Notes
-
[1]
Entre 1980 et 2004, on estime, en se fondant sur le « Current Population Survey », que 70 % des citoyens américains en droit de voter qui se sont abstenus n’étaient pas inscrits sur les listes électorales.
-
[2]
La mobilité résidentielle a néanmoins été identifiée de longue date aux États-Unis comme l’un des grands déterminants de l’abstention, et des travaux récents établissent de façon convaincante que c’est bien parce qu’elle implique de se réinscrire et que cette réinscription représente un coût trop élevé que la mobilité constitue un facteur d’abstention (Highton, 2000, p. 109-120).
-
[3]
Ces chiffres ont été produits directement à partir de la base de données issue du « Panel électoral français » 2007, CEVIPOF-ministère de l’Intérieur. Il s’agit des données de la première vague, non redressées.
-
[5]
Dans les villes de moins de 10 000 habitants, cette notion de « mal-inscription intracommunale » n’a, pour des raisons d’échelle évidente, guère de sens et n’a donc pas été mesurée.
-
[6]
Il est, en effet, logique que des jeunes recensés à 18 ans en 2010 et ayant bénéficié de la procédure d’inscription d’office soient, pour la quasi-totalité, identifiés comme bien-inscrits en 2012. Si ceux-ci ont déménagé en 2011 ou en 2012, nous n’avons pas les moyens d’identifier leur basculement dans la mal-inscription.
-
[7]
Une étude récente établit que l’inscription constitue la variable cachée de l’âge comme déterminant de la participation électorale : la très mauvaise qualité de l’inscription des jeunes et leur faible niveau d’inscription expliquant largement leur faible participation électorale (Ansolabehere et al., 2012, p. 333-363).
-
[8]
Il s’agit de la moyenne de l’abstention constante des individus inscrits dans une autre commune, un autre département ou une autre région que ceux où ils résident effectivement.
-
[9]
Voir aussi « La mobilité des Français. Panorama issu de l’enquête nationale Transports et déplacements 2008 », Revue du commissariat général au développement durable, décembre 2010. Cette proportion de ménages qui déménagent est élevée, mais nettement moins qu’aux États-Unis, où l’on estimait déjà, dans les années 1980, que le tiers des citoyens changeait de résidence en deux ans (Squire et al., 1987, p. 45-65).
-
[10]
« Panel électoral français » 2007, CEVIPOF-ministère de l’Intérieur.
-
[11]
Ce que tendent déjà à montrer les études américaines, qui procèdent soit par comparaison entre États aux législations plus ou moins libérales concernant l’inscription, soit, surtout, par le biais d’expérimentations de terrain. L’abaissement du coût de la procédure d’inscription aux États-Unis améliore d’abord l’inscription des populations les moins prédisposées à voter mais aussi la participation électorale des populations socialement prédisposées à faire entendre leurs voix (Nickerson, 2015, p. 88-101).
1 La France est l’une des rares démocraties, avec les États-Unis, à imposer une procédure spécifique d’inscription sur les listes électorales.
2 Aux États-Unis nombre de recherches se sont concentrées sur cette première phase de la participation aux élections du fait de l’ampleur de la non-inscription (Erikson, 1981, p. 259-276 ; Highton et Wolfinger, 1998, p. 79-104 ; Highton, 1997, p. 565-575 ; 2004, p. 507-515 ; Nickerson, 2010 ; Kelley et al., 1967) : ce sont, traditionnellement, près du tiers des citoyens américains qui, faute pour une large part d’être inscrits sur les listes électorales, sont empêchés de voter les jours de scrutin [1] (Timpone, 1998, p. 145-158 ; Knack et White, 2000, p. 29-44 ; Nagler, 1991, p. 1393-1405 ; Rhine, 1996, p. 171-198 ; Norris, 2004). En France, à l’inverse, il n’existe quasiment aucune recherche universitaire consacrée spécifiquement à cette phase décisive de la procédure électorale qui conditionne pourtant l’exercice effectif du droit de vote. Quand elle n’est tout simplement pas ignorée, l’inscription est traitée au mieux comme l’une des dimensions de la participation dans quelques articles ou ouvrages consacrés à l’abstention (Bon et Denni, 1978, p. 1055-1066 ; Bréchon et Cautrès, 1987, p. 502-528 ; Braconnier et Dormagen, 2007a). Et pourtant, elle représente une étape déterminante dont la prise en compte se révèle indispensable à la compréhension des logiques de participation électorale. Comme aux États-Unis, même si c’est dans une moindre mesure, cette procédure contribue, en premier lieu, à (auto) exclure du corps électoral une partie des électeurs potentiels : 7 % des Français en âge et en droit de voter et résidant en métropole se trouvent ainsi absents des listes électorales en 2012 (Bréchon, 2009 ; Niel et Lincot, 2012). Ce sont donc plus de trois millions de citoyens qui se trouvent concernés.
3 Surtout, il faut tenir compte d’un second phénomène également décisif : la « mal-inscription ». Ce terme désigne les citoyens inscrits sur les listes électorales mais à une autre adresse que celle de leur résidence principale. La mal-inscription concerne principalement des individus qui ne se réinscrivent pas à la suite d’un déménagement et demeurent mal-inscrits à leur ancienne adresse. Il est possible et même fréquent de rester de longues années mal-inscrit. Nombre de communes adoptent une politique prudente en matière de radiation des listes, y compris lorsque les courriers adressés en période électorale leur sont retournés assortis de la mention « NPAI » (n’habite plus à l’adresse indiquée). En outre, une fraction non négligeable des mal-inscrits se révèle très difficilement identifiable : c’est le cas, par exemple, des enfants ayant déménagé parfois depuis longtemps mais dont le courrier électoral continue à parvenir au domicile parental. La situation de mal-inscrit peut être, pour une part, volontaire. Elle peut renvoyer, dans certains cas, à des individus ayant fait le choix de s’inscrire dans une commune où ils sont assujettis au paiement des impôts locaux, parce qu’ils y possèdent, par exemple, une résidence secondaire. Nombre d’étudiants préfèrent également rester inscrits chez leurs parents que dans les communes où ils effectuent leurs études, n’ayant que peu de visibilité sur leur devenir en matière résidentielle. Les données dont nous disposons ne nous permettent toutefois pas de distinguer entre mal-inscription volontaire et involontaire. Nous traitons donc, ici, de la mal-inscription comme d’une situation objective renvoyant au fait de ne pas être inscrit sur les listes électorales à la même adresse que celle de sa résidence principale. Cette situation mérite d’autant plus d’être étudiée qu’elle détermine, dans des proportions qui restent à établir à l’échelle nationale, les chances de voter ou de s’abstenir (Subileau et Toinet, 1993 ; Braconnier et Dormagen, 2007a). Un électeur mal-inscrit est, en effet, contraint de réaliser une procuration ou un déplacement plus ou moins important s’il veut produire un vote. Ce coût supplémentaire s’avère dissuasif pour nombre de citoyens, que la mal-inscription fait ainsi basculer dans l’abstention. Alors que l’analyse de ce phénomène apporterait une contribution utile à la compréhension de l’abstention, la mal-inscription a, jusqu’à présent, été très peu étudiée ; y compris aux États-Unis où les études sur la participation électorale sont pourtant particulièrement riches et diversifiées (Braconnier, 2010b) [2]. En France, elle n’a jusqu’à présent été appréhendée que dans le cadre de plans d’observation localisés ou sur la base de territoires spécifiques tels que les ZUS (Bon et Denni, 1978, p. 1055-1066 ; Toinet, 1978). Mais on ne connaît toujours pas la proportion exacte de « mal-inscrits » au niveau national. Les enquêtes électorales par sondages ont ignoré cette dimension, à l’exception notable du « Panel électoral français » 2007, où la question relative à l’inscription des panélistes aurait pu permettre de distinguer les enquêtés selon qu’ils étaient inscrits dans la commune où ils étaient interrogés (87,7 %) ou dans une autre commune (12,3 %) [3]. Mais cette question n’a plus été exploitée par la suite, dans la phase d’interprétation des résultats.
