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Article de revue

Les lois de Duverger au microscope. L'apport des expérimentations de laboratoire à l'étude des effets psychologiques des modes de scrutin

Pages 111 à 130

Notes

  • [1]
    RIKER W. H., « Duverger’s Law Revisited », in GROFMAN B. et LIJPHART A., (eds.), Electoral Laws Their Political Consequence, New York, Agathon Press, 1986.
  • [2]
    DUVERGER M., Les partis politiques, Armand Colin, Paris, 1951, p. 306.
  • [3]
    Op. cit., p. 331.
  • [4]
    Op. cit., p. 315.
  • [5]
    DOWNS A., An Economic Theory of Democracy, Harper and Row, New York,1957 ; CAIN B. E., « Strategic Voting in Britain », American Journal of Political Science, volume 22, 1978, p. 639-655 ; COX G. W., « Strategic Voting Equilibria under the Single Non-Transferable Vote », American Political Science Review, volume 88, 1994, p. 608-621 ; COX G. W., Making Votes Count : Strategic Coordination in the World’s Electoral Systems, Cambridge University Press, New York, 1997.
  • [6]
    BANKS J. S., « Sophisticated Voting Outcomes and Agenda Control », Social Choice and Welfare volume 4, 1985, p. 295-306 ; SHEPSLE K. A., WEINGAST B., « Uncovered Sets and Sophisticated Voting Outcomes with Implications for Agenda Institutions », American Journal of Political Science, volume 25, 1984, p. 49-75 ; ABRAMSON P. R., ALDRICH J. H., PAOLINO P., ROHDE D. W., « ‘Sophisticated’ Voting in the 1988 Presidential Primaries », American Political Science Review, volume 86, n°1, 1992, p. 55-69.
  • [7]
    JOHNSTON R. J., PATTIE C. J., « Tactical Voting in Great Britain in 1983 and 1987 : An Alternative Approach », British Journal of Political Science, volume 21, n°1, 1991, p. 95-108 ; NIEMI R. G, WHITTEN G, FRANKLIN M. N., « Constituency Characteristics, Individual Characteristics and Tactical Voting in the 1987 British General Election », British Journal of Political Science, volume 22, n°2, 1992, p. 229-240.
  • [8]
    SHUGART M. S., « Comparative Electoral Systems Research : The Maturation of a Field and New Challenges Ahead », in GALLAGHER M. and MITCHELL P., (eds), The Politics of Electoral Systems, Oxford, Oxford University Press, 2005.
  • [9]
    TAAGEPERA R., SHUGART M., Seats and Votes : The Effects and Determinants of Electoral Systems, Yale University Press, New Haven, 1989 ; LIJPHART A., Electoral Systems and Parties Systems. A study of 27 Democracies, 1945-1990, Oxford University Press, New York, 1994.
  • [10]
    BOWLER S. and GROFMAN B., « Introduction : STV as an Embedded Institution », in BOWLER S. and GROFMAN B., (ed.), Elections in Australia, Ireland, and Malta under the Single Transferable Vote, Universty of Michigan Press, 2000.
  • [11]
    COX G. W., op. cit., 1997.
  • [12]
    BLAIS A., NADEAU R., GIDENGIL E., NEVITTE N., « Measuring Strategic Voting in Multiparty Plurality Elections », Electoral Studies, volume 20, n°3, 2001, p. 343-352.
  • [13]
    REED S. R., « Structure and Behaviour : Extending Duverger’s Law to Japanese Case », British Journal of Political Science, volume 29, 1991, p. 335-356.
  • [14]
    COX G. W., op. cit., 1997, p. 137.
  • [15]
    TAAGEPERA R., SHUGART M., op. cit., 1989.
  • [16]
    TAAGEPERA R., Making Social Sciences More Scientific. The Need for Predictive Models, Oxford, Oxford University Press, 2008.
  • [17]
    McDERMOTT R., « Experimental Methods in Political Science », Annual Review of Political Science, volume 5, 2002, p. 31-64 ; MORTON R., WILLIAMS K. C., « Experimentation in Political Science », in BOX-STEFFENSMEIERX J., COLLIER D. et BRADY H., (eds), The Oxford Handbook of Political Methodology, Oxford, Oxford University Press, 2008 ; WITTROCK J, « Voting Behaviour After Electoral Reform : Cross-National Experiments », Thèse de Science politique, Université d’Iowa, 2008.
  • [18]
    LIJPHART A., « Comparative Politics and the Comparative Method », American Political Science Review, volume 65, n°3, 1971, p. 682.
  • [19]
    LEVINE D., PALFREY T. R., « The Paradox of Voter Participation A Laboratory Study », American Political Science Review, volume 101, 2007, p. 143-158.
  • [20]
    McKELVEY R. D, ORDESHOOK P., « Elections with Limited Information : A Fulfilled Expectations Model Using Contemporaneous Poll and Endorsement Data as Information Sources », Journal of Economic Theory, volume 36, 1985, p. 55- 85.
  • [21]
    LEWIS-BECK M. S. et WITTROCK J., « Experimenting with French Election Rules : Initial Results », French Politics, volume 5, n°1, 2007, p. 106-117 ; BLAIS A., LASLIER J.-F., LAURENT A., SAUGER N., VAN DER STRAETEN K., « One-round vs Two-Round Elections : An Experimental Study », French Politics, volume 5, n°3, 2007, p. 278-286 ; DOLES B., DUBOIS E., LAURENT A., « Two-round Election versus One Round : Candidates’ Size and Position Matter. A Multi Design Research to Measure the Psychological Effects of Electoral Rules », Paper presented at the Annual Meeting of the American Political Science Association, Chicago.
  • [22]
    WITTROCK J, op. cit., 2008.
  • [23]
    McDERMOTT R., op. cit., 2002.
  • [24]
    LIJPHART A., « The Comparable-Cases Strategy in Comparative Research », Comparative Political Studies, volume 8, n°2, 1975, p. 158-177.
  • [25]
    RIKER W. H., op. cit., 1986.
  • [26]
    BLAIS A., LASLIER J.-F., LAURENT A., SAUGER N., VAN DER STRAETEN K., op. cit., 2007 ; DOLEZ B., DUBOIS E., LAURENT A., op. cit., 2008.
  • [27]
    DOWNS A., op. cit., 1957.
  • [28]
    Le protocole a été conjointement mis par plusieurs chercheurs : A. Blais (Université de Montréal), B. Dolez (Université de Paris 13 – CERAPS), E. Dubois (CERAPS – Université de Lille 2), J.-F. Laslier (Laboratoire d’économétrie – École Polytechnique, Paris), A. Laurent (CERAPS – Université de Lille 2), M. Lewis-Beck (Université d’Iowa), N. Sauger (CEE, Paris) et K. Van der Straeten (GREMAQ), Toulouse).
  • [29]
    Cf. l’annexe 1.
  • [30]
    Dans les groupes de 63 participants (3*21), chaque position était occupée par 3 participants.
  • [31]
    Chaque groupe comportait néanmoins des participants « équidistants » : ceux situés en position 8, à égale distance du candidat B (en position 6) et du candidat C (en position 10), et ceux placés en position 12, à égale distance du candidat C et du candidat D (en position 14). Si l’on admet que les individus équidistants (situés en position 8 et 12) se sont répartis de manière aléatoire entre les deux candidats les plus proches de leur position, on peut alors estimer que dans chaque groupe 21,5 % des individus étaient « proches » de B et de D et que 19 % étaient « proches » de C.
  • [32]
    Il faut en effet décompter 13 bulletins nuls au 1 tour, 12 au 2 tours et 2 à la proportionnelle.
  • [33]
    Le développement a été assuré par le CERAPS (Centre de recherches administratives, politiques et sociales) à l’université de Lille 2.
  • [34]
    D = (1/2) ? | Vi – Pi | où Vi est le % de voix recueilli par le parti i et Pi le % de participants « proches » de i.
  • [35]
    Ce coefficient est traditionnellement utilisé pour mesurer la déviation des voix aux sièges : LAASKO M., TAAGEPERA R., « Effective Number of Parties : A Measure with Application to Western Europe », Comparative Political Studies, volume 12, n°3, 1979, p. 3-27. Ici nous en avons « détourné l’usage pour mesurer la déviation entre les voix et les préférences en appliquant cette formule : ENP = 1 / ? Vi2 où Vi est le % de voix recueilli par le parti i.
  • [36]
    COX G.W., op. cit.,1997.
  • [37]
    Ibidem.
  • [38]
    Ibidem.
  • [39]
    Pour calculer les niveaux de vote sincère nous avons retiré de l’analyse les répondants situés en position 8 et 12, en d’autre termes ceux qui étaient respectivement équidistants soit de B et C soit de C et D.
  • [40]
    BLAIS A., « Modes de scrutins et systèmes de parties : les scrutins à deux tours dans une perspective comparative », dans LAURENT A., DELFOSSE P. et FROGNIER A.-P., Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Paris, L’Harmattan, Collection Logiques politiques, 2004, p. 47-70.
  • [41]
    RAE D. W., The Political Consequences of Electoral Laws, New Haven, Yale university press, 1967, p. 143.
  • [42]
    LIJPHART A., op. cit., 1994, p. 20.
  • [43]
    DUVERGER M., op. cit.,1951, p. 318.
  • [44]
    TAAGEPERA R., « The Duvergerian Macro-Agenda : Half Completed », Revue Internationale de Politique Comparée, 2009 (A paraître).
  • [45]
    COX G. W., op. cit., 1997 ; BLAIS A., « Strategic Voting in the 2002 French Presidential Election », in LEWIS-BECK M. S., (ed.), The French Voter. Before and After the 2002 Elections, Palgrave-Macmillan, 2004, p. 93-109 ; LAU R. R., REDLAWSK D., How Voters Decide : Information Processing During Election Campaigns, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2006.
  • [46]
    SARTORI G., « Comparative Constitutional Engineering », New York, New Yord University Press, 1994.
  • [47]
    SAUGER N., « L’échec d’un succès », Revue française de science politique, volume 57, n°3-4, 2007, p. 447-458 ; BRECHON P., « Un nouveau centrisme électoral ? », in PERRINEAU P., (éd.), Le vote de rupture. Les élections présidentielles et législatives d’avril et juin 2007, Presses de Sciences-Po, Paris, 2008, p. 182.
  • [48]
    Sur une expérimentation de laboratoire conduite sur les coalitions, cf. GSCHWEND T., HOOGHE M., « Strategic Voting under Proportional Representation and Coalition Governments. A Simulation and Laboratory Experiment », Manuscrit présenté à la Conférence internationale sur les méthodes expérimentales en Science politique, Bruxelles, décembre 2007.
  • [49]
    LAVAU G., Partis politiques et réalités sociales, Cahier de la Fondation nationale des Sciences politiques, Paris, A. Colin, 1953.
  • [50]
    FARRELL D., Electoral Systems : A Comparative Introduction, Palgrave-Macmillan, London, 2001, p. 162.
  • [51]
    TAAGEPERA R., SHUGART M., op. cit., 1989, p. 92.
  • [52]
    Pour un point de vu contraire, Cf. SEILER D.-L., note de lecture sur LAURENT A., DELFOSSE P., FROGNIER A.-P., (éd.), Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques politiques », 2004. Ce livre a été recensé dans la Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 13, n°1, 2006, p. 143-149.

