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Article de revue

Politique criminelle et droit de la pédophilie

Pages 725 à 741

Notes

  • [1]
    Une première version de ce texte a donné lieu à une conférence dans le cadre d'une formation de l'IDP (Institut de défense pénale), Marseille 10 avril 2010.
  • [2]
    La pédophilie peut être définie comme l'attirance sexuelle d'un adulte envers un enfant non pubère que cet attrait soit hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel.
  • [3]
    D. Salas, A. Garapon, Les nouvelles sorcières de Salem, leçons d'Outreau, Seuil, 2006. En 1692, dans le village de Salem (Massachusetts), vingt-cinq notables sont exécutés pour sorcellerie sur la foi du témoignage de fillettes qui se prétendent possédées. Quelques années plus tard, les autorités reconnaissent leur erreur. Commence alors un long cycle de repentance et d'excuses.
  • [4]
    D. Mayer, La pudeur du droit face à l'inceste, D. 1988. Doc. 213.
  • [5]
    Loi n° 2010-121 du 8 févr. 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux, JO 9 févr. 2010. V. A. Lepage, Réflexions sur l'inscription de l'inceste dans le code pénal par la loi du 8 février 2010, Dalloz, 2010 et A. Montas et G. Roussel, « La pénalisation explicite de l'inceste : nommer l'innommable », in Archives de politique criminelle, n° 32, Pedone, 2010, p.
  • [6]
    Lévi-Strauss faisait de la prohibition de l'inceste « la démarche fondamentale dans laquelle s'accomplit le passage de la nature à la culture » in Les structures élémentaires de la parenté, 2e éd., Mouton, 1967.
  • [7]
    Les condamnés pour infractions sexuelles formaient 4,6% du total des condamnations en 1976, et 23 % en 2003.
  • [8]
    X. Lemeyre, La criminalité sexuelle, Flammarion, 2000.
  • [9]
    J. Carbonnier, Essai sur les lois, Desfrénois, 1975.
  • [10]
    Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, et portant diverses dispositions de procédure pénale, JO 11 mars 2010, p. 4808.
  • [11]
    G. Giudicelli-Delage, C. Lazerges (dir.), La dangerosité saisie par le droit pénal. Les voies du droit, PUF, à paraître 2011.
  • [12]
    V. M. Delmas-Marty, Libertés et sûretés dans un monde dangereux, coll. « La couleur des idées », Le Seuil, 2010
  • [13]
    Ch. Guéry, Définir ou bégayer : la contrainte morale après la loi sur l'inceste, AJ pénal 2010. 126 s.
  • [14]
    F. Héritier, B. Cyrulnik, A. Naouri, De l'inceste, Odile Jacob, 2000.
  • [15]
    Cf. V. Malabat, Droit pénal spécial, 4e éd., Dalloz, 2009, p. 152 s.
  • [16]
    Crim. 25 avril 2001, Bull. crim. n° 99.
  • [17]
    Crim. 7 déc. 2005, n° 05-81.316, cette Revue 2006. 319, obs. Y Mayaud ; Rev. pén. 2006. 152, obs. V. Malabat.
  • [18]
    « L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regard du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende ».
  • [19]
    « Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende ».
  • [20]
    In V. Blanchard, R. Revenin, J.-Y. Yvorel, Les jeunes et la sexualité, Éditions Autrement, 2010.
  • [21]
    V. Malabat, Droit pénal spécial, p. 169 s. Dalloz, 2009.
  • [22]
    Crim. 12 sept. 2007, Rev. Pénit. 2007, n° 4, p. 905 s. obs. V. Malabat.
  • [23]
    V. infra.
  • [24]
    Crim. 1er févr. 1995, Bull. crim. n° 43.
  • [25]
    Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 relative à la prévention et à la répression des violences au sein du couple ou contre les mineurs.
  • [26]
    Art. 706-54 à 706-56-1, R. 53-9 à R. 53-21 C. pr. pén.
  • [27]
    Art. 706-54 al. 2 et R 53-10 12° C. pr. pén.
  • [28]
    Art. 706-56 dernier al. et 706-56 II C. pr. pén.
  • [29]
    V. F. Desportes, L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, n° 2412 s. Economica, 2009.
  • [30]
    V. les travaux de Bernard Harcourt, professeur à l'Université de Chicago.
  • [31]
    P. Poncela, « Promenade de politique pénale sur les chemins hasardeux de la dangerosité », in Les nouvelles formes de dangerosité, ENAP, L'Harmattan, 2009.
  • [32]
    Art. 723-29 C. pén. : « Lorsqu'une personne a été condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi-socio-judiciaire est encouru, le juge de l'application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République, ordonner à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque est avéré, qu'elle sera placée sous surveillance judiciaire dès sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peine supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait ».
  • [33]
    Art. 723-31 C. pr. pén.
  • [34]
    C. Lazerges, La tentation du bilan 2002-2009 : un politique criminelle du risque au gré des vents, cette Revue 2009. 689 s.
  • [35]
    Art. 723-33 C. pr. pén.
  • [36]
    Art. 763-10 C. pr. pén.
  • [37]
    Art. 723-37 C. pr. pén.
  • [38]
    G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », et Jean Danet, « Les politiques sécuritaires à la lumière de la doctrine défense sociale nouvelle » in Les politiques sécuritaires à la lumière des doctrines pénales des XIXe et XXe siècles, cette Revue 2010. 49.
  • [39]
    M. Delmas-Marty, précité, p.87, Seuil, 2010.
  • [40]
    J. Leblois-Happe, « Première confrontation de la détention de sûreté à la Convention européenne des droits de l'homme : l'arrêt M. c. Allemagne du 17 décembre 2009 », AJ pénal 2010. 129 s.
  • [41]
    C. Lazerges, La rétention de sûreté : le malaise du Conseil constitutionnel, cette Revue 2008. 731 s.
  • [42]
    Art. 706-53-13 C. pr. pén. modifié par l'art. 2 de la loi du 10 mars 2010.

1La pédophilie [2] comme l'inceste ne sont pas des notions juridiques. Cependant parmi les figures « dangereuses » constitutives de peurs, voire de paniques sociétales et d'énervement de la répression, le pédophile occupe le devant de la scène.

2Les contours de la pédophilie sont d'autant plus difficiles à esquisser que le pédophile est, comme le disent Denis Salas et Antoine Garapon dans « Les nouvelles sorcières de Salem » [3] : « Un démon familier de l'imaginaire démocratique et de ses paniques morales. Il est représentatif de nos sociétés où l'atteinte sexuelle aux personnes (et à la plus vulnérable d'entre elles, l'enfant) est devenue la transgression majeure ». Plus loin ils écrivent : « L'abus sexuel sur enfants, à l'origine des paniques morales, reste une zone d'ombre. Nous ne savons plus très bien où se noue l'interdit sexuel, alors qu'il fut si longtemps structuré par des institutions et des rites ».

