a pour finalité la garantie de la Constitution, au même titre que le recours d’inconstitutionnalité, avec lequel elle partage l’essentiel de ses caractères - parmi lesquels le caractère abstrait du contrôle -, et elle se trouve très largement délaissée par les justiciables qui voient dans le recours d’amparo un mode bien plus concrétisé de prise en compte de la spécificité de leur situation.
71Et c’est alors le deuxième versant de notre triptyque qui se dévoile, révélant l’influence de la présence de plusieurs voies d’accès au juge constitutionnel sur la qualité de la protection des personnes en situation de vulnérabilité : la présence d’autres modes de saisine du juge constitutionnel n’est pas sans conséquence sur le recours à la voie préjudicielle pour contester la loi. En d’autres termes, la concurrence contentieuse produit des effets sur la stratégie des justiciables et l’utilisation de la question de constitutionnalité pour la défense de leurs droits.
72Là encore, le rapprochement avec les ordres juridiques voisins est éclairant. Le contentieux constitutionnel espagnol illustre parfaitement l’existence de cette concurrence et l’enracinement durable dans l’esprit des justiciables d’une hiérarchie des mérites des voies d’accès au juge constitutionnel : le recours d’amparo constitutionnel, qui permet aux citoyens de saisir directement le Tribunal constitutionnel pour la protection de leurs droits fondamentaux, y est la voie la plus largement empruntée par les justiciables, et notamment ceux qui sont en situation de vulnérabilité. Il est même la voie privilégiée, à leurs yeux, de protection des droits et libertés, précisément parce qu’il offre la possibilité au juge constitutionnel espagnol d’une appréciation très circonstanciée de leur situation. Même si la question d’inconstitutionnalité souffre de cette concurrence - au moins quantitativement -, le succès de l’amparo n’est que le reflet d’une conception différenciée des voies d’accès au juge constitutionnel et de son office : différenciation des modalités du contrôle mis en œuvre par le juge qui répond à une différenciation des modes d’accès à ce juge. En Italie, en revanche, dès lors que la voie incidente est la seule ouverte aux justiciables pour accéder au prétoire de la Cour constitutionnelle, à la finalité originelle de ce recours - à l’épurement de l’ordre juridique - est venue s’adjoindre, en pratique, une seconde finalité, toute tournée vers la protection des droits fondamentaux. Dans ce contexte, la voie préjudicielle ne subit pas l’éventuelle rivalité du recours de constitutionnalité, déclenché par l’État ou les régions pour lutter contre un supposé empiètement sur leurs compétences.
73Sans verser dans une ode au relativisme, livrons-nous alors à une observation : celle du particularisme - paradoxal - de la situation française où la question prioritaire de constitutionnalité, outre qu’elle ne produit pas nécessairement et toujours - pour les raisons déjà évoquées - les effets puissants qui pourraient lui être attachés, doit supporter l’influence négative du contrôle a priori qui, bien que fermé au citoyen, peut interdire, a posteriori, la contestation de dispositions législatives qui auraient pu faire l’objet d’une QPC. Paradoxe d’une concurrence qui n’aboutit pas à une amélioration du traitement du justiciable.
74Enfin, dernière influence - dernier volet du triptyque - celle des modalités procédurales propres aux mécanismes eux-mêmes. Ici s’exprime, chacun s’accorde à le dire, une nouvelle forme de l’exception française : le double filtrage. Plus précisément, ne faut-il pas voir dans cette tâche délicate confiée au juge ordinaire, à laquelle il n’était pas préparé, l’élévation d’une difficulté particulièrement sérieuse, dans l’accès au prétoire du juge constitutionnel ? Le justiciable peinera à franchir les nombreux obstacles qui se dressent devant lui, dont le juge de premier ressort, peut-être étonnement, n’est pas le moindre. En sens inverse, l’absence de double filtre n’est synonyme ni de triomphe ni d’échec. Ainsi, pas de filtrage en Espagne et, pour autant, pas de triomphe de la question d’inconstitutionnalité, rétorquera-t-on. Certes. Encore faut-il rappeler que si triomphe du recours d’amparo il y a, il est avant tout quantitatif : des centaines de questions - ce n’est quand même pas rien - face à des milliers de recours. Qualitativement, mais aussi au regard de l’architecture du système juridictionnel, l’analyse inviterait à plus de nuance que n’en offrent les chiffres. Et en Italie, l’absence de double filtre n’est pas synonyme d’échec de la procédure. L’absence de consécration formelle d’un filtrage fort n’empêche pas le juge ordinaire, dans un souci de protection des droits et libertés, de produire des renvois souvent détaillés et motivés. Précisément rétorquera-t-on encore : en l’absence de filtrage, la procédure a été victime de son succès et la Cour constitutionnelle a croulé sous les questions de constitutionnalité. Certes. Mais, faisant de sa faiblesse une force, elle a alors imposé aux juges de tenter de réaliser une interprétation conforme de la loi avant d’être admis à soulever une question préjudicielle, activant, grâce à cette simple règle procédurale, la diffusion de la culture constitutionnelle ou, pour le dire à la française, du « réflexe constitutionnel ». C’est qu’elle n’hésite pas à « forcer » les règles du procès constitutionnel - selon l’heureuse expression de Giuliano Serges -, en particulier lorsque les individus en cause sont des personnes particulièrement vulnérables.
