Notes
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[1]
V. ordonnances n° 2016-520 du 28 avr. 2016 et n° 2017-1674 du 8 déc. 2017.
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[2]
CMF, art. L. 552-2.
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[3]
CMF, art. L. 54-10-1. La numérotation s'avère, elle aussi, assez inédite...
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[4]
CMF, art. L. L. 54-10-3 s.
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[5]
CMF, art. L. 552-1 s.
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[6]
V. C. pén., art. 222-7 s.
-
[7]
Art. 31.
-
[8]
C. envir., art. L. 541-15-5.
-
[9]
Ordonnance prise sur le fondement de l'article 202 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
-
[10]
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal, JO n° 0218 du 19 sept. 2019.
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[11]
V. M. Segonds, Les apports de la loi du 9 décembre 2016 à l'anticorruption : Dr. pénal 2017. Étude 4, sp. n° 20.
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[12]
V. Rapp. préc. À propos de l'ajustement des infractions indispensables à la mise en ouvre du parquet européen : V. M. Segonds, Le périmètre d'intervention du parquet européen. À propos de la compétence ratione delicti commissi du parquet européen, : AJ pénal 2018. 287.
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[13]
V. Dir. (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal : JOUE, L. 198/29. Il est à noter que la référence à cette Directive remplace la référence au protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes fait à Dublin le 27 septembre 1996, au sein de l'article 689-8 du code de procédure pénale.
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[14]
V. C. pén., art. 432-15.
-
[15]
V. C. pén., art. 433-4.
-
[16]
V. C. pén., art. 432-11 et 435-3.
-
[17]
V.C. douanes, art. 414-2.
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[18]
V. C. pén., art. 324-1 s.
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[19]
Alors que l'article 3 de la Directive du 5 juillet 2017 fait état, au titre de la fraude, de l'utilisation ou de la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet le détournement ou la rétention indue de fonds ou d'avoirs provenant du budget de l'Union ou des budgets gérés par l'Union ou pour son compte.
-
[20]
V. M. Segonds, ibid.
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[21]
V. Amdt CL 208.
-
[22]
Compar. D. Rebut, Droit pénal international, Dalloz, 2019, 3e éd., n° 136.
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[23]
V. art. 11 §3 b.
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[24]
La tentative devient alors punissable : V. C. pén., art. 314-1-1 al. 3.
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[25]
La tentative étant alors, ici encore, incriminée : V. C. pén., art. 314-1-1 al. 3.
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[26]
V. C. pén., art. 432-15 al. 2.
-
[27]
V. Rapp. préc.
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[28]
Avec pour effet de pouvoir porter l'amende jusqu'à dix fois la somme sur laquelle a porté l'infraction. V. C. douanes, art. 415 al. 2.
-
[29]
V. M. Segonds, Les élus de la République sont-ils tous justiciables de l'article 432-15 du code pénal ? », note sous Crim. 27 juin 2018, n° 18-80.069, JCP 2018. 1148 ; AJDA 2018. 1364 ; ibid. 2203, note D. Connil ; D. 2018. 1795 ; ibid. 1791, avis P. Petitprez ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2018. 465, note P. de Combles de Nayves ; AJCT 2018. 582, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2018. 1053, obs. L. Saenko ; G. Beaussonie et H. Rassafi-Guibal, De la possibilité de la répression des malversations commises par les parlementaires : D. 2018. 1795.
1. Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
1Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019
2La loi mettant en ouvre le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») du Gouvernement contient quelques dispositions répressives, deux séries plus précisément.
3En premier lieu, au sein du volet consacré aux « entreprises plus innovantes », se trouve notamment, dans la lignée de la consécration des chaînes de blocs (« blockchain ») et de la monnaie virtuelle [1], une réglementation des « actifs numériques » et des « services sur actifs numériques ». Les premiers comportent, pour le moment, les « jetons » - biens incorporels « représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » [2] - ainsi que « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement » [3]. Les seconds « comprennent les services suivants : 1° Le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou d'accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ; 2° Le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ; 3° Le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ; 4° L'exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques ; 5° Les services suivants : a) La réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ; b) La gestion de portefeuille d'actifs numériques pour le compte de tiers ; c) Le conseil aux souscripteurs d'actifs numériques ; d) La prise ferme d'actifs numériques ; e) Le placement garanti d'actifs numériques ; f) Le placement non garanti d'actifs numériques ».
4Ces nouveaux biens et services impliquent l'intervention de nouvelles formes de prestataires que, parallèlement, la loi réglemente, un enregistrement par l'AMF s'avérant notamment nécessaire afin d'exercer cette activité et un agrément s'il s'agit de fournir ces services « à titre de profession habituelle » [4]. De même apparaissent de nouveaux intermédiaires : les « émetteurs de jetons » qui, procédant à une offre au public de jetons, sollicitent un visa de l'AMF [5].
5C'est dans le cadre de la réglementation de ces nouvelles activités que figurent plusieurs dispositions répressives. Ainsi, tout d'abord, l'article L. 572-23 du code monétaire et financier punit-il « d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait, pour toute personne soumise à l'obligation de déclaration mentionnée à l'article L. 54-10-3 (l'enregistrement susvisé), de ne pas souscrire cette déclaration ou de communiquer des renseignements inexacts à l'Autorité des marchés financiers » (al. 1er). Le texte ajoute qu'« est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait, pour toute personne agissant soit pour son propre compte, soit pour le compte d'une personne morale, de méconnaître l'une des interdictions prévues à l'article L. 54-10-4 » (al. 2).
6Ensuite, l'article L. 572-24 punit « des peines prévues à l'article L. 571-4 (un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende) le fait, pour toute personne agissant soit pour son propre compte, soit pour le compte d'une personne morale et exerçant la profession de prestataire des services mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 54-10-2 (service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou d'accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques et service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal), de ne pas répondre, après mise en demeure, aux demandes d'informations de l'Autorité des marchés financiers, de mettre obstacle de quelque manière que ce soit à l'exercice de sa mission de contrôle ou de lui communiquer des renseignements inexacts ».
7Enfin, l'article L. 572-26 punit « de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait, pour toute personne fournissant des services sur actifs numériques au sens de l'article L. 54-10-2, de diffuser des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses ou d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu'elle est agréée dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-5 ».
8La présente combinaison est habituelle en droit pénal des affaires, que le législateur ne fait donc qu'appliquer aux nouveaux intervenants dont il vient de reconnaître l'existence : sanction des imposteurs (non déclarés, non agréés ou interdits d'activité) et, corrélativement, sanction de ceux qui n'autorisent pas ou empêchent le contrôle de leur activité.
9Ajoutons que s'appliqueront aussi à eux certaines des dispositions répressives générales contenues par les articles L. 570-1 et suivants du code monétaire et financier, un nouvel article L. 572-25 précisant par exemple que « les dispositions de l'article L. 571-2 », autorisant les autorités judiciaires, en tout état de la procédure, à demander à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution tous avis et informations utiles, « sont applicables aux procédures relatives aux infractions prévues aux articles L. 572-23 et L. 572-24 ». Sans surprise, ils seront également concernés par le dispositif de lutte anti-blanchiment, l'article L. 561-2 étant modifié en ce sens.
10Les émetteurs de jetons, quant à eux, tout aussi assujettis à ces dispositions générales et à la lutte anti-blanchiment, devront au surplus, en vertu du nouvel article L. 572-27 du code monétaire et financier, s'abstenir « de diffuser des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses ou d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu'[ils ont] obtenu le visa prévu à l'article L. 552-4 ».
11En second lieu, au sein de ce même volet relatif à l'innovation, la loi « PACTE » comporte des dispositions relatives à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques (« véhicules autonomes »), le texte complétant, à cet égard, l'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016. Entre autres difficultés relevées en la matière, il apparaissait étrange et problématique que, fût-ce dans un cadre expérimental, aucune règle pénale n'ait été mobilisée, ne serait-ce que pour permettre d'identifier l'éventuel responsable d'un préjudice grave causé par le véhicule.