Introduction

1Si l’étude des effets des modes de scrutin est antérieure à Maurice Duverger, le mérite lui revient d’en avoir systématisé l’analyse [1] et d’avoir énoncé avec force les « lois » sur lesquelles la science politique contemporaine se fonde encore aujourd’hui pour décrire la relation entre les règles électorales et le système partisan : le scrutin à un tour favorise le bipartisme [2] ; le scrutin à deux tours et la représentation proportionnelle favorisent le multipartisme [3]. Il a également le mérite d’avoir mis à jour les fondements théoriques sur lesquels ces « lois » reposent, en distinguant les « effets mécaniques » (la conversion des voix en sièges par le système électoral) et les « effets psychologiques » des modes de scrutin, c’est-à-dire la propension des électeurs à anticiper les effets mécaniques de la règle électorale et à ajuster leur comportement aux chances de succès des différents partis en compétition, pour maximiser l’utilité de leur vote [4]. Dans ce cas, l’on parle de « vote stratégique » [5], de « vote sophistiqué » [6] ou encore de « vote tactique » [7].

2Les recherches contemporaines consacrées à l’étude des effets des modes de scrutin se sont très largement appuyées sur le travail de Maurice Duverger et peuvent schématiquement se ranger en deux catégories [8] : au niveau « macro », elles cherchent à comprendre les effets mécaniques et psychologiques des modes de scrutin [9] en tenant compte du contexte institutionnel dans lequel ils s’incèrent [10] ; au niveau « micro », elles cherchent à mettre à nu les rationalités individuelles qui se cachent derrière les effets psychologiques [11]. La manière dont les électeurs perçoivent les chances des différents partis en compétition joue ici un rôle décisif [12]. Selon Duverger lui-même, lorsque le scrutin à un tour est utilisé, les électeurs des petits partis sont incités à voter pour l’une des deux grandes formations en compétition, s’ils ne veulent pas que leur vote soit perdu. L’anticipation des effets mécaniques du mode de scrutin par les électeurs a ainsi précipité le déclin du parti libéral lorsque le parti travailliste a surgi sur la scène électorale, au milieu des années 20.

3Mais les lois de Duverger ne sont que l’illustration d’une « loi » plus générale encore, la loi du « M+1 », découverte par Reed [13] à partir du seul cas japonais et systématisée par Cox, qui fournit par ailleurs un cadre théorique convaincant. Le nombre de partis viables ne peut excéder la magnitude + 1 ou, pour le scrutin à deux tours, le nombre de candidats susceptibles d’être qualifiés pour le second tour + 1 : ainsi, le scrutin à un tour ne tolère que deux candidats viables ; le scrutin à deux tours n’en autorise que trois ; un scrutin proportionnel de magnitude 5 en admettra six.

4Avec le scrutin à un tour, il est souvent aisé d’identifier les deux candidats entre lesquels la victoire se jouera probablement. Avec le scrutin à deux tours, il est déjà plus compliqué de prévoir qui sera le « troisième homme » susceptible de se mêler à la lutte pour le second tour. À la représentation proportionnelle, quand par exemple six sièges sont en jeu, savoir quelles listes seront ou non en mesure d’obtenir un siège et anticiper en particulier entre quelles listes se jouera le sixième siège est autrement plus complexe. Duverger estimait que ni la représentation proportionnelle, ni même le scrutin à deux tours n’incitent les électeurs à déserter leur parti préféré et à voter stratégiquement. Cox montre en revanche que le vote stratégique existe quel que soit le mode de scrutin mais il estime « qu’en pratique, lorsque le scrutin à deux tours est utilisé, le niveau du vote stratégique est faible (en tous cas plus faible que lorsque l’on utilise le scrutin à un tour) » [14].