ENCADRÉ. – La procédure d’inscription
4 Le but de cet article est donc de fournir les premiers résultats statistiquement solides et représentatifs, au niveau national, sur l’état de la mal-inscription et ses conséquences en matière de participation électorale. Notre premier objectif est d’établir le taux de cette mal-inscription au niveau national et, au-delà, de mieux décrire le phénomène en distinguant des degrés dans la mal-inscription, pour tenir compte du plus ou moins grand éloignement géographique entre le lieu effectif de résidence et le bureau de vote. Notre second objectif est d’identifier les principaux déterminants socio-démographiques de cette mal-inscription. Il s’agit, en particulier, d’identifier les classes d’âges, les catégories sociales mais aussi les situations familiales et environnementales qui favorisent le basculement dans la mal-inscription. Nous cherchons ensuite à mesurer la part de la mal-inscription dans l’abstention au cours de la séquence électorale du printemps 2012, qui comprend les quatre tours de scrutin, présidentiel et législatif. Pour ce faire, nous testons l’hypothèse énoncée dans le cadre d’approches localisées selon laquelle les bien-inscrits restent, dans leur grande majorité, participationnistes, a fortiori dans le cadre de scrutins de très haute intensité tels que la présidentielle (Braconnier et Dormagen, 2007a). Il s’agit de vérifier, à l’inverse, que l’abstentionnisme constant est pour une part non négligeable alimenté par la mal-inscription. Enfin, nous voulons mieux évaluer la force propre des déterminants traditionnels de la participation électorale grâce à la prise en compte de la qualité de l’inscription. Âge, niveau d’études, situation familiale et environnementale constituent autant de déterminants du vote. Intégrer cette nouvelle variable dans les modèles d’analyses statistiques doit permettre de mieux mesurer le poids de chacun dans les chances de participation électorale.
Comment mesurer la mal-inscription ?
5 Pour mener à bien cette étude sur la mal-inscription, nous avons fait le choix de partir des données issues de l’enquête sur la participation électorale 2012 de l’INSEE. Ce type d’enquête, réalisé depuis 1988 à chaque grande échéance électorale, repose sur un échantillon représentatif des inscrits sur les listes électorales présents sur le territoire métropolitain. Elle n’inclut donc pas les électeurs des DROM-COM (départements et régions d’outre-mer et collectivités d’outre-mer) et les Français de l’étranger. L’enquête de l’INSEE présente quatre avantages méthodologiques par rapport aux sondages traditionnels. Tout d’abord, la représentativité de la population est garantie par le fait que les individus sont directement sélectionnés sur les listes électorales, sans qu’il soit nécessaire de les contacter, avec pour conséquence l’absence de biais de sélection. Ensuite, l’échantillon ainsi constitué est d’une taille inhabituelle en sociologie électorale : 39 728 individus pour l’étude de la présidentielle et des législatives 2012 (soit une réduction du corps électoral au millième environ). Ces dimensions autorisent des stratifications très fines tout en conservant une bonne puissance statistique, d’autant plus indispensable que l’on s’engage dans l’étude d’un phénomène minoritaire comme la mal-inscription. De même, l’enquête participation de l’INSEE se distingue par la richesse des informations disponibles sur chacun des individus composant l’échantillon : le panel d’inscrits est enrichi des données produites dans le cadre du recensement de la population, ce qui permet de disposer d’une multitude d’informations socio-démographiques allant du statut de l’emploi au mode de cohabitation en passant par le niveau d’études. Enfin, l’inscription des individus et plus encore leur itinéraire de participation aux quatre tours du printemps 2012 ne sont pas établis sur des bases déclaratives, contrairement aux informations produites habituellement par sondages. Elles sont collectées directement sur les listes d’émargements, en préfecture, dans les dix jours qui suivent la tenue des scrutins. Ce qui signifie que ces données cruciales ne sont pas soumises au biais d’autosélection des enquêtés et de dicibilité qui affectent les études sur la participation produites à partir des déclarations des intéressés (Lehingue, 2007, 2011). L’enquête participation de l’INSEE présente en conséquence un niveau de réalisme et d’objectivité exceptionnel et particulièrement précieux lorsqu’il s’agit d’explorer un phénomène tel que l’abstention, qui reste encore aujourd’hui stigmatisée et donc largement sous-déclarée (Bernstein et al., 2001, p. 22-44 ; Karp et Brockington, 2005, p. 825-840).
6 Au plan empirique, le principal apport de notre étude réside dans la production d’une variable permettant la mesure de la mal-inscription et de ses effets sur la participation. Nous avons procédé en deux temps, en commençant par confronter la commune où les individus composant notre échantillon avaient été recensés avec la commune où ils étaient inscrits sur les listes électorales. Cette première opération nous a permis d’identifier quatre types de situation : 1) des individus recensés et inscrits dans la même commune, 2) des individus recensés et inscrits dans deux communes différentes mais toutes deux situées dans le même département, 3) des individus recensés et inscrits dans deux départements différents mais d’une même région et, enfin, 4) des individus recensés et inscrits dans deux régions différentes. Dans cette typologie, l’unité administrative est utilisée comme indicateur d’une distance séparant la résidence effective du bureau de vote, la diversification des unités associées à un même bureau indiquant un palier supplémentaire dans l’éloignement géographique.
7 Nous savions cependant par les études localisées que nous avions conduites à Paris, Saint-Denis et Montpellier qu’une faible distance au bureau de vote pouvait suffire à provoquer le basculement dans l’abstention (Braconnier et Dormagen, 2012, p. 20-44). C’est pourquoi nous avons également travaillé au repérage de la mal-inscription intracommunale. Sont ici concernés des individus résidant dans des communes de grande taille et inscrits dans un bureau de vote qui ne correspond plus à leur lieu d’habitation effectif (par exemple, un habitant du 14e arrondissement de Paris resté inscrit dans le 19e). Pour mesurer ce phénomène, nous avons géolocalisé les adresses du recensement et celles des bureaux de vote, puis considéré qu’une distance supérieure à 1 500 mètres entre les deux adresses indiquait une situation de mal-inscription intracommunale. L’état de mal-inscription est donc, ici, moins assuré que lorsque les adresses de résidence et électorales ne sont pas situées dans la même commune. Cette manière de procéder n’en permet pas moins d’identifier, avec un risque d’erreur qui nous semble acceptable, un phénomène dont on verra qu’il trouve son prolongement dans les niveaux d’abstention électorale.
8 La principale difficulté méthodologique à laquelle nous sommes confrontés réside plutôt dans le caractère diachronique des données du recensement et des listes électorales. Alors que nous travaillons à partir de données électorales issues des listes d’émargements ayant servi aux élections de 2012, les informations socio-démographiques sont, quant à elles, issues des opérations de recensement de 2010. Ce décalage de deux ans représente la principale source d’incertitudes concernant nos résultats empiriques. Il implique que les discordances entre adresses de résidence et électorales, mais aussi, à l’inverse, les situations de correspondance entre ces deux adresses puissent être des conséquences de ce décalage dans le temps. Un individu qui aurait déménagé et se serait réinscrit sur son nouveau lieu de résidence entre 2011 et 2012 sera ainsi identifié, à tort, comme mal-inscrit, compte tenu des méthodes d’identification dont nous disposons. À l’inverse, un individu ayant déménagé après 2010 et ne s’étant jamais réinscrit sera identifié comme bien-inscrit alors qu’il a, en réalité, basculé dans la mal-inscription. Dit autrement, nos méthodes d’identification ne permettent pas de prendre en compte les effets de la mobilité résidentielle au sein de notre population au cours de l’année 2011 ou lors des premiers mois de 2012, avec pour conséquence que notre population de bien-inscrits comprend, en réalité, une fraction de mal-inscrits et inversement. Concernant l’année 2011 et les premiers mois de 2012, il ne peut s’agir cependant que d’une fraction limitée d’individus, donc d’un biais peu susceptible de modifier sensiblement les mesures de la qualité de l’inscription et son impact sur les chances de participation électorale.
L’ampleur de la mal-inscription
Six millions et demi de mal-inscrits
9 Selon les critères que nous venons d’exposer, la mal-inscription concerne, en 2012, 15,1 % des inscrits sur les listes électorales. Sur la base d’un corps électoral composé de 43 263 000 inscrits, la France comptait 6 555 000 mal-inscrits à cette date, dont 4 291 000 (10 %) inscrits dans une ville autre que celle où ils avaient été recensés en 2010 (Tableau 1).
Pourcentage | |
Bien-inscrits | 84,8 |
Mal-inscrits intracommunaux | 5,2 |
Mal-inscrits dans le département de résidence | 5,4 |
Mal-inscrits dans la région de résidence | 1,8 |
Mal-inscrits dans une autre région | 2,8 |
Total | 100 |
10 Il s’agit donc bien d’un phénomène de grande ampleur, la mal-inscription représentant près du double de la non-inscription. L’addition de ces deux phénomènes permet d’ailleurs de mieux mesurer les effets induits par l’existence de la procédure d’inscription sur les listes électorales : au moment de la dernière élection présidentielle, c’est plus d’un citoyen sur cinq (environ 10 millions de personnes) qui se trouvait dans l’impossibilité matérielle de voter au bureau de vote le plus proche de son domicile.
Les mal-inscrits : des jeunes, des diplômés, des cadres, des personnes isolées, des individus mobiles, résidant principalement dans des grandes villes
11 La mal-inscription est d’abord un phénomène urbain. On le mesure en comparant le taux de mal-inscription enregistré dans les villes de plus de 10 000 habitants par rapport à celui des communes de taille plus réduite (Tableau 2).
