Notes
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[1]
Pour comprendre cette évolution, nous renvoyons à la lecture des chroniques de droit de l'Union européenne du Professeur Manacorda, et notamment deux chroniques récentes : Le droit pénal sous Lisbonne : vers un meilleur équilibre entre liberté, sécurité et justice ?, cette Revue 2010. 945 et L'âge de la maturité : stabilisation et traits conservateurs dans la politique pénale de l'Union européenne, cette Revue 2012. 931. Nous renvoyons également à notre dernière chronique, Émergence européenne d'un régime juridique du suspect, une nouvelle rationalité juridique, cette Revue 2012. 635. Enfin, pour un aperçu de l'évolution de la politique européenne à l'égard des victimes, V. F. Benoit-Rohmer, Politiques de l'Union en matière pénale, RTD eur. 2012. 378.
-
[2]
JOUE 4 mai 2010, n° C 115/01.
-
[3]
Sur le sort du suspect en droit interne, nous renvoyons aux développements de notre chronique précitée, cette Revue 2012. 635.
-
[4]
Les grands manuels et traités de procédure pénale consacrent de longs développements à l'action civile, mais n'appréhendent pas les droits de la victime dans leur globalité. Le Traité de procédure pénale de F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer consacre néanmoins des développements liés au « principe de la garantie des droits des victimes » (p. 371 de la 2e éd.) et un « tableau sommaire des droits des victimes » (p. 373).
-
[5]
À propos de ce statut juridique, le Professeur Cario écrivait en 2004 : « La redécouverte de l'humanité de la victime, comme sujet à part entière du conflit dont la résolution est confiée au juge pénal - et non plus seulement comme objet de la procédure - est assez récente », R. Cario, Les droits des victimes : état des lieux, AJ Pénal 2004. 425.
-
[6]
Art. 2 § 1 de la directive.
-
[7]
Préambule, cons. 19.
-
[8]
P. ex., l'art. 7 sur le droit à la traduction et à l'interprétation mentionne la possibilité de recourir à des technologies de communication telles que la visioconférence, le téléphone ou l'internet.
-
[9]
V. à cet égard, la Circulaire du 14 mai 2001 de présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 CRIM 2001-07 F1/14-05-2001 NOR : JUSD0130065C.
-
[10]
C. pr. pén., art. 707. V. Guillaume Royer, La victime et la peine, Contribution à la théorie du procès pénal post sententiam, D. 2007. 1745. L'auteur évoque ici un principe directeur de l'exécution de la sanction pénale.
-
[11]
Aujourd'hui art. 712-16-1 C. pr. pén., (anc. art. 720).
-
[12]
M. Herzog-Evans, Les victimes et l'exécution des peines. En finir avec le déni et l'idéologie, AJ Pénal 2008. 356.
-
[13]
V. p. ex. S. Detraz, Plus d'attention portée aux victimes - À propos de la directive du 25 octobre 2012, JCP 2013. 3. Selon l'auteur, « La France ne devrait pas éprouver de difficulté à transposer ces dispositions » compte tenu des prérogatives déjà accordées à la victime en droit français.
-
[14]
C. pr. pén., art. 40-2 et Circulaire du garde des Sceaux relative aux droits des victimes dans le procès pénal, 9 oct. 2007, NOR JUS J0790 006C.
-
[15]
Circulaire du 14 mai 2001.
-
[16]
Guide enrichi « Les droits des victimes ». Les droits visés par ce guide sont moins nombreux que ceux prévus par la directive. Ils visent essentiellement les droits procéduraux et le droit à l'indemnisation.
-
[17]
C. pr. pén., art. 344, 345, 407, 408.
-
[18]
V. Circulaire du garde des Sceaux relative aux droits des victimes dans le procès pénal, 9 oct. 2007 préc.
-
[19]
V. p. ex., B. de Korsak, A.M. Leger, L'hébergement et le relogement des femmes victimes de violence, Rapport 2006, La Documentation française.
-
[20]
G. Giudicelli-delage, Ch. Lazerges (dir.), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008.
-
[21]
Ph. Bonfils, La participation de la victime au procès pénal une action innomée, in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges offerts à Jean Pradel, p. 179.
-
[22]
Jurisprudence constante depuis Crim., 6 avr. 1993, JCP 1993. 22144.
-
[23]
La directive renvoie ainsi aux dispositifs de visioconférence et téléconférence mis en place par la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne du 29 mai 2000, JO C 197 du 12 juill. 2000, p. 3.
-
[24]
Ces personnes doivent rester les mêmes si plusieurs auditions sont nécessaires.
-
[25]
Véronique Strimelle, La justice restaurative : une innovation du pénal ?, Champ pénal/Penal field, Séminaire Innovations Pénales, mis en ligne le 29 sept. 2007 (revue.org) ; R. Cario, Justice restaurative: Principes et promesses, L'Harmattan, 2010.
-
[26]
Véronique Strimelle, préc.
-
[27]
Fédération nationale d'aide aux victimes et de médiation.
-
[28]
Directive 2004/80/CE du Conseil du 29 avr. 2004 relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité.
Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations
1À propos de la Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité
2La chronique législative connaît une mutation sous l'influence de l'européanisation des sources du droit pénal qui a été décrite à plusieurs reprises dans cette Revue [1]. Cette chronique, traditionnellement dédiée aux textes du droit interne, s'ouvre aux sources émanant de l'Union européenne, qui, en raison de leur force juridique, imposent des transformations du droit interne et plus généralement un changement de perspective. Dans notre précédente chronique, nous avions ainsi évoqué un changement de rationalité à propos de la création d'un véritable régime juridique du suspect par la directive 2012/13/UE.
3 Le renouvellement européen de la procédure pénale connaît une nouvelle avancée avec la Directive 2012/29/UE qui concerne, cette fois, les droits de la victime de la criminalité. Le sort des victimes a été envisagé par le Conseil européen dans le « programme de Stockholm - une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens » adopté les 10 et 11 décembre 2009 [2]. Plus précisément, la compétence de l'Union européenne dans ce domaine est prévue par l'article 82 § 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui concerne la coopération judiciaire en matière pénale. Les droits des victimes de la criminalité sont visés par cette disposition. Le 8 juin 2011, le Conseil de l'Union européenne a adopté une « feuille de route visant à renforcer les droits et la protection des victimes », appelée « feuille de route de Budapest » prévoyant la mise en œuvre d'un plan en plusieurs mesures :
- - Mesure A : Une directive remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales ;
- - Mesure B : Une ou plusieurs recommandation(s) sur des mesures concrètes et de bonnes pratiques en liaison avec la directive prévue dans le cadre de la mesure A ;
- - Mesure C : Un règlement relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection des victimes en matière civile ;
- - Mesure D : Réexamen de la directive 2004/80/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité.