5Il y a vingt ans, Taagepera et Shugart soulignaient en conclusion de leur ouvrage « Seats and votes » que la science, contrairement à la philosophie ou au travail artistique, impliquait de mener de manière combinée des expérimentations et un effort théorique [15]. Ils relevaient que, selon la discipline scientifique, l’accent est tantôt mis sur la dimension théorique, tantôt sur la dimension empirique. Mais dans certaines sciences, comme l’astronomie, les expérimentations directes ne sont pas réalisables ; les chercheurs doivent se contenter d’observer, de modéliser et de calculer. Pour eux, la science politique était alors un peu comme l’astronomie, à la différence près que l’astronomie est fondée sur des concepts démontrables expérimentalement. L’étude des systèmes électoraux, qui offre la chance de s’appuyer sur des données numériques, pouvait néanmoins devenir la « pierre de Rosette » de la science politique, en favorisant son développement méthodologique, notamment sur le plan quantitatif.

6Depuis, le message de Taagepera et Shugart a été largement entendu [16]. La démarche expérimentale et plus précisément les expériences de laboratoire naguère cantonnées aux sciences dures, ne sont plus étrangères aux sciences sociales, ni même à la science politique. Depuis les années 90, les politistes ont de plus en plus souvent recours aux expériences de laboratoire [17], notamment parce qu’elles permettent de tester des hypothèses rivales en contrôlant les autres variables [18]. Elles ont par exemple été utilisées pour étudier les variations de la participation électorale [19], l’influence de l’information sur le vote [20], les effets psychologiques des différentes règles électorales [21] ou encore les effets des changements de modes de scrutin [22]. Certes, la validité externe de leurs résultats dans le monde réel fait parfois débat [23]. Mais la neutralisation des effets de contexte qu’elles autorisent ainsi que leur reproductibilité et leur capacité à mettre à jour des inférences causales leur confèrent une supériorité indéniable sur les autres méthodologies offertes au chercheur pour établir des propositions théoriques généralisables [24].

7Les expériences de laboratoire offrent au chercheur l’opportunité d’étudier le comportement électoral des individus face à différents systèmes électoraux, et en particulier leurs effets psychologiques. Elles présentent aussi l’avantage de pouvoir mener de concert des analyses macroscopiques, en lui fournissant des données agrégées, et des analyses microscopiques, en lui procurant des données individuelles. De plus, la reproductibilité des expérimentations permet la robustesse des résultats tandis que leur répétition permet de suivre dans le temps le comportement des électeurs (les « sujets »), comme seules peuvent le faire aussi, mais de manière imparfaite et, accessoirement, pour des coûts plus élevés, les études de panel.

8Les propositions formulées il y a plus de cinquante ans par Maurice Duverger, et érigées depuis en véritables « lois » [25], au sens physique (ou sociologique) du terme, semblent ainsi particulièrement bien se prêter à des expérimentations de laboratoire.

9La première partie de cette contribution est consacrée à la présentation du protocole expérimental. La seconde partie détaille les résultats de ces expérimentations tandis que la conclusion rend compte, à partir des expérimentations menées, des vertus plus générales de la démarche expérimentale pour comprendre les effets psychologiques des modes de scrutin.

Le protocole expérimental

10Les expérimentations sur lesquelles s’appuie cette contribution se sont déroulées en deux vagues de décembre 2006 à octobre 2008. La première, qui s’est tenue dans trois lieux, Lille, Paris et Montréal, a permis de tester 2 modes de scrutin : le scrutin uninominal à 1 tour et le scrutin uninominal majoritaire à 2 tours, tel que celui utilisé en France pour l’élection présidentielle. Cette première série d’expérimentations a mis en évidence l’impact des effets propres des deux modes de scrutin sur les électeurs [26]. La seconde vague, menée à Lille, a élargi le champ des expérimentations puisque les participants ont cette fois testé ce même scrutin uninominal majoritaire à 2 tours et une forme de représentation proportionnelle (système d’Hondt), où 6 sièges étaient à pourvoir (annexe 1). Lors de chaque vague l’expérimentation débutait aléatoirement par l’un des deux modes de scrutin testés et le protocole était identique, permettant ainsi le contrôle des résultats.

11Les expérimentations menées visaient à mettre en évidence le degré de rationalité des participants et plus précisément leur propension à maximiser l’utilité de leur vote, conformément au paradigme downésien [27]. Les chances de succès des candidats variant selon le mode de scrutin utilisé, le vote des électeurs varie-t-il en conséquence ? Concrètement, il s’agissait d’observer si et comment, pour une règle électorale donnée, les participants sont ou non conduits à déserter le candidat dont ils sont le plus proche, pour un autre, plus éloigné, mais dont les chances de succès leur apparaissaient supérieures. En d’autres termes, il s’agissait d’observer les variations du vote stratégique selon plusieurs modes de scrutin, puisque les chances des candidats de gagner une élection varient selon le système électoral.

12Le protocole expérimental n’avait pas pour objectif de reproduire la complexité du monde réel, mais au contraire d’en simplifier les termes pour mettre en évidence les effets des modes de scrutin et pour contrôler les résultats obtenus. Les choix effectués ont été les suivants [28].

Les participants

13Les expérimentations de laboratoire sont généralement réalisées sur des groupes de petite taille. En l’espèce, nos expérimentations ont été menées auprès de seize groupes composés soit de 21 soit de 63 participants.

14Huit sessions ont été organisées, chacune d’entre elles fournissant l’occasion de faire passer le protocole auprès de deux groupes [29]. La population de chaque groupe était constituée d’étudiants en sciences sociales, afin de supprimer les biais de recrutement. Lors de chaque session, les participants étaient aléatoirement affectés à l’un des deux groupes ainsi constitué. Au total, 503 participants ont pris part à ces expériences de laboratoire.

La répartition des « candidats » et des « électeurs » sur un axe idéologique unidimensionnel

15Cinq candidats (ou listes) ont systématiquement été présentés aux participants, quel que soit le mode de scrutin. Ces candidats « abstraits », sans liens avec le monde réel, étaient dénommés A, B, C, D et E.

16Ils occupaient toujours la même position sur un axe « idéologique » unidimensionnel allant de la position 0 à la position 20 : A, était en position 1 ; B, en position 6 ; C, en position 10 ; D, en position 14 et E en position 19, supposant ainsi une répartition harmonieuse sur le spectre politique (figure 1). Ces postions étaient communiquées aux participants, mais ceuxci ne disposaient d’aucune autre information sur les candidats.

Figure 1

La position des 5 candidats (listes) et des 21 électeurs sur l’axe idéologique

Figure 1

La position des 5 candidats (listes) et des 21 électeurs sur l’axe idéologique

17Les participants étaient, eux aussi, affectés à une des 21 positions de cet axe (figure 1). L’affectation des participants s’est effectuée selon deux principes. Il s’agissait, d’une part, d’une affectation autoritaire. Avant le début de l’expérimentation, les participants étaient informés qu’ils ne pourraient pas choisir leur position, mais que celle-ci leur avait été affectée de manière aléatoire. D’autre part, la distribution des participants sur l’axe a était opérée de manière uniforme : chacune des 21 positions était occupée par un participant et un seul [30].