Qualité de l’inscription selon la taille de la commune de résidence (en %) [4]
Taille de la commune de résidence | Inscrits dans la commune de résidence | Mal-inscrits dans le même département | Mal-inscrits dans la même région | Mal-inscrits dans une autre région | Total |
Moins de 10 000 habitants | 93,30 | 4,30 | 0,90 | 1,60 | 100 |
Plus de 10 000 habitants | 85,70 | 6,90 | 2,90 | 4,50 | 100 |
Moyenne | 90 | 5,40 | 1,80 | 2,80 | 100 |
Qualité de l’inscription selon la taille de la commune de résidence (en %) [4]
12 Les probabilités d’être inscrit dans une autre commune que celle où l’on réside effectivement sont ainsi deux fois plus élevées dans les villes de plus de 10 000 habitants : 14,3 % contre 6,7 %. On mesure d’ailleurs mieux les problèmes que soulève la qualité de l’inscription en milieu urbain lorsque l’on tient également compte de la mesure de la mal-inscription intracommunale : dans les villes de plus de 10 000 habitants, celle-ci concerne, en effet, 12,4 % des inscrits [5]. Il en résulte que, dans les villes de plus de 10 000 habitants, c’est plus d’un quart des inscrits (26,7 %) qui se trouvent dans l’impossibilité de voter au bureau de vote le plus proche de son domicile. C’est un facteur dont il faut bien évidemment tenir compte, on y reviendra, lorsqu’on entreprend d’analyser la participation électorale dans les plus grandes communes françaises.
13 Au-delà du type d’environnement urbain, nous avons cherché à tester des variables dont nous savons qu’elles sont corrélées à la participation électorale pour établir si elles le sont également à la qualité de l’inscription : l’âge, le niveau d’études et la PCS, mais aussi une variable contextuelle telle que le « mode de cohabitation ». Enfin, nous avons également testé l’influence de la mobilité résidentielle sur la mal-inscription, tant il semble logique que les deux phénomènes soient étroitement corrélés.
14 La qualité de l’inscription, ainsi que l’on pouvait s’y attendre, est très fortement dépendante de l’âge des individus (Tableau 3). Si l’on ne retient que les électeurs les mieux inscrits (taux de bonne inscription supérieur à 91 %), on se rend compte que leur moyenne d’âge est de 77 ans. Les électeurs de 18 ans se situent aux frontières de cette catégorie, avec 90,9 % de bien-inscrits et des mal-inscrits qui sont, dans 90 % des cas, inscrits à une autre adresse de la même commune [6]. Grâce à l’inscription d’office dont ils bénéficient, ils constituent donc bien l’une des catégories les mieux inscrites de la population électorale. Mais si l’on excepte ces nouveaux inscrits d’office (18-20 ans), les électeurs les plus jeunes sont en moyenne les plus mal-inscrits, la tranche d’âge 25-34 ans étant particulièrement concernée. La mal-inscription y est en moyenne de 31,1 %, atteignant même un pic de 35 % à l’âge de 28 ans. Ces résultats concordent avec ceux établis récemment pour les États-Unis [7].
Qualité de l’inscription selon la classe d’âge (en %)
Classes d’âge | Bien-inscrits | Mal-inscrits | Dont mal-inscrits dans la commune de résidence | Dont mal-inscrits dans le même département | Dont mal-inscrits dans la même région | Dont mal-inscrits dans une autre région |
18-24 | 79,70 | 20,30 | 4,80 | 6,60 | 4,40 | 4,60 |
25-34 | 68,90 | 31,10 | 4,70 | 14,40 | 4,60 | 7,40 |
35-49 | 85,70 | 14,30 | 4,70 | 5,80 | 1,60 | 2,20 |
50-64 | 89,30 | 10,70 | 5,20 | 3,00 | 0,70 | 1,70 |
65 + | 90,30 | 9,70 | 6,00 | 2,00 | 0,50 | 1,20 |
Moyenne | 84,90 | 15,10 | 5,20 | 5,40 | 1,80 | 2,80 |
Qualité de l’inscription selon la classe d’âge (en %)
15 Nos données nous permettent cependant d’aller plus loin, en distinguant des degrés dans la mal-inscription et en montrant qu’ils varient également fortement avec l’âge. La répartition spatiale de cette mal-inscription est ainsi très instructive. Les 25-34 ans sont non seulement plus fréquemment mal-inscrits, mais leur mal-inscription est également plus prononcée que la moyenne : dans 85 % des cas, il s’agit d’une mal-inscription extracommunale contre seulement 66 % des cas pour l’ensemble de la population électorale (Tableau 3). De même, au sein de cette classe d’âge, près d’un quart des mal-inscrits (24 %) le sont-ils dans une autre région que celle où ils résident.
16 La mal-inscription des classes d’âge plus âgées se révèle bien différente. Les plus de 50 ans sont non seulement beaucoup plus fréquemment bien-inscrits, mais leur mal-inscription est également essentiellement intracommunale : ils ne sont que 5,4 % parmi les 50-64 ans et 3,7 % parmi les plus de 65 ans à ne pas pouvoir voter dans la ville où ils résident.
17 Si, en France, du fait de l’inscription d’office, l’âge ne représente plus autant que dans les années 1990 un facteur décisif en matière de présence sur les listes électorales, il constitue bien, en revanche, un facteur déterminant de la qualité de l’inscription. Jusqu’au milieu des années 2000, la jeunesse se caractérisait par des taux de non-inscription très élevés. La procédure d’inscription d’office adoptée en 1997 semble avoir résolu une partie du problème : les plus jeunes d’entre les citoyens sont désormais largement inscrits sur les listes électorales (Niel et Lincot, 2012). Mais, au sein des classes d’âge les plus jeunes, la non-inscription massive a fait place à la mal-inscription massive. Car si les jeunes n’ont plus à accomplir de démarche pour se retrouver sur les listes à 18 ans, il leur faut, en revanche, se réinscrire dès lors qu’ils quittent le domicile familial pour aller étudier, travailler ou fonder un foyer. La procédure d’inscription d’office a donc eu pour conséquence de déplacer le problème dans le temps : dans la classe d’âge 20-35 ans, les non-inscrits d’hier sont devenus les mal-inscrits d’aujourd’hui.
18 On n’observe pas, en revanche, de relations évidentes entre élévation du niveau d’études et amélioration de la qualité de l’inscription, ce qui peut surprendre au regard du lien établi de longue date, à l’échelle individuelle, entre niveau d’intérêt pour la politique et niveau de diplôme, comme entre politisation et participation électorale (Verba et Nie, 1979 ; Wolfinger et Rosenstone, 1980 ; Boy et Mayer, 1997). Le fait que le niveau d’études ne soit pas prédictif des chances de bonne inscription et, plus encore, que ce soit parmi les diplômés du supérieur que l’on enregistre les plus hauts taux de mal-inscription constitue donc un résultat par lui-même intéressant, qui montre que la sociologie des mal-inscrits se distingue nettement de celle des non-inscrits (Tableau 4).
La qualité de l’inscription selon le niveau d’études (en %)
Niveau d’études | Bien-inscrits | Mal-inscrits | Dont mal-inscrits dans la commune de résidence | Dont mal-inscrits dans le même département | Dont mal-inscrits dans la même région | Dont mal-inscrits dans une autre région |
Pas de scolarité et primaire | 89,4 | 10,6 | 5,2 | 3,3 | 0,7 | 1,4 |
Collège | 87,1 | 12,9 | 5,4 | 4,5 | 1,2 | 1,7 |
Lycée | 81,1 | 18,9 | 5,4 | 6,8 | 2,8 | 3,9 |
Supérieur | 79,8 | 20,2 | 4,8 | 7,6 | 2,9 | 4,9 |
La qualité de l’inscription selon le niveau d’études (en %)
19 On enregistre un résultat assez comparable lorsqu’on examine la relation entre PCS et qualité de l’inscription. Sans trop de surprise, ce sont les agriculteurs – population stable sur le plan résidentiel – qui sont de loin les mieux inscrits : seuls 1,9 % des membres de cette catégorie ne sont pas inscrits dans la commune où ils résident. De même, les retraités sont-ils, eux aussi, sensiblement mieux inscrits que la moyenne. Mais certains résultats sont plus surprenants. Le plus contre-intuitif réside dans le fait que la PCS la plus mal-inscrite est celle des « Cadres et professions intellectuelles supérieures » (20,1 % de mal-inscrits), dont on sait par ailleurs qu’elle se compose d’individus plus politisés que la moyenne. Comme en matière de diplôme, ce résultat parait indiquer qu’il n’existe pas de relation linéaire entre capital culturel, niveau de politisation et qualité de l’inscription (Tableau 5).