4La directive commentée constitue donc la première étape d'un plan de plus grande ampleur qui peut être comparé à l'évolution législative et réglementaire en France.
5À la différence du suspect, la victime est une personne reconnue en droit interne [3]. Depuis la fin des années 90, un vaste mouvement législatif et réglementaire a consacré et mis en œuvre de très nombreux droits au profit de la victime. Toutefois, cette volonté politique de prise en considération des victimes s'est accompagnée d'un éclatement des droits dans une multitude de textes. Si les victimes disposent aujourd'hui de documents vulgarisés pour faciliter la compréhension de leurs droits, n'importe quel juriste qui s'intéresserait au statut juridique de la victime, serait bien en peine de prendre la mesure de ces droits et d'en comprendre la logique. Pour le dire simplement, l'éparpillement des règles en la matière est tel, qu'il est difficile de trouver dans un manuel, une compilation des droits de la victime [4].
6 Dans ce contexte, la directive 2012/29/UE est la bienvenue, car elle constitue un véritable corpus juris dont la fonction est de livrer dans un texte unique l'ensemble des droits des victimes, ventilés dans plusieurs chapitres qui en décrivent l'essence :
- - Chapitre 1 : dispositions générales (objectifs, définitions) ;
- - Chapitre 2 : information et soutien (droit de comprendre, d'être compris, de recevoir des informations, interprétation, traduction, accès aux services d'aides aux victimes) ;
- - Chapitre 3 : participation à la procédure pénale (droits procéduraux) ;
- - Chapitre 4 : protection des victimes (intégrité, vie privée, victimisation secondaire) ;
- - Chapitre 5 : autres dispositions.
7La structure de la directive se présente donc tout à la fois comme un texte de synthèse, comme un instrument politique qui place la victime au cœur du processus pénal et comme un outil pédagogique à destination des juristes. On pourrait ajouter que la directive éclaire la signification de l'article préliminaire du code de procédure pénale qui affirme que « l'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ». Ce texte a été intégré en droit français depuis la loi du 15 juin 2000, mais l'expression « droits des victimes » n'a jamais été clairement définie. À l'inverse, la directive européenne offre une présentation cartographique de ces droits qui en montre l'étendue et la diversité. Il ne s'agit pas simplement de droits procéduraux liés à la qualité de partie, mais également de droits fondamentaux liés à la sécurité, à l'indemnisation, à l'aide aux victimes (aide financière, soutien par les associations, etc.). C'est un véritable statut juridique de la victime qui se dessine dans ce texte [5]. Par ailleurs, le texte européen définit précisément la notion de victime. Il s'agit de « toute personne physique ayant subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique, mentale, ou émotionnelle ou une perte matérielle, qui a été directement causé par une infraction pénale » [6]. Sont également reconnues certaines victimes par ricochet (en cas de décès de la victime principale). Le statut de victime est acquis « indépendamment du fait que l'auteur de l'infraction ait été identifié, appréhendé, poursuivi ou condamné » [7].
8L'impression positive renvoyée par la directive est, toutefois, amoindrie par des dispositions qui se perdent dans les détails, dans les catégories et sous-catégories de victimes et, trop souvent, dans les contradictions. À titre d'exemple, l'article 11 § 1 prévoit que la victime a le droit de demander le réexamen d'une décision de ne pas poursuivre, « selon le rôle qui est attribué aux victimes par le système de justice pénale concerné ». En d'autres termes, si un droit national exclut la victime du procès pénal, le droit au réexamen disparait. On comprend ici que l'effort d'unification des droits internes en procédure pénale rencontre un obstacle culturel de taille. De plus, la directive - tout en laissant aux États une certaine latitude d'action - embrasse des situations d'une extrême précision qui perturbent l'appréhension du texte et en diminue la portée symbolique [8]. En ce sens, la directive apparait davantage comme un texte technique que comme une déclaration de droits.
9En droit français, les droits des victimes sont d'abord apparus sous la forme d'une reconnaissance de la partie civile comme acteur du procès pénal. Par la suite, depuis la fin des années 1990, le statut juridique de victime envisagé dans sa globalité a connu un regain d'intérêt. La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits a créé les maisons de justice et du droit qui concourent à la prévention de la délinquance et à l'aide aux victimes. La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a consacré l'idée d'un équilibre des droits entre la personne suspectée ou poursuivie et la victime. Elle a inscrit la protection des droits de la victime dans l'article préliminaire du code de procédure pénale et a créé des dispositifs d'information ainsi que des droits procéduraux [9]. La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a consacré un titre complet à l'aide aux victimes. Elle a étendu les devoirs d'information des victimes à la charge de la police judiciaire. Elle a supprimé la condition de ressources pour l'octroi de l'aide juridictionnelle aux victimes d'atteinte volontaire à la vie ou d'atteinte grave à l'intégrité physique. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a accru la prise en considération des victimes dans les procédures alternatives, et a également prévu que l'exécution des peines devait tenir compte des droits des victimes [10]. Elle a créé une importante règle qui impose aux juridictions de l'application des peines de prendre en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile préalablement à toute mesure d'aménagement d'une peine d'incarcération [11]. La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a poursuivi ce mouvement législatif en introduisant un deuxième alinéa à l'article 132-24 du Code pénal, lequel prévoit que la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier plusieurs impératifs, parmi lesquels figurent les intérêts de la victime. Cette loi a également permis à l'avocat de la partie civile d'intervenir dans le débat contradictoire devant les juridictions d'application des peines [12]. En 2007, c'est un décret n° 2007-1605 du 13 novembre 2007 qui a institué le juge délégué aux victimes. Ce juge préside la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, il s'assure que le droit à l'information (ou à la non-information) de la victime est respecté s'agissant de l'exécution des peines. Il veille à ce que les intérêts de la victime et son indemnisation soient pris en compte lors de l'exécution de la peine. Puis, en 2008, fut adoptée une loi n° 2008-644 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines. Ce texte a créé un dispositif d'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes qui ne bénéficient pas de l'indemnisation devant la CIVI. Enfin, le décret n° 2012-681 du 7 mai 2012 relatif aux bureaux d'aide aux victimes généralise l'installation de ces bureaux, animés par les associations d'aides aux victimes, au sein des tribunaux de grande instance. Ces bureaux sont en charge de l'accueil des victimes au sein des palais de justice, de leur information et de leur orientation vers les juridictions. Ils peuvent encore les aider au stade de l'exécution des peines.
10Cet aperçu chronologique montre que depuis une quinzaine d'années, la victime est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et que le droit français est très avancé, s'agissant du respect des standards imposés par la directive [13]. Toutefois, le texte européen intègre des innovations qui pourraient conduire à de nouvelles modifications du droit interne. Nous nous proposons de mener une étude comparative du droit européen et du droit français, à travers une présentation des principaux mécanismes mis en place par la directive. Sans s'en tenir strictement au plan adopté dans le texte européen, mais en s'attachant aux prérogatives qu'il crée, nous envisagerons successivement : le droit à l'information, le droit d'accéder aux services d'aides aux victimes, les droits procéduraux, le droit à la protection et enfin, le droit à une justice réparatrice.