18Chaque participant et chaque candidat étaient ainsi affectés à l’une des 21 positions de l’axe. Chaque participant était ainsi « proche » de l’un des cinq candidats en compétition (tableau 1). Par construction, 19 % des individus (ceux placés en position 0, 1, 2 ou 3) étaient, par exemple, « proches » du candidat A (lui-même placé en position 1). De la même manière, 19 % des individus étaient « proches » du candidat E (placé en position 19) [31].

Tableau 1

Structure de la compétition par groupe (21 électeurs par groupe et cinq candidats)

Tableau 1
Position sur l ’axe des candidats et des participants Participants proches d ’un candidat Position du candidat Position des participants proches d ’un seul candidat Position des participants équidistants de plusieurs candidats Nombre de participants % min/ % max % moyen Candidat A 01 00 01 02 03 4 19 % 19,0 % Candidat B 06 04 05 06 07 08 4 ou 5 19 % à 24 % 21,5 % Candidat C 10 09 10 11 08 12 3 ou 4 ou 5 14 % à 24 % 19,0 % Candidat D 14 13 14 15 16 12 4 ou 5 19 % à 24 % 21,5 % Candidat E 19 17 18 19 20 4 19 % 19,0 %

Structure de la compétition par groupe (21 électeurs par groupe et cinq candidats)

19À chaque fois, deux modes de scrutin ont été successivement testés. Pour éviter un effet de lassitude, les participants étaient aléatoirement assignés à des positions différentes pour les deux expérimentations successives auxquelles ils étaient conviés.

L’évaluation des chances des candidats

20Avant chaque vote, les participants ont été invités à remplir un questionnaire permettant de connaître la manière dont ils évaluaient les chances de succès des différents candidats en compétition. Ces chances ont été mesurées sur une échelle de 0 à 10. Pour le scrutin à un tour, ils devaient évaluer les chances de chacun des candidats d’être élu. Pour le scrutin à deux tours, ils devaient procéder à une double notation, en évaluant les chances de chacun des candidats de se qualifier pour le second tour et ses chances d’être élu. Pour la représentation proportionnelle, ils devaient évaluer les chances de chacune des listes de remporter au moins un siège.

La rémunération des participants

21L’assignation aléatoire de chaque participant à l’une des 21 positions de l’axe idéologique les conduisait à occuper parfois une position très différente de leur position idéologique personnelle. Afin de les inciter à « jouer le jeu », c’est-à-dire à abandonner éventuellement leur candidat préféré pour un candidat mieux placé afin de maximiser l’utilité de leur vote, des incitations financières ont été mises en place.

22Cette technique est fréquemment utilisée dans les expérimentations de laboratoire. En l’espèce, les participants étaient avertis en début de séance qu’ils allaient participer à plusieurs élections et qu’à l’issue de l’expérimentation, un des scrutins, tiré au sort, servirait au calcul de leur rémunération. Plus précisément, ils ont été informés que leur rémunération serait fonction de la place occupée sur l’axe idéologique par le candidat élu selon les modalités suivantes : ils recevraient 20 euros (ou dollars canadiens) moins la distance entre la position du candidat élu et leur propre position. À titre d’exemple, pour le scrutin à un tour, si le candidat B (en position 6) était élu, la rémunération du participant en position 8 était de 18 euros, soit la différence entre la rémunération maximale, 20 euros, et la distance idéologique le séparant du candidat élu (8-6=2).

23Pour la représentation proportionnelle, c’est la distance entre la position assignée au participant et celle de la liste la plus proche ayant obtenu au moins un siège qui a servi au calcul de la rémunération.

24Pour le scrutin à deux tours, deux modes de rémunération ont été testés : dans la première vague, les participants ont été rémunérés en fonction du candidat élu, comme pour le scrutin à un tour ; dans la seconde vague, en fonction du candidat qualifié pour le second tour. L’objectif était de mesurer si le mode de rémunération, c’est-à-dire le mode de calcul de l’utilité du vote, avait une influence sur le comportement des participants. Faute de différence significative observée entre les résultats des deux vagues, l’ensemble des votes ont été agrégés dans les analyses.

La réitération des votes

25Lors de chaque expérimentation, les participants ont voté successivement à 8 reprises : soit 4 fois au scrutin à 1 tour et 4 fois au scrutin à 2 tours ; soit 4 fois au scrutin à 2 tours et 4 fois à la proportionnelle. Après chaque vote le résultat était rendu public. La décision de faire voter les participants à 4 reprises pour chaque mode de scrutin avait pour objectif de mesurer les effets d’apprentissage et d’information sur le vote. Chacun des 503 participants ayant expérimenté deux modes de scrutin à 4 reprises, 4 024 votes servent de corpus à l’analyse, dont 3 997 votes exprimés [32].

Tableau 2

Nombre de votes par mode de scrutin

Tableau 2
Scrutin à 1 tour Scrutin à 2 tours Scrutin proportionnel 1 tour et 2 tours (12 groupes) 1676 1676 2 tours et RP (4 groupes) 336 336 Total (16 groupes) 1676 2012 336

Nombre de votes par mode de scrutin

L’organisation

26La première vague d’expérimentations, menée de façon manuelle selon la technique du « papier/crayon » (bulletins distribués puis ramassés et décomptés à l’issue de chaque vote), a mobilisé les participants plus d’une heure et demie. Lors de la seconde vague, les participants ont été invités à utiliser un terminal informatique, les données recueillies étant traitées par un logiciel ad hoc développé par nos soins [33]. Le temps des opérations s’en est trouvé réduit à une heure.

Les résultats

27Les expérimentations réalisées permettent de mettre en évidence les effets psychologiques propres à chaque mode de scrutin. Au niveau macro, elles permettent de mesurer l’impact de la règle électorale sur le système partisan. Au niveau micro, elles rendent compte de la relation entre le mode de scrutin d’une part, et la manière dont les participants perçoivent les chances de gagner des différents candidats et leur vote, d’autre part.

Les règles électorales ont un impact sur le système partisan

28L’usage de modes de scrutin différents génère une répartition différente des votes. Les expériences de laboratoire permettent de retrouver in vitro des résultats bien connus issus de l’analyse d’élections réelles et d’examiner si ils peuvent faire l’objet de propositions généralisables.

29Premièrement, l’expérimentation montre que, quel que soit le mode de scrutin, la répartition des votes diffère de la répartition initiale des préférences des électeurs. Les préférences sont ici définies par la position assignée à chaque participant. Mais la déviation varie selon le mode de scrutin utilisé. Mesurée par le coefficient de Loosemore et Hanby [34], la déviation (D) n’est que de 14 pour la représentation proportionnelle, mais elle est de 24 pour le scrutin à deux tours et de 27 pour le scrutin à un tour (tableau 3a).

30Deuxièmement, et quel que soit le mode de scrutin, certains partis obtiennent une proportion de voix supérieure à la proportion d’électeurs qui avait été placés sur une position proche sur l’axe idéologique unidimensionnel. D’autres obtiennent une proportion de voix inférieure (tableau 3a). Quel que soit le mode de scrutin aussi, ceux qui font « mieux » qu’attendu et ceux qui font « moins bien » sont toujours les mêmes : les partis situés à chacune des deux extrémités de l’axe idéologique unidimensionnel recueillent systématiquement une proportion de votes inférieure à la proportion d’électeurs qui sont proches d’eux. Mais la moins value qu’ils enregistrent varie selon le mode de scrutin. Ainsi, par construction, 38 % des participants occupaient une position proche soit de A, soit de E. Mais le total des suffrages recueillis par A et E n’est que de 29 % à la représentation proportionnelle, 13 % au scrutin à deux tours et 11 % au scrutin à un tour. Inversement, les partis placés dans une position plus centrale tirent plus ou moins profit de la règle électorale. L’amplitude observée, c’est-à-dire la différence entre le parti qui arrive premier et celui qui arrive dernier, est de 17 points avec la représentation proportionnelle, de 24 points avec le scrutin deux tours et de 30 points avec le scrutin à un tour.