La qualité de l’inscription selon la PCS (en %)
PCS | Bien-inscrits | Mal-inscrits | Dont mal-inscrits dans la commune de résidence | Dont mal-inscrits dans le même département | Dont mal-inscrits dans la même région | Dont mal-inscrits dans une autre région |
Agriculteurs | 95,40 | 4,60 | 2,70 | 1,60 | 0,30 | |
Artisans, commerçants, chefs d’entreprises | 86,00 | 14,00 | 6,00 | 5,00 | 0,50 | 2,50 |
Cadres, professions intellectuelles supérieures | 79,90 | 20,10 | 4,20 | 6,40 | 3,70 | 5,80 |
Professions intermédiaires | 81,70 | 18,30 | 4,80 | 8,10 | 2,30 | 3,10 |
Employés | 81,40 | 18,60 | 5,60 | 7,60 | 2,00 | 3,40 |
Ouvriers | 86,00 | 14,00 | 4,60 | 6,10 | 1,50 | 1,80 |
Retraités | 90,40 | 9,60 | 5,90 | 2,00 | 0,40 | 1,30 |
Autres inactifs | 81,70 | 18,30 | 5,10 | 5,90 | 3,30 | 4,00 |
Moyenne | 84,90 | 15,10 | 5,20 | 5,40 | 1,80 | 2,80 |
La qualité de l’inscription selon la PCS (en %)
20 L’inscription, tout comme la participation électorale, ne se joue sans doute pas exclusivement sur un mode individuel (Zuckerman, 2005 ; Huckfeldt et Sprague, 1995). Il y a tout lieu de faire l’hypothèse que, comme le vote, les démarche d’inscription et de réinscription dépendent des groupes, en particulier primaires, au sein desquels sont insérés les individus (Johnston, Pattie et al., 2001, p. 195-216 ; Pattie et Johnston, 1999, p. 877-889 ; Johnston, Jones et al., 2005, p. 201-225 ; Verba et al., 2005, p. 95-116 ; Buton et al., 2012, p. 434-447). Le rappel à l’ordre civique, les micro-pressions sociales, les effets d’entraînement et les incitations susceptibles d’être produits au sein des couples, des familles et plus globalement des ménages sont autant de facteurs contextuels susceptibles de générer une démarche d’inscription ou de réinscription sur les listes. Ce que confirment nos résultats, qui permettent d’établir l’existence d’une relation forte entre le mode de cohabitation des individus et leurs chances d’être bien-inscrits sur les listes électorales (Tableau 6).
La qualité de l’inscription selon le mode de cohabitation (en %)
Mode de cohabitation | Bien-inscrits | Mal-inscrits | Dont mal-inscrits dans la commune de résidence | Dont mal-inscrits dans le même département | Dont mal-inscrits dans la même région | Dont mal-inscrits dans une autre région |
Enfant d’un couple | 91,10 | 8,90 | 4,80 | 2,50 | 1,00 | 0,60 |
Enfant d’une famille monoparentale | 85,90 | 14,10 | 5,50 | 6,30 | 1,20 | 1,10 |
Adulte d’un couple sans enfant | 86,50 | 13,50 | 5,50 | 4,30 | 1,20 | 2,50 |
Adulte d’un couple avec enfant(s) | 87,40 | 12,60 | 4,50 | 4,80 | 1,20 | 2,00 |
Adulte d’une famille monoparentale | 82,10 | 17,90 | 6,70 | 8,50 | 1,50 | 1,20 |
Personne vivant hors famille dans un ménage de plusieurs personnes | 74,20 | 25,80 | 5,90 | 8,30 | 5,30 | 6,30 |
Personne vivant seule | 79,40 | 20,60 | 5,70 | 6,80 | 3,20 | 4,90 |
Personne vivant hors ménage | 31,50 | 68,50 | 5,60 | 30,30 | 12,30 | 20,20 |
Moyenne | 84,90 | 15,10 | 5,20 | 5,40 | 1,80 | 2,80 |
La qualité de l’inscription selon le mode de cohabitation (en %)
21 Les adultes en couples sont ainsi légèrement mieux inscrits que les adultes d’une famille monoparentale, résultat congruent avec ceux d’études anglo-saxonnes établissant la plus faible capacité d’entraînement électoral des ménages monoparentaux (Alex-Assensoh, 1998 ; Wolfinger et Wolfinger, 2008, p. 1513-1528). Le fait que les enfants de famille monoparentale soient moins bien-inscrits que ceux des couples va dans le même sens. Les individus vivant « hors famille », « hors ménage » ou « seuls » sont également plus souvent mal-inscrits que la moyenne, ce qui pourrait confirmer le caractère déterminant des effets d’entraînement produits au sein de la famille, tout particulièrement au sein du couple, y compris en matière de réinscription sur les listes électorales.
22 Enfin, comme cela était prévisible, la mobilité résidentielle est fortement associée à la mal-inscription. Les individus ayant changé de département ou de région entre 2005 et 2010 sont ainsi près de 40 % à être identifiés comme mal-inscrits sur les listes électorales de 2012 (Tableau 7).
Mobilité résidentielle | Bien-inscrits | Mal-inscrits | Dont mal-inscrits dans la commune de résidence | Dont mal-inscrits dans le même département | Dont mal-inscrits dans la même région | Dont mal-inscrits dans une autre région |
N’a pas changé de logement | 90,70 | 9,30 | 5,20 | 2,30 | 0,70 | 1,10 |
A changé de logement mais pas de commune | 77,60 | 22,40 | 9,30 | 8,50 | 1,80 | 2,80 |
A changé de commune mais pas de département | 71,80 | 28,20 | 3,40 | 21,70 | 1,10 | 2,00 |
A changé de département mais pas de région | 61,20 | 38,80 | 2,40 | 5,30 | 26,80 | 4,40 |
A changé de région en métropole | 61,50 | 38,50 | 4,00 | 6,00 | 3,50 | 25,00 |
N’habitaient pas en métropole | 64,90 | 35,10 | 7,40 | 7,20 | 1,20 | 19,30 |
Total | 84,90 | 15,10 | 5,20 | 5,40 | 1,80 | 2,80 |
23 Mieux mesurer le poids spécifique de chacune des variables examinées jusqu’à présent impose de procéder à une analyse de régression. Toutes nos variables sont, en effet, corrélées à la mobilité résidentielle qui représente, elle-même, l’un des principaux facteurs de la mal-inscription. Un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » doit donc permettre de mieux mesurer la force explicative des propriétés démographiques et sociales sur les probabilités d’être mal-inscrit.
La jeunesse et le fait de vivre hors famille surdéterminent les risques de mal-inscription
24 Nous avons donc réalisé une analyse de régression logistique multinomiale permettant de mesurer le poids des facteurs socio-démographiques sur les différents types de mal-inscription. La modalité de référence de la variable dépendante sélectionnée est « bien-inscrit ». Notre modèle permet ainsi de mesurer l’influence de nos variables indépendantes sur les chances d’être « mal-inscrits intracommunaux » ou « mal-inscrits dans le département de résidence », ou « mal-inscrits dans la région de résidence » ou bien encore « mal-inscrits dans une autre région » plutôt que d’être « bien-inscrits ».
25 Pour mener à bien et alléger ce modèle de régression, nous avons exclu les variables qui nous semblaient les moins utiles pour l’explication du phénomène – le genre et la taille de la commune – ainsi que la mobilité résidentielle dont la relation causale à la mal-inscription est évidente et dont l’inclusion dans le modèle aurait pour conséquence d’atténuer la force des déterminants sociaux que nous cherchons précisément à identifier. Les variables explicatives testées sont donc la classe d’âge, le niveau d’études, la PCS et le mode de cohabitation. La modalité de référence retenue pour chacune de ces variables est celle où le taux de bonne inscription est le plus élevé : « plus de 65 ans » pour l’âge, « primaire » pour le niveau d’études (recodé en quatre modalités) et « retraités » pour la PCS (les effectifs des « agriculteurs » n’étant pas adaptés à cette modélisation). Pour plus de réalisme sociologique, nous n’avons, en revanche, pas retenu « enfant d’un couple » mais « adulte d’un couple sans enfant » pour ce qui concerne le mode de cohabitation (Tableau 8).