3De la pédophilie il n'est pas question explicitement dans le code pénal mais l'ombre du pédophile plane en de nombreux articles. Il en était de même pour l'inceste [4] jusqu'à cette loi du 8 février 2010, loi pour rien pour certains, utile ou dangereuse pour d'autres, tendant à inscrire dans le code pénal l'inceste commis sur les mineurs et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux [5]. « L'Aigle noir » chanté par Barbara vient d'entrer dans le code pénal sous sa dénomination anthropologique : l'inceste [6]. La pédophilie n'est pas nommée expressément dans les textes incriminateurs, l'inceste l'est depuis février 2010 avec cet effet pervers de ne correspondre qu'à certaines formes d'inceste, celles qui sont pénalisées. Je ne veux pas dire par là qu'il faut tenter de pénaliser toutes les formes d'inceste mais qu'à mon sens il n'est pas judicieux de nommer l'inceste dans le code pénal en laissant croire que seul est incestueux ce qui est pénalisé. Il y a bien d'autres comportements incestueux que les comportements pénalement sanctionnés.

4La frénésie législative, qui s'exprime par une succession de lois déclaratives et émotives , ne cesse d'ajouter du flou au flou dans le droit de la pédophilie entendu comme le droit des violences sexuelles sur mineurs et pas seulement des violences sexuelles sur de jeunes enfants. Ce droit recouvre une très grande diversité de situations jusqu'aux jeux sexuels d'enfants ou d'adolescents. La panique morale et législative autour de la pédophilie traduit un salutaire déclin du silence à l'égard des violences subies pendant l'enfance, longtemps invisibles, mais fait passer au second plan le fait que ces violences sont le plus souvent intrafamiliales. En effet, la grande majorité des faits poursuivis sont commis au sein du cercle familial ou amical des auteurs et des victimes, c'est quasiment toujours le cas lorsque les auteurs sont mineurs.

5Les mailles du filet de la répression se resserrent, les doublons se multiplient avec des concours de qualification rendant aléatoires le choix d'une qualification. Les exceptions procédurales se multiplient également, quant aux peines elles-mêmes, elles ne cessent de se durcir.

6Il n'échappe à personne que le pédophile est l'une des trois figures délinquantes stigmatisées par nos sociétés contemporaines et ce depuis le début des années 70 [7], aux côtés du terroriste ou de celui simplement suspecté de criminalité organisée sans oublier le mineur délinquant. Le pédophile est stigmatisé jusque dans les établissements pénitentiaires.

7Xavier Lemeyre, [8] n'hésite pas à parler « d'aveuglement émotionnel », induisant les effets pervers d'une marque au fer rouge sans nuances car la pédophilie est un phénomène sans frontières déterminées, qui recouvre, redisons-le, des comportements très divers dans leur gravité objective et dans leur dangerosité. Dans une course sans fin, le droit pénal cherche à embrasser toutes les formes de pédophilie jusqu'à susciter la confusion ou l'amalgame entre un viol et un jeu d'enfants. Au juge à discerner, à la défense des deux côtés de la barre de l'aider tout en défendant son client.

8En réfléchissant au droit de la pédophilie et à la politique criminelle conduite en matière de pédophilie retenons ce que Jean Carbonnier dit avec force du droit en général dans l'« Essai sur les lois » [9] : « Non, le droit n'est pas tantôt mal, tantôt bien, suivant des cas dont nous posséderions la clef. Il est bien et mal à la fois, avec ambiguïté, comme toutes choses de ce monde. Sachant qu'il a été donné pour brider le mal, les juristes en useront sans complexe. Sachant qu'il est porteur du mal, ils en useront avec sobriété ». Puisse-t-il en être ainsi du droit de la pédophilie. Gardons ce texte comme un fil rouge de notre analyse.

9Partons de trois constats signant une politique criminelle ne rejetant pas un droit d'exception.

10Premier constat : le code pénal dans son Livre second, consacré aux infractions contre les personnes, incrimine un grand nombre de comportements en lien avec la pédophilie ; il est difficile d'en faire un exposé exhaustif et clair tant on est en présence d'un maquis d'incriminations. (I- Le maquis des d'incriminations) Schématiquement le droit de la pédophilie recouvre toutes les infractions sexuelles qui portent atteinte à la liberté sexuelle de la victime et dont le consentement est indifférent si elle est mineure. La pédophilie peut aussi recouvrir des comportements que le législateur perçoit comme humiliants et outrageants pour le mineur.

11 Deuxième constat : le code de procédure pénale dans son Livre quatrième intitulé « De quelques procédures particulières », comporte un titre XIX consacré à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs victimes. (II- Le foisonnement des exceptions procédurales). Les articles 706-47 à 706-53-12 du code de procédure pénale confortent ainsi que d'autres textes de procédure l'hypothèse d'un droit d'exception et d'une politique criminelle stigmatisante.

12 Troisième constat : si la large panoplie d'infractions variées et une procédure d'exception caractérisent le droit de la pédophilie, il est aussi un droit d'exception par le durcissement très spécifique de la répression. La politique criminelle conduite en matière de lutte contre la récidive a conduit à adopter en mars 2010 [10], une quatrième loi qualifiable de loi « récidive 4 » en cinq ans, preuve d'un droit rendu fiévreux par des faits divers dramatiques relevant de la pédophilie.

13 Le droit de la pédophilie est aujourd'hui le lieu le plus manifeste d'une mutation du fondement même de la répression. La dangerosité saisie par le droit pénal [11], dont on ne sait si elle est psychiatrique ou criminologique, se substitue à la culpabilité, dans le même temps la culpabilité se substitue à l'imputabilité bouleversant les assises du droit pénal [12]. (III- Le durcissement de la répression).

14 En droit de la pédophilie la valeur protégée ou le bien protégé est l'enfance et l'adolescence au-delà du corps même de l'enfant et de l'adolescent. En conséquence, un certain nombre de dispositions de protection et de réparation, au sens d'une nécessaire reconstruction des enfants victimes terriblement meurtris, accompagnent les grandes lois sur le sujet. Rappelons-nous le titre même de la loi du 17 juin 1998 : « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs », ou encore le titre de la toute récente loi du 8 février 2010 « tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux ». La protection des mineurs et leur prise en charge est un sujet en soi, un sujet difficile que je ne traiterai pas dans cette réflexion. Je voudrais simplement dire que des très louables intentions du législateur à l'effective protection des mineurs et à leur prise en charge il y a un gouffre.

Le maquis des incriminations

15Le code pénal connait principalement des agressions sexuelles sur mineurs (viol-exhibition sexuelle) par définition sans consentement du mineur et des atteintes sexuelles sur mineurs peu important que le mineur y ait consenti. (I-1)

16 Le code pénal connait aussi l'incrimination d'exploitation pornographique de l'image d'un mineur (art.227-23 CP) et la diffusion de messages pornographiques pouvant être perçus par un mineur (227-24 CP). (I-2) ; ces derniers comportements ont en commun d'être humiliants et outrageants pour le mineur, ils portent atteinte à sa dignité.

Les agressions et atteintes sexuelles sur mineurs

Les infractions commises sans le consentement du mineur

17L'article 222-22 du code pénal donne une définition générique des agressions sexuelles dans les termes suivants : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

18La loi du 8 février 2010 crée un article 222-22-1, qui définit la contrainte comme pouvant être « physique ou morale » et il est précisé que « la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de fait ou de droit que celui-ci exerce sur cette victime ». Le nouvel article 222-22-1 institue donc une sorte de présomption de contrainte morale dans deux hypothèses : la différence d'âge entre l'auteur et la victime et l'autorité de fait ou de droit exercée par l'auteur sur la victime.

19Christian Guéry fait très justement observer qu'en définissant la contrainte morale par « la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » et en maintenant une circonstance aggravant le crime de viol ou d'agression sexuelle « commis par une personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » , le législateur heurte l'un des principes essentiels du droit pénal : on ne poursuit pas deux fois la même personne pour les mêmes faits [13].

20Une loi pour rien, peut-on dire alors, un législateur qui bégaie et ne craint même plus les doublons. Sauf à penser à la fonction pédagogique de la loi, le législateur se substitue alors aux titulaires de l'autorité parentale pour nommer, nommer l'inceste, afficher l'inceste, tenter de définir l'inceste [14]dans certaines seulement de ses manifestations.

21Le viol défini à l'article 222-23 du code pénal doit être distingué des autres agressions sexuelles en ce qu'il suppose un résultat spécifique qui est la pénétration sexuelle commise sur la personne d'autrui [15]. Le viol est aggravé, on le sait, lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans. Parce que le poids des mots est considérable, la loi du 8 février 2010 étiquette certains viols et agressions sexuelles, sans incidence sur la peine. L'article 222-31-1 nouveau qualifie d'incestueux « les viols et agressions sexuelles lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant autorité sur la victime une autorité de droit ou de fait ».

22 Les viols et agressions sexuelles incestueuses peuvent toujours être sanctionnés par les articles 222-24 et 222-28-2 du code pénal dès lors que la notion d'autorité, requise pour caractériser la circonstance aggravante, ressort également de la situation qualifiée d'inceste. Le législateur français s'était jusqu'alors interdit de parler d'inceste dans le code pénal tant les contours de l'inceste sont relatifs dans le temps et dans l'espace, tant le phénomène renvoie à l'anthropologie et à l'ethnologie et ne peut être emprisonné par le droit. Mais la frénésie sécuritaire s'autorise tout, même l'instrumentalisation du tabou de l'inceste.

23 Les autres agressions sexuelles sont des délits et non des crimes, elles se distinguent du viol par le résultat. Dès lors que le résultat spécifique du viol n'est pas réalisé seules les agressions sexuelles définies aux articles 222-27 et s. du code pénal sont envisageables s'il y a violence, contrainte, menace ou surprise. Pour la chambre criminelle la surprise consiste à surprendre le consentement de la victime [16]. Le consentement surpris n'est pas le consentement contraint mais c'est celui qui n'est pas donné en connaissance de cause. Les juges considéreront que le consentement de la victime est surpris lorsque celle-ci en raison de son jeune âge ou de ses déficiences mentales ou physiques, ne s'est pas rendu compte de la nature des actes accomplis sur elle ou lorsqu'en raison de son très jeune âge elle n'a pas pu comprendre la nature des faits accomplis [17].

24 L'agression suppose une atteinte c'est-à-dire un acte porté sur la personne d'autrui, par exemple des attouchements, des caresses ou même des baisers. La catégorie des attouchements est une catégorie floue. Où placer la limite entre la manifestation de tendresse qui conduit à serrer un enfant dans ses bras pris sur ses genoux de l'attouchement pédophile ? Le fait pour un père de baigner son enfant en touchant son sexe en le lavant est-il un attouchement pédophile incestueux, une violence sexuelle incestueuse, comme on le voit quelquefois invoqué dans des procédures de divorce ? L'agression sexuelle peut être expressément incestueuse depuis la loi du 8 février 2010.

25 L'exhibition sexuelle est une forme atténuée d'agression sexuelle prévue et définie à l'article 222-32 [18], le législateur n'a pas prévu d'exhibition sexuelle incestueuse.

Les infractions sexuelles indifférentes au consentement du mineur

26Ce sont celles que l'on classe habituellement dans les atteintes sexuelles sur mineurs dont je voudrais distinguer les atteintes sexuelles entre mineurs.

27Les atteintes sexuelles sur mineurs sont incriminées aux articles 227-25 et suivants du code pénal. L'article 227-25 dispose : « le fait pour un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 € d'amende ». L'article 227-26 énonce les circonstances aggravantes. L'article 227-27 sanctionne les atteintes sexuelles sur les mineurs de 15 à 18 ans uniquement lorsqu'elles sont commises par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute personne ayant autorité sur la victime ou encore par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. Cette extension aux mineurs de 15 à 18 ans est justifiée par les doutes que l'on peut avoir sur la liberté de consentement du mineur.

28La loi nouvelle du 8 février 2010 introduit les articles 227-27-2 et 227-27-3 qui créent pour les atteintes sexuelles commises sur des mineurs les mêmes aménagements concernant la nature incestueuse que pour les viols et agressions sexuelles et prévoient des modalités identiques de retrait de l'autorité parentale pour les auteurs d'atteintes sexuelles incestueuses.

29 Notons que si le mineur a entre quinze et dix-huit ans et n'est pas émancipé par le mariage l'infraction n'existe que lorsqu'elle est commise au sein de la famille élargie par une personne ayant autorité ou par une personne qui abuse de l'autorité que lui confère ses fonctions.

30La peine encourue est moins forte que lorsque le mineur a moins de quinze. Sans doute le législateur estime-t-il que le consentement du mineur de plus de 15 ans est plus éclairé ou plus libre.

31L'âge de quinze ans était en cohérence avec l'article 144 du code civil autorisant le mariage des filles à partir de cet âge. Depuis que la loi du 4 avril 2006 a porté l'âge du mariage à dix-huit ans pour les garçons et les filles, le seuil de quinze ans a moins de sens. Une mise en ordre des seuils d'âge, sans précipitation et après réflexion serait nécessaire.

32Est assimilé à une atteinte sexuelle sur mineurs indépendamment de son âge le fait de recourir aux services sexuels rémunérés d'un mineur. Le code pénal incrimine en effet depuis la loi du 18 mars 2003 à l'article 225-12-1 le client d'un mineur se livrant à la prostitution peu important le consentement du mineur [19]. Un directeur de la communication de premier ministre s'en souvient ; sous le même chef d'incrimination des joueurs de l'équipe de France de football ont été mis en examen en juillet 2010. Les mineurs visés par l'article 225-12-1 ne sont pas les mineurs de quinze ans mais les mineurs de 18 ans.

33L'empilement successif de textes ne peut échapper pas plus que le désordre des textes, ne serait-ce que les hésitations entre le seuil de quinze ans et celui de dix-huit ans pour déclencher la répression et la difficulté à donner un contenu rigoureux à la notion d'atteinte sexuelle. L'introduction subite dans certains cas du caractère explicitement incestueux de l'atteinte est de nature émotive mais peut éventuellement avoir une fonction pédagogique, le sujet mérite débat.

34Les atteintes sexuelles entre mineurs qui ne sont pas des agressions sexuelles ne sont pas incriminées par l'article 227-25 du code pénal puisque ce texte ne vise que des auteurs majeurs. Le seuil d'âge ainsi posé, comme tous les seuils d'âge, peut être très injuste. Le majeur âgé de dix-huit ans, qui a des relations consenties avec une jeune fille de quatorze ans, tombe sous le coup de la loi pénale ce qui n'aurait pas été le cas six mois plus tôt. Les relations sexuelles consenties entre mineurs ne sont pas délictuelles sauf débat ouvert sur le consentement éventuellement non reconnu valide, l'on bascule alors dans les agressions sexuelles. Plaidons pour que l'on utilise le droit pénal ici, comme le suggère Jean Carbonnier, avec sobriété. Si des mesures d'assistance éducative sont souvent pertinentes, le procès pénal peut être totalement inadapté.

35 Laurent Mucchielli et Véronique Le Goaziou, dans le cadre d'une recherche achevée en 2009 sur la judiciarisation croissante des violences sexuelles commises par des mineurs [20], ont analysé 45 dossiers judiciaires de violence sexuelle relevant de la juridiction de Versailles, impliquant 58 mineurs âgés de 14 ans et demi en moyenne, ayant commis des infractions sexuelles au détriment de 66 victimes. Sur les 45 dossiers, 3 sont des exhibitions, 35 des attouchements et sept des viols. Dans certains de ces cas la police retient un viol, classé ensuite par le parquet. Les poursuites sont subordonnées à des actes de violence. Dans la majorité des dossiers les attouchements se déroulent sans violence, même verbale, explicite ou apparente et les jeunes impliqués ont une relation amoureuse régulière, ou sont dans un rapport de séduction. On peut s'interroger sur la nécessité et l'intérêt qu'il y avait de déclencher des poursuites souvent non suivies de condamnation faute d'infraction caractérisée. Ne s'agit-il pas le plus souvent de situations qui relèvent de l'assistance éducative ?

L'exploitation pornographique de l'image d'un mineur et la diffusion de messages pornographiques

36Les formes que prend ici la pédophilie sont radicalement différentes. La pédophilie est virtuelle mais non sans danger.

L'exploitation pornographique de l'image d'un mineur

37L'article 227-23 du code pénal incrimine dans son premier alinéa le fait, en vue de sa diffusion de fixer, enregistrer, transmettre, diffuser ou détenir « l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ». Ce texte a subi de nombreuses retouches avec pour fin d'élargir le champ des comportements incriminés.

38 Valérie Malabat fait observer [21] que l'article 227-23 vise, non seulement l'image du mineur, mais aussi sa représentation depuis la loi n°98-468 du 17 juin 1998. Le terme représentation a été ajouté pour permettre à l'incrimination d'englober les représentations virtuelles de mineurs, le terme image pouvant être interprété comme ne désignant que l'image fixée ou enregistrée d'un mineur existant réellement [22]. Sont aussi visées par le dernier alinéa du texte les images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur.

39 L'infraction n'est constituée que si l'image ou la représentation est pornographique.

40 En l'absence de définition de la pornographie, le juge aura toute liberté pour dire si l'image est ou n'est pas pornographique.

41 Depuis la loi du 5 mars 2007 à l'alinéa 5 de l'article 227-23 est en outre incriminé : « Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit ». La peine encourue est de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

La diffusion de messages pornographiques pouvant être perçus par un mineur

42L'article 227-24 du code pénal incrimine « le fait soit de fabriquer, transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ». Cette infraction qui fait encourir 3 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende, déborde le cadre strict des infractions sexuelles relevant de la pédophilie tout en en faisant bien partie puisque le suivi socio judiciaire peut être prononcé [23].

La corruption de mineurs

43N'omettons pas de signaler l'article 227-22 du code pénal incriminant la corruption de mineurs, remplaçant depuis le 1er mars 1994, le délit d'excitation des mineurs à la débauche. Pour la chambre criminelle il s'agit bien toujours de corruption sexuelle [24]. Le délit est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

44Une série de circonstances aggravantes sont prévues, en particulier le fait que le mineur ait moins de 15 ans. Aux termes de l'alinéa 2 du texte l'infraction est en particulier constituée lorsqu'un majeur organise des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe. La distinction avec l'atteinte sexuelle sur mineurs peut être évanescente. Souvent seul le but recherché, la corruption du mineur, permettra le choix raisonné de l'une ou l'autre qualification. Les poursuites pour corruption de mineurs sont rares.

45 Ce panel très large d'infractions relevant de la pédophilie, aux contours souvent peu compatibles avec le principe de l'interprétation stricte de loi pénale, bénéficie ou subit nombre d'exceptions procédurales soigneusement énoncées par le code de procédure pénale et quelques fois même dans le code pénal. L'impression est déjà celle d'un droit bavard, souvent brouillon et riche de doublons.

Le foisonnement des exceptions procédurales

46Le Livre quatrième du code de procédure pénale comporte vingt-cinq titres consacrés à des procédures particulières prouvant par là même l'éclatement de la procédure pénale. Le Titre XIX a pour titre « De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ». La preuve d'un droit d'exception est rapportée. L'avant-projet de code de procédure pénale rendu public en mars 2010 confirme ce constat. En effet, dès le Livre premier de cet avant-projet de code de procédure pénale consacré aux « Dispositions générales » un Titre IV s'intitule « Catégories d'infractions soumises à des règles spécifiques de procédure pénale », le chapitre II de ce titre est consacré aux infractions de nature sexuelle (art.142-1 de l'avant-projet de CPP). Toutes les infractions dont nous avons parlé sont visées. Situé dans les dispositions générales de l'avant-projet de code de procédure pénale l'inventaire des infractions méritant procédure d'exception banalise une procédure pénale à plusieurs vitesses et en conséquence un exercice plus ou moins difficile des droits de la défense. L'existence même de ce titre est en contradiction avec le principe selon lequel la procédure pénale garantit l'égalité des justiciables devant la loi.

47Les exceptions procédurales évoquées ne trouvent pas toutes leur siège dans le code de procédure pénale. Certaines de ces exceptions sont directement protectrices des victimes comme les droits élargis de la partie civile avec en particulier la nomination d'un administrateur ad hoc pour la défense de l'enfant victime ou encore l'allongement des délais de prescription. D'autres exceptions procédurales sont plus indirectement protectrices des victimes mais participent directement à la stigmatisation des auteurs comme le fichage.

Les droits élargis de la partie civile

Les droits conférés à certaines associations.

48Les articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale permettent à certaines associations d'exercer les prérogatives reconnues à la partie civile. L'article 2-3 concerne les mineurs, il dispose : « Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs... »

49Sont visées une longue liste d'infractions dont toutes celles que l'on peut considérer comme relevant du droit de la pédophilie. L'association ne peut que se joindre à l'action publique engagée par le ministère public. Dans trois hypothèses une association inscrite auprès du ministère de la justice dans des conditions fixées en Conseil d'Etat peut déclencher l'action publique : la corruption de mineurs (art. 222-22 CP), le tourisme sexuel (art. 227-27-1 CP) et l'exploitation pornographique de l'image d'un mineur (art.227-23 CP). Dans ces hypothèses il est aisé de comprendre que le déclenchement de l'action publique ne viendra pas du mineur lui-même et en conséquence l'utilité d'une action publique partagée faisant toute sa place à des associations spécifiques.

La procédure de l'administrateur ad hoc

50Dès lors que la protection des intérêts du mineur ne sont pas complètements assurés par ses représentants légaux le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne un administrateur ad hoc (art. 706-50 CPP) chargé d'assurer la protection des intérêts du mineur et d'exercer au nom du mineur s'il y a lieu les droits reconnus à la partie civile. Il appartient à l'Etat d'exercer ou de faire exercer la fonction de protection que la famille ne porte pas. L'administrateur ad hoc est choisi soit parmi les proches du mineur, soit sur une liste de personnalités. La loi du 8 février 2010 complète l'article 706-50 du code de procédure pénale en rendant obligatoire la désignation d'un administrateur ad hoc lorsque les faits commis sur le mineur sont qualifiés d'incestueux sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction. Il est légitime de s'interroger sur la pertinence de ce caractère quasi-obligatoire de la désignation d'un administrateur ad hoc les titulaires de l'autorité parentale pouvant être étrangers au caractère incestueux des faits en raison du champ retenu par le législateur pour les infractions qualifiées d'infractions à caractère incestueux.

Les délais de prescription

51Les délais de prescription consacrent l'oubli nécessaire. « L'oubli, nous dit Jean Carbonnier, rejoint la non répression dont le lexique est grâce, pardon, indulgence, rémission, rédemption ». L'écoulement du temps peut-il justifier le renoncement à la répression? Au regard de la preuve la réponse est affirmative. Pour des raisons qui relèvent de l'éthique il est légitime de défendre l'idée selon laquelle l'écoulement du temps peut justifier la non répression pénale. Ceci ne signifie pas forcément l'absence de réponse mais simplement l'absence de réponse pénale.

52 L'allongement des délais de prescription en droit de la pédophilie est l'expression du refus de toute indulgence. Certains parlementaires ont souhaité même l'imprescriptibilité qui ferait des crimes de nature pédophile l'équivalent de crimes contre l'humanité.

53Robert Badinter a à plusieurs reprises souligné que l'intérêt familial, s'agissant de l'inceste, comme celui de la conservation des preuves rendent contestable une règle d'imprescriptibilité.

54En droit de la pédophilie autant il est juste que les délais de prescription ne courent que de la majorité du mineur autant l'imprescriptibilité et même leur allongement par la loi du 9 mars 2004 est sujet à débat. L'article 7 alinéa 3 du code de procédure pénale porte à 20 ans à compter de la majorité la prescription des crimes mentionnés à l'article 706-47, c'est-à-dire des crimes relevant du droit de la pédophilie. Pour les délits commis contre des mineurs mentionnés à l'article 706-47 le délai de prescription est de 10 ans à compter de la majorité. La loi du 4 avril 2006 a allongé la liste des infractions de nature délictuelle relevant de la prescription allongée [25], il en est ainsi par exemple maintenant du recours à la prostitution d'un mineur. Pour d'autres crimes et délits que les crimes et délits de nature pédophile les délais de prescription ont également été allongés. L'avant-projet de code de procédure pénale confirme la politique d'allongement général des délais de prescription sauf par exemple en droit pénal des affaires.

55 La vérité judiciaire peut-elle éclore de procès aussi tardifs et le plus souvent intrafamiliaux ? N'y-a-t-il pas en outre pour des victimes un véritable risque insupportable de ne pas être entendues parce que le temps a effacé toute preuve ?

Les règles de compétence

56La lutte contre le tourisme sexuel a conduit à juste titre le législateur dans la loi du 17 juin 1998 à déroger aux règles applicables aux conflits de lois dans l'espace et en conséquence aux conflits de compétence. Pour ce faire il a ajouté un alinéa 3 à l'article 222-22 du code pénal aux termes duquel : « Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable ». Peu importe donc que les faits ne soient pas incriminés dans le pays où ils ont été commis (article 113-6 du code pénal), peu importe que la victime ou ses ayants droits aient porté plainte ou que les faits aient fait l'objet d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où ils se sont déroulés. Pour d'évidentes questions de preuve, ces dérogations sont en pratique un bien faible frein à ce que l'on a pris l'habitude d'appeler le tourisme sexuel et qui relève d'une forme d'esclavage moderne, l'esclavage sexuel d'enfants.

Le fichage

57Le fichage dans notre pays ne cesse de se complexifier jusqu'à autoriser de parler de maquis des fichiers, outils de prédilection avec la vidéo-surveillance d'une politique criminelle sécuritaire.

58 L'inscription dans un fichier est une obligation procédurale tendant au renforcement du contrôle de l'auteur de l'infraction pédophile mais dans le même temps cette inscription participe déjà de la sanction. Les délinquants sexuels n'échappent pas au STIC géré par la police et rassemblant un certain nombre d'informations sur les victimes et surtout sur les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou complices, à la commission des infractions. Deux fichiers spécifiques existaient en outre en délinquance sexuelle : le FNAEG et le FIJAISV. La loi du 10 mars 2010 en ajoute un troisième appelé non pas fichier mais répertoire ce qui est plus insidieux. Il s'agit du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Le FNAEG, fichier automatisé des empreintes génétiques [26]

59Pour six catégories d'infractions ce fichier est destiné, en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs, à centraliser les traces et empreintes génétiques concernant en premier lieu les infractions sexuelles visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale ainsi que le délit d'exhibition sexuelle prévu à l'article 222-32. Il ne s'applique pas seulement aux personnes condamnées de ce chef mais aussi à celles à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordant rendant vraisemblable qu'elles aient commis une telle infraction sur décision de l'OPJ agissant soit d'office soit à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction [27]. Le FNAEG a été créé par la loi de juin 1998, la loi du 9 mars 2004 a accru les rigueurs d'alimentation du fichier. Les prélèvements biologiques peuvent avoir lieu à toutes les phases du procès. Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour un crime ou un délit faisant encourir 10 ans d'emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l'accord de l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République. Le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement est puni d'un an d'emprisonnement et de 1500 € d'amende et du double s'il s'agit d'une personne condamnée pour crime [28].

Le FIJAISV, fichier judicaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes

60Le FIJAISV a été introduit par la loi du 9 mars 2004, il est régi par les articles 706-53-1 à 706-53-12 du code de procédure pénale. Sa raison d'être est de prévenir le renouvellement des infractions mentionnées à l'article 706-47 et de faciliter l'identification de leurs auteurs. Ce fichier n'est pas réservé aux infractions sexuelles il concerne aussi certains meurtres assortis de circonstances aggravantes. Le fichier est tenu par le service du casier judiciaire sous l'autorité du ministre de la justice et sous le contrôle d'un magistrat. Le fichier reçoit les informations nominatives relatives aux personnes poursuivies, ou l'ayant été, de l'un des chefs prévu par la loi et ayant fait l'objet de décisions judiciaires révélant leur possible dangerosité : condamnation même non définitive à une peine ou, pour les mineurs, à une mesure éducative, composition pénale, non-lieu pour troubles mentaux, mise en examen assortie d'un placement sous contrôle judiciaire à condition que le juge d'instruction ait ordonné l'inscription de la décision [29]. Le chapitre IV de la loi du 10 mars 2010 est consacré au FIJAISV, il durcit certaines dispositions. Ainsi les informations contenues dans le FIJAISV directement accessibles aux autorités judiciaires, aux officiers de police judiciaire, aux préfets et aux administrations de l'Etat dont la liste est fixée par décret, le deviennent aussi « aux agents des greffes spécialement habilités par les chefs d'établissement pénitentiaire, à partir de l'identité de la personne incarcérée, pour vérifier qu'elle a fait l'objet de l'information mentionnée à l'article 706-53-6 et pour enregistrer les dates de mise sous écrou et de libération ainsi que l'adresse du domicile déclaré par la personne libérée ».

Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre de procédure judiciaire

61Le dernier né des fichiers, issu de la loi du 10 mars 2010, est tenu par le service du casier judiciaire sous l'autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d'un magistrat. Son objectif est défini par l'article 706-52-2 du code de procédure pénale : faciliter et fiabiliser la connaissance de la personnalité et l'évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies et condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et prévenir le renouvellement de ces infractions.

62Le répertoire centralise les expertises, évaluations et examens psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires qui ont été réalisés pour les personnes concernées. Le texte de façon assez subtile renvoie aux examens qui sont susceptibles de permettre une évaluation de la dangerosité psychiatrique mais aussi en parlant d'examen pluridisciplinaires aux méthodes américaines d'évaluation de la dangerosité dite criminologique. Il s'agit des méthodes actuarielles qui aboutissent à construire des tables de prédiction. C'est tables de prédiction sont encore généralement contestées en France et commencent à l'être aux Etats-Unis [30]. Pierrette Poncela note que « les expériences, aussi bien états-uniennes que canadiennes, doivent nous inciter à la circonspection face à l'utilisation d'outils actuariels dans la justice pénale [31].

63En bref, quantité de présumés innocents et de personnes condamnées définitivement, pas seulement d'ailleurs en droit de la pédophilie, sont fichés au moins quatre fois dans le STIC, dans le FNAEG, dans le FIJAISV et dans le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires avec tous les problèmes que pose la tenue de ces fichiers et la sortie de ces fichiers.

L'expertise obligatoire

64L'expertise obligatoire est le dernier exemple d'une procédure d'exception que j'évoquerai. Les personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, aux termes de l'article 706-47-1, doivent être soumises avant tout jugement sur le fond, à une expertise médicale qui peut être ordonnée dès le stade de l'enquête. Le texte parle d'expertise médicale et non d'expertise psychiatrique mais n'exclut pas que l'expertise médicale soit effectuée par un psychiatre.

65 Le code pénal, dans une section sur le suivi socio-judiciaire, ajoute dans l'article 131-36-4, que l'expertise est réalisée par deux experts en cas de poursuites pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. L'expertise ou les expertises devraient guider dans le choix de la sanction, une sanction qui ne cesse de se durcir au nom du principe de précaution.

Le durcissement de la répression

66Le durcissement de la répression est certainement le constat le plus caractéristique de la politique criminelle conduite face au phénomène de la pédophilie qu'il s'agisse de l'allongement des peines, qu'il s'agisse du jeu complexe des peines complémentaires et/ou des mesures de sûreté, qu'il s'agisse « de la peine après la peine » qu'est la rétention de sûreté. Le « Surveiller et punir » de Michel Foucault prend ici tout son sens.

67En cinq ans, on le sait, pas moins de quatre lois sur la récidive ont été adoptées. Il s'agit des lois récidive 1 2 3 et 4, respectivement du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, du 10 août 2007 renforçant la récidive des majeurs et des mineurs, du 23 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale. Ces textes ne concernent pas que le droit de la pédophilie mais elles sont une éclatante preuve de la volonté politique de durcissement de la répression en ce domaine, bien au-delà de la simple obligation de prononcer des peines-planchers dans un certain nombre d'hypothèses. Si ces textes ne concernent pas que le droit de la pédophilie, la lutte contre la pédophilie en a été le moteur.

68 L'allongement des peines de prison est une évidence statistique et participe à la surpopulation pénale.

69 Ce qui est le plus caractéristique tout de même est le jeu renforcé des peines complémentaires et/ou des mesures de sûreté et l'entrée en vigueur de « la peine après la peine » sous le nom de rétention de sûreté.

Le jeu des peines complémentaires et/ou des mesures de sûreté

Le suivi socio-judiciaire

70Le suivi socio-judiciaire a été introduit par la loi du 17 juin 1998 en tant que peine complémentaire consistant en un suivi post carcéral des délinquants sexuels. En matière correctionnelle il peut aussi être prononcé à titre de peine principale. Il est régi par les articles 131-36-1 et s. du code pénal. La personne condamnée au suivi-socio judiciaire peut faire l'objet d'une injonction de soins aux conditions de l'article L.3711-1 du code la santé publique. Le condamné est averti qu'aucun traitement ne peut être entrepris sans son consentement, mais il est averti aussi que le refus de soins l'expose à un emprisonnement dont la durée est fixée par la décision de condamnation.

71Le régime du suivi socio-judiciaire a été durci par la loi du 9 mars 2004. En outre, depuis la loi du 12 décembre 2005, il peut être assorti d'un placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté indique l'intitulé de la sous-section 7 du chapitre du code pénal sur la nature des peines.

72Le brouillage des catégories juridiques peines/mesures de sûreté a vraiment commencé avec cette loi de 2005. Le législateur en 1992 s'était refusé jusqu'alors à distinguer peines et mesures de sûreté, le code pénal ne connaissait que de peines principales et complémentaires au motif qu'elles sont toutes afflictives et doivent toutes obéir aux principes généraux du droit pénal comme la non- application immédiate des lois pénales plus sévères. La première brèche importante date de cette loi du 12 décembre 2005 avalisée par le Conseil constitutionnel.

73Le suivi socio-judiciaire simple consiste pour le condamné dans l'obligation de se soumettre à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive, sous le contrôle du juge de l'application des peines du lieu de résidence du condamné. La durée du suivi est en principe de dix ans en matière correctionnelle et de vingt ans en matière criminelle mais une cour d'assises peut décider pour un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité que le suivi-socio judiciaire s'appliquera sans limitation de durée sous réserve de la possibilité pour le tribunal de l'application des peines de mettre fin à la mesure à l'issue d'un délai de trente ans.

74 La mise en œuvre du suivi socio-judiciaire pose d'évidents problèmes de moyens. En effet, qu'il soit assorti de mesures médicales et/ou de mesures de surveillance il suppose un accompagnement par un conseiller d'insertion et de probation dont on sait qu'il suit en moyenne plus de 120 condamnés...

La surveillance judiciaire

75La surveillance judiciaire n'a d'abord existé que pour les personnes morales, elle est définie par l'article 131-46 du code pénal. Elle a inspiré le législateur de 2005 qui l'introduit non pas dans le code pénal mais dans le code de procédure pénale en tant que modalité d'exécution de la peine sous le titre : « Dispositions relatives à la surveillance judiciaire de personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit ». L'expression « personne dangereuse » fait son apparition. L'article 723-29 du code de procédure pénale ouvre la possibilité d'ajouter au suivi socio-judiciaire, dont la nature juridique est bien celle d'une peine, la surveillance judiciaire qualifiée par ce même article de mesure de sûreté « aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque est avéré » [32]. Ce risque élevé de récidive doit être constaté par une expertise médicale [33]. La dangerosité et le risque sont expressément cités dans ce texte.

76Cette loi signe le basculement d'un droit pénal fondé sur la culpabilité vers une politique criminelle du risque zéro fondée sur la dangerosité [34]. La pédophilie pour le législateur justifie ce basculement ; la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté n'en sont que les suites logiques.

77Il va sans dire que l'articulation entre le suivi-judiciaire et la surveillance judiciaire est complexe. Le placement sous surveillance judiciaire peut comporter toutes les obligations de surveillance du suivi-socio judiciaire, outre des mesures d'assistance et de contrôle destinées en principe à faciliter et à vérifier la réinsertion du condamné [35]. La décision de placement sous surveillance judiciaire se prend avant la date prévue pour la libération, elle suppose un débat contradictoire lors duquel le condamné est obligatoirement assisté par un avocat et, le cas échéant après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté que la loi du 12 décembre 2005 introduit [36].

La surveillance de sûreté

78La surveillance de sûreté introduite par la loi du 23 février 2008, prononcée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, vient compléter un quadrillage de modes de surveillance alternatifs et/ou cumulatifs.

79La surveillance judiciaire peut déboucher sur une surveillance de sûreté si les obligations résultant de l'inscription dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAISV) apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission de crimes dont la probabilité est très élevée [37] et si cette mesure est l'unique moyen de prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

80Le jeu de poupées russes comporte aujourd'hui le suivi-socio-judiciaire qui peut être englobé dans la surveillance judiciaire laquelle peut se muter en surveillance de sûreté, insidieusement la juridiction qui prend la décision n'est pas la même. Le plus inquiétant résulte de ce que la surveillance de sûreté permet le passage à la rétention de sûreté, véritable peine après la peine sans culpabilité.

81La loi du 10 mars 2010 durcit la surveillance de sûreté de deux façons en ajoutant des alinéas à l'article 706-53-19 du code de procédure pénale. Si la personne sous surveillance de sûreté refuse le placement sous bracelet électronique mobile ou si elle manque à ses obligations elle pourra être placée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, c'est-à-dire en rétention de sûreté. De même le refus de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant dans le cadre d'une injonction de soins constitue, pour la personne placée en surveillance de sûreté, une méconnaissance de ses obligations et ouvre donc la porte de la rétention de sûreté.

La peine après la peine ou la rétention de sûreté

82A crime odieux, peine odieuse, telle pourrait être la justification de la rétention de sûreté, non prévue uniquement pour les délinquants sexuels mais induite ouvertement par les peurs collectives liées aux crimes sexuels.

83La rétention de sûreté renvoie à la doctrine positiviste de la fin du XIXème siècle, toujours prête à resurgir mais aussi au droit pénal de l'ennemi tel que le décrit le professeur allemand Gunther Jakobs depuis 1985 sans que les pénalistes français n'y aient prêté grande attention avant 2001.

De la dangerosité au droit pénal de l'ennemi

84Du droit pénal de la dangerosité au droit pénal de l'ennemi le passage est aisé [38]. Le positivisme italien comme certains courants de la défense sociale ont cherché à répondre à la dangerosité sans pouvoir la définir autrement qu'en termes de probabilité de récidive évaluée selon des modèles tombés les uns après les autres sous la critique.

85Gunther Jakobs s'appuie sur une lecture très personnelle de Kant et de Hegel pour en venir comme le dit, Mireille Delmas-Marty [39], à l'idée que la notion de personne est « élastique » et que la dangerosité d'un individu lui fait perdre la qualité de citoyen et les droits qui sont attachés à cette qualité. La société serait composée de citoyens et d'ennemis contre lesquels il faut se défendre par des mesures radicales comme l'internement de sûreté ou la création de camps du type de celui de Guantanamo. Seuls les citoyens auraient droit à la protection des droits de l'homme.

86Les figures dangereuses visées sont celle du terroriste mais aussi celle du délinquant sexuel et en particulier du criminel pédophile.

87Ces thèses extrêmes bien que lourdement critiquées ont contaminé des politiques criminelles ouvertement sécuritaires et expliquent en partie l'introduction dans notre droit, mais ailleurs en Europe aussi, de la rétention de sûreté. La résistance de la Cour européenne des droits de l'homme et le malaise du conseil constitutionnel méritent d'être rappelés.

La résistance de la Cour européenne des droits de l'homme et le malaise du Conseil constitutionnel face à la rétention de sûreté

88Le 17 décembre 2009, la CEDH a rendu sa première décision sur la rétention de sûreté en l'occurrence la détention de sûreté du droit allemand [40]. L'internement de sûreté est une des rares institutions qui demeure de la période nazie en Allemagne. Il semblait tombé en désuétude jusqu'à ce que, au milieu des années 90, des faits divers dramatiques, en l'occurrence des crimes sexuels perpétrés contre des enfants aient conduit à la renaissance de la détention de sûreté avec une loi de 1998 relative à la lutte contre les délits sexuels et autres infractions dangereuses.

89Le requérant devant la Cour européenne, ne critiquait pas son placement en internement de sûreté mais son maintien au-delà d'une certaine date à laquelle il aurait dû selon lui, être libéré. La CEDH condamne l'Allemagne à l'unanimité pour violation des articles 5§1 et 7§1 de la Convention européenne pour détention arbitraire et méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. La Cour ne condamne pas en soi le principe de la rétention de sûreté mais l'assimile à une peine.

90En France, la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008 [41] marque une rupture en politique criminelle tout en manifestant le malaise du Conseil constitutionnel devant cette rupture. Le principe même de la rétention de sûreté est avalisé mais sur la nature juridique de la rétention de sûreté la position du Conseil n'est pas claire. Le Conseil constitutionnel estime que la rétention de sûreté n'est ni une peine ni une sanction mais il ne la qualifie pas expressément de mesure de sûreté. Les sages de la rue Montpensier appliquent à la rétention de sûreté le principe de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère caractéristique des peines et pourtant ils affirment qu'il ne s'agit pas d'une peine. La surveillance de sûreté, à l'inverse de la rétention de sûreté, est par contre considérée comme d'application immédiate, elle n'est donc pas une peine. La décision du 21 février 2008 est floue parce qu'en réalité inaboutie et contradictoire dans ses considérants. Les modalités d'adoption d'une décision peuvent faciliter le manque de cohérence ; en effet, les membres du Conseil constitutionnel votent sur chaque considérant séparément.

91La loi du 10 mars 2010 intègre au code de procédure pénale une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 février 2008 en forme de condition supplémentaire pour pouvoir prononcer une rétention de sûreté : la commission compétente devra vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre [42].

92Avec la rétention de sûreté, bien qu'applicable au-delà du droit de la pédophilie, ne sommes-nous pas au bout du chemin d'une politique criminelle et d'un droit pénal d'exception ?

93Confronter l'imbroglio des incriminations signant un droit bavard, le foisonnement des exceptions procédurales et le durcissement de la répression permet de parler d'un droit qui échappe au droit commun, un droit d'exception à proprement parler comme le législateur aime à en construire. Le droit de la criminalité organisée est un droit d'exception, le droit de la pédophilie est aussi un droit d'exception, avec tout ce que cela veut dire en termes de dérogations en tous sens et de difficultés pour les droits de la défense à pouvoir s'exercer normalement.

94Appelons au respect des principes généraux du droit pénal classique, fondé sur la culpabilité et l'imputabilité, sans porter atteinte aux droits des enfants victimes.

Notes

  • [1]
    Une première version de ce texte a donné lieu à une conférence dans le cadre d'une formation de l'IDP (Institut de défense pénale), Marseille 10 avril 2010.
  • [2]
    La pédophilie peut être définie comme l'attirance sexuelle d'un adulte envers un enfant non pubère que cet attrait soit hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel.
  • [3]
    D. Salas, A. Garapon, Les nouvelles sorcières de Salem, leçons d'Outreau, Seuil, 2006. En 1692, dans le village de Salem (Massachusetts), vingt-cinq notables sont exécutés pour sorcellerie sur la foi du témoignage de fillettes qui se prétendent possédées. Quelques années plus tard, les autorités reconnaissent leur erreur. Commence alors un long cycle de repentance et d'excuses.
  • [4]
    D. Mayer, La pudeur du droit face à l'inceste, D. 1988. Doc. 213.
  • [5]
    Loi n° 2010-121 du 8 févr. 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux, JO 9 févr. 2010. V. A. Lepage, Réflexions sur l'inscription de l'inceste dans le code pénal par la loi du 8 février 2010, Dalloz, 2010 et A. Montas et G. Roussel, « La pénalisation explicite de l'inceste : nommer l'innommable », in Archives de politique criminelle, n° 32, Pedone, 2010, p.
  • [6]
    Lévi-Strauss faisait de la prohibition de l'inceste « la démarche fondamentale dans laquelle s'accomplit le passage de la nature à la culture » in Les structures élémentaires de la parenté, 2e éd., Mouton, 1967.
  • [7]
    Les condamnés pour infractions sexuelles formaient 4,6% du total des condamnations en 1976, et 23 % en 2003.
  • [8]
    X. Lemeyre, La criminalité sexuelle, Flammarion, 2000.
  • [9]
    J. Carbonnier, Essai sur les lois, Desfrénois, 1975.
  • [10]
    Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, et portant diverses dispositions de procédure pénale, JO 11 mars 2010, p. 4808.
  • [11]
    G. Giudicelli-Delage, C. Lazerges (dir.), La dangerosité saisie par le droit pénal. Les voies du droit, PUF, à paraître 2011.
  • [12]
    V. M. Delmas-Marty, Libertés et sûretés dans un monde dangereux, coll. « La couleur des idées », Le Seuil, 2010
  • [13]
    Ch. Guéry, Définir ou bégayer : la contrainte morale après la loi sur l'inceste, AJ pénal 2010. 126 s.
  • [14]
    F. Héritier, B. Cyrulnik, A. Naouri, De l'inceste, Odile Jacob, 2000.
  • [15]
    Cf. V. Malabat, Droit pénal spécial, 4e éd., Dalloz, 2009, p. 152 s.
  • [16]
    Crim. 25 avril 2001, Bull. crim. n° 99.
  • [17]
    Crim. 7 déc. 2005, n° 05-81.316, cette Revue 2006. 319, obs. Y Mayaud ; Rev. pén. 2006. 152, obs. V. Malabat.
  • [18]
    « L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regard du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende ».
  • [19]
    « Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende ».
  • [20]
    In V. Blanchard, R. Revenin, J.-Y. Yvorel, Les jeunes et la sexualité, Éditions Autrement, 2010.
  • [21]
    V. Malabat, Droit pénal spécial, p. 169 s. Dalloz, 2009.
  • [22]
    Crim. 12 sept. 2007, Rev. Pénit. 2007, n° 4, p. 905 s. obs. V. Malabat.
  • [23]
    V. infra.
  • [24]
    Crim. 1er févr. 1995, Bull. crim. n° 43.
  • [25]
    Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 relative à la prévention et à la répression des violences au sein du couple ou contre les mineurs.
  • [26]
    Art. 706-54 à 706-56-1, R. 53-9 à R. 53-21 C. pr. pén.
  • [27]
    Art. 706-54 al. 2 et R 53-10 12° C. pr. pén.
  • [28]
    Art. 706-56 dernier al. et 706-56 II C. pr. pén.
  • [29]
    V. F. Desportes, L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, n° 2412 s. Economica, 2009.
  • [30]
    V. les travaux de Bernard Harcourt, professeur à l'Université de Chicago.
  • [31]
    P. Poncela, « Promenade de politique pénale sur les chemins hasardeux de la dangerosité », in Les nouvelles formes de dangerosité, ENAP, L'Harmattan, 2009.
  • [32]
    Art. 723-29 C. pén. : « Lorsqu'une personne a été condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi-socio-judiciaire est encouru, le juge de l'application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République, ordonner à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque est avéré, qu'elle sera placée sous surveillance judiciaire dès sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peine supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait ».
  • [33]
    Art. 723-31 C. pr. pén.
  • [34]
    C. Lazerges, La tentation du bilan 2002-2009 : un politique criminelle du risque au gré des vents, cette Revue 2009. 689 s.
  • [35]
    Art. 723-33 C. pr. pén.
  • [36]
    Art. 763-10 C. pr. pén.
  • [37]
    Art. 723-37 C. pr. pén.
  • [38]
    G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », et Jean Danet, « Les politiques sécuritaires à la lumière de la doctrine défense sociale nouvelle » in Les politiques sécuritaires à la lumière des doctrines pénales des XIXe et XXe siècles, cette Revue 2010. 49.
  • [39]
    M. Delmas-Marty, précité, p.87, Seuil, 2010.
  • [40]
    J. Leblois-Happe, « Première confrontation de la détention de sûreté à la Convention européenne des droits de l'homme : l'arrêt M. c. Allemagne du 17 décembre 2009 », AJ pénal 2010. 129 s.
  • [41]
    C. Lazerges, La rétention de sûreté : le malaise du Conseil constitutionnel, cette Revue 2008. 731 s.
  • [42]
    Art. 706-53-13 C. pr. pén. modifié par l'art. 2 de la loi du 10 mars 2010.
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