4 - Les mesures de protection exceptionnelles pour les enfants
11Les enfants figurent parmi les victimes ayant des besoins spécifiques, et bénéficient des mesures décrites ci-dessus. De surcroit, la directive leur accorde des droits particuliers (dir. art 24) :
- - durant l'enquête, l'audition de l'enfant doit faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ;
- - l'enfant doit bénéficier d'un « représentant spécial » lorsqu'il est séparé de ses parents ou lorsque ces derniers sont en conflit d'intérêts dans la procédure pénale ;
- - l'enfant doit bénéficier des conseils d'un avocat et de la représentation en justice en son nom propre dans les situations de conflit d'intérêts avec les titulaires de l'autorité parentale.
B - Analyse comparée avec le droit interne
12Les mesures de protection des victimes en droit interne sont nombreuses, mais le dispositif de protection est très différent de celui du droit européen.
13Il existe plusieurs dispositions interdisant à la personne condamnée d'entrer en relation avec la victime. Il peut s'agir d'une peine alternative (c. pén. art. 131-6), d'une modalité du sursis avec mise à l'épreuve (c. pén. art. 132-45), d'une mesure de composition pénale (C. pr. pén., art. 41-2), d'une mesure de sûreté en cas de décision d'irresponsabilité pénale (C. pr. pén., art. 706-136) ou d'une modalité de contrôle judiciaire (C. pr. pén., art. 138). Par ailleurs, à l'occasion d'une mesure d'aménagement de la peine, la juridiction d'application des peines peut prononcer l'interdiction d'entrer en contact avec la victime « s'il apparait qu'une telle rencontre paraît devoir être évitée » (C. pr. pén., art. 712-16-2 et 721-2 pour la réduction de peine). Ainsi, l'interdiction d'entrer en relation est au cœur du dispositif français de protection de la victime.
14Dans le même esprit, en matière de violences domestiques, l'auteur de l'infraction peut être condamné à une mise à l'épreuve accompagnant le sursis et consistant à résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence (c. pén. art. 132-45).
15S'agissant de la protection de la vie privée, il n'existe pas de dispositif général de protection des victimes en France, à l'exception du huis clos (C. pr. pén., art. 306 et 400). En revanche, la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 punit de 15 000 euros d'amende le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime.
16De même, la protection de la victime au regard de l'environnement créée par la procédure pénale est très réduite en droit interne. La réduction du nombre d'auditions, imposée par la directive, ne constitue pas une exigence procédurale en droit interne ; même si l'article 308 C. pr. pén., prévoit que l'audition de la victime à l'audience peut faire l'objet d'un enregistrement sonore ou audiovisuel.
17S'agissant de la protection des victimes vulnérables, elle concerne, en France, particulièrement les mineurs. Ces derniers bénéficient d'une procédure d'audition adaptée, conduite par des personnels formés et qui fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel (C. pr. pén., 706-52 pour les infractions de nature sexuelle). Le mineur peut également bénéficier d'une représentation par un administrateur ad hoc désigné par le Procureur de la République.
18En rapprochant les dispositions de droit européen et de droit interne, on constate que la protection de la victime est envisagée de façon assez différente. Le droit français se concentre sur la protection contre la victimisation secondaire à travers l'interdiction pour l'auteur de l'infraction d'entrer en relation avec la victime. Le droit européen établit une protection beaucoup plus générale de la victime, tenant compte notamment du traumatisme qui peut être généré par le déroulement du processus pénal. Ce traumatisme peut provenir des actes d'enquête, de la presse, etc.
19 Par ailleurs, la directive développe une protection de certaines catégories particulières de victimes, qui implique de multiples obligations pour les États membres : créer des dispositifs d'identification de ces victimes dès le début de la procédure, puis mettre en place des mesures très précises pour éviter que la victime se trouve en contact avec son agresseur aux différents stades de la procédure. Il y a là, un certain nombre d'innovations importantes qui devraient donner lieu à des modifications du droit interne.
I - Droit à l'information
A - Dans la directive européenne
1 - L'information sur les droits de la victime
20L'article 4 de la directive énonce un principe général selon lequel « Les États membres veillent à ce que la victime reçoive, sans retard inutile et dès son premier contact avec une autorité compétente, les informations ci-après, afin de lui permettre de faire valoir les droits énoncés dans la présente directive ». Les droits dont la victime doit être informée sont ensuite énoncés dans cette disposition. Ils sont nombreux et détaillés :
- - le type de soutien qu'elle peut obtenir et auprès de qui elle peut l'obtenir ;
- - les procédures de dépôt d'une plainte et le rôle de la victime dans ces procédures ;
- - les modalités et les conditions d'obtention d'une protection ;
- - les modalités et les conditions d'accès à des conseils juridiques, une aide juridictionnelle ;
- - les modalités et les conditions d'obtention d'une indemnisation ;
- - les modalités et les conditions d'exercice du droit à l'interprétation et à la traduction ;
- - les procédures disponibles pour faire une réclamation au cas où ses droits ne seraient pas respectés ;
- - les coordonnées utiles pour l'envoi de communications relatives à son dossier ;
- - les services de justice réparatrice disponibles ;
- - les possibilités de remboursement des frais de participation à la procédure ;
- - une information spécifique si la victime réside dans un autre État membre que celui du lieu de l'infraction.
2 - L'information sur la plainte
21L'article 5 prévoit que la victime reçoive un récépissé de sa plainte, mais surtout, que la victime qui ne comprend pas la langue officielle doit être autorisée à déposer plainte dans une langue qu'elle comprend ou d'avoir une assistance linguistique.
3 - Les informations relatives au déroulement de la procédure
22Ce droit est double. La victime doit d'abord recevoir l'information de son droit à l'information sur les avancées procédurales de son dossier. Elle doit ensuite recevoir les informations si elle en fait la demande. Ces informations concernent :
- - toute décision de l'autorité publique, soit de ne pas continuer l'enquête, soit de clore celle-ci, soit de ne pas poursuivre l'auteur de l'infraction ;
- - la date et le lieu du procès et la nature des accusations portées contre l'auteur de l'infraction ;
- - tout jugement définitif au terme d'un procès ;
- - toute information permettant à la victime de connaître l'état de la procédure pénale ;
- - les motifs des décisions prises au cours de la procédure, qu'il s'agisse de la décision de ne pas poursuivre ou du jugement définitif (sauf décisions rendues par un jury, décisions non motivées et motifs confidentiels) ;
- - en cas de détention de la personne poursuivie ou condamnée, la victime peut également être informée de sa libération ou de son évasion.