Analyse de régression logistique multinomiale des risques d’être mal-inscrit selon les caractéristiques socio-démographiques et contextuelles (donnée de référence de la variable dépendante : « bien-inscrit »)
Type de
mal-inscription 1 Intracommunale |
Type de
mal-inscription 2 Dans le même département |
Type de
mal-inscription 3 Dans la même région |
Type de
mal-inscription 4 Dans une autre région | |||||
B | Exp (B) | B | Exp (B) | B | Exp (B) | B | Exp (B) | |
ÂGE | ||||||||
18-24 ans | , 053*** (, 005) | 1,054 | 2,728*** (, 006) | 15,308 | 3,250*** (, 010) | 25,784 | 3,150*** (, 007) | 23,328 |
25-34 ans | , 065*** (, 004) | 1,067 | 2,744*** (, 005) | 15,545 | 2,533*** (, 009) | 12,588 | 2,605*** (, 006) | 13,536 |
35-49 ans | - , 163*** (, 004) | , 849 | 1,503*** (, 005) | 4,495 | 1,209*** (, 009) | 3,351 | 1,179*** (, 006) | 3,252 |
50-64 ans | - , 138*** (, 003) | , 871 | , 688*** (, 005) | 1,990 | , 281*** (, 009) | 1,324 | , 634*** (, 005) | 1,884 |
Plus 65 ans réf. | 0 | . | 0 | . | 0 | . | 0 | . |
NIVEAU D’ÉTUDES | ||||||||
Collège | , 137*** (, 002) | 1,147 | - , 031*** (, 002) | , 969 | , 091*** (, 005) | 1,095 | - , 001 (, 004) | , 999 |
Lycée | , 199*** (, 002) | 1,220 | , 184*** (, 003) | 1,202 | , 529*** (, 005) | 1,697 | , 451*** (, 004) | 1,570 |
Supérieur | , 145*** (, 002) | 1,157 | , 224*** (, 003) | 1,251 | , 543*** (, 005) | 1,722 | , 682*** (, 004) | 1,978 |
Primaire réf. | 0 | . | 0 | . | 0 | . | 0 | . |
PCS | ||||||||
Agriculteurs | - , 644*** (, 009) | , 525 | - , 931*** (, 012) | , 394 |
. . | . | - 2,207*** (, 026) | , 110 |
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise | , 244*** (, 004) | 1,276 | , 315*** (, 006) | 1,370 | - , 397*** (, 015) | , 672 | , 019*** (, 007) | 1,019 |
Cadres et professions intellectuelles supérieures | - , 051*** (, 004) | , 950 | , 359*** (, 005) | 1,432 | 1,327*** (, 009) | 3,771 | , 383*** (, 006) | 1,467 |
Professions intermédiaires | , 026*** (, 003) | 1,027 | , 435*** (, 005) | 1,545 | , 666*** (, 009) | 1,946 | - , 309*** (, 006) | , 735 |
Employés | , 197*** (, 003) | 1,218 | , 477*** (, 005) | 1,611 | , 683*** (, 009) | 1,980 | - , 066*** (, 006) | , 937 |
Ouvriers | - , 013*** (, 003) | , 987 | , 289*** (, 005) | 1,335 | , 364*** (, 010) | 1,439 | - , 532*** (, 006) | , 587 |
Autres inactifs | , 091*** (, 003) | 1,095 | , 368*** (, 005) | 1,445 | 1,024*** (, 009) | 2,784 | , 298*** (, 006) | 1,347 |
Retraités réf. | 0 | . | 0 | . | 0 | . | 0 | . |
MODE DE COHABITATION | ||||||||
Enfant d’un couple | - , 354*** (, 004) | , 702 | - 2,291*** (, 004) | , 101 | - 2,719*** (, 007) | , 066 | - 3,450*** (, 007) | , 032 |
Enfant d’une famille monoparentale | - , 118*** (, 005) | , 889 | - 1,154*** (, 004) | , 316 | - 2,209*** (, 009) | , 110 | - 2,632*** (, 009) | , 072 |
Adulte d’un couple avec enfant(s) | - , 182*** (, 002) | , 833 | - , 525*** (, 002) | , 592 | - , 670*** (, 004) | , 512 | - , 631*** (, 003) | , 532 |
Adulte d’une famille monoparentale | , 261*** (, 003) | 1,299 | , 353*** (, 003) | 1,424 | - , 076*** (, 007) | , 927 | - , 809*** (, 007) | , 445 |
Personne vivant hors famille dans un ménage de plusieurs personnes | , 203*** (, 004) | 1,225 | - , 058*** (, 004) | , 943 | , 372*** (, 005) | 1,451 | , 083*** (, 004) | 1,087 |
Personne vivant seule | , 142*** (, 002) | 1,152 | , 498*** (, 002) | 1,646 | , 885*** (, 003) | 2,422 | , 701*** (, 003) | 2,016 |
Adulte d’un couple sans enfant réf. | 0 | . | 0 | . | 0 | . | 0 | . |
Constante | - 2,846*** (, 002) | - 4,427*** (, 003) | - 6,029*** (, 006) | - 4,782*** (, 004) |
Analyse de régression logistique multinomiale des risques d’être mal-inscrit selon les caractéristiques socio-démographiques et contextuelles (donnée de référence de la variable dépendante : « bien-inscrit »)
Note : Les erreurs standards sont indiquées entre parenthèses. Seuil de significativité : *** < 1 % ; ** < 5 % ; * < 10 %.26 On constate, en premier lieu, que toutes les modalités des variables testées (à deux exceptions près) satisfont très largement aux exigences de significativité statistique. En deuxième lieu, il apparaît que les deux variables dont les changements de modalité ont le plus d’impact sur les risques d’être mal-inscrits sont, d’une part, le mode de cohabitation et, d’autre part, l’âge. Comparées aux « enfants d’un couple », c’est-à-dire à des individus ayant pour la plupart bénéficié de la procédure d’inscription d’office et qui n’ont pas encore quitté le domicile parental, toutes les autres catégories présentent des risques bien plus élevés de mal-inscription. Ces risques restent plus contenus chez les adultes d’un couple avec enfant(s), ce qui paraît confirmer que la famille est bien l’un des éléments-clés du dispositif informel de mobilisation électorale (Braconnier, 2010a). Les ménages monoparentaux semblent moins à même de générer de l’inscription sur les listes électorales : pour les enfants comme pour les adultes, la situation de monoparentalité augmente presque par deux les risques d’être mal-inscrit par rapport aux situations de couples. L’analyse de régression fait également mieux ressortir le lien pouvant exister entre le fait d’être « hors famille » et les risques de mal-inscription. Il apparaît plus nettement, dans le cadre de ce modèle statistique, que les « personnes vivant seules » sont celles qui présentent les plus hauts risques de mal-inscription. Par exemple, dans ce dernier cas de figure, à âge, niveau d’études et PCS contrôlés, les risques pour des personnes seules d’être mal-inscrites dans une autre région que celle où elles résident sont 64 fois supérieurs à ceux des enfants d’un couple.
27 L’âge est, lui aussi, largement prédictif des risques d’être mal-inscrit. Ici également, même à niveau d’études équivalent, PCS et mode de cohabitation contrôlés, les deux tranches d’âge les plus jeunes (18-24 ans et 25-34 ans) présentent des risques bien plus élevés de mal-inscription que les plus de 65 ans. Nos résultats établissent aussi que les risques de mal-inscription diminuent considérablement au-delà de 35 ans.
28 L’analyse de régression permet, en troisième lieu, de préciser les relations entre ces facteurs socio-démographiques, d’un côté, et le type de mal-inscription, de l’autre. Les résultats révèlent, en effet, que la sociologie de la mal-inscription à l’intérieur du département de résidence (« mal-inscrits intracommunaux » et « dans le département de résidence ») et celle de la mal-inscription hors du département de résidence (« mal-inscrits dans un autre département » et « dans une autre région ») diffèrent sensiblement. L’influence de l’âge et du mode de cohabitation est, en effet, bien plus importante lorsque les individus sont mal-inscrits dans un autre département ou une autre région que ceux où ils résident. Ainsi, les 18-24 ans présentent-ils près de 26 fois plus de risques que les plus de 65 ans d’être mal-inscrits dans un autre département et 24 fois plus de risques de l’être dans une autre région. De même, les personnes vivant seules présentent-elles près de 37 fois plus de risques d’être mal-inscrites dans un autre département et 63 fois plus de risques de l’être dans une autre région que les enfants d’un couple. En revanche, le poids de ces facteurs se réduit fortement lorsque la mal-inscription est intradépartementale et plus encore intracommunale. Pour ne prendre que l’âge, les 18-24 ans « ne » présentent « plus que » 15 fois plus de risques que les plus de 65 ans d’être mal-inscrits au sein de leur département de résidence. Et ce surcroît de risque lié à l’âge disparait presque complètement dans le cas de la mal-inscription intracommunale.
29 La prise en compte du niveau d’études et de la PCS permet encore d’affiner cette dimension spatiale de la sociologie de la mal-inscription. Elle révèle, en effet, que la mal-inscription intradépartementale affecte de manière à peu près équivalente les non-diplômés et les diplômés, les catégories populaires et les catégories supérieures. Cette mal-inscription s’inscrit, sans doute, dans des processus de périurbanisation ou de rurbanisation, qui concernent tout autant les employés et les ouvriers que les cadres. En revanche, la mal-inscription dans un autre département ou une autre région touche en priorité les populations les plus diplômées et les plus qualifiées, en particulier les étudiants et les cadres ; sans doute parce que ce sont les segments de la population les plus susceptibles de changer de département ou de région au gré de leur cursus universitaire et professionnel. La situation de mal-inscrit hors de son département de résidence affecte donc principalement les segments les plus jeunes des catégories supérieures de la population.