31Troisièmement, le nombre effectif de partis (NEP) moyen, mesuré à l’échelon des groupes par le coefficient de Laasko et Taagepera [35], est toujours inférieur au nombre de partis en compétition. Il est de 4,2 pour la représentation proportionnelle, de 3,6 pour le scrutin à deux tours et de 3,2 pour le scrutin à un tour (tableau 4). Un NEP de 3,2 ne permet certes pas de conclure que le scrutin à un tour produit le bipartisme. Mais il faut souligner que ce NEP de 3,2 n’est qu’une moyenne. Au fil des réitérations de l’expérience, le NEP moyen ne cesse de diminuer : il est de 4,1 lors de la première utilisation du scrutin à 1 tour, de 3,4 lors de la deuxième, de 3,0 lors de la troisième et de 2,5 lors de la quatrième (tableau 4). Qui plus est, au fil du temps, les votes recueillis par les candidats situés aux deux extrémités de l’axe unidimensionnel ne cessent de décroître : A n’obtient que 2 % des votes lors de la quatrième utilisation du scrutin à un tour et E n’obtient que 4 % (tableau 5). Si l’expérience avait été indéfiniment réitérée, il est ainsi probable que le NEP moyen aurait continué à décroître encore (pour tendre vers 2,0 ?). En revanche, pour la représentation proportionnelle, le NEP moyen reste stable autour de la moyenne, en l’espèce 4,2. Le scrutin à un tour tend bien à produire un système bipartisan. L’utilisation de la représentation proportionnelle tend, en revanche, à produire un système multipartisan, comme le prédisait déjà Duverger.

32Enfin, et quatrièmement, l’utilisation réitérée du scrutin à un tour conduit progressivement à l’abandon du candidat arrivé troisième : lors du premier vote, le « SF ratio » tel que proposé par Cox [36] (1997), autrement dit le rapport entre le pourcentage de voix recueillies par le « second perdant » du scrutin et celui obtenu par le « premier perdant » (« second first ratio » ou « SF ratio ») était supérieur à 0,67 dans plus de 80 % des cas ; lors du quatrième vote, il est inférieur à 0,33 dans près des trois-quarts des groupes. En d’autres termes, le candidat arrivé en troisième position ne cesse de perdre du terrain au fil de la réitération du scrutin. Les électeurs proches de lui le désertent de façon toujours plus massive, pour voter stratégiquement. Ce cas d’équilibre constitue une bonne illustration d’équilibre duvergérien [37], avec un FS ratio qui tend vers zéro. Par exception, on enregistre quelques cas où les deux candidats qui talonnent celui qui fait la course en tête sont trop proches l’un de l’autre pour que les électeurs de l’un des deux ne le désertent massivement. Ces cas se traduisent par un SF ratio proche de 1 et constituent de bons exemples d’équilibre « non duvergérien » [38].

33Ces résultats montrent que le mode de scrutin a bien un effet sur le comportement des électeurs. Mais quels mécanismes conduisent les électeurs à voter « sincèrement », c’est-à-dire pour le candidat le plus proche d’eux, ou, au contraire, à voter stratégiquement ?

Tableau 3

Résultats par candidat (liste) selon le mode de scrutin (en % des s.e)

Tableau 3
Candidats Répartition des préférences* Un tour Deux tours RP N=4024 1663 2000 334 A 19 5 7 B 21,5 35 30 27 C 19 28 27 14 D 21,5 26 30 30 E 19 6 6 Total 100.0 100 100 100 Déviation par rapport à la répartition des préférences (D) 27 24 14 * Les préférences sont ici définies par la position assignée à chaque participant.

Résultats par candidat (liste) selon le mode de scrutin (en % des s.e)

Tableau 4

Nombre effectif de partis selon le mode de scrutin

Tableau 4
1er vote 2e vote 3e vote 4e vote Total Un tour (12 groupes) 4,1 3,4 3,0 2,5 3,2 Deux tours (16 groupes) 4,1 3,6 3,4 3,3 3,6 Représentation proportionnelle (4 groupes) 4,1 4,2 4,3 4,2 4,2

Nombre effectif de partis selon le mode de scrutin

Tableau 5

Évolution des résultats au fil de la réitération du vote – scrutin à un tour (en % des s.e)

Tableau 5
N =1663 1er vote 2e vote 3e vote 4e vote A 1 0 5 3 2 B 27 34 39 41 C 27 27 26 30 D 26 28 27 23 E 1 0 6 5 4 Total 100 100 100 100

Évolution des résultats au fil de la réitération du vote – scrutin à un tour (en % des s.e)

Perception des chances de gagner, vote sincère et vote stratégique

34Le dépouillement des données individuelles recueillies lors des expérimentations permet de mieux comprendre les résultats observés. Celles-ci mettent en évidence les « effets psychologiques » des modes de scrutin. En l’espèce, les participants ajustent bel et bien leur comportement au mode de scrutin : le vote sincère est plus faible au 2 tours et encore plus au 1 tour qu’à la proportionnelle. De façon plus générale, ils ajustent leur vote à leurs perceptions des chances de succès des partis/listes en compétition puisque cette perception est centrale dans le choix qu’ils vont opérer pour maximiser l’utilité de leur vote.

35Premièrement, et quel que soit le mode de scrutin employé, le niveau de votes sincères pour un parti donné est très étroitement corrélé avec la manière dont ses électeurs perçoivent ses chances de succès : coefficient de corrélation 93,6 (tous modes de scrutin confondus) [39]. En dépit de la distribution uniforme des participants sur l’axe idéologique unidimensionnel, les chances de succès des candidats placés à l’une ou l’autre de ses extrémités (A et E) apparaissent systématiquement plus faibles que celles des candidats placés dans une position plus centrale (B, C et D). Le niveau de votes sincères recueillis pour les partis extrêmes est aussi systématiquement plus faible. Les candidats dont les chances de l’emporter apparaissent moindres sont donc plus souvent abandonnés par « leurs » électeurs que les autres, quel que soit le mode de scrutin (tableau 6). En d’autres termes, le vote stratégique existe toujours, quel que soit le mode de scrutin.

36Deuxièmement, la perception des chances de succès des candidats et, en conséquence, le niveau de votes sincères varie selon le mode de scrutin employé. Ceci est particulièrement vrai pour les candidats dont les chances apparaissent les plus fragiles, à savoir A et E. Ainsi, par exemple, les participants proches de A estiment à 4,4/10 en moyenne ses chances d’obtenir au moins un siège avec la représentation proportionnelle, à 2,0/10 ses chances de qualification pour le second tour en cas d’utilisation du scrutin à deux tours et à 1,8/10 ses chances de victoire avec le scrutin à un tour. Une perception différente des chances de succès d’un candidat a une influence manifeste sur le comportement des participants. Ainsi, d’un mode de scrutin à l’autre, le niveau de votes sincères en faveur de A varie de manière considérable. Il est ainsi de 76 % avec la représentation proportionnelle, de 34 % avec le scrutin à deux tours et de seulement 26 % avec le scrutin à tour. Au total, lorsque la représentation proportionnelle est utilisée, 83 % des participants votent pour le candidat le plus proche de la position qui leur a été aléatoirement attribuée. Avec le scrutin à deux tours, ce chiffre tombe à 63 %. Avec le scrutin à un tour, il n’est plus que de 56 %. En d’autres termes, l’intensité du vote stratégique varie selon le mode de scrutin : elle est minimale avec la représentation proportionnelle et maximale avec le scrutin à un tour.

Tableau 6

Estimations des chances des candidats et vote « sincère » par mode de scrutin

Tableau 6
Un tour Deux tours RP N 1502 1802 303 chances/10 % vote sincère * chances/10 % vote sincère chances/10 % vote sincère A 1,8 26,0 2,0 34,0 4,4 76,0 B 6,6 85,0 6,8 86,5 8,1 89,0 C 6,8 77,0 7,0 88,5 7,3 88,0 D 6,3 68,0 6,5 81,0 7,5 100,0 E 1,9 28,0 2,0 31,0 4,6 66,0 Moyenne 56,0 63,0 83,0 * Le vote sincère est ici défini comme le vote pour le candidat le plus proche de la position assignée à chaque participant

Estimations des chances des candidats et vote « sincère » par mode de scrutin

37Troisièmement, la perception des chances de gagner des différents candidats évolue au fil des réitérations de l’expérience, tout comme le niveau du vote « sincère », c’est-à-dire du vote pour le candidat le plus proche de la position assignée. L’évolution est particulièrement nette pour les partis extrêmes. Ainsi, pour le scrutin à un tour, les participants proches de A estiment en moyenne ses chances de victoire à 3,1/10 avant le premier vote, soit en absence de toute information sur les résultats du vote du groupe (tableau 7a). Mais il n’obtient que 11 % des suffrages. Au fil des itérations successives du scrutin, et de la prise en compte des résultats précédents, les chances de succès du candidat A apparaissent de plus en plus faibles et la proportion d’électeurs « proches » de lui qui lui reste fidèle (le vote sincère) ne cesse de s’amenuiser. En conséquence, sa probabilité de gagner ne cesse de diminuer. Avant la quatrième itération, les participants proches de A estiment, en moyenne, ses chances de victoire à 0,8/10. Ils ne sont plus que 13 % à lui être fidèle (vote sincère). Son score tombe alors à 2 %. En revanche, on observe le phénomène strictement inverse pour la représentation proportionnelle (tableau 7b). Avant le premier vote, les chances de A d’obtenir au moins un siège sont évaluées à 3,8/10. Mais au fil des scrutins, ses chances ne cessent d’être réévaluées. Avant le quatrième vote, elles sont estimées à 5,5/10. Au dernier vote, 88 % de ses proches lui sont fidèles (vote sincère) et il obtient finalement 19 % des suffrages exprimés.

Tableau 7a

Évolution de la perception des chances de succès, du niveau vote sincère et des résultats des candidats au fil de la réitération du vote – scrutin à un tour

Tableau 7a
1er vote 2e vote 3e vote 4e vote N 376 376 375 375 Chances/10 % vote sincère % vote Chances/10 % vote sincère % vote Chances/10 % vote sincère % vote Chances/10 % vote Sincere % vote A 3.1 50 11 2.0 28 5 1.2 15 3 0.8 13 2 6.3 82 26 6.6 85 33 7.0 86 38 7.4 87 40 C 7.2 88 26 7.2 83 27 6.4 69 26 6.2 67 30 D 6.3 82 26 6.6 70 28 6.5 65 27 5.7 54 23 E 3.4 48 10 1.7 26 6 1.2 23 5 1.1 16 4

Évolution de la perception des chances de succès, du niveau vote sincère et des résultats des candidats au fil de la réitération du vote – scrutin à un tour

Tableau 7b

Évolution de la perception des chances de succès, du niveau vote sincère et des résultats des candidats au fil de la réitération du vote – scrutin proportionnel

Tableau 7b
1er vote 2e vote 3e vote 4e vote N 75 76 76 76 Chances/10 % vote sincère % vote Chances/ 10 % vote sincère % vote Chances/10 % vote sincère % vote Chances/ 10 % vote sincère % vote A 3.8 53 11 3.4 75 15 4.7 88 20 5.5 88 19 7.4 94 31 8.0 94 27 8.4 81 24 8.4 88 24 C 7.1 100 18 7.2 92 15 8.0 83 13 6.9 75 11 D 6.8 100 29 7.1 100 31 7.8 100 27 8.4 100 31 E 3.5 56 11 3.9 56 11 4.9 75 14 5.9 75 14

Évolution de la perception des chances de succès, du niveau vote sincère et des résultats des candidats au fil de la réitération du vote – scrutin proportionnel

38Finalement, le niveau du vote sincère dépend de 4 facteurs : le mode de scrutin, la position des candidats sur l’axe idéologique, la perception par les participants des chances de gagner des candidats et, enfin, la réitération du vote. Une régression logistique, menée sur l’ensemble des données expérimentales montre que par rapport à la proportionnelle, le vote sincère est plus faible au scrutin à 2 tours, et encore davantage au 1 tour ; qu’un candidat situé en position extrême a moins de chances de garder ses électeurs qu’un candidat situé en position médiane ; que plus les chances des candidats apparaissent fortes aux yeux des électeurs qui en sont proches, plus la probabilité de ceux-ci de voter sincère augmente. Enfin, qu’à mode de scrutin constant, la probabilité de voter sincère diminue au fil des réitérations (tableau 8).

Tableau 8

La prédiction du vote sincère : régression logistique

Tableau 8
A Sig. Exp (B) Position candidat (Position médiane : référence) Position Extrême -1,049 ,000 ,350 Mode de scrutin (RP : référence) Mode de scrutin (1 tour) -1,253 ,000 ,286 Mode de scrutin (2 tour) -,859 ,000 ,424 Chances du candidat le plus proche (note de 0-10) (note 5 : référence) 0 -1,945 ,000 ,143 1 -1,626 ,000 ,197 2 -1,191 ,000 ,304 3 -,404 ,060 ,668 4 -,229 ,294 ,795 6 -,054 ,808 ,948 7 ,380 ,085 1,462 8 ,526 ,013 1,692 9 1,125 ,000 3,081 10 1,726 ,000 5,618 Itération (2e vote : référence) 1er vote ,259 ,106 1,295 3e vote -,323 ,044 ,724 4e vote -,433 ,008 ,648 Constante 2,486 ,000 12,015 * La variable dépendante est codée 1 pour le vote sincère et 0 pour le vote non sincère ** Niveau de signification à 0.5

La prédiction du vote sincère : régression logistique

Discussion et conclusion : les sept vertus des expérimentations

391. Il est possible de retrouver expérimentalement les principaux résultats sur lesquels s’appuie la science politique pour décrire les relations entre mode de scrutin et système partisan. En l’espèce, après plusieurs itérations du scrutin à un tour, le nombre effectif de partis est bien « proche » ou « près » de 2 ; avec la représentation proportionnelle, il est sensiblement plus élevé. Dans les expérimentations comme dans le monde réel, circonscription par circonscription, le scrutin à un tour tend à produire un système proche du bipartisme ; la représentation proportionnelle tend à favoriser un système multipartisan.

402. Au regard des effets produits par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, les expériences de laboratoire donnent pour partie raison à Duverger. Celui-ci oppose le scrutin à un tour qui favorise le bipartisme d’une part, au scrutin à deux tours et à la représentation proportionnelle qui favorisent le multipartisme, d’autre part. Blais [40] abonde plutôt dans ce sens. En revanche, Rae [41] et Lijphart [42] considèrent que le scrutin à deux tours appartient à la même famille que le scrutin à un tour. Cox, lui, prédit que le scrutin à deux tours produit plus de deux partis, mais moins que la représentation proportionnelle. Les expérimentations de laboratoire fournissent une contribution utile au débat. Dans nos expérimentations, le scrutin à deux tours se situe clairement sur une position intermédiaire entre le système à un tour et la représentation proportionnelle. En l’espèce, même s’il ne favorise pas l’apparition d’un système bipartisan, le scrutin à deux tours apparaît plus proche du scrutin à un tour que d’une représentation proportionnelle de magnitude 6, que ce soit sous l’angle de la déviation (indice de Loosemore et Hanby) ou sous l’angle du nombre effectif de partis (indice de Laasko et Taagepera).

413. Les expérimentations permettent, mieux que les données tirées du monde réel, d’observer les lois de Duverger au travail. Duverger indique lui-même que l’introduction soudaine du scrutin à un tour dans un pays où règne le multipartisme ne génère pas subitement un système bipartisan [43]. Comme le souligne Rein Taagepera [44], si les effets mécaniques des modes de scrutin sont instantanés, leurs effets psychologiques se développent lentement. Avec le scrutin à un tour, le nombre effectif de partis se réduit de vote en vote, pour tendre finalement vers 2. Le cadre expérimental permet de réitérer les scrutins à la demande et donc de calculer facilement la vitesse de ce processus.

424. Les expérimentations permettent de mêler les approches micro et macro et d’observer comment les choix individuels participent à la construction des choix collectifs. Tout électeur est placé devant l’alternative vote sincère/vote stratégique et son choix dépend tout à la fois du mode de scrutin et, à l’élection en jeu, de l’évaluation des chances du candidat dont il est proche. Pour un même mode de scrutin, plus les électeurs estiment que les chances du candidat dont ils sont proches sont faibles, plus leur propension à l’abandonner est forte. Mais le scrutin à un tour est plus propice au vote stratégique que le scrutin à deux tours et, surtout, que la proportionnelle. Les expérimentations permettent, en particulier, de comprendre comment l’évolution dans le temps des choix individuels pèse sur les choix collectifs. L’estimation des chances de succès des candidats se modifie de vote en vote, le résultat du scrutin précédent constituant une information sur laquelle s’appuient les participants pour évaluer les chances des candidats. Ces résultats confirment l’importance de l’information dans la décision de vote [45].

435. Les expérimentations permettent de mettre en lumière des phénomènes difficilement observables dans le monde réel. Sartori estime ainsi que les partis extrêmes sont désavantagés par le scrutin à deux tours, parce qu’ils sont plus mal placés pour négocier entre les deux tours [46]. Les expérimentations de laboratoire suggèrent que le désavantage dont souffrent les partis extrêmes est plus général. Quel que soit le mode de scrutin, les chances de succès des partis extrêmes apparaissent plus faibles aux yeux de leurs propres électeurs qui, de ce fait, sont moins fidèles que les électeurs des partis centraux. Au final, les partis extrêmes recueillent moins de suffrages que les partis placés dans une position plus centrale. Au scrutin à un tour comme au scrutin à deux tours, ils ne cessent de s’affaiblir de scrutin en scrutin pour finir par être quasiment marginalisés.

446. Les expérimentations sont susceptibles de faire naître de nouvelles hypothèses. L’étude des effets psychologiques des modes de scrutin prend prioritairement en compte la « taille » des partis. Mais les expérimentations de laboratoire suggèrent que leur place sur le spectre politique joue également un rôle. Cette question est particulièrement importante pour le scrutin à deux tours. En 2002, Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen n’étaient séparés que par 2 points à l’issue du premier tour, mais le premier l’emporta sur le second avec une marge de 64 points au second tour. En 2007, François Bayrou l’aurait probablement emporté au second tour tant face à Nicolas Sarkozy que face à Ségolène Royal, parce qu’il faisait figure de « gagnant Condorcet » [47]. Mais il ne parvint pas à se glisser parmi les deux premiers candidats au premier tour. En d’autres termes, au premier tour, la qualification dépend de la taille des partis/candidats. Au second tour, la victoire dépend presque entièrement de leur position dans l’espace politique. Les petits partis placés au centre de l’échiquier politique doivent convaincre leurs électeurs qu’ils ont une chance de franchir le premier tour. Les grands partis placés à l’extrémité du spectre politique doivent convaincre leurs électeurs que, s’ils se qualifient, ils ont une chance de l’emporter au second tour. Les uns comme les autres sont menacés de désertion stratégique, s’ils n’arrivent pas à en convaincre leurs électeurs. Ainsi, pour le scrutin à deux tours, les résultats des expérimentations suggèrent que la position des partis sur le spectre partisan compte autant que leur taille.

457. Les expérimentations permettent de tester de nouvelles hypothèses. Le protocole peut aisément être modifié, par exemple pour jouer sur la magnitude du scrutin proportionnel et calculer la variation du nombre effectif de partis qui en résulte ; ou encore pour introduire une information, telles que les possibles coalitions formées par les partis politiques en compétition, soit avant le scrutin (comme en France) soit après le scrutin (comme en Allemagne) [48]. Le protocole peut aussi être modifié pour des raisons méthodologiques, pour mieux contrôler certaines variables du protocole. Ainsi, au fil des expérimentations que nous avons menées, la question de l’influence du mode de rémunération sur les résultats de l’expérience s’est posée. Notre première vague d’expériences de laboratoire mettait en évidence un effet « position » lorsque le scrutin à deux tours était utilisé. Et si cet effet « position » n’était que la conséquence d’un artefact, lié au mode de rémunération des participants ? Alors calculé sur uniquement sur les résultats du second tour, ce mode de rémunération pouvait inciter les électeurs avant même le premier tour à estimer les chances finales de victoire des candidats. Pour tester ce possible artefact, le protocole a été modifié. La seconde vague d’expérimentations menée, avec un mode de rémunération calculé cette fois à partir des résultats du seul premier tour, en d’autres termes sur les chances des candidats à accéder au second tour, n’a pas changé les résultats. Les résultats des deux vagues ont donc été agrégés dans les analyses. Dans une expérimentation chaque paramètre peut être modifié mais, dans le monde réel, les éléments de contexte ne peuvent pas être aussi facilement contrôlés.

46Il y cinquante ans, Georges Lavau contestait les analyses de Maurice Duverger, en lui reprochant d’occulter les réalités sociales dont le système partisan serait d’abord le reflet [49]. Aujourd’hui, cette querelle entre « sociologues » et « institutionnalistes » est largement dépassée [50] : les modèles explicatifs de plus en plus sophistiqués que propose la science politique font, par exemple, une part au nombre de clivages qui traversent la société pour rendre compte de la fabrique du système partisan [51]. Mais les expérimentations de laboratoire peuvent aussi avoir une place importante. En contrôlant les effets de contexte, elles révélent les effets propres du mode de scrutin et en quoi ces effets diffèrent d’un mode de scrutin à l’autre. Si l’on ne peut pas prétendre que l’histoire a donné raison à Maurice Duverger contre Georges Lavau [52], du moins les expériences de laboratoire font-elles justice des critiques que le second adressa en son temps au premier.