23Enfin, par principe, la victime doit pouvoir exprimer le choix de recevoir ou non toutes les informations mentionnées ci-dessus (dir. art. 5 § 4). Ce qui signifie que la directive consacre le droit pour la victime d'être ou de ne pas être informée.
B - En droit interne
24En droit français, l'information de la victime est un droit largement reconnu à tous les stades de la procédure. L'article préliminaire du code de procédure pénale pose comme principe que l'autorité judiciaire veille à l'information des victimes au cours de la procédure pénale. Cette information existe sous des formes très diverses.
25Dès le début de l'enquête préliminaire ou de flagrance (C. pr. pén., art. 53-1, 75), l'OPJ ou l'APJ informe la victime d'un ensemble de droits : obtenir réparation du préjudice subi, se constituer partie civile ou citer l'auteur des faits devant la juridiction compétente, être assistée d'un avocat, être assistée par un service ou une association spécialisée d'aide aux victimes, saisir la CIVI, en matière de violences familiales, demander une ordonnance de protection (c. civ. art. 515-9 à 515-13).
26S'agissant de l'action publique, la victime, dès lors qu'elle a été identifiée, est informée des classements sans suite, des décisions de poursuivre et des mesures alternatives. Cette information est due même si la victime n'a pas déposé de plainte [14].
27Dès le début de l'information, le juge d'instruction doit avertir la victime d'une infraction, de l'ouverture d'une procédure, de son droit de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit (C. pr. pén., art. 80-3). Cette information concerne toutes les victimes identifiées, même si elles n'ont pas déposé plainte. Les victimes identifiées au cours de l'instruction doivent recevoir la même information de la part du juge d'instruction ou d'un OPJ agissant sur commission rogatoire [15].
28Lors de sa première audition, la partie civile est avisée de son droit de formuler une demande d'acte ou de présenter une requête en annulation (C. pr. pén., art. 89-1).
29La partie civile est avisée du délai prévisible d'achèvement de l'instruction et du fait qu'elle pourra, à l'issue de ce délai, solliciter la clôture de l'instruction (C. pr. pén., art. 89-1)..
30Pour les crimes et les délits contre les personnes, la partie civile est avisée tous les six mois par le juge d'instruction de l'état d'avancement de l'information (C. pr. pén., art. 90-1).
31À l'issue de l'instruction, les ordonnances de renvoi ou de mise en accusation sont portées à la connaissance de la partie civile (C. pr. pén., 207-1).
32Avant l'audience, en matière correctionnelle, la victime ou la partie civile est avisée de la date d'audience par le ministère public (C. pr. pén., art. 391 et 393-1). Cette information est également prévue devant la cour d'assises d'appel (C. pr. pén., art. 380-2-1) et devant les juridictions pour mineurs (art. 6, ord. 2 févr. 1945). Dans une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, la victime identifiée est informée par tout moyen de cette procédure, de son droit de comparaître avec l'assistance d'un avocat et de demander réparation de son préjudice (C. pr. pén., 495-13).
33À l'issue de l'audience, lorsqu'une juridiction condamne l'auteur d'une infraction à verser des dommages-intérêts à la partie civile, elle doit informer la victime (ou son avocat) de son droit à saisir la CIVI (C. pr. pén., art. 706-15). En pratique, un formulaire détaillant la procédure devant la CIVI est remis à la partie civile.
34De façon plus générale, la victime est reçue à l'issue de l'audience, soit par le bureau d'aide aux victimes, soit par le greffier, soit par le bureau d'exécution des peines (C. pr. pén., art. D. 48-3 et D. 48-4), pour être informée des modalités pratiques lui permettant d'obtenir le paiement des dommages et intérêts qui lui ont été alloués et de la possibilité de saisir le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (SARVI), la CIVI ou le Juge délégué aux victimes (JUDEVI).
35Dans la phase d'exécution des peines :
- - les juridictions d'application des peines peuvent, si elles l'estiment opportun, avant toute décision sur l'exécution de la peine, informer la victime, la partie civile ou leur avocat, qu'elles peuvent présenter des observations écrites concernant cette décision (C. pr. pén., art. 712-16-1) ;
- - en cas d'infraction sexuelle ou sur mineur, la victime peut demander à être informée de la libération de son agresseur (C. pr. pén., art. 712-16-2 in fine) ;
- - la victime est avisée d'une mesure prononcée contre le condamné d'interdiction d'entrer en relation avec elle (C. pr. pén., art. 712-16-2) ;
- - la victime peut également faire connaître son refus d'être informée des mesures d'exécution de la peine (même article).
36De façon générale, ce refus est prévu à l'article D. 49-72 CPP, qui prévoit que « la victime peut à tout moment faire connaître au procureur de la République ou au procureur général de la juridiction ayant prononcé une peine privative de liberté qu'elle demande à ne pas être informée des modalités d'exécution de la peine et notamment de la libération du condamné ou de la fin de la mise à l'épreuve ».
C - Analyse comparée
37Les multiplications des droits à l'information dans les législations européenne et française peuvent provoquer des vertiges. On comprend que la victime bénéficie de droits très étendus à être informée du déroulement de la procédure, de l'exécution de la peine, de ses droits substantiels (indemnisation) ou processuels (participation au procès). Les deux listes sont si détaillées que l'exercice de comparaison s'avère délicat. La première impression tient à la forme. En droit interne, les droits à l'information résultent de textes successifs et sont éparpillés dans le code (partie législative et réglementaire). Il n'en résulte aucune cohérence d'ensemble. Dans la directive, l'énoncé des droits à l'information est rassemblé dans un même chapitre mais l'inflation est également au rendez-vous. Par ailleurs, certains droits sont formulés de façon abstraite. Ainsi, la victime doit être informée des « procédures disponibles pour faire une réclamation au cas où ses droits ne seraient pas respectés ». Le texte ne précise pas si ces droits sont de nature processuelle ou substantielle. On ne sait pas s'il s'agit d'un recours sur l'action civile ou d'un recours contre le refus d'un juge face à une demande d'acte ou une requête en nullité. La multiplication d'informations précises est favorable au sort des victimes qui désirent recevoir ces informations. Toutefois, par sa complexité, ce système d'information rend sa compréhension et sa mise en œuvre délicate. Notamment, il est difficile de savoir comment peut être sanctionné le défaut d'information. Ni la directive, ni le Code de procédure pénale, ne permettent de répondre à cette question.
38Au-delà de ces difficultés, les deux textes convergent quant à leur esprit. La victime apparait comme un interlocuteur à part entière dans le processus pénal et les autorités doivent respecter son choix d'y participer ou, au contraire, de s'en tenir éloignée en exprimant le souhait de ne pas être informée.