12En conséquence, sont insérés dans l'ordonnance deux nouveaux articles, le premier - le nouvel article 2-1 - précisant l'applicabilité du premier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la route, en vertu duquel « le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule », en ce qui concerne un véhicule autonome : écarté « pendant les périodes où le système de délégation de conduite, [que le conducteur] a activé conformément à ses conditions d'utilisation, est en fonctionnement et l'informe en temps réel être en état d'observer les conditions de circulation et d'exécuter sans délai toute manouvre en ses lieux et place » ; rétabli « après sollicitation du système de conduite et à l'issue d'un délai de reprise de contrôle du véhicule précisé par l'autorisation d'expérimentation, dont le conducteur est informé. Il en va de même lorsque le conducteur a ignoré la circonstance évidente que les conditions d'utilisation du système de délégation de conduite, définies pour l'expérimentation, n'étaient pas ou plus remplies ».
13L'articulation paraît logique, le conducteur - qu'il soit dans ou en dehors du véhicule - n'étant responsable qu'à la condition qu'il ait, à la fois, le contrôle du véhicule et la conscience de ce contrôle, les éléments constitutifs d'une infraction intentionnelle étant ainsi susceptibles d'être réunis. Plus encore, il n'en est pas moins responsable à ignorer l'évidence de sa reprise du contrôle du véhicule, sa négligence pouvant alors concourir, le cas échéant, à constituer une infraction non-intentionnelle.
14La question qui demeure étant celle de l'imputation de l'infraction dans le premier cas, la réponse est apportée par le nouvel article 2-2 de l'ordonnance du 3 août 2016 : « Si la conduite du véhicule, dont le système de délégation de conduite a été activé et fonctionne dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 2-1, contrevient à des règles dont le non-respect constitue une contravention, le titulaire de l'autorisation est pécuniairement responsable du paiement des amendes. Si cette conduite a provoqué un accident entraînant un dommage corporel, ce titulaire est pénalement responsable des délits d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal lorsqu'il est établi une faute au sens de l'article 121-3 du même code dans la mise en ouvre du système de délégation de conduite ».
15On retrouve la distinction - pas très nette - entre responsabilité pécuniaire et responsabilité pénale posée par le code de la route, celles-ci ayant pour point commun de reposer sur le titulaire de l'autorisation, qui n'est donc pas inéluctablement le conducteur, et se distribuant en fonction de la qualification de l'infraction : contraventions pour la première ; délits pour la seconde. Dans ce second cas de figure, seuls les délits d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal (homicide involontaire et atteinte involontaire à l'intégrité de la personne commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur) sont concernés, le texte précisant de manière superfétatoire qu'ils doivent avoir provoqué un dommage corporel et que doit être établie une faute au sens de l'article 121-3 du code pénal. La précision importante réside surtout dans le seuil de la faute, le fait générateur de l'accident trouvant sa cause dans « la mise en ouvre du système de délégation de conduite ». Ce n'est pas très étonnant, l'hypothèse concernée étant celle, on le rappelle, dans laquelle ce n'est pas le conducteur qui maîtrisait la voiture, mais ledit système.
16Rien n'est dit, en revanche, d'éventuelles infractions intentionnelles commises par l'entremise d'un tel système, le législateur ayant sans doute considéré, soit qu'il n'y avait pas d'opportunité à considérer ce cas de figure, soit qu'il ne posait pas de difficulté. C'est donc le droit commun qui s'applique, l'impunité n'étant bien évidemment pas envisageable.
2. Loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires
17Loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 ; Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019
18Deux lois adoptées cet été peuvent être analysées ensemble en ce que l'une et l'autre concernent l'éducation et comportent quelques dispositions répressives.
19La première loi est assez courte qui, d'un point de vue technique, se contente de préciser à l'article 371-1 du code civil que « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Pour être évidente, cette interdiction des « violences éducatives ordinaires » - il faudrait bien sûr dire violences « se prétendant éducatives » - a au moins pour vertu de décrédibiliser le prétendu « droit de correction » dont certains se prévalent parfois pour justifier des violences présentées comme « légères ». Non, il n'existe pas de violence légitime à l'égard d'un enfant, quelles que soient sa cause, sa forme et son intensité. Désormais, les choses sont claires. L'auteur de violences sur son enfant est coupable, quel que soit son mobile, et les peines qu'il encourt sont même aggravées en raison du lien qu'ils entretiennent [6].
20La seconde loi est un peu plus substantielle, mais elle ne comporte qu'une seule disposition de droit pénal. Elle crée, en effet, un article L. 141-5-2 du code de l'éducation en vertu duquel, sur la base du principe que « l'État protège la liberté de conscience des élèves » (al. 1er), « les comportements constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d'endoctrinement de ceux-ci sont interdits dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d'enseignement, à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l'enseignement » (al. 2). « La méconnaissance de cette interdiction est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe » (al. 3).
21Le législateur a donc cru bon de réaffirmer que le principe de laïcité s'appliquait à l'école publique, dans une mesure qui a été discutée, et qui s'étend finalement aux « abords immédiats » et de l'école et au temps de « toute activité liée à l'enseignement ». Certains demandaient plus, qui participent d'une conception dangereuse de la laïcité, car s'éloignant de sa neutralité constitutive. En l'état, l'infraction ainsi créée ressemble fort à ce que l'on trouve déjà dans la loi de 1905, avec moins de portée, ce grand texte s'appliquant à l'ensemble de l'espace public : « Sont punis de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe [...] ceux qui, soit par voie de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte » [7]. Il est vrai que la loi du 26 juillet 2019 n'impose pas, quant à elle, que la pression ait eu un effet, l'infraction nouvelle s'inscrivant de la sorte dans les provocations réprimées par le droit pénal en tant que telles.
3. Ordonnance n° 2019-1069 du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
22Ordonnance n° 2019-1069 du 21 octobre 2019
23La présente ordonnance, prise en application de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi « EGAlim »), a pour objet d'étendre les dispositions de la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire aux secteurs de la restauration collective et l'agro-alimentaire.
24Dans cette optique, l'interdiction du fait « de rendre délibérément impropres à la consommation humaine les denrées alimentaires invendues encore consommables », actuellement applicable aux seuls distributeurs du secteur alimentaire, a été étendue aux opérateurs de l'industrie agroalimentaire et de la restauration collective [8]. Pour chacun d'entre eux, il s'agit même désormais d'une infraction, un nouvel article L. 541-47 associant à ce comportement une amende de 3 750 € qui « peut être assortie de la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal ».
4. Ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal
25Ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019
26L'ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal [9], a été présentée comme constituant « une première étape vers un renforcement de la lutte contre la fraude au niveau européen, qui sera suivie par la mise en place du futur parquet européen, compétent pour poursuivre les infractions pénales qui portent atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne » [10]. Pour l'heure, ladite ordonnance participe encore de l'extension de la compétence de la loi pénale française, et ce, conformément aux nécessités de la lutte contre la délinquance économique et financière [11](1), tout en aggravant les pénalités des infractions du code pénal susceptibles d'être associées à la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne (2), fraude évaluée à 600 millions d'euros par an [12], et en créant un nouveau délit douanier (3)... sans négliger de bien regrettables malfaçons juridiques (4).
1 - La double extension de la compétence de la loi pénale française
27Par l'effet d'un nouvel article 113-14 inséré au sein du code pénal, se trouvent désormais écartées les conditions posées à l'application de la loi pénale française aux infractions commises par des Français en dehors du territoire de la République tenant, selon l'article 113-6 al. 2 du code pénal, à la réciprocité d'incrimination pour les délits et, selon l'article 113-8 du code pénal, à la poursuite des délits réservée au ministère public saisie d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis.