75Si certains regretterons que le temps soit aujourd’hui celui de la vulnérabilité, félicitons-nous que le temps de la comparaison ne soit pas celui du relativisme mais celui de la mise à distance. Celle qu’offre la recherche menée autour de la QPC et des personnes en situation de vulnérabilité, sans gommer les avantages propres à ce mécanisme, a aussi permis d’en éclairer les zones d’ombre et d’ouvrir des pistes de réflexion qui seront peut-être celles d’évolutions.
Notes
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[1]
Discours de Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l’homme, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire, le 30 janvier 2009 (souligné par nous).
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[2]
Laurence Burgorgue-Larsen, « La vulnérabilité saisie par la philosophie, la sociologie et le droit. De la nécessité d’un dialogue inter-disciplinaire », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, Cahiers Européens, n° 7, Pedone, 2014, p. 237.
-
[3]
Notamment en sociologie, où la notion de vulnérabilité a remplacé des notions comme celle d’exclusion (notion très employée dans les années 1990-2000), ou de pauvreté (notion très en vogue dans les années 1980) ou encore celle de marginalité (notion employée dans les années 1970). Sur cette évolution, voir en particulier M.-H. Soulet, « La vulnérabilité, une ressource à manier avec prudence », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit. p. 7-27.
-
[4]
Les travaux sur les rapports entre « le droit », « les droits » et la « vulnérabilité » ne manquent pas. Voir notamment Frédérique Cohet-Cordey (dir.), Vulnérabilité et droit. Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000 ; Xavier Lagarde, Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation, La documentation française, 2009 ; Idem, « La protection des personnes vulnérables entre audace et tempérance. A propos du rapport annuel de la Cour de cassation », JCP, éd. G., 2010, p. 862 ; Frédéric Rouvière (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, Bruylant, 2011 ; Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit. ; Élisabeth Paillet et Pascal Richard (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014 ; Pascal Mbongo (dir.), Migrants vulnérables et droits fondamentaux, Berger-Levrault, 2015 ; Caroline Boiteux-Picheral (dir.), La vulnérabilité en droit européen des droits de l’homme. Le législateur lui-même a dû préciser dans certains domaines, tel le droit pénal (art. 223-15-2 C. pén. (abus de faiblesse) ; art. 225-12-6 C. pén. (exploitation de la mendicité) ; art. 222-33 C. pén. (harcèlement sexuel)) ou civil (art. 425 C. civ., relatif à la curatelle), ce qu’il entendait par le concept de « personnes vulnérables ».
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[5]
En ce sens, Charlotte Denizeau, « La vulnérabilité dans la jurisprudence constitutionnelle de la France et du Royaume-Uni », in Laurence Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 149.
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[6]
Loïc Azoulai, « Sensible droit », in Laurence Burgorgue Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 228.
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[7]
Sur ces cas de cumul de vulnérabilités, voir notamment Loïc Azoulai, « Sensible droit », op. cit., p. 233.
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[8]
Il faut préciser que le CDPC-JCE et l’IE2IA composent, avec l’ILF-GERJC et le CERIC (Aix-Marseille Université) l’Unité Mixte de Recherche CNRS 7318 DICE (Droits international, comparé et européen).
-
[9]
Pour une analyse approfondie de la QPC dans une approche comparative, cf. Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, Bruylant, Coll. A la croisée des droits, 2014, 734 p.
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[10]
Il faut garder à l’esprit que l’Italie est un État régional, les régions étant dotées d’une véritable autonomie législative.
-
[11]
Il n’est possible, en effet, de déclencher un recours d’amparo que pour la protection des droits fondamentaux proclamés par les articles 14 à 29 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978, ainsi que pour l’objection de conscience consacrée par l’article 30, alinéa 3, de la Constitution.
-
[12]
Évidemment, la loi organique relative au Tribunal constitutionnel, pose néanmoins, dans son article 44, un certain nombre de conditions de forme, de procédure, mais aussi – au moins depuis une réforme de 2007 – de fond, qui peuvent donner prise à un filtrage, notamment au stade de l’admission, de la part du Tribunal constitutionnel.
-
[13]
L’article 134 de la Constitution italienne du 22 décembre 1947 (entrée en vigueur le 1er janvier 1948) dispose, dans son 1er alinéa, que : « La Cour constitutionnelle juge : des questions relatives à la légitimité constitutionnelle des lois et des actes, ayant force de loi, de l’État et des Régions ».
-
[14]
Sur les conditions de recevabilité de la question de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle italienne et l’évolution jurisprudentielle de la Cour, voir en particulier Thierry Di Manno, « L’impossibilité de l’interprétation conforme de la loi à la Constitution, condition de recevabilité de la question incidente de constitutionnalité en Italie », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 123-150.
-
[15]
Sur ce point particulier voir nos développements infra.
-
[16]
Bien que ce recours connaisse, depuis les années 2000, un certain infléchissement, avec une forte augmentation du recours par la voie principale, s’expliquant, en grande partie, par une révision importante de la répartition constitutionnelle des compétences entre l’État et les régions intervenue en 2001 (la loi constitutionnelle n° 3 du 18 octobre 2001, modifiant le Titre V de la Seconde Partie de la Constitution italienne) qui a rendu nécessaire l’intervention massive de la Cour constitutionnelle dans les années qui ont suivi.
-
[17]
L’article 163 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 dispose : « Lorsqu’un organe judiciaire considérera, au cours d’un procès, qu’une norme ayant force de loi, s’appliquant en la matière et dont dépend la validité de la sentence, pourrait être contraire à la Constitution, il saisira le Tribunal constitutionnel dans les conditions, sous la forme et avec les effets établis par la loi et qui ne seront en aucun cas suspensifs ».
-
[18]
Voir sur ce point Pierre Bon, « La question d’inconstitutionnalité en Espagne », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 131 ; Hubert Alcaraz, « Le rôle du juge constitutionnel dans le filtrage des questions de constitutionnalité : étude comparée – Le rôle du Tribunal constitutionnel espagnol », Annuaire international de justice constitutionnelle 2011, Vol. XXVII, p. 33 ; Fernando Alvarez-Ossorio, « Juge ordinaire et doute d’inconstitutionnalité. Quelques questions sur le doute d’inconstitutionnalité en Espagne », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 91.
-
[19]
Selon l’expression retenue par le titre II de la loi organique n° 2/1979 du 3 octobre 1979 relative au Tribunal constitutionnel (dite LOTC).
-
[20]
Bien que ce terme n’apparaisse dans aucun texte relatif à la QPC, c’est bien l’idée qui ressort tant des travaux du Comité Balladur que des travaux préparatoires des textes relatifs à la mise en place de cette procédure. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même a employé ce terme lors du contrôle de constitutionnalité de la loi organique de 2009, en affirmant que « le constituant a ainsi reconnu à tout justiciable le droit de soutenir, à l’appui de sa demande, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit » (Conseil constitutionnel, décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’art. 61-1 de la Constitution, cons. 3, souligné par nous).
-
[21]
En Italie, ce n’est que dans la pratique jurisprudentielle que la voie incidente est devenue, aussi, une arme pour les justiciables dans la défense de leurs droits, alors qu’en Espagne le recours d’amparo remplit pleinement la fonction subjective de protection des droits et intérêts des justiciables.
-
[22]
Cette question a notamment été mise en exergue par Thierry Di Manno, colloque final de restitution de notre recherche, Toulon, 8 novembre 2019.
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[23]
Sur cette spécificité française qu’est le double filtre dans une perspective de droit comparé voir Laurence Gay, « Le double filtrage des QPC : une spécificité française en question ? Modalités et incidences de la sélection des questions de constitutionnalité en France, Allemagne, Italie et Espagne », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 51-89.
-
[24]
Sur cette question, dans une optique de droit comparé, voir Olivier Lecucq, « La modulation dans le temps des effets des décisions des juges constitutionnels. Perspectives comparatives France-Espagne-Italie », in Laurence Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, op. cit., p. 287-310.
-
[25]
Selon l’analyse menée par Gaëlle Lichardos, 5 décisions DC mentionnent explicitement le terme « vulnérabilité » : décisions n° 89-254 DC du 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’application des privatisations ; n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure ; n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, *Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité *; n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, *Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté *; n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, Loi permettant une bonne application du régime d’asile européen. Et 3 décisions QPC visent, quant à elles, expressis verbis, la vulnérabilité : décision n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014, *Commune de Tarascon *; n° 2018-761 QPC du 1er février 2019, Association Médecins du monde et autres et n° 2019-807 QPC du 4 octobre 2019, M. Lamin J.
-
[26]
La recherche a été réalisée par Marco Berardi.
-
[27]
Le terme n’apparaît d’ailleurs que depuis 2017.
-
[28]
Allusion est faite ici à l’affaire Cappato (ordonnance n° 207/2018 et arrêt n° 242/2019), sur laquelle voir, notamment, Anna-Maria Lecis Cocco Ortu, « L’équilibrisme de la Cour constitutionnelle italienne en matière d’euthanasie et d’assistance au suicide : entre activisme et respect du rôle du législateur », La revue des droits de l’homme [en ligne], Actualité Droits-Libertés, 15 janvier 2020 ; Giuliano Serges, « La décision de la Cour constitutionnelle italienne no 207 de 2018 (« Ordinanza Cappato ») : une nouvelle typologie de décision ou un « non liquet » avec date d’expiration ? », Revue française de droit constitutionnel, 2019/4, n° 120, p. 67-89.
-
[29]
Itziar Gómez Fernández prenait en charge l’étude de cette catégorie en Espagne.
-
[30]
Pour l’Italie, c’est Paolo Passaglia qui a analysé la jurisprudence constitutionnelle relative aux mineurs.
-
[31]
La recension en a été assurée par Mélina Douchy-Oudot à partir de mots-clefs (« mineurs », « minorité », « enfant », etc.) par le biais d’une interrogation des tables analytiques du Conseil constitutionnel.
-
[32]
Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S.
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[33]
Conseil constitutionnel, décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, M. Mathieu E.
-
[34]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 278/2013.
-
[35]
Cour constitutionnelle, arrêts n° 494/2002 et n° 50/2006. Tribunal constitutionnel, arrêts n° 138/2005 et 156/2005.
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[36]
Cour constitutionnelle, arrêts n° 61/2006 et n° 286/2016.
-
[37]
Tribunal constitutionnel, arrêt n° 99/2019.
-
[38]
La recherche pour l’Espagne a été réalisée par Francisco Javier Matia Portilla.
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[39]
La recension a été assurée par Laurence Gay à partir d’une recherche experte sur le site du Conseil constitutionnel avec les termes de recherche « protection santé ». Or, seules 16 parmi les 32 décisions recensées paraissaient pertinentes, auxquelles on en a ajouté 2, qui n’apparaissaient pas dans la liste, parvenant ainsi à un total de 18 décisions. Ne sont pas décomptées ici les 5 décisions qui concernent les personnes handicapées.
-
[40]
La recherche a été réalisée par Marina Calamo Specchia par le biais du moteur de recherche des décisions de la Cour constitutionnelle. Sont comprises dans ces 670 décisions celles qui se réfèrent aux personnes handicapées (22 décisions). Précisons aussi qu’en Italie, entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2019, 4907 décisions au total ont été adoptées par la Cour constitutionnelle dans le cadre du procès par voie incidente.
-
[41]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S., n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre, n° 2011-202 QPC du 2 décembre 2011, MmeLucienneQ., n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011, Mme Oriette P., n° 2011-185 QPC du 21 octobre 2011, M. Jean-Louis C., n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, Association Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie.
-
[42]
Cour constitutionnelle, ordonnance n° 207/2018.
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[43]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 242/2019.
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[44]
Sur un total de 4859 décisions adoptées dans le procès par voie incidente (données arrêtées au 1er novembre 2019). La recherche a été réalisée par le Professeur Laura Montanari et par Francesco Grisostolo (Docteur en droit).
-
[45]
Selon la recherche réalisée par Olivier Lecucq sur le moteur de recherche du Conseil constitutionnel.
-
[46]
La recherche sur l’Espagne a été réalisée également par Olivier Lecucq.
-
[47]
On dénombre au total 15 recours d’inconstitutionnalité.
-
[48]
Conseil constitutionnel, décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre.
-
[49]
Dans 10 cas sur 23, en effet, la législation contestée n’a pas plus de trois ans ou guère plus.
-
[50]
Voir notamment la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, Consorts L., relative à la cristallisation des pensions.
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[51]
Olivier Lecucq.
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[52]
La recherche sur la jurisprudence française a été réalisée par Marthe Fatin-Rouge Stefanini.
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[53]
Selon les termes de Giovanna Spanὸ qui a réalisé l’étude pour l’Italie.
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[54]
Cour constitutionnelle, décisions n° 485/2000 (ordonnance) ; n° 145/2009 (ordonnance) ; n° 260/2009 (ordonnance) et n° 115/2011 (arrêt).
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[55]
Comme cela a été souligné par Fernando Alvarez-Ossorio Micheo qui a mené la recherche pour l’Espagne.
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[56]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 115/2011.
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[57]
Dans les autres affaires en effet, le nomadisme ne constituait qu’un aspect, un attribut supplémentaire, s’ajoutant au comportement des parties du litige.
-
[58]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010, M. Orient O. et autre, n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, M. Jean-Claude P., et n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019, Union de défense active des forains et autres.
-
[59]
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres.
-
[60]
Les dispositifs dérogatoires prévus par les lois contestées ont en revanche été épargnés, dans leur principe, par le Conseil constitutionnel.
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[61]
CEDH, 17 octobre 2013, n° 27013/07, Winterstein et autres c. France.
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[62]
Ainsi que Valérie Bernaud – qui a réalisé la recherche pour la France – l’a mis en évidence.
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[63]
Selon les recherches menées par Miguel Pérez-Moneo.
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[64]
Daniele Chinni a recensé et analysé la jurisprudence constitutionnelle en Italie.
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[65]
Il s’agit des décisions n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014, *M. David V. *; n° 2014-402 QPC du 13 juin 2014, *M. Lionel A. *; et n° 2017- 623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux. Cette dernière n’aborde cependant pas la question au fond.
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[66]
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-122 QPC du 29 avril 2011, Syndicat CGT et autre. Ce sont l’ensemble de ces vocables (« travailleurs », « travailleurs précaires », etc., mais aussi ces différents types de contrats) qui ont été recherchés au sein des tables analytiques du Conseil constitutionnel pour identifier les décisions à retenir dans le cadre de cette recherche.
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[67]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 58/2006.
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[68]
Rassemblées par Hubert Alcaraz à partir d’un examen des tables analytiques du Conseil constitutionnel à partir des termes « détenu », « détention », « prison », etc.
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[69]
L’analyse de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne a été réalisée par Marco Ruotolo.
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[70]
Selon l’analyse menée par Hubert Alcaraz.
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[71]
Cour constitutionnelle italienne, arrêt n° 257/2006. Et, récemment, l’important arrêt n° 149/2018.
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[72]
Cour constitutionnelle, arrêt n° 301/2012.
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[73]
Et rappelées par Marco Ruotolo.
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[74]
Conseil constitutionnel, décisions n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013, M. Yacine T. et autre, et n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, M. Johny M. Cour constitutionnelle, arrêts n° 158/2001 et n° 341/2006.
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[75]
La recherche a été réalisée par Nicolas Pauthe dans le cadre d’une convention signée avec la Cour de cassation.
-
[76]
Nous renvoyons au rapport publié en ligne pour les détails de cette modélisation établie par Nicolas Pauthe.
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[77]
La recherche sur la jurisprudence administrative a été réalisée par Annabelle Pena avec le logiciel d’extraction Ariane, dans le cadre d’une convention signée avec le Conseil d’État.
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[78]
Ce qui n’a rien de surprenant, dans la mesure ce contentieux représente à lui seul 37,5 % de l’activité des tribunaux administratifs et 49,4 % de celle des cours administratives d’appel pour l’année 2018.
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[79]
Selon l’analyse d’Annabelle Pena.
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[80]
Entre mai 2010 et septembre 2019, plus de 60 QPC ont été introduites, en dehors de la matière fiscale, devant le Conseil d’État, à la suite d’un refus d’abrogation d’un décret d’application ; dans plus de 60 % des cas, le mécanisme a été utilisé par des associations, des syndicats ou des organisations d’ordre professionnel.
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[81]
Cela se vérifie, par exemple, en matière de protection des droits des détenus, la grande majorité des QPC ayant été formées par la Section française de l’Observatoire international des prisons (Conseil constitutionnel, décisions n° 2018-763 QPC du 8 février 2019, Section française de l’Observatoire international des prisons ; n° 2018-715 QPC du 22 juin 2018, Section française de l’Observatoire international des prisons ; n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016, Section française de l’Observatoire international des prisons) ; ou concernant les gens du voyage, les QPC étant portées principalement par l’Union de défense des forains (Conseil constitutionnel, décisions n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019, *Union de défense active des forains et autres *; n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, M. Jean-Claude P.).