39Pourtant, certaines différences se dessinent. Certains droits prévus par la directive ont un champ d'application plus étendu qu'en droit interne. Ainsi, le droit d'être informé sur la libération ou l'évasion de la personne poursuivie ou condamnée est général dans le texte européen (ante et post sententiam), alors qu'il est spécifique dans le code de procédure pénale (exécution des peines seulement).
40Autre différence, lors du premier contact avec l'autorité compétente, les droits prévus par la directive sont très étendus. En France, les victimes sont d'abord reçues dans les locaux de la police ou de la gendarmerie. Le code de procédure pénale prévoit alors une information assez vaste et le ministère de la Justice présente sur son site Internet une brochure qui détaille les droits des victimes [16]. Toutefois, la liste des droits cités dans les deux textes n'est pas la même et une mise en conformité du code sera nécessaire pour développer une information plus complète et détaillée lors du premier contact entre la victime et « l'autorité compétente ».
41Une autre différence de taille réside dans le droit à la traduction dès le début de la procédure. En France, le recours à un interprète est de droit pour la victime durant l'audience [17], mais ce n'est pas le cas au moment du dépôt de la plainte. La victime ne peut être parfaitement informée si la barrière de la langue s'immisce entre elle et les autorités compétentes. En particulier, l'article 7 de la directive prévoit de façon extrêmement détaillée le droit à la traduction et à l'interprétation pour la victime ainsi que les modalités d'exercice de ce droit. Ainsi, la victime peut recevoir « gratuitement, si elle le demande, une traduction dans une langue qu'elle comprend de toute information indispensable à l'exercice de ses droits durant la procédure pénale » (dir. art. 7 § 3). Cette traduction doit porter en particulier sur la date du procès, sur le dispositif et les motifs de la décision de justice mettant fin à la procédure pénale ou sur certains documents de procédure que la victime juge essentiels. Par ailleurs, la victime doit pouvoir disposer d'une action devant les autorités pour demander la traduction d'un de ces documents et elle doit pouvoir exercer un recours en cas de refus.
42Ce droit à la traduction, qui intervient dès l'implication de la victime dans la procédure, et qui lui accorde des prérogatives précises et contraignantes pour les autorités, devrait donner lieu à une réforme substantielle du droit interne.
II - Droit d'accéder aux services d'aide aux victimes
A - Dans la directive
43L'article 8 de la directive consacre, à grand renfort de précisions, le droit pour les victimes d'avoir accès à un service d'aide.
44En premier lieu, ce droit se décline de façon générale. Ce service doit être disponible dès la commission de l'infraction, même si la victime n'est pas partie à la procédure, et durant une période « suffisante » à l'issue de la procédure pénale. Cette aide peut être déléguée à des entités privées qui doivent délivrer plusieurs services : information, soutien moral et psychologique, conseils sur des questions financières et pratiques, ainsi que sur le risque de victimisation secondaire et répétée, d'intimidations et de représailles.
45En second lieu, ce droit se décline de façon spécifique à l'égard des victimes d'infractions graves ayant causé un « préjudice considérable » (dir. art. 9 § 2). La directive fait ici allusion aux victimes de violence - particulièrement de viols et d'agressions sexuelles (cons. 38 du préambule) - mais également aux violences domestiques. Les États doivent créer des services d'aide spécialisés, dont la fonction est notamment de mettre à disposition des victimes un refuge et un hébergement sûr, une assistance médicale immédiate, l'orientation vers des examens médicaux et médico-légaux afin de rassembler les éléments de preuve. Il s'agit notamment d'éviter ce que la directive appelle la « victimisation secondaire », c'est-à-dire un risque de réitération de l'infraction. Les services spécialisés doivent également fournir aux victimes un soutien post-traumatique. La directive est donc, sur ce point, précise et exigeante.
B - Analyse comparée avec le droit français
46S'agissant de l'obligation générale de fournir une aide aux victimes, la France figure au rang des bons élèves. De nombreuses institutions, réunissant les acteurs des mondes judiciaire et associatif, ont été mises en place pour accueillir les victimes et faciliter leur parcours. Par ailleurs, la mise en relation des victimes et des associations d'aide a été encouragée par les pouvoirs publics [18]. Enfin, la généralisation des bureaux d'aide aux victimes a constitué une avancée marquante en faveur des victimes. Ces bureaux ont été créés à titre expérimental dans une dizaine de tribunaux en 2009. Coordonnés par le Juge délégué aux victimes, et animés par les associations d'aide aux victimes, ils ont connu un rapide succès et leur généralisation a été initiée par le décret n° 2012-681 du 7 mai 2012. Ces bureaux ont une mission d'information et d'accompagnement. Ils sont en mesure de fournir aux victimes des renseignements précis sur l'état d'avancement du dossier pénal lié à leur plainte. Ils orientent les victimes vers les services judiciaires compétents, en matière d'indemnisation, de recouvrement des dommages-intérêts ou d'application des peines.
47S'agissant des victimes d'infractions graves, le cadre normatif français ne remplit pas toutes les exigences de la directive liées à l'aide aux victimes, et notamment à l'aide spécialisée. En effet, le soutien psychologique et la mise en place rapide d'une assistance spécifique pour les victimes d'infractions graves ne possèdent pas encore de caractère obligatoire en France, même s'il existe un certain nombre d'initiatives sur le terrain [19]. Toute la difficulté dans ce domaine réside dans la manière dont la directive doit être transposée. L'article 9 § 3 est assez précis et impose que les services d'aide spécialisés fournissent à la fois des solutions d'hébergement d'urgence et un soutien « ciblé et intégré » à l'égard de certaines victimes. La directive pose, ici, une obligation de résultat ; et la question se pose de savoir si un texte normatif devra intégrer ces nouvelles obligations ou si les pouvoirs publics devront se contenter de les mettre en œuvre sans cadre normatif. La réponse à cette question reste en suspens.