La mal-inscription : facteur le plus déterminant de l’abstention constante
30 La mal-inscription n’aurait guère d’intérêt si elle n’influait pas sur la participation électorale. Quelle importance y aurait-il, en effet, à ce que les individus soient bien- ou mal-inscrits si cela n’avait aucune incidence sur leurs chances de se rendre aux urnes les jours de scrutin ? C’est pourquoi nous avons mesuré l’impact de la qualité de l’inscription sur les risques d’abstention. Notre base de données le permet avec une grande précision puisque la participation des 39 728 individus qui la composent a été directement contrôlée par les enquêteurs de l’INSEE sur les listes d’émargements, en préfecture, lors des quatre tours de scrutin de la présidentielle et des législatives de 2012. Le fait de disposer de données d’une grande fiabilité sur ces quatre tours de scrutin mène à établir des résultats particulièrement solides. N’avoir voté à aucun de ces quatre tours indique des abstentionnistes que l’on peut qualifier sans aucun doute de « constants » sur cette séquence. De même, la répétition de ces quatre tours conduit-elle à l’inverse à identifier des votants constants ou à mesurer des modalités variables d’intermittence électorale. Enfin, la succession de la présidentielle et des législatives permet d’observer les effets de la mal-inscription dans deux contextes d’intensité électorale très différents (Tableau 9).
La participation à la présidentielle et aux législatives de 2012 selon la qualité de l’inscription (en %)
Qualité de l’inscription | Vote à la présidentielle et aux législatives | Vote seulement à la présidentielle | Vote seulement aux législatives | Abstention à la présidentielle et aux législatives | Total |
Bien-inscrits | 68,90 | 20,60 | 0,70 | 9,70 | 100 |
Mal-inscrits dans la commune de résidence | 65,00 | 19,60 | 0,80 | 14,50 | 100 |
Mal-inscrits dans le même département | 46,30 | 26,50 | 0,80 | 26,50 | 100 |
Mal-inscrits dans la même région | 46,80 | 26,20 | 0,40 | 26,50 | 100 |
Mal-inscrits dans une autre région | 43,80 | 23,60 | 1,10 | 31,50 | 100 |
Moyenne | 66,40 | 21,10 | 0,70 | 11,80 | 100 |
La participation à la présidentielle et aux législatives de 2012 selon la qualité de l’inscription (en %)
31 D’une part, le risque d’être un abstentionniste constant au cours des quatre tours de scrutin du printemps 2012 est trois fois plus élevé lorsqu’on est inscrit dans une autre commune que lorsqu’on est inscrit au bureau de vote le plus proche de son domicile : 28,2 % [8] contre 9,7 %. Ce résultat confirme, d’autre part, que les bien-inscrits restent très largement participationnistes, au moins sur un mode intermittent, puisque plus de 90 % d’entre eux ont voté en 2012.
32 Il en résulte que la mal-inscription contribue de manière significative à l’augmentation de l’abstentionnisme constant. Alors que les mal-inscrits dans une autre commune représentent 11,1 % des inscrits, ils expliquent à eux seuls 23,4 % de l’abstentionnisme constant. De surcroît, être mal-inscrit à l’intérieur de sa propre commune de résidence suffit à augmenter de 4,8 points les risques d’être un abstentionniste constant. Ce qui confirme qu’une élévation, même légère, des coûts matériels de production des votes – ici réaliser un déplacement intracommunal de plus de 1 500 mètres – suffit à faire basculer dans l’abstentionnisme constant une petite fraction des électeurs concernés.
33 Enfin, la mal-inscription influe également sur les risques d’être un électeur très intermittent. Si près des trois quarts des mal-inscrits dans une autre commune votent en 2012 (72,1 %), ils sont moins de la moitié (45,7 %) à voter à la fois à la présidentielle et aux législatives (contre 68,9 % des bien-inscrits).
34 Le différentiel de participation que l’on mesure ici est-il une conséquence directe de la qualité de l’inscription ou cette variable masque-t-elle d’autres facteurs qui seraient surdéterminants ? Il est, en effet, possible que la mal-inscription soit elle-même associée à une moindre politisation ou à un déficit de sens civique, et donc qu’elle ne soit qu’une cause indirecte et peut-être non décisive du surcroît d’abstention que l’on enregistre parmi les mal-inscrits. Les données issues du recensement ne contiennent pas de questions relatives à la politique ou à la citoyenneté et ne nous permettent donc malheureusement pas d’établir la part propre de la mal-inscription dans l’abstention à niveaux de politisation ou de sens civique contrôlés. À partir de notre base de données, la seule stratégie qui puisse être mise en œuvre consiste à mobiliser des variables dont on sait qu’elles sont traditionnellement corrélées au niveau de politisation des individus. Il existe, ainsi, une relation étroite entre âge et politisation : la compétence et l’intérêt pour la politique ayant tendance à progresser avec l’âge. De même, le niveau d’études est-il l’un des principaux déterminants de la politisation : à âge égal, les plus diplômés sont aussi en moyenne les plus politisés. Les catégories sociales sont, elles aussi, inégalement politisées : par exemple, les cadres et professions intellectuelles supérieures apparaissent, en moyenne, plus politisés que les ouvriers (Verba et Nie, 1972 ; Gaxie, 1978 ; Verba et al., 1995 ; Michelat et Simon, 2004). Produire une analyse de régression incluant ces différentes variables offre ainsi un moyen indirect de mieux tester le poids spécifique de la mal-inscription sur les risques d’abstention. Dans la même perspective, le modèle de régression intègre le « mode de cohabitation » dont on a rappelé qu’il constitue une variable explicative de la participation électorale, la famille et tout spécialement le couple exerçant un effet d’entraînement pouvant s’avérer déterminant sur la production des votes. Enfin, notre modèle inclut la taille de la commune de résidence, la participation étant traditionnellement plus élevée dans les petites communes.
35 Pour mener l’analyse de régression, nous avons dichotomisé la variable dépendante de la manière suivante : avoir participé à au moins un tour de la présidentielle et/ou des législatives (codé 0) versus ne pas avoir voté au printemps 2012. Pour chacune des variables indépendantes, nous avons choisi comme modalité de référence celle où l’abstention constante est la plus faible au cours du printemps 2012 : être un homme, avoir entre 50 et 64 ans, avoir un diplôme supérieur ou égal à un deuxième cycle universitaire, être agriculteur, être adulte d’un couple avec enfant(s), résider dans une commune de moins de 10 000 habitants et, enfin, être inscrit sur son lieu exact de résidence (Tableau 10).
