Couverture de SOCO_103

Article de revue

Contraintes matérielles et « schizophrénie institutionnelle »

L'interaction entre justice et monde pénitentiaire en matière d'enfermement

Pages 19 à 42

Notes

  • [1]
    La Coordination des politiques judiciaires et pénitentiaires : Une analyse des relations entre monde judiciaire et administration pénitentiaire, CESDIP-GIP droit et justice, juin 2011, C. Mouhanna, avec la collaboration de J. Bastard, P. Benech, V. Le Goaziou.
  • [2]
    Voir par exemple la circulaire du 10 avril 2002 relative à l'effectivité de la réponse pénale-Direction des Affaires criminelles et des grâces, CRIM 2002-08 E3/10-04-2002.
  • [3]
    Voir annexe méthodologique.
  • [4]
    Source : Direction de l'administration pénitentiaire-PMJ5.
  • [5]
    Voir les rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté, http://www.cglpl.fr/
  • [6]
    L'affaire de Pornic, en juin 2011, postérieure à notre recherche, en impliquant dans le meurtre d'une jeune fille un récidiviste suivi en milieu ouvert par les services pénitentiaires, a relancé le mouvement d'incarcération stable depuis plusieurs années, et contraint les établissements à revoir ces normes à la hausse.
  • [7]
    Une étude sociographique des JAP est en projet afin de mieux cerner les composants de ces choix. Sur les choix des juges, voir Faget, 2008.
  • [8]
    Des protestations de procureurs se sont multipliées : manifestations devant les TGI à partir de 2011, critiques à l'encontre des politiques pénales lors des discours de rentrée, etc. 128 des 161 procureurs ont signé en 2011 un « appel solennel sur la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les parquets ».

1 Sans doute parce que la prison, en tant qu'institution totale, représente un objet particulièrement intéressant pour les sociologues, beaucoup de travaux de recherche empiriques se sont intéressés au fonctionnement interne des institutions carcérales (Chauvenet et al., 1994 ; Benguigui et al., 2011). Le système judiciaire, pour sa part, a fait également l'objet de multiples travaux, notamment sur les flux engendrés par les exigences de productivité croissantes qui le touchent et qui débouchent sur des sanctions toujours renforcées et plus nombreuses (Vigour, 2006 ; Vauchez et Willemetz, 2007 ; Bastard et Mouhanna, 2007). Les observateurs attentifs du monde carcéral soulignent cependant le manque de travaux permettant de comprendre l'articulation entre les politiques pénales et la place qu'occupe la prison comme référence majeure des systèmes pénaux occidentaux contemporains (Combessie, 2009). La circulation des personnes entre l'appareil judiciaire et le système pénitentiaire, que ce soit le milieu ouvert ­ la probation ­ ou le milieu fermé ­ l'incarcération ­ s'avère pourtant une question essentielle pour comprendre la place qu'occupe la sanction, et en particulier la prison, dans nos sociétés. Si le thème des « flux carcéraux » dans sa dimension institutionnelle a été exploré essentiellement sous l'angle démographique (Kensey, 2007), une approche de nature plus microsociologique des politiques publiques de gestion des circulations entre la justice et la prison reste encore à développer, par l'analyse, à l'échelle locale, des relations sociales entre tous les intervenants relevant du système judiciaire. En recourant aux outils de la sociologie des organisations (Crozier et Friedberg, 1977), complétée par des observations plus ethnométhodologiques (Garfinkel, 1967), la recherche présentée ici [1] montre comment les magistrats, acteurs chargés d'appliquer le droit, sont amenés à prendre des décisions d'incarcération ou de maintien en liberté qu'ils considèrent eux-mêmes comme illogiques, parfois aberrantes voire illégales. À travers l'examen des contraintes qui pèsent sur chacun des intervenants dans le processus de décision, des ressources dont chacun dispose, ainsi que des « négociations » qui s'établissent entre ces acteurs, émergent les mécanismes concrets (Crozier et Friedberg, ibid.) de fonctionnement des ensembles tribunaux-prisons, qui se distinguent des règles formelles régissant ces organisations. À rebours d'une vision strictement juridique et normative, une telle mise en perspective montre les effets pratiques des politiques pénales décidées localement ou nationalement.

2Pour ce faire, seront ainsi analysées les interactions, tant formelles qu'informelles, qui se construisent entre les acteurs qui appartiennent aux deux institutions que sont les tribunaux de grande instance et les établissements pénitentiaires. En effet, ces derniers sont chargés d'appliquer les décisions d'incarcération lorsqu'elles sont prises par les tribunaux mais, limités par leurs capacités, ils ne parviennent pas à répondre à toutes les demandes. De leur coté, des magistrats sont chargés de suivre les conditions concrètes de cette mise en  uvre. C'est le juge de l'application des peines ­ JAP ­ qui assure ce suivi, en ayant la capacité de modifier la forme de la peine sous certaines conditions (voir infra). Le parquet, sous l'autorité du procureur, intervient également, en contrôlant que les peines aient été réellement exécutées, mission rappelée régulièrement par les autorités [2], car toujours remplie de manière jugée insuffisante (Robert et al., 1994).

3Dès lors, les échanges entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires se multiplient. La gestion des « carrières délinquantes » par les institutions (Cardi, 2007) n'entre pas dans une logique linéaire : ces carrières résultent en effet d'aller-retour fréquents entre prison, services de probation ­ milieu ouvert ­ et tribunal. La mobilisation contre la récidive ­ ou au contraire son échec ­ relève du même champ inter-institutionnel. S'il est indéniable que les conditions sociales et économiques des condamnés expliquent « les conditions d'accès à la prison » (Chantraine, 2003), le fonctionnement collectif des organisations pénitentiaires et judiciaires joue également sur les taux d'incarcération. La pénalisation d'un nombre croissant de comportements ces dernières années (Danet, 2006) a ainsi accru la population pénale « disponible » susceptible d'être enfermée. Mais simultanément, elle a rendu l'exécution de la peine ferme plus compliquée à réaliser car les places manquent pour répondre à cette inflation. Outre les pressions politiques ou sociétales qui pèsent sur l'emprisonnement (Artières et Lascoumes, 2004), des régulations locales expliquent aussi le recours à l'incarcération ou au contraire le choix de solutions alternatives, surtout pour les petites peines qui touchent la majorité des détenus.

4À travers l'explicitation de ce système d'action local (Friedberg, 1993) englobant prisons et tribunaux, cette recherche permet de mieux comprendre comment les diverses contraintes auxquelles sont soumis les acteurs judiciaires d'une part, et ceux de la pénitentiaire d'autre part, produisent des équilibres paradoxaux. En effet, ces acteurs sortent des rôles et des postures que leur assignent a priori leurs fonctions, à la fois parce qu'ils sont soumis à des injonctions politiques contradictoires mais également parce qu'ils doivent faire face à des impératifs matériels ­ places dans les prisons, temps de traitement des dossiers, enjeux gestionnaires ­ qui les obligent à agir parfois en contradiction non seulement avec le droit, mais aussi avec leurs idées. Les interactions obligées avec les partenaires influent aussi fortement sur les décisions d'enfermement ou de maintien en détention car la plupart des acteurs règlent leur comportement en fonction des décisions des autres participants. Les stratégies individuelles décrites ici sont donc plus adaptatives que calculées.

5L'une des originalités de ce terrain de recherche réside dans le fait qu'un certain nombre de ces acteurs occupent plusieurs « rôles » dans les diverses étapes du processus menant à l'exécution de la peine. Ceci les amène assez souvent à agir en contradiction totale avec leurs actions antérieures, ou leurs décisions prises quelques jours plus tôt face au même condamné. Ce mode de fonctionnement est d'ailleurs qualifié de « schizophrène » par les magistrats qui y sont soumis. Sans s'attarder sur les conséquences psychologiques, voire pathologiques, de ce positionnement peu satisfaisant pour eux, il apparaît important de comprendre comment les institutions judiciaires génèrent des contraintes qui amènent ainsi des magistrats à tenir des discours opposés à quelques jours d'intervalles, voire à revenir sur des décisions d'incarcération auxquelles ils ont pourtant participé. Nous qualifierons de « schizophrénie institutionnelle » ce type de fonctionnement dont plusieurs exemples seront présentés ici. Cette notion de schizophrénie des acteurs, reprise maintes fois, renvoie à cette obligation qu'ont les uns et les autres non seulement à agir contre leurs aspirations personnelles, mais de surcroît à endosser des rôles contradictoires en fonction de la place de leur intervention dans la chaîne pénale, favorisant à un moment l'incarcération, et à un autre l'aménagement de la peine, ou  défaisant  une décision qu'ils ont pris en amont dans ce processus.

6 Pour appréhender concrètement, in vivo, ces contradictions juridiques et politiques, six terrains de recherche ont été retenus, comprenant chacun un tribunal de grande instance ­ TGI ­ et une maison d'arrêt. Volontairement, les autres types d'établissements pénitentiaires ont été laissés de côté car ils ne connaissent pas les mêmes difficultés en terme de gestion de leur taux d'occupation. En effet, la direction de l'administration pénitentiaire ­ DAP ­ a toujours privilégié sur ce plan les établissements accueillant les longues peines, qui ne souffrent jamais de surpopulation. Ce sont donc les maisons d'arrêt qui sont concernées par les problématiques retenues, en raison non seulement de la surpopulation carcérale mais aussi de l'hétérogénéité des publics détenus, source de tensions et de violences. Le caractère central de notre interrogation sur l'alternative entre enfermement ou autre mode d'exécution de la peine justifie la focalisation sur les maisons d'arrêt qui ont en charge les petites peines, celles susceptibles de faire l'objet d'une exécution hors les murs. Sur ces six terrains, illustrant chacun un type de tribunal particulier [3] ou un environnement pénitentiaire différent ­ eu égard par exemple au nombre de places de prison disponibles ­, plusieurs dizaines d'entretiens ont été menés avec tous les magistrats et fonctionnaires en lien avec le monde pénitentiaire, avec les services d'insertion et de probation et avec différents membres de la maison d'arrêt locale. Ces entretiens semi-directifs réalisés individuellement cherchaient à saisir les considérations éthiques, morales et professionnelles des acteurs, mais en tenant également compte des conditions objectives d'exercice de leur métier. Ils ont été accompagnés d'observations des pratiques : audiences diverses, échanges téléphoniques, réunions de tous types intéressant les interactions entre monde judiciaire et monde pénitentiaire.

7Cette recherche s'est déroulée dans un contexte particulier, celui des années 2009-2011, durant lesquelles s'est exercée une très forte pression politique en faveur du renforcement des sanctions. Ainsi, la première décennie 2000 a été marquée par l'accroissement notable du nombre de personnes écrouées ­ de 47 800 personnes au 1er janvier 2001 à 66 000 en 2010 [4]. Mais cela ne signifie pas que la prison est la sanction unique. Une majorité des personnes condamnées est orientée en milieu ouvert (168 800 personnes suivies en 2009). Et parmi les personnes condamnées à des peines de prison ferme, un certain nombre d'entre elles « échappe » à l'incarcération ou voit celle-ci réduite grâce aux mesures dites « d'aménagement de peine » : libération conditionnelle (LC), semi-liberté ­ alternance de périodes de liberté, souvent le jour, et d'incarcération ­, placements extérieurs ­ dans des chantiers ­ et placements sous surveillance électronique (PSE ou bracelet électronique). Pour faire face à l'accroissement de la population incarcérée, la loi pénitentiaire du 29 novembre 2009, votée durant cette période pourtant marquée par la répression (Salas, 2005), affirme le principe d'un aménagement des peines inférieures à deux ans.

8Parallèlement, le même gouvernement, sous l'impulsion de divers mouvements nationaux ou internationaux en faveur des droits de l'Homme, a réaffirmé et consacré une autre priorité : le respect des règles de droit en matière de détention (Chauvenet, 2010). S'il ne faut pas surestimer la volonté du gouvernement de l'époque en cette matière, ces impératifs trouvent des échos concrets dans les pratiques, en ayant un impact, même s'il est réduit, sur les incarcérations.

9Durant la même période, l'accent a été mis sur le problème de la non-exécution des peines, considérée à tort ou à raison comme source de récidive. À la suite d'un rapport officiel de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ, 2009), relayé par une mobilisation de députés consacrée finalement par un rapport parlementaire (Ciotti, 2011), les parquets ont vu l'exécution effective de la peine s'afficher comme l'un de leurs objectifs primordiaux. Des indicateurs de suivi des juridictions ont alors été mis en place.

10Comme nous nous intéressons aux « petits et moyens » délits, on observe que les dispositifs d'expertise et le temps consacré à la décision sont très restreints. Dans ce cadre, et c'est l'un des résultats que confirment ces travaux, les gens déférés au tribunal ne représentent pas des acteurs de poids dans cet ensemble, mais tout au plus des dossiers. La question de l'« humanisation » de la sanction entre certes dans nos interrogations, mais elle se heurte à la logique des flux qui réduit la décision judiciaire à des critères de productivité. Dans la justice pénale du quotidien, hors des grandes affaires, de moins en moins d'acteurs tiennent compte des circonstances ou de la personnalité des justiciables (Bastard et Mouhanna, 2007).

11 Après avoir examiné les interactions entre parquets et maisons d'arrêt au sujet de l'enfermement, et les effets qui en résultent (1), nous agrégerons les JAP ­ juges de l'application des peines ­ à l'analyse afin de comprendre comment ils parviennent à s'imposer dans un contexte pourtant menaçant pour eux (2), avant de reconstituer en conclusion le système d'acteurs dans son ensemble, avec ses logiques et ses contradictions.

Procureurs et directeurs de maisons d'arrêt : une relation ambiguë

12L'un des constats les plus marquants et les plus paradoxaux qui ressort de nos travaux concernent les relations entre directeurs de prison et parquets. Ces derniers se trouvent immergés dans un ensemble de contraintes telles qu'ils sont souvent amenés à prendre des décisions qui contreviennent aux priorités politiques, mais aussi à leurs principes.

Un suivi de la décision pénale désormais au centre des priorités

13Jusqu'à la fin des années 1990, les tribunaux s'intéressaient relativement peu à l'exécution des peines ou à ce qui se passait dans les prisons. C'était ­ et cela reste toujours ­ la prise de décision qui se trouve au c ur du métier de magistrat. Avant que la gestion ne s'impose à la fin des années 1990 dans le monde judiciaire, la bonne décision constituait un idéal de métier, tant du point de vue pratique que symbolique (Mouhanna, 2001). L'« après » importait alors peu. En d'autres termes, une fois l'exercice ­ l'art ­ de l'élaboration du choix achevé, la mise en pratique des peines ne revêtait aucun intérêt pour le juge, et une considération de peu d'importance pour le parquet.

14 Depuis le début des années 2000, dans un contexte profondément modifié, les magistrats ont une autre vision de cette phase ultérieure à la décision. Ils s'intéressent davantage aux conditions d'exécution de la sanction.

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On pourrait dire que traditionnellement, la pénitentiaire et les services judiciaires se sont ignorés pendant longtemps. Une sorte de mur s'était construit au fil des années. Il s'est lézardé depuis quelques années. Actuellement, il vole en éclat. Les magistrats comprennent maintenant qu'il doit y avoir une vraie synergie, car il y a un travail de « chaîne » évident. On ne peut plus se désintéresser de la prison, des détenus, comme auparavant... (Procureur Général-H).

16 En particulier, les parquets se sont mobilisés sur ce thème, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, un souci d'ouverture, à partir des années 1980, a conduit un certain nombre d'entre eux à s'interroger sur les conséquences concrètes des décisions qu'ils prenaient, en particulier leur impact dans les secteurs les plus pauvres et les plus sensibles à l'insécurité. Pour ces magistrats, il fallait mieux entendre les demandes exprimées par les habitants envers l'institution judiciaire. La contrepartie, en forme d'effet pervers, de cet investissement a été la conversion de beaucoup de parquetiers à un « populisme de la sanction » (Peyrat, 2003) : pour répondre aux attentes du public, ils doivent désormais chercher à punir plus sévèrement les auteurs de délits. Une autre conséquence de ce souci de l'image donnée par la Justice dans ces territoires a été l'émergence d'une préoccupation pour le devenir des personnes jugées, quel que soit l'objectif fixé par l'institution : réinsertion ou contrôle. Enfin, le débat de plus en plus aigu sur la récidive et l'accent mis sur la responsabilité des magistrats ont accentué la nécessité d'un investissement plus conséquent dans ce qui est appelé le post-sentenciel. L'affichage politique du taux d'exécution comme modalité d'évaluation des tribunaux a mobilisé les chefs de juridictions sur ce sujet.

17 L'investissement des directeurs de maison d'arrêt dans des interactions plus intenses avec les magistrats a joué dans le même sens. Il naît d'un double mouvement : d'une part la saturation physique de leurs établissements, de l'autre un vaste investissement dans « l'humanisation » des conditions d'incarcération. La première problématique est largement connue. Elle se traduit par des taux d'occupation ou de « suroccupation » ­ pour reprendre un terme consacré en interne ­ supérieurs à 150 %, et parfois même à 200 % dans certaines maisons d'arrêt de notre échantillon. D'un point de vue purement pratique, la surpopulation carcérale génère un accroissement des difficultés dans le fonctionnement de ces structures. Les personnels pénitentiaires sont mécontents et voient leur rôle limité à celui de « porte-clefs » (Chauvenet et al., 1994). La promiscuité d'un nombre croissant de personnes par cellule multiplie les risques d'agressions ou de mauvais traitements entre détenus.

18 À cela s'ajoutent d'autres arguments qui entremêlent droit administratif, droit judiciaire et morale. Les règles pénitentiaires s'imposent désormais dans les établissements carcéraux, ou devraient s'imposer. S'il est malvenu d'idéaliser la fonction et de laisser de côté toutes les entorses au respect de la personne humaine que connaissent les prisons françaises [5], il serait tout aussi réducteur de ne considérer le rôle des directeurs de prison que sous l'angle de la sécurité. Beaucoup d'entre eux se préoccupent du sort des détenus qu'ils côtoient parfois et dont ils connaissent l'histoire (Dubois, 2009), avançant de multiples exemples de cas problématiques qu'ils évoquent devant les JAP. Lors des réunions où sont traitées les sorties, ils avancent des arguments en faveur de tel ou tel détenu, et affirment ainsi participer à la mission de réinsertion qui fait partie des objectifs généraux de l'Administration Pénitentiaire. Ils suivent aussi la jurisprudence des tribunaux car ils savent que plusieurs détenus ont attaqué des établissements pénitentiaires devant la justice administrative ou la justice pénale pour non-respect des conditions de détention ­ soit pour traitements dégradants, soit pour mise en danger de la vie d'autrui ­. Pour toutes ces raisons, ces directeurs, à tous les échelons, se sentent investis d'un devoir de rappel des règles aux magistrats. Afin de faire pression sur ces derniers et de limiter le nombre de détenus dans leur établissement, ils s'appuient sur un discours humaniste ­ préserver des conditions de vie en détention dignes, prévenir les violences, éviter les suicides ­ qui converge tout à fait avec leurs impératifs de gestion de leurs personnels et de leurs moyens dans un contexte de ressources limitées. Dès lors, l'objectif des chefs de maison d'arrêt va être clair : convaincre les magistrats du siège comme du parquet de limiter le nombre de détenus dits « hébergés ».

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Au XXIe siècle, on ne peut plus accepter que des détenus dorment par terre, ou vivent sous la menace de codétenus qui les exploitent ou les maltraitent. Je sais que les politiques pénales actuelles poussent les magistrats à prononcer plus de peines, et plus longues. Mais on ne peut pas non plus accepter n'importe quoi. Alors on les appelle, et on leur explique que ce n'est pas tolérable (Directeur de maison d'arrêt A).

20 Un tel souci de mobiliser les juges et les procureurs trouve sa traduction concrète dans plusieurs arènes où ces directeurs se voient confrontés aux magistrats. L'application des peines réunit autour des JAP plusieurs types de commissions où les uns et les autres doivent écouter les arguments des partenaires. Mais au-delà de ces réunions très formalisées et encadrées par le droit, les échanges se sont multipliés, que ce soient les réunions de travail ad hoc réunissant parquet et directeur de prison, ou plus simplement les courriels et les appels téléphoniques fréquents. Les arguments d'ordre humaniste sont parfois invoqués par les personnels pénitentiaires face à des magistrats considérés comme trop répressifs, en parallèle avec d'autres arguments insistant sur la difficulté du métier de surveillant ou les enjeux de la réinsertion. L'objectif est clair, et défendu par ces directeurs : il s'agit de sensibiliser les parquets au thème de la surpopulation carcérale pour les amener à freiner la mise à exécution de certaines des peines qui « traînent dans les placards du parquet », selon l'expression consacrée à la DAP.

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Les relations personnelles ici sont excellentes. Ce sont des relations qui ont quand même considérablement évolué. Avant, on avait des réunions où les magistrats étaient sur leur estrade. L'information « descendait » vers nous à l'AP. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être le partenaire d'une politique pénale globale dans laquelle j'ai mon mot à dire, j'ai mes exigences à faire valoir. Mon avis compte, il est entendu, il est demandé, il est souhaité (Directeur de maison d'arrêt-B).

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Sur le surencombrement, j'ai des seuils. Quand on y arrive, j'appelle le procureur et je dis « Stop ». On a eu un magistrat qui prononçait des peines de 15 jours ou 3 semaines pour une CEA. J'ai téléphoné pour dire « Comment je fais mon métier de préparation à la sortie en 3 semaines ? » Je fais le siège du procureur en disant « J'ai trop de monde, je ne peux plus maîtriser la détention ». Et on m'entend. Aujourd'hui, les magistrats comprennent ce qui se passe dans les prisons. Avant, quand j'étais dans mes précédents postes, si j'appelais pour dire « On est plein », on me répondait « Dommage ». Aujourd'hui, je n'ai plus cette réponse. Le parquet face à la police, il doit assumer qu'il fait baisser le nombre d'écrous. On a quand même la problématique de la prison qui est intégrée dans la politique pénale (Directeur, maison d'arrêt-B).

23 Si, classiquement, les observateurs du monde carcéral insistent sur la contradiction structurelle qui, en milieu carcéral, oppose les objectifs de sécurité et de réinsertion (Chauvenet et al., 1993), on constate que se superpose à ce vieux dilemme un enjeu désormais prioritaire pour les directeurs : « désengorger » leurs établissements, soit en réclamant aux magistrats des aménagements de peine, soit en organisant le transfert des détenus vers d'autres prisons. Si l'exercice est difficile car les directeurs sont en situation de dépendance à l'égard des magistrats, il fait cependant converger leurs intérêts professionnels et l'impératif normatif que constituent les droits de l'Homme et donne donc une certaine cohérence à leur discours. Face au dilemme qui structure l'ensemble du champ et qui oppose gestion des flux et gestion des risques (Larminat, 2012), les directeurs se positionnent assez nettement en gestionnaires de flux. Ils font clairement pression sur les procureurs afin de limiter les incarcérations.

Le parquet soumis à une injonction paradoxale

24Pour leur part, les parquets sont dans une position inconfortable. Instruments locaux de politiques pénales nationales, ils doivent assumer des décisions gouvernementales qui elles-mêmes émergent en réaction à des faits divers (Mouhanna, 2012). Or, celles-ci sont loin de constituer un corpus cohérent et clair sur lequel s'appuyer. De ce fait, les procureurs doivent répondre à une double injonction. D'une part, ils subissent une pression de l'opinion et du gouvernement pour que s'accroissent le nombre de condamnations et leur sévérité, option à laquelle nombre d'entre eux adhèrent personnellement. Leur politique de poursuite et leurs réquisitoires vont dans ce sens. Le dispositif des  peines planchers manifeste l'accent qu'a mis en 2007 le législateur sur cette production de sanctions, en cherchant à restreindre le champ décisionnel du juge. Les affaires abondamment médiatisées autour de la figure du récidiviste ont renforcé l'attention de la Chancellerie et des procureurs sur le risque qu'impliquait pour eux la remise en liberté de personnes soupçonnées d'être dangereuses. En outre, les procureurs les moins bien disposés à l'égard de ces politiques ont été sanctionnés par le ministère de la Justice. Les six procureurs de notre échantillon se déclarent ainsi clairement en faveur de politiques pénales répressives.

25Mais ce mouvement en faveur d'incarcérations supplémentaires encouragé au plus haut niveau de l'État est contrecarré par un autre type de pression. Comme cela a déjà été souligné, la surpopulation chronique des maisons d'arrêt entraîne la mobilisation des chefs d'établissement afin de freiner ce flux croissant d'incarcérations. En particulier, ils luttent contre les petites peines, car leur multiplication génère une grande insatisfaction pour les personnels pénitentiaires. D'une part, la réinsertion s'avère un exercice impossible dans un délai d'incarcération trop bref. D'autre part, les courtes peines demandent beaucoup plus d'efforts, en particulier en termes d'accueil et de gestion des entrées et sorties. Le registre argumentaire utilisé par les personnels pénitentiaires de milieu fermé pour convaincre les parquets de ralentir la mise à exécution de nombre de peines mobilise les catégories déjà énoncées. Le code de procédure pénale, le droit pénitentiaire, les droits de l'Homme y voisinent avec les menaces de grèves des surveillants. Ils rappellent la loi pénitentiaire de 2009, invoquent aussi l'éthique et la morale, vont parfois jusqu'à dénigrer leur propre établissement.

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On craint les suicides. Pour le directeur de la maison d'arrêt, l'enjeu est d'éviter les matelas au sol. C'est son signal d'alerte, c'est un cap. Là il m'appelle pour surseoir à la mise à exécution d'une peine. Je lui ai dit « Pas de problème » (Substitut exécution-C).

27La connaissance personnelle des condamnés est aussi invoquée par les équipes des prisons, face à des magistrats qui n'ont très souvent passé que quelques minutes sur un dossier, et quelques minutes en audience, où l'essentiel de l'histoire de l'individu est résumé dans son casier judiciaire.

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Les tribunaux sont obsédés par le chiffre. Ils font face à la pression du chiffre. Nous, on n'est pas dans ce schéma-là. On n'est pas dans l'industriel. On est dans un autre schéma. Je connais beaucoup de détenus. On passe notre vie ensemble [...] Eux, les magistrats, ils connaissent un dossier, moi je connais une personne (Directeur maison d'arrêt-E).

29 Bien entendu, il est nécessaire de relativiser de telles déclarations et de ne pas idéaliser les relations à l'intérieur du monde carcéral, forcément complexes et empreintes de tensions et de violences, voire du sentiment d'abandon que ressentent certaines personnes détenues. Mais, comparativement aux magistrats, les personnels pénitentiaires sont davantage au contact des personnes condamnées et en font un argument pour peser sur les décisions.

30 Malgré la distance qu'ils peuvent avoir avec la prison, les parquets sont sensibles aux arguments des directeurs de maison d'arrêt. Ils le sont d'autant plus que leur propre hiérarchie les contraint à suivre des directives allant dans le sens d'une baisse des incarcérations, à la fois parce que les campagnes médiatiques et la jurisprudence internationale en matière de détention les y encouragent et parce que la Chancellerie craint aussi les revendications de syndicats pénitentiaires très actifs. Les priorités fixées par le ministère de la Justice aux parquets sont donc tout à fait contradictoires puisque d'un côté il presse les parquets de condamner plus et avec une plus grande sévérité, y compris à des peines de prison qui restent populaires auprès des élus et du public, et de l'autre, constatant la surpopulation carcérale, il enjoint à ces mêmes parquets d'éviter les incarcérations.

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Je dirais que nous, sur le plan des directives que nous recevons... Il y a beaucoup de choses. On nous dit qu'il faut réprimer plus sévèrement les actes violents, qu'il faut appliquer la loi sur la récidive, et parallèlement qu'il faut développer les aménagements de peine. Et on sait qu'il y a beaucoup de peines que l'on doit mettre à exécution (Procureur de la République-D).

32 Soumis à ces politiques contradictoires, les procureurs se trouvent donc dans une situation insoluble, dont ils ne peuvent s'extraire qu'au prix de compromis insatisfaisants. Plusieurs d'entre eux parlent donc de « schizophrénie » quand ils décrivent leur mission. Ces deux priorités antinomiques font l'objet d'un suivi centralisé avec des indicateurs chiffrés d'activité que les parquets doivent respecter. Dans les grands parquets, cette schizophrénie est surmontée par une division du travail entre substituts qui orientent les affaires signalées par les services de police vers des voies de traitement des dossiers menant à des condamnations, et substituts des services de l'exécution des peines qui tentent d'aménager un maximum de peines. Dans les plus petites juridictions, en fonction des permanences, ce sont les mêmes personnels qui prennent en charge les deux activités. Pour les procureurs qui dirigent ces entités, « il est hors de question de moins poursuivre ». Ni leur hiérarchie ni leurs partenaires locaux, services de police, élus, n'accepteraient une telle attitude. N'ayant pas de priorités clairement définies ni surtout stables dans le temps, les parquets font « osciller » leurs décisions entre périodes plus orientées vers l'exécution des peines d'enfermement et moments de freinage, avec des fréquences de changement souvent rapides. Les événements médiatiques et les pressions de la Chancellerie, qui favorisent tantôt la priorité donnée à l'enfermement, tantôt le respect des conditions de détention, interviennent comme autant de facteurs d'influence sur des politiques publiques par essence contradictoires, et qui varient sans cesse. Ainsi, nous avons rencontré un substitut qui avait reçu à trois jours d'intervalle une instruction de la Place Vendôme renforçant le recours aux peines planchers, et donc favorisant l'incarcération, et une circulaire d'application de la loi sur de 2009 encourageant les aménagements. Les risques d'agitation dans les prisons surpeuplées résonnent aussi comme des signaux d'alerte en faveur d'une moindre incarcération, alors qu'au contraire l'ouverture de nouvelles places en prison relâche toutes les préventions et relance les emprisonnements.

33 C'est dans ces interstices que le directeur d'établissement pénitentiaire peut exercer des pressions, ce dont il ne se prive pas. Toutes les contradictions vécues dans les parquets le replacent en position de force. Les procureurs expriment d'ailleurs relativement facilement leur sentiment de malaise face à cette fragilité qui caractérise leur fonction.

34 Ce qui me gêne, c'est la rupture de l'égalité entre condamnés. Il y a un côté « loterie ». Une même personne, pour les mêmes faits, un jour on la met en détention, un autre jour, elle passe en aménagement ab initio car il n'y a plus de place en maison d'arrêt. Ça me gêne car la décision doit être prise sur des critères qui sont la personne, les faits, des critères judiciaires. Mais quand on arrive à ce qu'on se dise « je n'exécute plus » mais « je transforme ma décision », je trouve ça particulier. On le fait à l'exécution ici, mais... Je trouve sincèrement que là, il y a un enjeu premier au niveau judiciaire. La question, c'est « Peut-on régler les problèmes en faisant une adaptation de notre décision en fonction du nombre de places dans l'établissement ? » On n'est pas dans nos critères légaux qui sont la personne et les faits (Procureur de la République-B).

35

À un moment, cet été, le directeur de la MA de [...] m'a appelé en urgence. J'ai dit à notre service de l'exécution de ne plus exécuter pendant quelques mois. Depuis, on cherche à stabiliser les effectifs (Procureur de la République-E).

36 Dès lors, on assiste à de véritables négociations, formalisées ou non, entre les parquets et les directeurs d'établissement sur le nombre de personnes que la prison peut accueillir à un moment donné. Les directeurs communiquent par courriel le nombre de places « raisonnablement disponibles ». Ce nombre de places est supérieur au taux d'occupation officiel, mais il existe bien une norme, un seuil limite qui, au moment de notre enquête de terrain, s'établissait en fonction de critères matériels : il n'était pas question de mettre des matelas par terre dans les cellules [6]. Dans une certaine mesure, il s'établit de facto de véritables numerus clausus dans certaines juridictions. Les parquets intègrent dans leur politique ce nombre de places au-delà duquel de nouvelles incarcérations ne sont possibles qu'à condition de « faire de la place ».

37

On ne parle pas de numerus clausus, mais il y a quand même une idée. Le directeur de la maison d'arrêt m'appelle quand on atteint des limites du gérable. On en tient compte... (Procureur de la République-A).

38 Concrètement, cela se traduit par la conservation de dossiers d'exécution de peine dans les « placards » du parquet, qui ne les fait pas exécuter. Cette seconde option est en fait la seule que maîtrise véritablement le parquet, puisque nous verrons que toutes les autres dépendent des JAP. Le rapport de l'IGSJ de 2009 estimait très prudemment qu'environ 80 000 peines de prison ferme, dont 67 % de peines inférieures à 6 mois et 86 % de peines inférieures à 1 an gisaient dans ces « placards ». Une partie d'entre elles ne sera vraisemblablement jamais exécutée, mais il arrive qu'un justiciable soit convoqué deux ou trois ans, voire plus, après son procès, afin de purger sa peine.

39

Les courtes peines, c'est le problème de la société actuelle. Il y a beaucoup de petites peines car les gens n'ont pas fait grand-chose. Le problème, c'est quand ce n'est pas exécuté tout de suite. Les gens vivent deux ans tranquilles et puis ils tombent sur un contrôle et ils doivent faire trois mois de prison ! Adieu l'emploi, adieu la vie de famille, et tout le reste. C'est la galère. C'est explicable légalement, mais c'est humainement très difficile. Ça ne rend service à personne. Mais ça a été décidé. Le type est condamné à trois mois, et on va le chercher 18 mois ou 2 ans après la condamnation. Dans ces cas, on va essayer d'aménager, mais on n'y arrive pas toujours, on n'a pas le nombre de postes suffisants. On essaie nous de rassurer la personne, de lui dire qu'on va lui aménager. On essaie d'éviter les accidents... les suicides. Les gens nous disent « Je travaille, je vais perdre mon job ».

40

On dit que la société est plus libre qu'avant, mais elle condamne plus qu'avant. Une demande sociale est là... Elle porte, on le sent au parquet. Mais faire exécuter deux ans après la condamnation ! On perd le sens des choses (Directeur de maison d'arrêt-A).

41 Pour les petites et moyennes peines ­ inférieures à deux ans ­ qui représentent une majorité des condamnations, la décision d'exécuter l'enfermement ne dépend donc pas uniquement de la condition sociale du condamné, mais aussi de la disponibilité des structures « d'accueil » que sont les maisons d'arrêt et des jeux d'acteurs qui se construisent autour. Loin d'une application stricte de règles de droit qui ne sont pas cohérentes entre elles, le parquet, confronté aux problèmes concrets du terrain, joue sur ce levier pour surmonter des politiques sinon indécises, du moins paradoxales. Un raisonnement similaire peut d'ailleurs s'appliquer aux décisions conduisant à certaines des peines de milieu ouvert, du type travaux d'intérêt général (TIG), chantiers extérieurs ou bracelet électronique, où les places disponibles offertes vont influer sur la manière dont sera effectivement exécutée la peine. Même s'ils ont, à titre personnel ou par nécessité professionnelle, un penchant pour la limitation des risques potentiels représentés par les condamnés ­ et donc pour l'enfermement ­, les parquetiers doivent adapter leur politique pénale aux disponibilités pratiques offertes par la pénitentiaire :

42

Ici, nous appliquons la Loi, dans toute sa sévérité. Je suis contre toute forme de laxisme en matière de délinquance. Mais bon... Il faut être réaliste. Ici la maison d'arrêt est pleine à craquer. Donc on essaie de trouver des alternatives à l'incarcération (Procureur de la République-C).

43 Confronté à un dilemme, le parquet s'adapte en fonctionnant de manière ambivalente et en ne tranchant pas. En amont, il continue, dans toutes les juridictions, à faire entrer des justiciables dans le flux des personnes présentées en audience. Et en aval, les mêmes parquetiers, ou leurs collègues, cherchent des moyens d'éviter trop d'incarcérations.

Un décideur soumis a des contradictions : LE JAP

44À maints égards, les JAP se trouvent dans une situation tout aussi complexe en matière de décision. Rappelons tout d'abord la mission de ce juge. En milieu fermé, il a la capacité, après un délai indexé sur la durée de la peine, de transformer le régime du détenu et de lui faire exécuter une partie de sa peine hors les murs, en l'aménageant. Cela vaut pour les personnes incarcérées. Avant l'incarcération, parmi les peines inférieures à deux ans, il a la faculté de convertir la condamnation à de la prison ferme en une peine aménagée. Cette capacité a par le passé conduit les autres magistrats du siège à qualifier le JAP de « défaiseur de décisions ». Contrairement au parquet qui ne peut agir, dans notre champ, qu'en adoptant des pratiques marginales, le JAP est un vrai décideur. Certes, en milieu fermé, la juridictionnalisation de l'application des peines a quelque peu restreint leur pouvoir, mais les JAP restent ceux qui en dernier ressort tranchent.

Des politiques autonomes

45La comparaison entre les sites de notre échantillon conduit à un premier constat fort : il n'y a pas de politique nationale en matière d'application des peines. En d'autres termes, chaque JAP reste maître de la politique qu'il entend mener, ce qui se retrouve dans nos tribunaux. Par exemple, sur l'un des sites, les JAP mènent une politique d'aménagement maximale, en utilisant toutes les possibilités offertes par le droit, voire même en se passant des rapports transmis normalement par les SPIP si ceux-ci tardent trop.

46

Quand comme moi on est en faveur d'une politique d'aménagement volontariste, les directeurs de maison d'arrêt sont contents (Juge de l'application des peines 1-A).

47 A contrario, sur un autre de nos sites, et malgré un taux de suroccupation très élevé à la maison d'arrêt, nous trouvons deux JAP qui refusent presque tous les aménagements.

48

Pour accorder un aménagement, il me faut un maximum de garanties, sinon c'est trop dangereux de remettre une personne dehors. (Juge de l'application des peines 1-F).

49Personnels des prisons et parquets doivent alors trouver des arguments forts et offrir des garanties très élevées s'ils veulent espérer une réponse positive. Le justiciable doit avoir a minima un emploi, un logement, un encadrement familial, mais le fait de réunir ces conditions n'est pas nécessairement suffisant. Assimiler JAP et politique d'aménagement systématique constitue donc un contresens, car celle-ci varie en fonction des options des uns et des autres. Les JAP les plus réticents à accorder de tels aménagements avancent des arguments où se mêlent craintes, responsabilité individuelle et responsabilité collective. Ils acceptent mal l'idée de remettre en liberté, même si cette ­ fausse ­ liberté est assortie d'un contrôle électronique, quelqu'un susceptible de commettre à nouveau un délit, parce qu'ils craignent de devoir publiquement assumer la responsabilité d'une récidive. À l'inverse, leurs collègues « aménageurs » usent d'autres arguments : ils ont intégré le discours sur les effets néfastes de l'incarcération en matière de réinsertion, et affichent leur volonté de lutter contre des politiques d'enfermement peu ciblées selon eux. Chaque JAP a donc sa propre représentation de la prison, de son image et de son impact sur les personnes incarcérées, et fonde dessus sa politique en matière d'aménagement. La DAP a d'ailleurs à maintes reprises souligné cette disparité, et l'inégalité qu'elle suscite, pour militer en faveur d'une gestion administrative centralisée qui réintroduirait davantage d'équilibres. À cela les JAP, bien qu'en désaccord entre eux, répondent en interprétant en leur faveur le concept de personnalisation de la décision, qui doit être adaptée à chaque individu examiné par leurs soins.

50

Il y a des pratiques différentes entre les JAP, c'est sûr, c'est inévitable. Certains convoquent plus que d'autres... Il y a quand même un cadre commun, transmis aux JAP arrivants. Mais on est quand même dans l'individualisation. On s'écarte des règles fixées à l'avance (Juge de l'application des peines, responsable de service- 3-B).

51Les autres acteurs, et en particulier le personnel pénitentiaire ou le parquet, doivent donc « faire avec » et adapter leurs pratiques et leurs discours à chaque JAP, ce qui ajoute donc de la complexité au dispositif. Au-delà des deux exemples déjà cités de groupes homogènes de JAP pro ou anti-aménagements, on relève des juridictions où se côtoient les deux. À chacun d'entre eux, ses partenaires doivent apporter un discours différent. Ainsi, nous avons pu voir des parquetiers plutôt conservateurs, selon leurs propres termes, adopter une attitude plus résolument volontariste en matière d'aménagement afin de tenter d'influencer un JAP très réticent sur ce point. À l'inverse, face à un JAP considéré comme trop aménageur, les parquets n'hésitent pas à faire appel des décisions. Cet appel étant suspensif, la personne condamnée reste entre-temps en prison.

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On mène ici une politique d'aménagement. On veut des aménagements pour toutes les petites peines. Mais il y a des réticences du parquet. On s'y attendait [...] Quand on ne les écoute pas, ils font des appels pour des peines de 3 mois, car le condamné n'a pas de travail. Tout ça pour des peines qui datent d'il y a 4 ou 5 ans ! Pour des gens qui n'ont pas commis d'infraction depuis ! Ils ont une situation familiale à préserver. Ce n'est pas un appel suspensif, c'est uniquement destiné à bloquer le condamné. La cour d'appel ne peut statuer que dans les 2 mois. En attendant, le gars reste en prison. C'est foutu pour lui. La chambre d'application des peines me donnera sûrement raison, mais c'est foutu pour le gars, il a fait sa peine (Juge de l'application des peines-C).

53 Et face à un JAP très restrictif, les directeurs de maison d'arrêt tenteront de multiplier les arguments afin de les amener à moins de sévérité, en veillant toutefois à ne pas paraître lui « forcer la main ». Ils savent que celui-ci a les moyens de résister à l'épreuve de force. Leur stratégie consiste donc à apporter des garanties en faveur de la personne incarcérée dont le dossier est examiné en milieu fermé, et à dénoncer les conditions de détention pour freiner les arrivées de nouveaux entrants.

54

Il faut connaître les détenus. Par exemple, si sur un dossier, il y a écrit « rien » parce qu'un gars n'a pas travaillé, le JAP pensera « Il n'y a pas d'évolution ». Or, parfois, ça s'explique, le type ne peut pas travailler pour telle ou telle raison. On explique au JAP pourquoi on soutient le gars, notre positionnement. On a réussi à obtenir des choses.

55

Malgré la politique personnelle de chaque JAP, on peut arriver à lisser un peu sa position. Bon, mais on ne peut pas tout gommer. Ils sont indépendants et libres, c'est leur statut  (Directeur de maison d'arrêt-F).

56

L'avis du directeur peut jouer. Quand par exemple il nous dit : « M. X., il voulait du travail mais je ne peux pas lui en donner », il plaide en faveur du détenu (Juge de l'application des peines 1-A)

57 S'il peut être sensible à ces éléments, le JAP s'extrait, au moins en partie, de ces considérations matérielles pour défendre ses propres principes. Alors que les idées personnelles ou les considérations idéologiques des procureurs et des directeurs de maison d'arrêt s'effacent devant les considérations matérielles, conduisant à des comportements similaires dans tous les sites, chaque JAP parvient à faire intervenir ses choix idéologiques dans le fonctionnement de l'ensemble judiciaire-pénitentiaire [7]. Face à ce positionnement, les parquetiers se trouvent, eux, tous soumis aux mêmes contraintes et doivent s'adapter par un jeu d'oscillations permanent, ce qui génère insatisfactions et même protestations [8], tandis que les directeurs de maisons d'arrêt subissent la surpopulation en essayant de la limiter par des plaintes répétées. Seuls les JAP conservent une autonomie importante : ils expriment dans une large mesure leurs choix personnels dans des décisions qui varient fortement de l'un à l'autre et auxquels les autres acteurs doivent s'adapter. En ce sens, et comme pour d'autres juges (Bastard et Mouhanna, 2010), il n'y a pas de réel collectif professionnel.

La « schizophrénie » des JAP

58L'action menée par les JAP est cependant empreinte d'une certaine forme de schizophrénie organisationnelle. Pour la saisir, il convient d'élargir le champ de l'analyse et d'y intégrer la décision au tribunal correctionnel, celui qui oriente vers la prison ou non. La quasi-totalité des JAP y sont affectés à temps partiel en plus de leur mission principale. Ils participent donc directement au processus qui aboutira à la condamnation. Le paradoxe que l'on peut relever est qu'ils ne s'engagent pas dans des politiques cohérentes à l'échelle de ces deux fonctions. Alors qu'existe en droit la possibilité de prononcer des aménagements de peine ab initio, c'est-à-dire en audience correctionnelle et à la place de peines de prison fermes, il s'avère que cette pratique est dans les faits inexistante ou presque. Le plus surprenant est que, malgré la présence du JAP lors du procès, et même si celui-ci fait par ailleurs preuve de volontarisme en matière d'aménagement, ce taux d'aménagement ab initio ne varie pas, et reste proche de zéro.

59

Quand on est en correctionnelle, on est à un autre moment de la chaîne pénale et on a d'autres critères. Autant, au service de l'application des peines, je suis assez favorable aux aménagements de peine, dès que la personne fait un minimum d'effort, autant quand j'étais en correctionnelle, la personne qui avait un casier assez chargé ou qui avait commis des faits relativement graves, je n'hésitais pas à prononcer des peines d'emprisonnement tout en me disant « Ce sera peut-être aménagé » mais sans savoir ce qu'il allait en advenir (Juge de l'application des peines 2-A).

60Les JAP cloisonnent donc leurs pratiques. Quand ils participent à une formation de jugement qui prononce une peine ferme de moins de deux ans en audience, bien qu'elle soit en principe aménageable, ils ne s'engagent pas en ce sens. Les mêmes JAP, retrouvant leur fonction d'origine, reçoivent ensuite les détenus et leur annoncent qu'ils vont ­ ou non ­ aménager leur peine. Interrogés sur ces pratiques paradoxales, puisqu'ils défont en quelque sorte une décision qu'ils ont contribué à forger, les JAP avancent des arguments peu convaincants, notamment le manque de garanties de reinsertion présentées à l'audience. Certains d'entre eux aménagent pourtant la peine sans avoir de rapports très complets par la suite. D'autres invoquent la nécessité de soumettre le condamné à un régime de « douche écossaise » afin de le sensibiliser au fait qu'il échappe de justesse à l'incarcération et de le « remettre plus facilement dans le droit chemin ». L'analyse nous permet d'autres hypothèses, non exclusives des précédentes.

61 En premier lieu, les JAP n'ont jamais totalement acquis, au sein des juridictions et vis-à-vis de leurs collègues, une réputation de « vrai » juge. Si les a priori sont moins forts qu'il y a quelques années, ils conservent une réputation de juge « gentil », « social », qui les inciterait à plus de mansuétude que leurs collègues. Nous avons vu combien cette image pouvait être décalée par rapport aux pratiques de certains d'entre eux. Néanmoins, et quel que soit le positionnement des JAP en matière d'aménagement, ils doivent montrer aux collègues de correctionnelle qu'ils sont aussi sévères qu'eux, pour ne pas perdre la face et casser cette image de manque de rigueur qui continue d'être associée à leur fonction.

62

Les premières réunions qu'on a faites avec les magistrats correctionnels, où on leur a dit tous les aménagements de peine qu'on faisait, on leur a présenté comment on travaillait, ils étaient pour la plupart assez surpris. Et il y a eu quelques réactions, de dire finalement « Vous défaites tout ce que l'on fait à l'audience, vous modifiez complètement les choses », etc. (Juge de l'application des peines 3- F).

63Mais cette double fonction offre aussi aux JAP une capacité instrumentale. En ne s'investissant pas pour promouvoir les aménagements à l'audience, ils préservent leurs marges de choix ultérieur, dans l'intimité de leur cabinet où ils décideront, hors du regard de leurs pairs, et donc en fonction de leurs propres principes, de l'orientation du condamné. En effet, à ce stade de la procédure, et pour les petites peines, ils maîtrisent entièrement le choix de l'application ou non de la décision d'incarcération prononcée par le tribunal.

64Par ailleurs, nombre de JAP posent comme principe un refus d'appliquer de manière systématique une règle d'aménagement systématique. Une telle acceptation contreviendrait à l'idéal d'individualisation de la sanction que, aménageurs ou non, ils défendent tous. Contre l'avis de la DAP, contre celui de la Chancellerie qui, pour des raisons managériales, pousse à une automatisation, les JAP défendent une décision adaptée à chaque cas, se réservant le droit de refuser un aménagement pour ne pas céder aux impératifs d'automaticité. Ce faisant, ils maintiennent leurs marges d'appréciation, largement fondées sur leurs croyances et leurs choix idéologiques, et renforcent la dépendance des autres acteurs envers eux. À la schizophrénie institutionnelle subie par les parquets répond donc une schizophrénie instrumentale en partie maîtrisée par le JAP.

Conclusion : Des dilemmes aux effets inattendus de la rationalisation

65Dans un contexte politique de répression voulue et assumée, le système pénal et carcéral trouve rapidement ses limites : celles de la dignité humaine et des droits de l'Homme, défendues par principe ou instrumentalisées pour atteindre d'autres objectifs ; celles des contradictions que rencontre la mise en  uvre de règles de droit concurrentes ou même contradictoires entre elles ; mais aussi celles d'ordre matériel, avec par exemple un nombre de places disponibles évoluant dans l'espace et dans le temps. Ce cadre contraint chacun à composer avec les contradictions propres à sa fonction. Cette nécessaire adaptation bouleverse les catégories a priori assignées par les discours communs, telles que le parquet répressif, le JAP social et aménageur, le directeur de prison sécuritaire, qui ne résistent pas à l'examen des pratiques concrètes. Les rôles sont interchangeables, en fonction non seulement de la personnalité et du passé du justiciable, du délit commis, du degré de tolérance de chaque magistrat (Morris et Tonry, 1991), mais également des contingences matérielles dans lesquelles se débattent les uns et les autres, et des orientations que retient le JAP, auxquelles tous les autres doivent s'accorder. Les différents acteurs de cet ensemble complexe sont dès lors amenés à des écarts entre leurs idéologies personnelles, leurs identités professionnelles par ailleurs en constante évolution et leurs pratiques individuelles qui résultent d'un contexte générant pour chacun de multiples dilemmes. Ils ne voient plus la cohérence de leur action, tant à l'échelle individuelle qu'à celle des politiques qu'ils sont censés mener. C'est à cette confrontation à des rôles multiples, et qui génère « mécaniquement » ces comportements en apparence aberrants, que renvoie la schizophrénie institutionnelle, plus qu'à des catégories psychologiques, même si l'on peut penser qu'elle n'est pas sans conséquences pour les acteurs.

66Pour les petites et moyennes peines, toutes ces variables, et la lecture qu'en fait chaque acteur, pèsent sur la décision d'enfermement, à côté des conditions socio-économiques de chaque condamné. Il n'est donc pas possible de ne considérer l'incarcération que sous l'angle de flux carcéraux, puisque d'autres critères interfèrent, qui résultent des interactions complexes décrites ici, sont non quantifiables et ne peuvent être appréciés que par une approche microsociologique. En d'autres termes, s'il y a bien des régulations de cet ensemble, elles s'observent à l'échelle locale, alors que l'observation à une échelle nationale révèle une hétérogénéité qui rend difficile toute compréhension.

67 Pour tous les acteurs concernés, mais aussi pour les justiciables, se pose dès lors la question de la norme et de la régularité de son application. Car la production concrète de cet ensemble complexe ­ la décision d'incarcération ­ offre tant aux acteurs judiciaires qu'aux justiciables une image de hasard ou de « loterie », propre à discréditer la notion de justice et son exemplarité. Deux condamnés pour des mêmes faits, et aux « profils sociaux » similaires, n'effectueront pas la même peine, moins par logique d'individualisation de la sanction que parce que les conditions ­ le nombre de places disponibles, la politique du JAP, les réactions du parquet ­ auront changé entre-temps. Loin d'être reconnu, l'occultation de ce caractère variable renforce le malaise et la schizophrénie des magistrats. Tous argumentent alors en faveur d'un encadrement des pratiques qui conviendrait mieux à l'idéal d'égalité devant la loi (Rawls, 1987), mais cet idéal se heurte ici à la difficulté de définir celle-ci : à l'égalité de peine défendue par les juges et le parquet s'oppose l'inégalité dans l'exécution que soulignent les directeurs de prison dans un contexte où l'« offre » carcérale est très hétérogène.

68 De plus, la recherche de cet idéal débouche irrémédiablement sur une bureaucratisation des activités judiciaires, source de nouvelles dérives (Dixon, 1995). La rationalisation par l'État montre ici ses limites et ses incohérences, tant en termes d'efficacité qu'en termes de contrôles. Ses politiques pénales de tolérance zéro se heurtent à l'impossibilité pratique d'incarcérer toutes leurs cibles potentielles, générant une schizophrénie institutionnelle et politique qui alimente celle du terrain. Plus largement, les constats faits ici interrogent les conséquences pratiques d'un système pénal qui, entièrement tourné vers la sanction et les enjeux de productivité, ne considère plus les justiciables que comme des flux à traiter, sans se préoccuper des conséquences humaines et sociales de ses décisions.


Annexe méthodologique

69 Les six terrains sur lesquels ont été conduites nos recherches représentent un échantillon des différents types de tribunaux et de maisons d'arrêt. Sur chacun d'entre eux ont été menés des entretiens avec toutes les personnes impliquées dans ces relations judiciaires-pénitentiaires : procureurs et substituts des différents services, présidents de tribunaux correctionnels, JAP, juges d'instruction, juges des libertés et de la détention, greffiers de l'exécution des peines ; directeurs de maisons d'arrêt, personnels de greffe des prisons et surveillants dans les Quartiers arrivants, directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation, conseillers d'insertion et de probation. Tout cela a été complété par des observations des réunions et des interactions ­ téléphone, courriers électroniques, etc. ­ entre les différents acteurs.

70 Sites A et F : Grands TGI d'Ile-de-France, grand établissement pénitentiaire avec surpopulation carcérale, plusieurs JAP (4 à 6) : 50 entretiens chacun.

71 Site B : Grand TGI de province, grand établissement pénitentiaire avec surpopulation carcérale, plusieurs JAP (4 à 6) : 48 entretiens.

72 Site C : TGI provincial de taille moyenne avec expériences innovantes, petite maison d'arrêt avec surpopulation carcérale, 2 JAP : 30 entretiens.

73 Site D : TGI provincial à la gestion plus traditionnelle, inauguration d'une nouvelle maison d'arrêt, 2 JAP : 25 entretiens.

74 Site E : Petit TGI de province avec 1 seul JAP, petite maison d'arrêt ancienne : 18 entretiens.

75 À cela s'ajoutent des travaux à l'échelle régionale, dans les cours d'appels ­ H, I, J, K ­ et les directions interrégionales des services pénitentiaires (L, M, N).

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    La Coordination des politiques judiciaires et pénitentiaires : Une analyse des relations entre monde judiciaire et administration pénitentiaire, CESDIP-GIP droit et justice, juin 2011, C. Mouhanna, avec la collaboration de J. Bastard, P. Benech, V. Le Goaziou.
  • [2]
    Voir par exemple la circulaire du 10 avril 2002 relative à l'effectivité de la réponse pénale-Direction des Affaires criminelles et des grâces, CRIM 2002-08 E3/10-04-2002.
  • [3]
    Voir annexe méthodologique.
  • [4]
    Source : Direction de l'administration pénitentiaire-PMJ5.
  • [5]
    Voir les rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté, http://www.cglpl.fr/
  • [6]
    L'affaire de Pornic, en juin 2011, postérieure à notre recherche, en impliquant dans le meurtre d'une jeune fille un récidiviste suivi en milieu ouvert par les services pénitentiaires, a relancé le mouvement d'incarcération stable depuis plusieurs années, et contraint les établissements à revoir ces normes à la hausse.
  • [7]
    Une étude sociographique des JAP est en projet afin de mieux cerner les composants de ces choix. Sur les choix des juges, voir Faget, 2008.
  • [8]
    Des protestations de procureurs se sont multipliées : manifestations devant les TGI à partir de 2011, critiques à l'encontre des politiques pénales lors des discours de rentrée, etc. 128 des 161 procureurs ont signé en 2011 un « appel solennel sur la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les parquets ».
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