III - Droits procéduraux
A - Dans la directive européenne
48Comme on peut s'y attendre, les droits procéduraux de la victime sont au cœur de la directive. Une nouvelle fois, ces droits sont variés et détaillés :
49- la victime a le droit d'être entendue pendant la procédure pénale (dir. art. 10). Selon la directive, ce droit comprend également celui de produire les éléments de preuve ;
50- la victime doit disposer d'un recours contre une décision de ne pas poursuivre (dir. art. 11). Ce droit est ambigu, car il ne permet pas de déterminer la place de l'action de la victime dans la procédure pénale. Si cette dernière n'est pas associée aux poursuites pénales et qu'elle ne dispose que d'un droit à indemnisation, on comprend mal la logique de ce recours. À l'inverse, si la victime dispose d'un droit d'action au pénal, comme c'est le cas en France, ce recours ne présente pas nécessairement une utilité. Enfin, on peut préciser que la directive évoque la décision « de ne pas poursuivre ». Il s'agit donc de la décision du ministère public et non celle d'une juridiction. On en déduit qu'en droit européen, la victime ne dispose pas d'un recours contre une décision « de ne pas condamner » (relaxe, acquittement). Enfin, la directive précise que le droit au recours n'est pas applicable lorsque la décision du procureur donne lieu à un règlement à l'amiable. Cette notion de règlement amiable n'est pas précisée dans la directive. On ne sait pas s'il s'agit d'une extinction de l'action publique, de type « plea bargaining » ou « composition pénale », ou s'il s'agit simplement d'un abandon temporaire des poursuites, de type « classement sans suite » ;
51 - la victime doit bénéficier du droit à l'aide juridictionnelle lorsqu'elle a la qualité de partie au procès (dir. art. 13). Toutefois, en indiquant que les conditions d'octroi de l'aide sont fixées par le droit national, la directive insinue que ce droit peut faire l'objet de mécanismes de sélection ;
52 - la victime doit bénéficier du remboursement des frais exposés en raison de sa participation active à la procédure pénale. Ici encore, les conditions de remboursement des frais sont fixées par le droit national, ce qui laisse une certaine souplesse aux États. Le préambule de la directive fournit de nombreuses précisions sur ce remboursement. Le considérant 47 prévoit que les frais remboursables ne sont pas les frais de justice, mais qu'il s'agit des « frais nécessaires des victimes relatifs à leur participation à une procédure pénale ». Plus précisément encore, ces frais remboursables sont composés de frais de déplacements et d'indemnités journalières, dans la seule hypothèse où la victime est « tenue par les autorités compétentes d'être présente et de participer activement à la procédure pénale ». En revanche, il ne s'applique pas à une victime qui fait une déposition sur une infraction pénale. Le droit au remboursement des frais a donc un champ d'application très strict ;
53 - la victime dispose du droit d'obtenir qu'il soit statué sur l'indemnisation par l'auteur de l'infraction dans le cadre de la procédure pénale (dir. art. 16). Toutefois, ce droit subit une dérogation si le droit national prévoit que l'action en indemnisation fait l'objet d'une autre procédure judiciaire. La jonction entre l'action civile et l'action publique n'est donc pas imposée par la directive ;
54 - des droits spécifiques doivent être aménagés si la victime réside dans un autre État membre que celui où l'infraction a été commise (dir. art. 17). Celle-ci doit pouvoir déposer plainte dans son État de résidence, lequel doit ensuite transmettre la plainte dans l'État de commission de l'infraction.
B - Analyse comparée avec le droit interne
55Le droit interne est plus développé que la directive sur la question des droits procéduraux. Cette situation n'est pas étonnante. La directive compose avec la pluralité des systèmes juridiques et la victime n'a pas toujours, comme en France, une place au cœur de la procédure pénale [20]. C'est pour cette raison que le texte européen n'envisage finalement que deux droits procéduraux essentiels :
- - le droit d'être entendu et de présenter des preuves ;
- - le recours contre une décision de ne pas poursuivre.
- À ces droits procéduraux s'ajoutent des prérogatives financières :
- - aide juridictionnelle ;
- - indemnités liées à la comparution.
56En revanche, dans la directive, la victime n'est pas reconnue comme une partie au procès pénal. Elle ne peut prendre l'initiative du procès par le déclenchement des poursuites. Elle ne dispose pas du droit de participer activement à la procédure par l'accès au dossier, par des demandes d'actes ou en exerçant des recours.
57Le droit français, quant à lui, place la victime au cœur du procès pénal.
58S'agissant de la décision de ne pas poursuivre :
- - le ministère public informe la victime, de la décision de classement sans suite, et des motifs qui justifient cette décision (C. pr. pén., art. 40-2). La victime, si elle a dénoncé les faits, peut alors former un recours contre le classement sans suite devant le procureur général (C. pr. pén., 40-3). Ce dernier peut alors, soit enjoindre au procureur d'engager des poursuites, soit aviser la victime que le recours est infondé.
59S'agissant de l'action en justice de la victime :
- - la victime peut déclencher les poursuites par la constitution de partie civile ou par la citation directe. Ainsi, son action ne vise pas simplement à être indemnisée, mais elle lui permet de mettre en mouvement l'action publique et de participer au procès pénal en tant que partie [21].
60Durant l'audience :
- - la victime peut poser des questions aux personnes appelées à la barre par l'intermédiaire du président ou de son avocat (C. pr. pén., art. 312 et 332).
61Aspects financiers de la participation de la victime au procès pénal :
- - s'agissant de l'aide juridictionnelle, elle est institutionnalisée en France depuis de très nombreuses années et formalisée dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Cette aide est, en principe soumise à des conditions de ressources, mais cette condition disparaît pour les victimes d'infractions les plus graves (art. 9-2 de la loi) ;
- - s'agissant de l'indemnisation des frais de participation à la procédure pénale, la victime bénéficie du paiement d'indemnités au même titre que le témoin (C. pr. pén., art. 375 et 422). Prévue par le code de procédure pénale (art. R. 123 et s.), l'indemnisation couvre trois postes : une indemnité de comparution qui compense les pertes de revenus ; des frais de voyage ; une indemnité journalière de séjour.
62En définitive, ce bilan des droits procéduraux et financiers de la victime en droit interne montre que la directive fixe des exigences qui sont en deçà des normes françaises. En revanche, la directive innove à travers la reconnaissance spécifique de droits pour les victimes résidant dans un autre État membre. Il s'agit notamment du droit de déposer une plainte dans son État de résidence et de participer à la procédure pénale à distance [22]. Ces innovations nécessiteront des aménagements de la procédure pénale française.
63Au cours de l'instruction :
- - dès qu'elle est constituée partie civile, la victime peut accéder au dossier de la procédure par l'intermédiaire de son avocat (C. pr. pén., art. 114) ;
- - la victime peut produire toutes les preuves qu'elle détient, quel que soit le moyen qui lui a permis de les obtenir [23], et elle a également la possibilité de demander au juge d'instruction l'accomplissement d'actes à des fins probatoires (C. pr. pén., art. 82-1) ;
- - la victime peut formuler des requêtes en annulation d'actes de procédure (C. pr. pén., art. 173) ;
- - le droit d'appel de la victime contre les décisions du juge d'instruction est étendu. Il concerne les ordonnances de non-informer, de non-lieu et les ordonnances faisant grief à ses intérêts civils (C. pr. pén., art. 186).
64Durant la procédure d'enquête :
- - audition de la victime dans des locaux adaptés et par des personnes formées à cet effet [24] ;
- - audition policière par une personne de même sexe lorsque l'infraction commise est de nature sexuelle ou implique une discrimination fondée sur le sexe.
65Durant la procédure judiciaire
- - dispositif permettant à la victime d'éviter tout contact visuel avec l'agresseur, même durant sa déposition ;
- - le cas échéant dispositif permettant à la victime d'être entendue sans être présente ;
- - mesures permettant d'éviter une audition inutile liée à la vie privée de la victime lorsque ces informations n'ont pas de rapport avec la procédure ;
- - recours au huis clos.