Analyse de régression logistique binaire des risques d’abstention constante à la présidentielle et aux législatives 2012 selon les caractéristiques socio-démographiques, contextuelles et la qualité de l’inscription
B | Exp (B) | |
SEXE | ||
Hommes réf. | ||
Femmes | - , 024*** (, 001) | 0,976 |
ÂGE | ||
18-24 ans | , 387*** (, 003) | 1,472 |
25-34 ans | , 818*** (, 002) | 2,266 |
35-49 ans | , 340*** (, 002) | 1,405 |
50-64 ans réf. | ||
65-79 ans | , 205*** (, 003) | 1,228 |
Plus 80 ans | 1,466*** (, 003) | 4,333 |
PCS | ||
Agriculteurs réf. | ||
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise | 1,290*** (, 009) | 3,631 |
Cadres, professions intellectuelles supérieures | , 939*** (, 009) | 2,557 |
Professions intermédiaires | , 955*** (, 009) | 2,599 |
Employés | , 944*** (, 009) | 2,569 |
Ouvriers | 1,219*** (, 009) | 3,383 |
Retraités | 1,013*** (, 009) | 2,753 |
Autres inactifs | 1,053*** (, 009) | 2,865 |
NIVEAU D’ÉTUDES | ||
Pas de scolarité | 1,671*** (, 006) | 5,319 |
Aucun diplôme mais scolarité jusqu’en école primaire ou au collège | 1,776*** (, 003) | 5,907 |
Aucun diplôme mais scolarité au-delà du collège | 1,649*** (, 003) | 5,204 |
CEP (certificat d’études primaires) | 1,453*** (, 003) | 4,276 |
BEPC, brevet élémentaire, brevet des collèges | 1,066*** (, 003) | 2,903 |
CAP, brevet de compagnon | 1,160*** (, 003) | 3,191 |
BEP | , 946*** (, 003) | 2,576 |
Baccalauréat général, brevet supérieur | , 640*** (, 003) | 1,896 |
Baccalauréat technologique ou professionnel, brevet professionnel ou de technicien, BEA, BEC, BEI, BEH, capacité en droit | , 699*** (, 003) | 2,012 |
Diplôme de 1er cycle universitaire, BTS, DUT, diplôme des professions sociales ou de la santé, d’infirmier (ère) | , 396*** (, 003) | 1,485 |
Égal ou supérieur deuxième cycle réf. | ||
MODE DE COHABITATION | ||
Enfant d’un couple | , 801*** (, 002) | 2,227 |
Enfant d’une famille monoparentale | , 958*** (, 003) | 2,606 |
Adulte d’un couple sans enfant | - , 086*** (, 002) | 0,918 |
Adulte d’un couple avec enfant(s) réf. |
Adulte d’une famille monoparentale | , 484*** (, 003) | 1,622 |
Personne vivant hors famille dans un ménage de plusieurs personnes | , 669*** (, 003) | 1,951 |
Personne vivant seule | , 397*** (, 002) | 1,487 |
Personne vivant hors ménage | 1,125*** (, 004) | 3,081 |
TAILLE DELA COMMUNE DE RÉSIDENCE | ||
Moins de 10 000 habitants réf. | ||
Plus de 10 000 habitants | , 182*** (, 001) | 1,199 |
QUALITÉ DE L’INSCRIPTION | ||
Inscrit lieu de résidence réf. | ||
Inscrit dans un autre quartier de sa commune | , 333*** (, 002) | 1,395 |
Inscrit dans une autre commune de son département | 1,315*** (, 002) | 3,726 |
Inscrit dans un autre département | 1,360*** (, 003) | 3,895 |
Inscrit dans une autre région | 1,732*** (, 002) | 5,651 |
Constante | - 5,140*** (, 009) | 0,006 |
Analyse de régression logistique binaire des risques d’abstention constante à la présidentielle et aux législatives 2012 selon les caractéristiques socio-démographiques, contextuelles et la qualité de l’inscription
Note : Les erreurs standards sont indiquées entre parenthèses. Seuil de significativité : *** < 1 % ; ** < 5 % ; * < 10 %.36 L’analyse de régression confirme que la mal-inscription a bien un impact propre sur la participation électorale. Même en contrôlant son impact par des variables aussi déterminantes que l’âge, le niveau d’études ou le mode de cohabitation, elle reste puissamment prédictive des risques d’être un abstentionniste constant à la présidentielle et aux législatives de 2012 : dès lors que l’on se trouve inscrit dans une autre commune que celle où l’on réside, les risques de ne pas avoir voté sont entre 3,7 et 5,6 fois plus élevés que pour un bien-inscrit. La mal-inscription représente donc bien l’un des facteurs les plus déterminants de l’abstentionnisme constant.
37 Le fait de contrôler la qualité de l’inscription via le modèle de régression permet, en retour, de mieux préciser le poids spécifique de chacun des facteurs socio-démographiques sur les risques d’abstention. Le poids de l’âge s’en trouve ainsi sensiblement atténué. Par rapport aux 50-64 ans, les risques d’abstention constante des 18-24 ans et des 25-34 ans ne sont plus respectivement que de 1,5 et 2,3 contre 1 (alors qu’ils sont de 2,3 et 3,5 contre 1 si l’on exclut du modèle la variable qualité de l’inscription). À l’inverse, à qualité d’inscription contrôlée, les risques d’abstention constante des plus de 80 ans se révèlent bien plus élevés. Ces résultats confirment qu’une part significative de l’abstentionnisme constant des classes d’âge les plus jeunes est une conséquence de leur fréquente situation de mal-inscrits (Ansolabehere et al., 2012, p. 333-363). À l’autre extrémité de la pyramide des âges, les tendances au retrait électoral des plus de 80 ans sont, pour une part, atténuées par leur situation de bien-inscrits.
38 Un constat analogue s’applique aux effets du « mode de cohabitation ». Tenir compte de la mal-inscription atténue légèrement l’impact négatif sur la participation du fait de vivre seul, ou hors famille, ou bien encore hors ménage. Ce qui permet de vérifier que si ces catégories sont particulièrement abstentionnistes, c’est pour une part parce qu’elles sont nettement plus mal inscrites que la moyenne. À l’inverse, les enfants d’un couple ou d’un ménage monoparental voient leur risque d’abstentionnisme constant augmenter dès lors que l’on contrôle la qualité de l’inscription. Ce qui confirme, là aussi, que leur participation s’explique, dans une certaine mesure, par leur bonne qualité d’inscription.
39 Concernant l’impact du diplôme, le fait d’intégrer la mal-inscription dans l’analyse conduit à renforcer la relation observable entre faible niveau d’études et risque d’être abstentionniste constant. Les non-diplômés sont en moyenne plus âgés donc mieux inscrits, ce qui a pour résultat d’atténuer l’effet de l’absence de diplôme sur les risques d’abstention. L’avantage d’un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » intégrant la qualité de l’inscription est ainsi de mieux faire ressortir le poids propre du niveau d’études sur les risques d’abstention. Il en va de même avec la PCS. Tenir compte – ou non – de la qualité de l’inscription conduit à des résultats assez différents en matière de risque d’abstention constante. Ainsi, dès que l’on raisonne à qualité d’inscription contrôlée, les cadres et professions intellectuelles deviennent-ils la PCS présentant le moins de risque d’abstentionnisme constant par rapport aux agriculteurs, qui constituent notre modalité de référence.
40 Ces résultats sont importants au-delà même de l’étude de la mal-inscription comme objet de recherche spécifique. Ils prouvent que les variables les plus classiques de la sociologie de la participation électorale telles que l’âge, le niveau d’études ou la PCS sont corrélées à cette autre variable déterminante qu’est la qualité de l’inscription et pour cette raison partiellement surdéterminées par celle-ci. Ne pas tenir compte de la mal-inscription peut ainsi conduire à surestimer l’influence propre de l’âge ou du mode de cohabitation sur la participation ou, à l’inverse, à sous-estimer l’influence en réalité très forte du niveau d’études. Cela peut également conduire à prêter à une catégorie telle que les cadres et professions intellectuelles supérieures des dispositions plus réduites à la participation, alors même que le risque abstentionniste est, dans cette catégorie, principalement déterminé par une forte mal-inscription qui est, elle-même, en France comme aux États-Unis, la conséquence d’une importante mobilité résidentielle (Squire et al., 1987, p. 45-65 ; Franklin, 2005). De tels résultats soulignent le risque encouru à ignorer la qualité de l’inscription dans les modèles explicatifs du vote qui empêche d’enregistrer l’impact spécifique des variables socio-démographiques sur les chances de participation électorale.
41 Les données analysées ici permettent d’établir avec précision les contours de la mal-inscription et de mesurer à quel point ce phénomène est devenu un enjeu majeur en matière de participation électorale des citoyens, dans une société aussi urbanisée et mobile que la société française en 2012. Une des dimensions du phénomène reste cependant inaccessible à partir de la base dont nous disposons : celle de la mal-inscription volontaire. Une partie des citoyens reste mal inscrite par choix délibéré : il s’agit, par exemple, de personnes préférant continuer de voter dans leur commune d’origine, ou encore d’étudiants, dont l’adresse parentale reste celle de référence en matière administrative, dans une période de leur vie marquée par une forte incertitude résidentielle. Un certain nombre d’électeurs préfèrent également être inscrits et voter dans la commune où ils possèdent une résidence secondaire. Il serait évidemment intéressant de disposer de données permettant de mieux mesurer cette dimension du phénomène et d’établir si cette mal-inscription délibérée, tout particulièrement après l’âge de 30 ans, réduit les risques d’abstention comparée à l’ensemble de la catégorie des mal-inscrits.