Bibliographie

Références

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  • [3]
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  • [4]
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  • [14]
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  • [15]
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  • [16]
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    LIJPHART A., « Comparative Politics and the Comparative Method », American Political Science Review, volume 65, n°3, 1971, p. 682.
  • [19]
    LEVINE D., PALFREY T. R., « The Paradox of Voter Participation A Laboratory Study », American Political Science Review, volume 101, 2007, p. 143-158.
  • [20]
    McKELVEY R. D, ORDESHOOK P., « Elections with Limited Information : A Fulfilled Expectations Model Using Contemporaneous Poll and Endorsement Data as Information Sources », Journal of Economic Theory, volume 36, 1985, p. 55- 85.
  • [21]
    LEWIS-BECK M. S. et WITTROCK J., « Experimenting with French Election Rules : Initial Results », French Politics, volume 5, n°1, 2007, p. 106-117 ; BLAIS A., LASLIER J.-F., LAURENT A., SAUGER N., VAN DER STRAETEN K., « One-round vs Two-Round Elections : An Experimental Study », French Politics, volume 5, n°3, 2007, p. 278-286 ; DOLES B., DUBOIS E., LAURENT A., « Two-round Election versus One Round : Candidates’ Size and Position Matter. A Multi Design Research to Measure the Psychological Effects of Electoral Rules », Paper presented at the Annual Meeting of the American Political Science Association, Chicago.
  • [22]
    WITTROCK J, op. cit., 2008.
  • [23]
    McDERMOTT R., op. cit., 2002.
  • [24]
    LIJPHART A., « The Comparable-Cases Strategy in Comparative Research », Comparative Political Studies, volume 8, n°2, 1975, p. 158-177.
  • [25]
    RIKER W. H., op. cit., 1986.
  • [26]
    BLAIS A., LASLIER J.-F., LAURENT A., SAUGER N., VAN DER STRAETEN K., op. cit., 2007 ; DOLEZ B., DUBOIS E., LAURENT A., op. cit., 2008.
  • [27]
    DOWNS A., op. cit., 1957.
  • [28]
    Le protocole a été conjointement mis par plusieurs chercheurs : A. Blais (Université de Montréal), B. Dolez (Université de Paris 13 – CERAPS), E. Dubois (CERAPS – Université de Lille 2), J.-F. Laslier (Laboratoire d’économétrie – École Polytechnique, Paris), A. Laurent (CERAPS – Université de Lille 2), M. Lewis-Beck (Université d’Iowa), N. Sauger (CEE, Paris) et K. Van der Straeten (GREMAQ), Toulouse).
  • [29]
    Cf. l’annexe 1.
  • [30]
    Dans les groupes de 63 participants (3*21), chaque position était occupée par 3 participants.
  • [31]
    Chaque groupe comportait néanmoins des participants « équidistants » : ceux situés en position 8, à égale distance du candidat B (en position 6) et du candidat C (en position 10), et ceux placés en position 12, à égale distance du candidat C et du candidat D (en position 14). Si l’on admet que les individus équidistants (situés en position 8 et 12) se sont répartis de manière aléatoire entre les deux candidats les plus proches de leur position, on peut alors estimer que dans chaque groupe 21,5 % des individus étaient « proches » de B et de D et que 19 % étaient « proches » de C.
  • [32]
    Il faut en effet décompter 13 bulletins nuls au 1 tour, 12 au 2 tours et 2 à la proportionnelle.
  • [33]
    Le développement a été assuré par le CERAPS (Centre de recherches administratives, politiques et sociales) à l’université de Lille 2.
  • [34]
    D = (1/2) ? | Vi – Pi | où Vi est le % de voix recueilli par le parti i et Pi le % de participants « proches » de i.
  • [35]
    Ce coefficient est traditionnellement utilisé pour mesurer la déviation des voix aux sièges : LAASKO M., TAAGEPERA R., « Effective Number of Parties : A Measure with Application to Western Europe », Comparative Political Studies, volume 12, n°3, 1979, p. 3-27. Ici nous en avons « détourné l’usage pour mesurer la déviation entre les voix et les préférences en appliquant cette formule : ENP = 1 / ? Vi2 où Vi est le % de voix recueilli par le parti i.
  • [36]
    COX G.W., op. cit.,1997.
  • [37]
    Ibidem.
  • [38]
    Ibidem.
  • [39]
    Pour calculer les niveaux de vote sincère nous avons retiré de l’analyse les répondants situés en position 8 et 12, en d’autre termes ceux qui étaient respectivement équidistants soit de B et C soit de C et D.
  • [40]
    BLAIS A., « Modes de scrutins et systèmes de parties : les scrutins à deux tours dans une perspective comparative », dans LAURENT A., DELFOSSE P. et FROGNIER A.-P., Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Paris, L’Harmattan, Collection Logiques politiques, 2004, p. 47-70.
  • [41]
    RAE D. W., The Political Consequences of Electoral Laws, New Haven, Yale university press, 1967, p. 143.
  • [42]
    LIJPHART A., op. cit., 1994, p. 20.
  • [43]
    DUVERGER M., op. cit.,1951, p. 318.
  • [44]
    TAAGEPERA R., « The Duvergerian Macro-Agenda : Half Completed », Revue Internationale de Politique Comparée, 2009 (A paraître).
  • [45]
    COX G. W., op. cit., 1997 ; BLAIS A., « Strategic Voting in the 2002 French Presidential Election », in LEWIS-BECK M. S., (ed.), The French Voter. Before and After the 2002 Elections, Palgrave-Macmillan, 2004, p. 93-109 ; LAU R. R., REDLAWSK D., How Voters Decide : Information Processing During Election Campaigns, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2006.
  • [46]
    SARTORI G., « Comparative Constitutional Engineering », New York, New Yord University Press, 1994.
  • [47]
    SAUGER N., « L’échec d’un succès », Revue française de science politique, volume 57, n°3-4, 2007, p. 447-458 ; BRECHON P., « Un nouveau centrisme électoral ? », in PERRINEAU P., (éd.), Le vote de rupture. Les élections présidentielles et législatives d’avril et juin 2007, Presses de Sciences-Po, Paris, 2008, p. 182.
  • [48]
    Sur une expérimentation de laboratoire conduite sur les coalitions, cf. GSCHWEND T., HOOGHE M., « Strategic Voting under Proportional Representation and Coalition Governments. A Simulation and Laboratory Experiment », Manuscrit présenté à la Conférence internationale sur les méthodes expérimentales en Science politique, Bruxelles, décembre 2007.
  • [49]
    LAVAU G., Partis politiques et réalités sociales, Cahier de la Fondation nationale des Sciences politiques, Paris, A. Colin, 1953.
  • [50]
    FARRELL D., Electoral Systems : A Comparative Introduction, Palgrave-Macmillan, London, 2001, p. 162.
  • [51]
    TAAGEPERA R., SHUGART M., op. cit., 1989, p. 92.
  • [52]
    Pour un point de vu contraire, Cf. SEILER D.-L., note de lecture sur LAURENT A., DELFOSSE P., FROGNIER A.-P., (éd.), Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques politiques », 2004. Ce livre a été recensé dans la Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 13, n°1, 2006, p. 143-149.
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