IV - Droit à la protection
A - Dans la directive européenne
66La protection est définie de façon précise comme le fait de « protéger la victime et les membres de sa famille d'une victimisation secondaire et répétée, d'intimidations et de représailles, y compris contre le risque d'un préjudice émotionnel ou psychologique » (dir. art. 18). Le droit à la protection constitue donc, avant tout, un droit pour la victime à ne pas subir une réitération de l'infraction. C'est le concept de « victimisation secondaire » qui est utilisé par la directive pour décrire cette réitération. Cette protection est due à la victime et à sa famille. De surcroit, la directive évoque le droit à la protection dans d'autres situations. Il s'agit d'une part du respect de la dignité de la victime durant son audition et son témoignage (dir. art. 18). Il s'agit d'autre part de la protection de la vie privée de la victime (dir. art. 21). Ainsi, le droit à la protection peut-il être envisagé sous plusieurs aspects : d'abord, l'État doit protéger la victime face à son agresseur, ensuite, il doit la protéger des traumatismes liés au processus pénal ; enfin, la directive met en place une protection renforcée pour les victimes les plus vulnérables et pour les victimes des infractions les plus graves.
1 - La protection de la victime face à son agresseur
67 Les États membres doivent établir des conditions pour faire en sorte que la victime et sa famille ne soient pas en contact avec l'auteur de l'infraction durant le déroulement de la procédure, notamment dans les locaux judiciaires. La directive prescrit à cet égard des zones d'attente séparées (dir. art. 20). Les contacts doivent se limiter au strict nécessaire (les confrontations par exemple).
2 - La protection de la victime dans le processus pénal
68Cette protection impose que les auditions de la victime soient conduites sans retard injustifié à compter du dépôt de la plainte et que le nombre d'auditions soit réduit au strict nécessaire (dir. art. 20).
69Cette même restriction s'applique aux examens médicaux réalisés sur la victime (dir. art. 20).
70Durant les auditions, la victime doit pouvoir être accompagnée par un représentant légal et par une personne de son choix (dir. art. 20).
71Les États membres doivent prendre des mesures pour que la vie privée de la victime soit protégée à l'occasion des mesures d'enquête. Cette vie privée doit notamment couvrir les données personnelles de la victime et son image, lorsque ces informations sont recueillies pour l'enquête (dir. art. 21).
72Si la victime est un enfant, les autorités publiques doivent empêcher la diffusion publique d'informations permettant son identification (dir. art. 21).
73Les États membres doivent assurer une conciliation entre la protection de la vie privée de la victime et le droit à l'information en incitant les médias à prendre des mesures d'autorégulation en vue de cette protection (dir. art. 21).
3 - Les mesures de protection exceptionnelles pour certaines catégories de victimes
74La directive évoque des catégories de victimes ayant des besoins spécifiques en matière de protection. Ces victimes doivent être identifiées grâce à une procédure d'évaluation personnalisée qui tient compte du type d'infraction, des circonstances de la commission et des caractéristiques personnelles de la victime (dir. art. 22). De façon plus concrète, la directive fait allusion aux victimes d'infractions les plus graves, aux victimes de discrimination, mais également aux victimes en situation de dépendances vis-à-vis de l'auteur de l'infraction (terrorisme, criminalité organisée, traite des êtres humains, violences fondées sur le genre, violences domestiques, violences ou exploitation sexuelles, infractions inspirées par la haine). Sont également évoquées des victimes vulnérables telles que les personnes handicapées ou les enfants.
75 À l'égard des victimes ayant des besoins de protection spécifiques, les États membres doivent aménager des dispositifs d'enquête adaptés (dir. art. 23). Ces dispositifs sont les suivants.
V - Droit à une justice réparatrice
76L'innovation majeure de la directive réside dans la mise en place d'une procédure de justice réparatrice. Cette forme de justice, également appelée « justice restaurative », a déjà fait l'objet d'expériences étrangères et d'études scientifiques [25]. Par exemple, elle s'est développée au Canada à partir des années 1990 sous la forme de cercles de guérison, de rencontres victimes/délinquants, de conférences familiales [26]. Elle est fondée sur l'idée que le processus répressif n'est pas l'unique réponse qui peut être apportée à l'acte infractionnel.
77La justice réparatrice est définie à l'article 2 de la directive européenne comme « tout processus permettant à la victime et à l'auteur de l'infraction de participer activement, s'ils y consentent librement, à la solution des difficultés résultant de l'infraction pénale, avec l'aide d'un tiers indépendant ». Cette définition très ouverte est éclairée par le préambule de la directive (cons. 46). La justice réparatrice comprend la médiation entre la victime et l'auteur de l'infraction, la conférence en groupe familial et les cercles de détermination de la peine. La directive ne précise pas si ces mesures peuvent être mises en place ante sententiam (médiation) ou si elles peuvent uniquement accompagner l'exécution de la peine (rencontre entre l'auteur et la victime à la suite de la condamnation). En revanche, la directive définit strictement le cadre juridique de la justice réparatrice (dir. art. 12) :
- - elle ne peut être utilisée que dans l'intérêt de la victime et avec son consentement (révocable à tout moment) ;
- - la victime doit bénéficier au préalable d'une information complète sur la procédure ;
- - l'auteur de l'infraction doit avoir reconnu les faits ;
- - les débats doivent demeurer confidentiels ;
- - les États membres doivent garantir une protection de la victime contre les risques de victimisation secondaire à l'occasion de cette procédure.
78La justice réparatrice est un nouveau chantier que la France doit ouvrir pour mettre en œuvre la directive. À ce titre, le 27 juin 2012, lors des assises nationales de l'INAVEM [27], le garde des Sceaux a évoqué la possibilité de s'engager dans une politique en faveur de cette forme particulière de justice après en avoir étudié l'impact et lancé une consultation. L'entrée en vigueur de la directive devrait accélérer ce processus.
Conclusion
79À l'issue de cette étude, l'intuition initiale est confirmée. Pour mesurer la conformité potentielle du droit français à la directive européenne, il est nécessaire de recomposer un droit de la victime éclaté dans les textes internes de droit pénal et de procédure pénale. Cette recomposition n'est ici que partielle, et son achèvement nécessiterait un travail quasi-titanesque, difficile à mettre en œuvre dans le cadre d'une chronique. Ce résultat partiel permet tout de même de dégager une impression d'ensemble. Face à un texte européen tentaculaire et exigeant, le droit français montre qu'il a su développer un panel de droits très étendu au profit des victimes. En ce sens, la transposition de la directive devrait être marginale sur de nombreux points. Pour autant, la directive apporte à la matière des innovations importantes, qui concernent les mesures de protection et la justice réparatrice. Dans ces deux domaines, le droit français est nettement en retrait et des modifications majeures devront être réalisées.