28En effet, l'article 11 § 1 b) de la Directive du 5 juillet 2017 [13] consacre le principe de personnalité active sans égard aux conditions traditionnellement énoncées par le code pénal français dont, notamment, la condition de réciprocité des délits. En particulier, l'article 11 § 4 de ladite Directive rendait impossible le maintien de l'application de l'article 113-8 du code pénal puisque disposant expressément que « dans le cas visé au paragraphe 1, point b), les États membres prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que l'exercice de leur compétence n'est pas subordonné à la condition que des poursuites ne puissent être engagées qu'à la suite d'une plainte de la victime faite sur le lieu de l'infraction pénale ou d'une dénonciation émanant de l'État sur le territoire duquel l'infraction a été commise ».
29Le « déconditionnement » du principe de personnalité active porté par l'article 113-14 du code pénal suppose que les infractions considérées aient porté « atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux ». Se trouvent visés spécialement les délits d'escroquerie, d'abus de confiance, de soustraction, de détournement [14] ou de destruction de biens publics [15], de corruption active et passive publique nationale [16], internationale et étrangère [17], de contrebande, d'importation ou d'exportation frauduleuses ainsi que de blanchiment [18] ... en s'étonnant de l'absence des délits de faux et d'usage de faux [19].
30Usant d'une définition similaire à celle créée par la loi Sapin II [20], la loi pénale française est applicable selon le nouvel article 113-14 du code pénal, non seulement lorsque les infractions précédemment évoquées sont commises à l'étranger par un Français mais, également, lorsqu'elles sont commises « par une personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français ». Ce dernier titre de compétence a été ajouté par la loi Sapin II au motif que si le critère de résidence permettait de couvrir sans doute les filiales françaises des entreprises étrangères, il ne permettait pas de prendre en considération les succursales, bureaux commerciaux et autres établissements sans personnalité, ce que la référence à l'activité économique permet en revanche [21]. Il apparaît ainsi qu'une entité étrangère pourra être retenue dans les liens de la prévention qu'elle possède une activité économique par l'intermédiaire d'une filiale française ou par elle-même sur le territoire de la République [22], de sorte que l'ordonnance du 18 septembre 2019 dépasse les exigences de la directive dont l'article 11 se limite à imposer une compétence à l'égard de l'infraction pénale commise au profit d'une personne morale établie sur son territoire [23].
31Dans le même élan - et en lien avec les infractions précitées et, toujours, sous réserve d'une atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne -, le principe de territorialité se trouve également revigoré puisque, tout comme la loi « Sapin II » avait permis d'asseoir la lutte contre la corruption en neutralisant les conditions posées à l'article 113-5 du code pénal tenant - réciprocité d'incrimination et décision définitive de la juridiction étrangère quant au fait principal punissable -, le nouvel article 113-14 in fine du code pénal neutralise à son tour lesdites conditions.
32Pareille extension de la compétence de la loi pénale française appelle deux observations. D'une part, le considérant n° 21 de la Directive du 5 juillet 2017 fait état de ce que « compte tenu des multiples compétences possibles pour les infractions pénales transfrontières relevant du champ d'application de la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que le principe ne bis in idem soit totalement respecté dans le cadre de l'application de la législation nationale transposant la présente directive ». Pour autant, le corps de la Directive n'en dit mot... tout comme l'ordonnance de transposition. D'autre part, à neutraliser ainsi les conditions attachées au principe de personnalité active ainsi que celles attachées à la compétence de la loi française en présence du complice sur le territoire national d'une infraction commise à l'étranger, se posera nécessairement (un jour...) la nécessité d'une suppression pure et simple de telles conditions qui constituent autant d'entraves à la répression des infractions d'affaires internationales.
2 - L'aggravation des pénalités attachées aux infractions liées à la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne
33Une double évolution des circonstances aggravantes résulte de l'ordonnance présentement commentée. En premier lieu, une nouvelle circonstance aggravante est créée qui consiste dans « l'atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux ». En présence de l'abus de confiance, pareille circonstance aggravante a pour effet de porter les peines de l'abus de confiance à cinq ans d'emprisonnement [24]. En second lieu, la circonstance aggravante de bande organisée est également étendue à l'ensemble des infractions susceptibles - selon le législateur - d'être liées à la fraude aux intérêts financiers de l'Union. Ainsi, l'abus de confiance portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, est puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende lorsqu'il est commis en bande organisée [25]. Les autres infractions voient leurs peines d'amende être aggravées lorsque l'atteinte aux intérêts financiers de l'Union s'accompagne de la commission de l'infraction en bande organisée. Les délits de corruption publique nationale, étrangère et internationale, tout comme la soustraction et le détournement de biens publics, voient ainsi leurs peines d'amende être portées à 2 000 000 d'euros ou, s'il excède ce montant, au double du produit de l'infraction [26]. De la même « combinaison » des circonstances aggravantes, il résulte que la destruction de biens publics voit sa peine d'amende portée à 750 000 €.
3 - La création d'un nouveau délit douanier
34De l'article 3 de l'ordonnance du 18 septembre 2019, il résulte la création d'un délit destiné à réprimer la fraude douanière intentionnelle à l'exportation et à l'importation. Selon le Rapport remis au président de la République, ce nouveau délit vise à unifier « au sein d'un même article les comportements intentionnels frauduleux jusqu'ici réprimés par des textes épars » [27]. Ainsi, le nouvel article 414-2 al. 1er du code des douanes dispose qu'« est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude, lorsqu'il est commis intentionnellement et qu'il se rapporte à des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l'article 414, tout fait de contrebande ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration ». L'article 414-2 al. 2 du code des douanes punit des mêmes peine « tout fait intentionnel de fausse déclaration, d'utilisation d'un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d'un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d'obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l'importation ou à l'exportation ». Dans l'hypothèse où ces deux délits sont commis en bande organisée, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et pourra être prononcée une amende pouvant aller jusqu'à dix fois la valeur de l'objet de la fraude.
35Reste à se convaincre de la pertinence d'un tel délit, tout au moins au sens de l'article 414-2 al.2 du code des douanes : n'aurait-il pas été plus judicieux de compléter, le cas échéant, les articles 441-2 et suivants du code pénal ? Mais il est vrai que ce serait très certainement beaucoup demandé à un législateur qui a perdu de vue depuis bien longtemps l'intérêt qu'il y aurait à légiférer de façon rationnelle... ne serait-ce que pour éviter d'inutiles concours de qualifications. Mais c'est alors le lieu d'évoquer les autres malfaçons juridiques dont l'ordonnance est malheureusement porteuse.
4 - De nouvelles (et anciennes) malfaçons juridiques
36Que dire, tout d'abord, de l'article 414-2 al. 4 du code des douanes rendant possible « la confiscation de l'objet de fraude, de la confiscation des moyens de transport, de la confiscation des objets servant à masquer la fraude, de la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction »... alors qu'un simple renvoi à l'article 131-21 du code pénal aurait été bien plus judicieux ?
37Toujours au rang des malfaçons juridiques, si l'on peut être satisfait que le blanchiment douanier puisse à l'avenir avoir pour infraction d'origine un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et soit (enfin) assorti de la circonstance aggravante de bande organisée [28], il n'en demeure pas moins qu'une question devra être résolue. Faudra-t-il entendre par délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, uniquement les délits assortis de la circonstance aggravante précédemment énoncés ou tous les délits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ? Le Rapport au président de la République ne fait qu'accroître le doute en estimant que la modification ainsi apportée à l'article 415 du code des douanes permet de conclure à « son applicabilité aux faits (sic) portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ».
38Plus surprenant encore, est le silence observé par l'ordonnance à l'endroit de l'article 432-15 du code pénal dont on sait que la définition qu'il contient de la qualité d'agent public est plus que perfectible. Si cette définition a été corrigée dans ses conséquences par la chambre criminelle de la Cour de cassation [29], il est incompréhensible que l'ordonnance du 18 septembre 2019 ne se soit pas conformée à l'article 4 de la Directive du 5 juillet 2017 en ce qu'il précise que « les termes "agent national" incluent toute personne exerçant une fonction exécutive, administrative ou juridictionnelle au niveau national, régional ou local. Toute personne exerçant des fonctions législatives au niveau national, régional est assimilée aux agents nationaux ». La correction rédactionnelle de l'article 432-15 du code pénal s'impose et ce, d'autant plus qu'il est extrêmement douteux qu'il puisse s'appliquer en l'état à un agent public de l'Union en dépit, une fois encore, des exigences posées à l'article art. 4 de la Directive du 5 juillet 2017.
Notes
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[1]
V. ordonnances n° 2016-520 du 28 avr. 2016 et n° 2017-1674 du 8 déc. 2017.
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[2]
CMF, art. L. 552-2.
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[3]
CMF, art. L. 54-10-1. La numérotation s'avère, elle aussi, assez inédite...
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[4]
CMF, art. L. L. 54-10-3 s.
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[5]
CMF, art. L. 552-1 s.
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[6]
V. C. pén., art. 222-7 s.
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[7]
Art. 31.
-
[8]
C. envir., art. L. 541-15-5.
-
[9]
Ordonnance prise sur le fondement de l'article 202 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
-
[10]
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal, JO n° 0218 du 19 sept. 2019.
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[11]
V. M. Segonds, Les apports de la loi du 9 décembre 2016 à l'anticorruption : Dr. pénal 2017. Étude 4, sp. n° 20.
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[12]
V. Rapp. préc. À propos de l'ajustement des infractions indispensables à la mise en ouvre du parquet européen : V. M. Segonds, Le périmètre d'intervention du parquet européen. À propos de la compétence ratione delicti commissi du parquet européen, : AJ pénal 2018. 287.
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[13]
V. Dir. (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal : JOUE, L. 198/29. Il est à noter que la référence à cette Directive remplace la référence au protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes fait à Dublin le 27 septembre 1996, au sein de l'article 689-8 du code de procédure pénale.
-
[14]
V. C. pén., art. 432-15.
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[15]
V. C. pén., art. 433-4.
-
[16]
V. C. pén., art. 432-11 et 435-3.
-
[17]
V.C. douanes, art. 414-2.
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[18]
V. C. pén., art. 324-1 s.
-
[19]
Alors que l'article 3 de la Directive du 5 juillet 2017 fait état, au titre de la fraude, de l'utilisation ou de la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet le détournement ou la rétention indue de fonds ou d'avoirs provenant du budget de l'Union ou des budgets gérés par l'Union ou pour son compte.
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[20]
V. M. Segonds, ibid.
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[21]
V. Amdt CL 208.
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[22]
Compar. D. Rebut, Droit pénal international, Dalloz, 2019, 3e éd., n° 136.
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[23]
V. art. 11 §3 b.
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[24]
La tentative devient alors punissable : V. C. pén., art. 314-1-1 al. 3.
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[25]
La tentative étant alors, ici encore, incriminée : V. C. pén., art. 314-1-1 al. 3.
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[26]
V. C. pén., art. 432-15 al. 2.
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[27]
V. Rapp. préc.
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[28]
Avec pour effet de pouvoir porter l'amende jusqu'à dix fois la somme sur laquelle a porté l'infraction. V. C. douanes, art. 415 al. 2.
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[29]
V. M. Segonds, Les élus de la République sont-ils tous justiciables de l'article 432-15 du code pénal ? », note sous Crim. 27 juin 2018, n° 18-80.069, JCP 2018. 1148 ; AJDA 2018. 1364 ; ibid. 2203, note D. Connil ; D. 2018. 1795 ; ibid. 1791, avis P. Petitprez ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2018. 465, note P. de Combles de Nayves ; AJCT 2018. 582, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2018. 1053, obs. L. Saenko ; G. Beaussonie et H. Rassafi-Guibal, De la possibilité de la répression des malversations commises par les parlementaires : D. 2018. 1795.