42 Pour le reste, les données sur lesquelles reposent nos mesures de la mal-inscription et de son impact sur la participation sont particulièrement solides, en raison de la taille de l’échantillon mobilisé et du fait décisif, dans ce type d’études, qu’elles ne reposent pas sur de simples déclarations : la participation électorale est directement établie à partir des listes d’émargements et la mal-inscription par comparaison de l’adresse de recensement et de l’adresse électorale. Concernant la précision de nos mesures, la principale limite, nous l’avons déjà évoquée, réside dans le fait que l’adresse de recensement a été établie en 2010 tandis que l’adresse électorale est celle de 2012. En conséquence, les individus de notre échantillon qui ont déménagé en 2011 ou dans les quatre premiers mois de 2012 contribuent à réduire la précision de nos résultats. Ainsi, parmi ceux que nous avons identifiés comme « bien-inscrits », certains n’habitent plus depuis 2011 (voire 2012) le même quartier ou la même ville et sont donc, en réalité, devenus des « mal-inscrits ». À l’inverse, parmi les « mal-inscrits », certains ont en réalité emménagé en 2011 à l’adresse qui est la leur sur les listes électorales en 2012 et sont donc, en réalité, des « bien-inscrits ». Quelle est l’ampleur du risque encouru ? À partir des données fournies par l’INSEE, on peut estimer qu’entre 7,5 % et 10 % des ménages changent de logement chaque année [9] (Sigaut, 2014). Entre janvier 2011 et avril 2012, ce sont donc potentiellement environ 8 % des électeurs recensés sur notre base qui sont susceptibles d’avoir changé d’adresse. Ces 8 % constituent donc le potentiel d’erreur dont il faut tenir compte dans l’interprétation de nos mesures. Il n’y a cependant aucune raison de penser que ces 8 % se concentrent plus particulièrement dans le groupe des « bien-inscrits » ou dans celui des « mal-inscrits ». Ce qui signifie que les « bien-inscrits » identifiés comme « mal-inscrits » et les « mal-inscrits » identifiés comme « bien-inscrits » pourraient se compenser (voir supra), avec pour conséquence de ne guère modifier le volume de nos deux groupes. Il est également important de rappeler que les années précédant un scrutin présidentiel sont celles où les réinscriptions sur les listes électorales sont, et de très loin, les plus fréquentes (Braconnier et Dormagen, 2007b). Ce qui révèle que la « mal-inscription » a, selon toute probabilité, progressé depuis la présidentielle de 2012 et que nos mesures correspondent probablement à des estimations moyennes, si ce n’est basses, du phénomène. Il convient, enfin, de rappeler que la mobilité résidentielle est très inégale selon les catégories sociales. Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont ainsi bien plus mobiles que les agriculteurs ou les retraités. Parmi les inscrits sur les listes électorales, entre 2005 et 2010, plus du tiers (34,3 %) des cadres ont ainsi changé de logement contre seulement 6,1 % des agriculteurs et 7,5 % des retraités. De même, l’élévation du niveau d’études va-t-elle de pair avec une mobilité résidentielle accrue. Il en résulte que le décalage entre données du recensement et données électorales conduit sans doute à minorer encore l’ampleur relative de la mal-inscription dans les couches supérieures de la population active.
43 Malgré ces légères imprécisions, le fait que nous ayons établi une relation statistique forte entre qualité de l’inscription et probabilité de participer aux élections est un élément de validation supplémentaire des groupes d’électeurs bien- et mal-inscrits que nous avons construits. Mais il résulte des remarques précédentes que notre estimation de l’impact de la qualité de l’inscription sur la participation électorale est une estimation a minima. Le fait qu’une fraction des « mal-inscrits » soit en réalité des « bien-inscrits » contribue à atténuer notre mesure d’impact de la mal-inscription sur les risques d’abstentionnisme systématique. À l’inverse, si le groupe des bien-inscrits ne comprenait aucun mal-inscrit, son taux d’abstentionnisme constant serait encore plus réduit, avec pour conséquence de renforcer davantage la thèse selon laquelle les bien-inscrits participent à plus de 90 % au scrutin présidentiel. En résumé, la marge d’erreur résultant des contraintes de construction de notre base de données ne peut conduire à invalider le résultat principal de notre étude : la mal-inscription constitue aujourd’hui l’un des facteurs les plus prédictifs des risques d’abstentionnisme constant.
44 Concernant l’analyse des facteurs de cette mal-inscription, les limites de notre étude tiennent, là aussi, à la nature des variables que nous avons pu mobiliser. Le questionnaire servant au recensement n’a pas été conçu à des fins d’études électorales, et il nous manque en conséquence des variables permettant de mesurer la politisation ou le sens civique de manière à établir la part de ce type de facteur dans la mal-inscription, puis la participation électorale. Nos résultats tendent cependant à indiquer qu’il n’y a sans doute pas de relation directe entre niveau de politisation et risques de mal-inscription. Sinon, il serait difficile de comprendre pourquoi ce sont des catégories traditionnellement plus politisées que la moyenne telles que les cadres et professions intellectuelles supérieures ou les plus diplômés qui présentent les plus hauts risques de mal-inscription. Les données issues du « Panel électoral français » 2007 vont d’ailleurs exactement dans le même sens : elles ne font apparaître aucune relation entre la mal-inscription extracommunale et l’intérêt déclaré pour la politique [10]. Autant d’éléments qui distinguent la sociologie des mal-inscrits de la sociologie des non-inscrits.
45 L’existence d’une relation étroite entre taux de mal-inscription et taux de mobilité invite, par ailleurs, à lever la principale objection qui pourrait être soulevée quant à la relation entre qualité de l’inscription et chances de participation électorale. S’il n’y avait pas de lien direct entre ces deux phénomènes, la mal-inscription pourrait éventuellement être considérée comme la conséquence d’une plus faible politisation ou d’une moindre disposition politique à voter. Les citoyens seraient en situation de mal-inscription parce qu’ils ne souhaiteraient pas voter. Dans cette perspective, le fait que les groupes les plus mobiles soient les plus mal-inscrits, que certains de ces groupes soient plus politisés que la moyenne (cadres et professions intellectuelles supérieures, diplômés du supérieur, etc.) et le fait qu’à qualité d’inscription contrôlée leurs chances de participation soient d’ailleurs plus élevées que la moyenne, tout cela conforte la thèse selon laquelle les individus sont inégalement participationnistes, pour une part parce qu’ils sont inégalement bien-inscrits, et qu’ils sont inégalement bien-inscrits parce qu’ils sont inégalement mobiles.
46 De cet ensemble de constats, il résulte que la procédure d’inscription, telle qu’elle est organisée en France, contribue à faire basculer dans l’abstention intermittente ou constante des segments de l’électorat dont les caractéristiques socioculturelles vont pourtant en général de pair avec des dispositions à la participation politique. Simplifier et alléger cette procédure auraient ainsi pour probable conséquence de réduire la part de l’abstention résultant de la mal-inscription [11]. L’enjeu est devenu d’autant plus important que, dans une société de plus en plus mobile, la qualité de l’inscription sur les listes électorales pourrait encore se détériorer dans les années à venir.
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Mots-clés éditeurs : BSTENTION, ON-INSCRIPTION, ROCÉDURE D’INSCRIPTION, AL-INSCRIPTION, ARTICIPATION ÉLECTORALE, L, M, N, A, ISTESÉLECTORALES, P
Mise en ligne 08/04/2016
https://doi.org/10.3917/rfs.571.0017Notes
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[1]
Entre 1980 et 2004, on estime, en se fondant sur le « Current Population Survey », que 70 % des citoyens américains en droit de voter qui se sont abstenus n’étaient pas inscrits sur les listes électorales.
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[2]
La mobilité résidentielle a néanmoins été identifiée de longue date aux États-Unis comme l’un des grands déterminants de l’abstention, et des travaux récents établissent de façon convaincante que c’est bien parce qu’elle implique de se réinscrire et que cette réinscription représente un coût trop élevé que la mobilité constitue un facteur d’abstention (Highton, 2000, p. 109-120).
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[3]
Ces chiffres ont été produits directement à partir de la base de données issue du « Panel électoral français » 2007, CEVIPOF-ministère de l’Intérieur. Il s’agit des données de la première vague, non redressées.
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[5]
Dans les villes de moins de 10 000 habitants, cette notion de « mal-inscription intracommunale » n’a, pour des raisons d’échelle évidente, guère de sens et n’a donc pas été mesurée.
-
[6]
Il est, en effet, logique que des jeunes recensés à 18 ans en 2010 et ayant bénéficié de la procédure d’inscription d’office soient, pour la quasi-totalité, identifiés comme bien-inscrits en 2012. Si ceux-ci ont déménagé en 2011 ou en 2012, nous n’avons pas les moyens d’identifier leur basculement dans la mal-inscription.
-
[7]
Une étude récente établit que l’inscription constitue la variable cachée de l’âge comme déterminant de la participation électorale : la très mauvaise qualité de l’inscription des jeunes et leur faible niveau d’inscription expliquant largement leur faible participation électorale (Ansolabehere et al., 2012, p. 333-363).
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[8]
Il s’agit de la moyenne de l’abstention constante des individus inscrits dans une autre commune, un autre département ou une autre région que ceux où ils résident effectivement.
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[9]
Voir aussi « La mobilité des Français. Panorama issu de l’enquête nationale Transports et déplacements 2008 », Revue du commissariat général au développement durable, décembre 2010. Cette proportion de ménages qui déménagent est élevée, mais nettement moins qu’aux États-Unis, où l’on estimait déjà, dans les années 1980, que le tiers des citoyens changeait de résidence en deux ans (Squire et al., 1987, p. 45-65).
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[10]
« Panel électoral français » 2007, CEVIPOF-ministère de l’Intérieur.
-
[11]
Ce que tendent déjà à montrer les études américaines, qui procèdent soit par comparaison entre États aux législations plus ou moins libérales concernant l’inscription, soit, surtout, par le biais d’expérimentations de terrain. L’abaissement du coût de la procédure d’inscription aux États-Unis améliore d’abord l’inscription des populations les moins prédisposées à voter mais aussi la participation électorale des populations socialement prédisposées à faire entendre leurs voix (Nickerson, 2015, p. 88-101).