80En revanche, la directive est largement en deçà des standards du droit national s'agissant de la mise en œuvre de l'indemnisation des victimes. En réalité, la directive ignore une grande partie des dispositifs modernes d'indemnisation que connait le droit français. On fait ici allusion à l'indemnisation par la CIVI, mais également à l'aide au recouvrement des dommages-intérêts assurée par le Service d'aide au recouvrement des victimes (SARVI). La directive européenne n'ignore par le droit à l'indemnisation de la victime. Elle prévoit même que les États doivent encourager l'auteur de l'infraction à indemniser la victime (dir. art. 16), mais elle n'impose aucun mécanisme public d'aide à l'indemnisation. Certes, il existe une autre directive dédiée à l'indemnisation des victimes, [28] mais l'objet de ce texte réside surtout dans la résolution des difficultés liées à des situations transfrontalières. Le droit français apparait donc, sur l'indemnisation, plus complet et plus protecteur des victimes que le droit européen.
81L'intérêt de la directive réside avant tout dans la construction d'un statut juridique de la victime. Ce qui nous amène à prolonger la conclusion de notre précédente chronique dédiée aux droits du suspect. Dans cette conclusion, nous avions suggéré que le titre préliminaire du code de procédure pénale, intitulé « dispositions générales », accueille les règles de droit commun du procès pénal. À côté des droits du suspect, pourraient ainsi figurer les droits de la victime : droit à l'indemnisation, droit à l'information, droit à une aide apportée par des services spécialisés, droit de participer à la procédure, droit à la protection, droit à la justice réparatrice. Ces différents droits constitueraient une explicitation utile du principe énoncé à l'article préliminaire du code de procédure pénale relatif aux victimes.
Notes
-
[1]
Pour comprendre cette évolution, nous renvoyons à la lecture des chroniques de droit de l'Union européenne du Professeur Manacorda, et notamment deux chroniques récentes : Le droit pénal sous Lisbonne : vers un meilleur équilibre entre liberté, sécurité et justice ?, cette Revue 2010. 945 et L'âge de la maturité : stabilisation et traits conservateurs dans la politique pénale de l'Union européenne, cette Revue 2012. 931. Nous renvoyons également à notre dernière chronique, Émergence européenne d'un régime juridique du suspect, une nouvelle rationalité juridique, cette Revue 2012. 635. Enfin, pour un aperçu de l'évolution de la politique européenne à l'égard des victimes, V. F. Benoit-Rohmer, Politiques de l'Union en matière pénale, RTD eur. 2012. 378.
-
[2]
JOUE 4 mai 2010, n° C 115/01.
-
[3]
Sur le sort du suspect en droit interne, nous renvoyons aux développements de notre chronique précitée, cette Revue 2012. 635.
-
[4]
Les grands manuels et traités de procédure pénale consacrent de longs développements à l'action civile, mais n'appréhendent pas les droits de la victime dans leur globalité. Le Traité de procédure pénale de F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer consacre néanmoins des développements liés au « principe de la garantie des droits des victimes » (p. 371 de la 2e éd.) et un « tableau sommaire des droits des victimes » (p. 373).
-
[5]
À propos de ce statut juridique, le Professeur Cario écrivait en 2004 : « La redécouverte de l'humanité de la victime, comme sujet à part entière du conflit dont la résolution est confiée au juge pénal - et non plus seulement comme objet de la procédure - est assez récente », R. Cario, Les droits des victimes : état des lieux, AJ Pénal 2004. 425.
-
[6]
Art. 2 § 1 de la directive.
-
[7]
Préambule, cons. 19.
-
[8]
P. ex., l'art. 7 sur le droit à la traduction et à l'interprétation mentionne la possibilité de recourir à des technologies de communication telles que la visioconférence, le téléphone ou l'internet.
-
[9]
V. à cet égard, la Circulaire du 14 mai 2001 de présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 CRIM 2001-07 F1/14-05-2001 NOR : JUSD0130065C.
-
[10]
C. pr. pén., art. 707. V. Guillaume Royer, La victime et la peine, Contribution à la théorie du procès pénal post sententiam, D. 2007. 1745. L'auteur évoque ici un principe directeur de l'exécution de la sanction pénale.
-
[11]
Aujourd'hui art. 712-16-1 C. pr. pén., (anc. art. 720).
-
[12]
M. Herzog-Evans, Les victimes et l'exécution des peines. En finir avec le déni et l'idéologie, AJ Pénal 2008. 356.
-
[13]
V. p. ex. S. Detraz, Plus d'attention portée aux victimes - À propos de la directive du 25 octobre 2012, JCP 2013. 3. Selon l'auteur, « La France ne devrait pas éprouver de difficulté à transposer ces dispositions » compte tenu des prérogatives déjà accordées à la victime en droit français.
-
[14]
C. pr. pén., art. 40-2 et Circulaire du garde des Sceaux relative aux droits des victimes dans le procès pénal, 9 oct. 2007, NOR JUS J0790 006C.
-
[15]
Circulaire du 14 mai 2001.
-
[16]
Guide enrichi « Les droits des victimes ». Les droits visés par ce guide sont moins nombreux que ceux prévus par la directive. Ils visent essentiellement les droits procéduraux et le droit à l'indemnisation.
-
[17]
C. pr. pén., art. 344, 345, 407, 408.
-
[18]
V. Circulaire du garde des Sceaux relative aux droits des victimes dans le procès pénal, 9 oct. 2007 préc.
-
[19]
V. p. ex., B. de Korsak, A.M. Leger, L'hébergement et le relogement des femmes victimes de violence, Rapport 2006, La Documentation française.
-
[20]
G. Giudicelli-delage, Ch. Lazerges (dir.), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, 2008.
-
[21]
Ph. Bonfils, La participation de la victime au procès pénal une action innomée, in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges offerts à Jean Pradel, p. 179.
-
[22]
Jurisprudence constante depuis Crim., 6 avr. 1993, JCP 1993. 22144.
-
[23]
La directive renvoie ainsi aux dispositifs de visioconférence et téléconférence mis en place par la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne du 29 mai 2000, JO C 197 du 12 juill. 2000, p. 3.
-
[24]
Ces personnes doivent rester les mêmes si plusieurs auditions sont nécessaires.
-
[25]
Véronique Strimelle, La justice restaurative : une innovation du pénal ?, Champ pénal/Penal field, Séminaire Innovations Pénales, mis en ligne le 29 sept. 2007 (revue.org) ; R. Cario, Justice restaurative: Principes et promesses, L'Harmattan, 2010.
-
[26]
Véronique Strimelle, préc.
-
[27]
Fédération nationale d'aide aux victimes et de médiation.
-
[28]
Directive 2004/80/CE du Conseil du 29 avr. 2004 relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité.