Notes
-
[1]
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
-
[2]
Guillaume Drago, « Le partage loi/règlement : un nouvel équilibre à construire », LPA, 19 décembre 2008, p. 65 ; André Roux, « Le nouveau Conseil constitutionnel. Vers la fin de l’exception française ? », JCP G 2008, I, 175.
-
[3]
Exclusivité que le Conseil constitutionnel avait entendu protéger en censurant une modification de l’article 93 du Règlement de l’Assemblée nationale visant à permettre à tout député de demander au Gouvernement d’utiliser l’article 41, avec un débat : « Il ressort de l’article 41 de la Constitution […] que la faculté d’opposer l’irrecevabilité qu’il prévoit, doit résulter de la seule initiative du Gouvernement prise sans que celui-ci ait à exposer au cours d’un débat préalable les raisons de nature à déterminer son appréciation ; que dès lors les dispositions du Règlement qui permettent à tout député de demander au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité en provoquant, de ce fait, un débat sur cette demande, ne sont pas conformes à l’article 41 de la Constitution » (décision n° 95-366 DC du 8 novembre 1995, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale).
-
[4]
Louis Favoreu (dir.), Le domaine de la loi et du règlement, Économica, 1981.
-
[5]
Proposé par le comité « Balladur » (Une Ve République plus démocratique, proposition n° 30), l’article 15 du projet de loi constitutionnelle a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 mai 2008 mais rejeté par le Sénat le 23 juin ; l’Assemblée l’a rétabli en deuxième lecture le 9 juillet avant que le Sénat l’adopte finalement le 16.
-
[6]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[7]
Sénat, séance du 23 juin 2008.
-
[8]
À l’Assemblée nationale, en première lecture : amendement n° 301 ; au Sénat, en première lecture : amendements n° 113 et n° 468, adoptés ; au Sénat, en deuxième lecture : amendement n° 119.
-
[9]
À l’Assemblée nationale, en première lecture : amendement n° 397 ; en deuxième lecture : amendements n° 162 et n° 197 ; au Sénat, en deuxième lecture : amendement n° 59.
-
[10]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[11]
Sénat, séance du 9 juillet 2008.
-
[12]
Sénat, séance du 16 juillet 2008. Nous soulignons.
-
[13]
Pierre Marcilhacy, « L’abominable article 35 », Le Monde, 27 août 1958, p. 6.
-
[14]
Allocution de Michel Debré au Conseil d’État, 27 août 1958, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, III, La Documentation française, 1991, p. 257.
-
[15]
58 amendements sur la loi Falloux au Sénat en 1993, plus de 15000 à l’Assemblée nationale sur la loi relative aux activités postales en 2005 (14587 en première lecture, 101 en deuxième lecture).
-
[16]
45 fois contre des amendements, avec deux saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 61-4 FNR du 14 octobre 1961, Fixation des prix agricoles et décision n° 79-10 FNR du 26 avril 1979, Économie d’énergie) ; 6 fois contre des propositions, avec deux saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 66-7 FNR du 21 décembre 1966, Indemnisation des dommages subis par les rapatriés et décision n° 77-9 FNR du 7 juin 1977, Sécurité sociale des mines).
-
[17]
Selon le relevé d’Eric Oliva (L’article 41 de la Constitution du 4 octobre 1958, initiative législative et Constitution, Économica/PUAM, 1997, p. 549), pour la période 1959-1997 : 79 fois contre des amendements, avec une saisine du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 61-2 FNR du 30 juin 1961, Organisation des corps d’officiers) ; 6 fois contre des propositions, avec 6 saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 59-1 FNR du 27 novembre 1959, Prix des baux à ferme, décision n° 61-3 FNR du 8 septembre 1961, Prix des produits agricoles, décision n° 63-5 FNR du 11 juin 1963, Prime de transport, décision n° 64-6 FNR du 22 mai 1964, Conseil de prud’hommes, décision n° 68-8 FNR du 27 novembre 1968, Qualité de combattant en Algérie et décision n° 79-11 FNR du 23 mai 1979, 8 mai jour férié).
-
[18]
Éric Oliva, op. cit.
-
[19]
Rapport n° 892 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 15 mai 2008.
-
[20]
« Nous savons très bien qu’il existe un grand flou entre les articles 34 et 37 de la Constitution », constate Jean-Jacques Hyest au Sénat le 23 juin. « Il n’y a qu’un domaine qui soit purement réglementaire, c’est la procédure civile ».
-
[21]
Comme l’explique Guillaume Drago, « accepter l’inclusion de dispositions réglementaires dans un texte de loi permet de conserver sa cohérence d’ensemble à une mesure politique ou technique, incluant dans un seul texte de haute valeur normative la totalité du dispositif souhaité par le Gouvernement » (« L’article 15 », LPA, 14 mai 2008, p. 51). Jean-Jacques Hyest le souligne également lors de la séance du 23 juin au Sénat : « Il est parfois utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37, comme nous le faisons fréquemment ».
-
[22]
Circulaire du 19 janvier relative au respect des articles 34 et 37 de la Constitution, JO, n° 18 du 21 janvier 2006, p. 1002 : « Je vous demande […] de veiller à ce que les projets de loi dont vous saisirez le Premier ministre en vue de leur transmission au Conseil d’État soient exempts de toute disposition réglementaire ou non normative ».
-
[23]
CC, n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
-
[24]
CC, n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme.
-
[25]
CC, n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus.
-
[26]
CC, n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence.
-
[27]
Ainsi François de Rugy aborde-t-il l’article 15 sous l’angle de l’équilibre entre les pouvoirs : « C’est un peu une question de principe pour la revalorisation du Parlement et, d’une manière générale, le rééquilibrage des pouvoirs au sein de nos institutions entre l’exécutif et le législatif » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008). De même, Jean-Christophe Lagarde raisonne en termes de « droits du Parlement » face au Gouvernement lorsqu’il regrette qu’« on donne ici un droit nouveau non au Parlement, mais au président de l’Assemblée nationale » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008). Éliane Assassi résume cette manière d’appréhender l’article 15 lorsqu’elle note : « On nous explique qu’étendre aux présidents des assemblées la possibilité d’opposer l’irrecevabilité serait une mesure d’égalité entre ces derniers et le Gouvernement » (Sénat, séance du 16 juillet 2008).
-
[28]
Les articles 14 et 15 du projet de loi constitutionnelle, écrit-il, « pourront très directement favoriser l’amélioration de la qualité de la norme » (rapport n° 892 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 15 mai 2008).
-
[29]
Roger Karoutchi explique ainsi aux sénateurs, le 16 juillet 2008 : « Le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 41 parce que le respect du partage entre loi et règlement participe de l’intelligibilité de la loi » (nous soulignons).
-
[30]
CC n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer (considérant 53) ; CC n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale (considérant 9).
-
[31]
CC n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales (considérant 12).
-
[32]
CC n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
-
[33]
Proposition de loi constitutionnelle n° 1832 tendant à renforcer l’autorité de la loi, du 5 octobre 2004. Elle visait d’une part à inscrire dans la Constitution le caractère normatif des dispositions législatives, d’autre part, par imitation du mécanisme obligatoire de l’article 40, à empêcher la mise en discussion des propositions de loi et des amendements parlementaires excédant le domaine de la loi ou contraires à une délégation accordée en vertu de l’article 38.
-
[34]
Proposition de loi organique n° 2614 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, du 25 octobre 2005. Elle visait à insérer après l’article 25 de la loi organique un article 25-1 rendant systématique le contrôle du caractère législatif ou réglementaire des lois promulguées, le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, ayant six mois pour statuer.
-
[35]
Proposition de résolution n° 2791 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, du 17 janvier 2006. Il s’agissait notamment d’instaurer une procédure d’avis automatique de la commission des lois quant au caractère législatif ou réglementaire des propositions de lois et des amendements parlementaires.
-
[36]
Jean-Louis Debré, Vœux au Président de la République, 3 janvier 2006.
-
[37]
CC, Demande d’avis du 14 septembre 1961.
-
[38]
Sénat, séance du 23 juin 2008.
-
[39]
Sénat, séance du 16 juin 2008.
-
[40]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[41]
C’était le sens de l’amendement n° 423 (Assemblée nationale, première lecture, 20 mai 2008).
-
[42]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[43]
Cette proposition aurait par ailleurs impliqué la constitutionnalisation des présidents des commissions dans l’article 41, ce à quoi la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est opposée. Au reste, comme l’a souligné Jean-Luc Warsmann lors des débats, un système de délégation du président de la chambre aux présidents des commissions est tout à fait envisageable dans les règlements des chambres, à l’image de ce qui se passe à l’Assemblée nationale pour l’article 40. De ce point de vue, « la rédaction du Gouvernement […] n’interdit pas une souplesse dans l’application » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008).
-
[44]
« Nous proposons que […] le Conseil constitutionnel puisse être saisi par un dixième des parlementaires, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit de vérifier la constitutionnalité d’une loi votée » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008).
-
[45]
« Si l’on souhaite effectivement, par ce projet de loi, revaloriser les pouvoirs du Parlement, il me semble qu’il convient non pas de renforcer les seuls pouvoirs du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais d’ouvrir de nouvelles possibilités à l’opposition » (Sénat, séance du 23 juin 2008).
-
[46]
Amendement n° 322 (Assemblée nationale, première lecture, 19 mai 2008) ; amendement n° 373 (Sénat, première lecture, 16 juin 2008) ; amendement n° 220 (Assemblée nationale, deuxième lecture, 7 juillet 2008).
-
[47]
Amendements n° 424 et n° 425 (Assemblée nationale, première lecture, 20 mai 2008).
-
[48]
Alinéa 2 dont on observe au passage qu’il redevient cohérent avec l’alinéa 1 : à quoi servait-il en effet jusque là que le Gouvernement puisse saisir le Conseil constitutionnel, dès lors que c’était toujours le président de la chambre qui était en position « défensive » et, partant, qui avait à solliciter l’arbitrage du juge constitutionnel ? « Le désaccord viendra toujours du président pour la simple raison qu’il statue sur la recevabilité », constatait Éric Oliva (op. cit., p. 218). Désormais, les présidents de chambre pouvant eux aussi opposer l’irrecevabilité, il devient logique que le Gouvernement saisisse le juge.
-
[49]
Sur la conception de l’article 41, cf. Éric Oliva, op. cit., p. 92-103.
-
[50]
Projet de loi tendant à la révision de certains articles de la Constitution adopté le 22 mai 1958 par le Conseil des ministres, art. 3 (Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, I, La Documentation française, 1987, p. 225).
-
[51]
Avant-projet élaboré par Michel Debré en juin 1958, art. D 8 (Documents, I, p. 255).
-
[52]
Article 34 (Documents, I, p. 435).
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[53]
Avant-projet de Constitution (vers le 10 juillet 1958), « Du Conseil constitutionnel », art. D (Documents, I, p. 424) ; avant-projet du 15 juillet 1958, art. 52 (Documents, I, p. 438).
-
[54]
Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974.
-
[55]
Avant-projet préparé à la mi-juin 1958, art. D8 (Documents, I, 255), avant-projet du 15 juillet 1958, art. 34 (Documents, I, p. 435), avant-projet soumis au Conseil de cabinet les 23 et 25 juillet 1958, art. 35 (Documents, I, p. 483), avant-projet des 26/29 juillet 1958, art. 35 (Documents, I, p. 508).
-
[56]
Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, III, La Documentation française, 1991, p. 397 : de l’article 35 (futur article 40) sur l’irrecevabilité financière se distingue désormais, à l’initiative du Gouvernement, un article 35 bis (futur article 41) sur l’irrecevabilité « réglementaire ». Le Conseil d’État reprend cette initiative à son compte dans son avis final du 28 août, en les distinguant en deux articles, numérotés 38 et 39 (Documents, III, p. 476). Raymond Janot explique : « On a estimé que, dans un but de présentation de ces dispositions, il y avait intérêt à faire apparaître, au moins dans la forme, comme une espèce de guillotine brutale ce qui a trait aux maximas. Mais, au contraire, qu’il y avait lieu de donner une forme rédactionnelle assouplie à la question de la recevabilité quand le législateur statue dans un domaine qui n’est pas du domaine de la loi » (Documents, III, p. 452). Parallèlement, la saisine du Conseil constitutionnel est supprimée pour l’irrecevabilité financière, au motif que les compétences du Conseil sont « plus juridiques, ou politiques, que financières », et que la loi des maximas a bien fonctionné jusqu’alors en l’absence de Conseil constitutionnel.
-
[57]
Sénat, séance du 23 juin 2008. Il répétera le 16 juillet : « Ce contrôle de l’irrecevabilité, vous le savez bien, n’aura rien de systématique, contrairement à ce qui existe pour l’article 40 » (Sénat, séance du 16 juillet 2008).
-
[58]
Rapport n° 1009 sur le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat (n° 993), de modernisation des institutions de la Ve République, 2 juillet 2008.
-
[59]
Proposition de loi organique n° 2614 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, du 25 octobre 2005.
-
[60]
Pierre Avril et Jean Gicquel, « Chronique constitutionnelle », Pouvoirs, n° 128, janvier 2009, p. 167.
1 Parmi les modifications apportées à la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 [1], celle de l’article 41 [2] n’est sans doute pas la plus spectaculaire. Elle consiste, comme on sait, à étendre aux présidents des deux chambres la faculté d’opposer l’irrecevabilité aux propositions de loi et aux amendements dont jouissait déjà, à titre exclusif [3], le Gouvernement. Le premier alinéa de l’article 41, entré en vigueur le 1er mars 2009, dispose ainsi : « S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité » – le second alinéa restant quant à lui inchangé. À première vue, l’innovation paraît modeste. En réalité, elle induit une transformation importante : l’article 41, pierre angulaire de la séparation des domaines du législateur et du pouvoir réglementaire telle que l’avait imaginée le constituant, change avec elle de fonction, presque de philosophie ; l’histoire mouvementée de la séparation des domaines de la loi et du règlement sous la Ve République [4], avec ses résultats très éloignés des intentions affichées en 1958, y trouve une sorte de conclusion.
2 Les difficultés qu’a rencontrées l’adoption de cette modification pourraient révéler cette importance [5]. Mais en réalité, la discussion dans les chambres a plus porté sur les conditions générales du droit d’amendement que sur le problème spécifique qu’entendait traiter l’article 15 du projet de loi constitutionnelle, celui de la qualité de la loi et de sa pollution par des dispositions réglementaires ; d’une réflexion sur le domaine de la loi et sur sa détérioration, le débat s’est déplacé vers une mise en cause des procédés de canalisation du droit d’amendement. « Il n’est absolument pas intéressant qu’une nouvelle disposition restreigne le droit d’amendement des députés, explique ainsi Jean-Yves Le Bouillonnec à l’Assemblée le 28 mai. Si nous avions dû inscrire une mention très symbolique dans la Constitution, ça aurait été que chaque député détient d’une manière absolue le droit d’amendement. C’est en effet notre premier et véritable droit » [6]. De même, au Sénat, Bernard Frimat affirme le 23 juin : « Pour notre part, nous sommes hostiles à tout enfermement du droit d’amendement, et donc à ce pouvoir d’opposition réglementaire qu’il est prévu de donner aux présidents des deux assemblées » [7]. Plusieurs amendements proposent ainsi non seulement la suppression de l’article 15 du projet de loi [8], mais carrément l’abrogation de l’article 41 de la Constitution [9]. « Tout comme l’article 40, affirme Patrick Braouzec à l’Assemblée le 28 mai, cet article 41 n’a plus aucune raison de figurer dans la Constitution » ; à l’instar des articles 40, 44-3 et 49-3, il « constitue une remise en cause tout à fait frontale de ce qui représente pourtant le socle de la démocratie parlementaire, à savoir le droit d’amendement » [10]. « L’article 41 de la Constitution et le droit d’amendement des membres du Parlement sont contradictoires », affirme également la sénatrice Éliane Assassi [11], dont les propos résument bien la logique de ces attaques contre l’article 15 : « On nous explique qu’étendre aux présidents des assemblées la possibilité d’opposer l’irrecevabilité serait une mesure d’égalité entre ces derniers et le Gouvernement. Ce que nous constatons, c’est surtout qu’une telle extension contraindrait encore plus le droit d’amendement » [12].
3 Le débat sur l’article 15 n’a donc pas tant visé la question technique du contrôle des dispositions réglementaires incluses dans les lois que celle, plus politique, du droit d’amender des parlementaires. Au lieu d’engager la discussion sur le terrain de la qualité des lois, on a l’a engagée sur celui de la liberté des parlementaires ; au lieu de penser l’article 41 dans la continuité des réflexions du président Debré sur la nouvelle logique de la séparation entre les domaines de la loi et du règlement, on l’a continuée sur son mode de 1958, quand Pierre Marcilhacy pourfendait « l’abominable » article 41 et la limitation de la souveraineté parlementaire [13]. La tonalité du débat résonne ainsi de manière étrangement anachronique, comme si les parlementaires n’avaient pas voulu tenir compte de la nouvelle philosophie de l’article 41. Conçu à l’origine comme une arme au service du Gouvernement dans la perspective d’un conflit contre un Parlement intrusif, l’article 41 devient en effet aujourd’hui une arme au service de la loi, pour la protéger contre la tendance de ceux qui la fabriquent – Parlement, mais aussi Gouvernement – à y inclure des dispositions réglementaires. Hier bouclier du Gouvernement, l’article 41 se veut aujourd’hui aiguillon de la qualité de la loi : il ne s’agit plus comme en 1958 de permettre à un pouvoir de protéger son domaine, mais d’inciter les pouvoirs à améliorer la loi (I). En découle une nouvelle procédure originale, à la fois politiquement neutre et distincte de l’irrecevabilité absolue de l’article 40 (II).
I – L’ARTICLE 41 DE LA CONSTITUTION, DE LA PROTECTION DU RÈGLEMENT À LA PROTECTION DE LA LOI
4 La révision constitutionnelle transforme la logique de l’article 41 : d’outil de défense du Gouvernement, il devient un mécanisme de protection de la loi (A). À ce titre, il est désormais opposable aux amendements gouvernementaux (B).
A – LA NOUVELLE LOGIQUE DE L’ARTICLE 41
5 Dans l’esprit du constituant de 1958, l’article 41 était une arme mise à la disposition du Gouvernement pour contraindre le Parlement à respecter la séparation des domaines de la loi et du règlement issue des articles 34 et 37 ; couplée au deuxième alinéa de l’article 37, elle devait permettre de le contenir dans son domaine et d’empêcher ainsi l’une des dérives du régime parlementaire français, stigmatisée par Michel Debré : la « course en désordre » du Parlement vers « la multiplication des interventions de détail » et, par conséquent, la latitude laissée au Gouvernement de « traiter sans intervention parlementaire des plus graves problèmes nationaux » [14].
6 On sait que cette « révolution » n’a pas connu le destin imaginé par ses inventeurs et, pour ce qui concerne l’article 41, qu’il n’a guère été utilisé, au point qu’on a pu parler dans les dernières années de sa quasi-désuétude. Le terme est sans doute excessif, l’article 41 ayant récemment « ressuscité » deux fois pour lutter contre des avalanches d’amendements déposés sur certains textes [15] ; mais dans l’ensemble, les chiffres restent maigres : invoqué une cinquantaine de fois à l’Assemblée nationale [16] et environ 80 fois au Sénat [17] depuis 1959, dans des conditions analysées en détail par Éric Oliva [18], l’exception d’irrecevabilité n’a donné lieu qu’à 11 décisions du Conseil constitutionnel.
7 Les raisons de cette désaffection sont bien connues.
8 D’abord, comme le souligne Jean-Luc Warsmann, la procédure de l’article 41 est « lourde et difficile à mettre en œuvre » [19] : en particulier, elle présente pour le Gouvernement le risque que l’examen du texte s’éternise puisque le Conseil constitutionnel, s’il est saisi par le président de la chambre, disposera de huit jours pour statuer. Le problème est d’autant plus aigu que les frontières entre loi et règlement sont souvent délicates [20] et que, par conséquent, le choix du Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité peut facilement donner lieu à un conflit avec le président de la chambre. Le Gouvernement préférera donc inviter simplement sa majorité à rejeter le texte ou l’amendement en cause, avec d’autant moins de risques que si par extraordinaire sa majorité ne le suit pas, il conserve la possibilité d’utiliser plus tard la procédure de l’article 37.
9 Ensuite, le Gouvernement n’a pas toujours intérêt à protéger le domaine du règlement : tolérer l’inclusion de dispositions réglementaires dans une loi peut présenter pour lui divers avantages, nobles (renforcer la cohérence d’un texte [21]) ou moins nobles (mettre une disposition réglementaire à l’abri du contrôle du juge administratif). C’est la raison pour laquelle le Gouvernement inclut si souvent de son propre chef des dispositions de nature réglementaire dans ses projets, tendance que Matignon a récemment appelé les ministres à réprimer [22] et dont la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel sur le déclassement préventif [23] limite en partie les effets.
10 Notons aussi que les limitations du droit d’amendement stigmatisées par les parlementaires restreignent aussi les occasions d’utiliser l’article 41 : moins il y a d’amendements, moins il y a de risques d’empiétements sur le domaine du règlement. Ainsi par exemple de la technique de « l’entonnoir », récemment constitutionnalisée [24].
11 Enfin et surtout, comme on sait, le recours à l’article 41 n’est pour le Gouvernement qu’une faculté (« le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité »), de même que les demandes de déclassement de l’article 37 (« Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés ») ; de là la jurisprudence classique du Conseil constitutionnel sur la conformité à la Constitution dans le cadre du contrôle de l’article 61, en l’absence d’intervention du Gouvernement pendant la procédure, de dispositions excédant le domaine de l’article 34 [25] ou empiétant sur une délégation accordée en vertu de l’article 38 [26].
12 Mais quelle qu’ait été la pratique de l’article 41, son objectif initial reste clair : il s’agissait pour le constituant de protéger le domaine réglementaire contre l’invasion de la loi et de garantir le partage issu des articles 34, 37 et 38. L’article 41 s’inscrivait ainsi dans la rationalisation du régime parlementaire et participait du renversement des positions entre Gouvernement et Parlement ; sa logique, identiquement à la plupart des mécanismes du texte de 1958, était celle d’un affrontement entre les pouvoirs, et son but la protection de l’exécutif contre le législatif.
13 Ce sont cette logique et ce but que transforme la révision de 2008. La révision s’étant donné pour objectif de corriger au profit du Parlement les déséquilibres issus de 1958, on aurait pu penser que la modification de l’article 41 participe de cette ambition, et que le fait de donner aux présidents des chambres une faculté jusqu’ici détenue par le seul Gouvernement vise à restaurer le Parlement (c’est d’ailleurs ainsi que l’ont comprise certains parlementaires [27]) ; en réalité, cette modification se situe sur un autre terrain que celui du rapport de force entre Gouvernement et Parlement. Si l’on donne aux présidents des chambres le pouvoir d’opposer l’irrecevabilité de l’article 41, ce n’est pas pour corriger un déséquilibre entre le législatif et l’exécutif, mais pour qu’ils améliorent ensemble la qualité des lois. L’idée n’est pas ici de rehausser l’un par rapport à l’autre dans une logique d’affrontement, mais de les inciter à améliorer la loi dans une logique de coopération. En d’autres termes, l’article 41 ne doit plus être envisagé sur le terrain de la rationalisation du régime parlementaire, mais sur celui de la qualité de la loi ; cette procédure que le constituant de 1958 regardait comme une manière d’empêcher le Parlement de porter atteinte aux prérogatives du Gouvernement, il faut la regarder désormais comme une manière de stopper la détérioration de la qualité des lois. C’est le signe que les priorités ont changé, et que les maux du régime ne sont plus les mêmes : hier, il fallait combattre la toute-puissance du Parlement et le déséquilibre des pouvoirs ; aujourd’hui, le problème est plutôt l’inflation législative et la mauvaise qualité de la loi. C’est sous cet angle que le comité « Balladur » a proposé de réformer l’article 41, sous cet angle que le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale a soutenu cette réforme [28], sous cet angle que le Gouvernement l’a défendue [29].
14 Cette transformation de l’article 41 va dans le sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la qualité de la loi : censure des dispositions législatives insuffisamment claires [30], censure des dispositions non-normatives [31] et, pour ce qui concerne notre problème, déclassement préventif éventuel des dispositions de nature réglementaire [32], ce qui permet au Gouvernement de les modifier ensuite par décret sans utiliser la procédure de l’article 37. Unanimement partagé, le constat que les lois sont trop longues, parfois mal écrites et, en tout état de cause, polluées par des dispositions de nature réglementaire qui n’ont normalement pas à s’y trouver, avait donné lieu ces dernières années à de nombreuses propositions de réforme. Citons par exemple la proposition de loi constitutionnelle présentée le 5 octobre 2004 par le président de l’Assemblée nationale [33], la proposition de loi organique présentée le 25 octobre 2005 à l’Assemblée nationale par Jean-Luc Warsmann [34] et la proposition de résolution du 17 janvier 2006 modifiant le règlement [35]. C’est dans cette perspective de lutte contre l’inflation législative qu’il faut envisager désormais la séparation des domaines de la loi et du règlement : comme l’explique Jean-Louis Debré, « depuis la décision du Conseil constitutionnel du 21 avril 2005, on peut considérer que le principe de séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement n’a plus pour seule raison d’être la protection du champ de compétence du Gouvernement mais constitue une norme garantissant la qualité de la loi et qu’il est, à ce titre, opposable au Gouvernement » [36].
B – L’OPPOSABILITÉ DE L’ARTICLE 41 AUX AMENDEMENTS GOUVERNEMENTAUX
15 L’opposabilité au Gouvernement de la séparation des domaines donne à l’article 41 sa pleine signification, et témoigne de son changement d’objectif.
16 En 1958, le mécanisme visait à protéger le Gouvernement contre le Parlement ; logiquement, seul ce dernier pouvait le mettre en œuvre, et seuls les amendements parlementaires étaient concernés, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel en soulignant que l’article 41 ne le fait juge « que de la recevabilité, au regard des articles 34 et 38 de la Constitution, des propositions de lois ou des amendements déposés par les membres du Parlement » [37].
17 Aujourd’hui, le mécanisme ne vise plus à protéger un pouvoir (le Gouvernement) mais une norme (la loi) contre les amendements réglementaires, d’où qu’ils viennent ; il n’y a donc plus de raison de réserver l’usage de l’article 41 au Gouvernement (au contraire : plus cet usage sera partagé, plus la protection sera effective), ni de laisser les amendements gouvernementaux hors de son champ d’application. Voilà qui devrait permettre d’empêcher les inconvénients du système antérieur, tels que les relevait le sénateur Jean-Pierre Fourcade lors des débats : « Ayant présidé pendant quinze ans la commission des affaires sociales du Sénat, j’ai souvent vu arriver des amendements du Gouvernement à la fin d’une discussion ou en deuxième lecture, qui, manifestement, relevaient du domaine réglementaire, et auxquels il était impossible de s’opposer » [38]. On pourchasse désormais les amendements réglementaires non pas en tant qu’ils sont d’origine parlementaire (autrement dit en tant qu’ils témoignent d’une velléité du Parlement d’envahir de nouveau le domaine du Gouvernement), mais en tant qu’ils sont réglementaires (autrement dit en tant qu’ils nuisent à la qualité de la loi).
18 Si le Sénat a rejeté l’article 15 de la loi constitutionnelle en première lecture, c’est parce qu’il n’a pas accepté ce changement de logique de l’article 41, et qu’il a continué d’envisager la procédure comme un bouclier du Gouvernement contre le Parlement. Dans cette perspective, l’article 15 ne pouvait évidemment apparaître que comme un aménagement inutile, et même absurde puisqu’il revenait à donner à un pouvoir (le Parlement) la faculté d’agir contre lui-même dans son conflit contre l’autre pouvoir (le Gouvernement). Ainsi le rapporteur Jean-Jacques Hyest explique-t-il le 23 juin : « Il nous semble qu’il appartient au Gouvernement de défendre ses prérogatives et que cette tâche n’incombe certainement pas aux présidents des assemblées. Cette disposition est donc, selon nous, inutile […] Laissons au Gouvernement le soin d’utiliser cette prérogative, s’il le souhaite. Il n’appartient certainement pas aux présidents des assemblées de défendre le domaine de la loi par rapport à celui du règlement ». Lecture typique de l’article 41 dans son ancienne philosophie : celle selon laquelle l’article 41 existe dans l’intérêt du seul Gouvernement, et qu’il n’a donc pas à être confié à une autre autorité. À cette logique conflictuelle, la modification constitutionnelle en oppose donc une autre, coopérative : celle selon laquelle l’article 41 existe dans l’intérêt général de la qualité des lois, et qu’il peut donc légitimement être partagé entre plusieurs autorités.
II – UNE PROCÉDURE TECHNIQUE ET FACULTATIVE : L’ÉQUILIBRE RAISONNABLE DU NOUVEL ARTICLE 41
19 Vouée à l’amélioration des lois, la procédure de l’article 41 se veut désormais purement technique, dépolitisée : de là le choix des présidents des chambres comme nouveaux destinataires et le refus d’étendre la saisine du Conseil constitutionnel à l’opposition (A). L’irrecevabilité de l’article 41 demeure par ailleurs relative, restriction qui semble aller contre sa logique mais qui constitue en définitive la solution la plus raisonnable (B).
A – L’AMBITION D’UNE PROCÉDURE DÉPOLITISÉE
20 C’est cette logique de protection de la qualité de la loi qui permet de comprendre la nouvelle procédure de l’article 41, aussi bien quant aux autorités susceptibles de le mettre en œuvre que quant à la saisine du Conseil constitutionnel.
21 En confiant aux présidents des chambres la faculté d’opposer l’irrecevabilité de l’article 41, la loi constitutionnelle témoigne du rôle qu’elle entend leur voir jouer : celui de gardiens de la qualité de la loi. Veillant déjà à la tenue des débats, ils veilleront aussi à celle du produit de ces débats, la loi, en empêchant qu’on y inclue des dispositions de nature réglementaire. Dans la perspective de la révision constitutionnelle, c’est une mission technique, sans connotation politique, faite dans un but d’intérêt général, celui de la qualité de la loi. De même que l’utilisation de l’article 41 par le Gouvernement ne devra plus s’analyser comme un moment de sa lutte politique contre le Parlement mais comme une manière de protéger la loi contre la pollution réglementaire, son utilisation par les présidents des chambres ne devra pas s’analyser à travers le prisme de la lutte entre majorité et opposition mais comme une manière de protéger la loi.
22 Malgré tout, le choix des présidents de chambre n’a pas été sans soulever des réticences, certains parlementaires estimant que le rôle des présidents est justement trop politique pour qu’on leur confie cette mission, au risque qu’ils la détournent dans un but partisan. Alima Boumediene-Thiery craint ainsi que la proximité entre présidents de chambre et Gouvernement décourage les premiers de lutter contre les amendements du second et ruine le système : « Le dispositif n’est au service que du Gouvernement et du président de l’assemblée saisie, autrement dit de la majorité. Ce n’est pas ainsi que l’on pourra lutter efficacement contre les empiétements du domaine législatif sur le domaine réglementaire ! En effet, à quoi bon prévoir une procédure permettant d’opposer une irrecevabilité si l’on sait d’avance que, pour des raisons de connivence entre le Gouvernement et la majorité, cette procédure ne pourra jamais être utilisée ? » [39] Ces propos montrent combien persiste l’image d’un article 41 au service du seul Gouvernement. Pour la sénatrice, les présidents de chambre n’auront aucun intérêt à l’utiliser, car de deux choses l’une : soit le Gouvernement veut défendre son domaine et il opposera lui-même l’irrecevabilité, soit il ne le veut pas on ne voit pas pourquoi les présidents, ses alliés politiques (en tous cas à l’Assemblée), le contrarieraient en opposant l’irrecevabilité de leur propre initiative. De la même manière, Jean-Christophe Lagarde s’inquiète qu’on confie l’exception d’irrecevabilité à une autorité qu’il ne sera pas possible d’interpeller, contrairement au Gouvernement : « Le président de l’Assemblée nationale […] pourrait seul juger du caractère réglementaire ou non, sans débat ni faculté d’appel. La situation n’est pas la même lorsqu’il s’agit du Gouvernement, lequel peut, en l’occurrence, être interpellé. On peut lui demander pourquoi et comment tel amendement n’a pas été accepté. Avec cette nouvelle disposition, cet amendement disparaîtra dans les couloirs de l’Assemblée nationale sans que l’on en ait débattu » [40].
23 Face à ces réticences, deux pistes ont été envisagées.
24 La première consistait à empêcher la politisation de la procédure en la confiant non aux présidents des chambres mais aux présidents des commissions des lois (ou au président de la commission saisie au fond [41]), fonction jugée moins politique. « Cette solution ôterait toute dimension politique à cette disposition pour ne retenir que l’aspect technique », soutient Jean-Yves Le Brouillonnec [42]. Patrick Braouzec renchérit : « Si l’on voulait aller jusqu’au bout de la logique, il serait préférable que le président de la commission des lois joue ce rôle » – si l’on voulait aller jusqu’au bout de la logique du nouvel article 41, s’entend, qui se veut au-delà des rapports entre pouvoirs, et tournée vers la qualité de la loi. Intéressante, cette proposition présente l’inconvénient de rester dans l’ordre des symboles (transférer l’usage de l’article 41 d’une autorité jugée trop politique vers une autorité jugée l’être moins) et, aussi, de ne pas répondre à la remarque de Jean-Christophe Lagarde : il ne serait en effet pas plus possible d’interpeller le président d’une commission que le président de la chambre [43].
25 La deuxième solution, reprise par plusieurs amendements, entendait prévenir ce risque d’un conflit entre président et parlementaires : elle consistait à donner à l’opposition la possibilité de contester l’irrecevabilité devant le juge constitutionnel. Suggérée par le député François de Rugy [44], elle est reprise au Sénat par Alima Boumediene-Thiery, toujours dans la perspective de lutter contre la complicité des présidents de chambre et du Gouvernement [45]. Concrètement, deux variantes sont envisagées : soit permettre à soixante députés ou sénateurs de saisir le juge constitutionnel en cas de désaccord avec le président de chambre ou le Gouvernement, sur le modèle de l’article 61 [46] ; soit faire entrer les présidents des groupes dans le jeu en les dotant de la faculté d’utiliser l’article 41 et de saisir le juge constitutionnel en cas de conflit [47]. Aucune de ces deux solutions n’a été retenue, le constituant ayant préféré une réforme de l’article 41 a minima, sans modification de l’alinéa 2 [48]. La première était pourtant habile, qui calquait le mécanisme de l’article 41 sur celui de l’article 61 : analogie doublement légitime, d’une part en ce qu’il s’agit dans les deux cas d’assurer la protection de la loi (contre les amendements de nature réglementaire dans le premier, contre les dispositions contraires à la Constitution dans l’autre), d’autre part dans la mesure où les deux articles ont probablement été conçus ensemble, ainsi que le révèle l’examen des avant-projets de 1958 [49]. Initialement, il était en effet prévu qu’en cas de conflit avec le Gouvernement, le Conseil constitutionnel soit saisi non par les présidents des chambres, mais par décision d’une majorité des deux-tiers de la chambre concernée [50] (pour les dispositions contraires à une délégation seulement), puis par la commission saisie au fond [51]. Ce n’est qu’à partir de l’avant-projet du 15 juillet 1958 [52] que les présidents des chambres font leur apparition et héritent de ce pouvoir. Selon toute vraisemblance, ce choix des présidents de chambre vient de ce qu’ils venaient d’obtenir le pouvoir de saisir le Conseil dans le cadre du contrôle de constitutionnalité [53], et que le constituant ne souhaitait pas disperser trop cette possibilité de saisine. Autrement dit, les présidents de chambre auraient été chargés de saisir le juge constitutionnel de la recevabilité des propositions de loi et amendements parce qu’ils étaient déjà chargés de le saisir de la constitutionnalité de la loi. Mais si le constituant de 1958 a fait ce parallèle entre les articles 41 et 61, la révision de 2008 n’aurait-elle pas pu le continuer pour tenir compte de la révision de 1974 [54] ?
26 Cette idée présentait néanmoins un inconvénient : la saisine du Conseil constitutionnel aurait alors pu être facilement transformée en moyen d’obstruction. Le parallèle entre les procédures des articles 41 et 61 trouve ici sa limite : dans le cadre de l’article 61, la loi est déjà adoptée lorsqu’elle est contrôlée par le juge constitutionnel, et ce contrôle n’a dès lors pas d’incidence sur la durée des débats ; dans le cadre de l’article41 au contraire, le juge constitutionnel intervient pendant le débat, et retarde celui-ci jusqu’à huit jours. On pourrait alors imaginer un Président hésitant à utiliser l’article 41 par crainte que l’opposition saisisse automatiquement le Conseil constitutionnel et bouleverse ainsi le calendrier.
B – LE MAINTIEN D’UNE PROCÉDURE FACULTATIVE
27 Une dernière possibilité s’offrait au pouvoir de révision : rendre l’irrecevabilité de l’article 41 absolue, sur le modèle de l’irrecevabilité financière de l’article 40. Là encore, le détour par les origines de l’article 41 est intéressant car il permet de constater que cette solution avait été envisagée en 1958 ; mieux, les premières moutures de la Constitution, jusqu’au Comité consultatif constitutionnel, mélangeaient les deux irrecevabilités dans un seul article, avec la même procédure obligatoire [55]. Ce n’est qu’au moment de l’examen en Conseil d’État que les articles 40 et 41 sont séparés et les procédures différenciées – à la fois sur le caractère absolu ou relatif de l’irrecevabilité et sur la possibilité de faire arbitrer le Conseil constitutionnel [56]. Historiquement, un alignement de l’article 41 sur l’article 40 n’aurait donc rien d’incongru. C’était d’ailleurs l’idée du président Debré dans sa proposition de loi constitutionnelle de 2004 : constatant que l’article 41 ne produisait pas de résultats alors que l’article 40 « fonctionne dans des conditions globalement satisfaisantes au regard de l’objectif poursuivi », il suggérait d’interdire purement et simplement la mise en discussion des propositions de loi et des amendements ne relevant pas du domaine de la loi, et de supprimer par conséquent l’alinéa 2 de l’article 41, devenu sans objet. Pensée pour empêcher à tout prix l’inflation législative et l’allongement des lois par des dispositions réglementaires, cette solution radicale était finalement logique. Tant que l’article 41 avait pour objet de mettre à disposition du Gouvernement un bouclier contre le Parlement, rien ne s’opposait à son caractère facultatif : la Constitution dote le Gouvernement d’une arme, libre à lui de s’en servir ou non, en fonction de ce qu’il estime le plus opportun. Mais à présent que l’article 41 a pour objet la protection de la loi, tout concourt à ce que l’irrecevabilité devienne absolue : on pouvait comprendre que le constituant de 1958 laisse le Gouvernement libre de se protéger ou pas (il peut avoir d’excellentes raisons de ne pas le faire), on comprend moins que le constituant de 2008 laisse les autorités concernées libres d’agir ou pas pour améliorer la loi.
28 Bien sûr, les conséquences d’une telle modification auraient été importantes. Elle aurait notamment impliqué un abandon par le Conseil constitutionnel de sa jurisprudence Blocage des prix, précisément fondée sur le caractère facultatif de l’exception d’irrecevabilité de l’article 41 et de la procédure de déclassement de l’article 37 : une disposition législative de nature réglementaire ou contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 serait alors devenue ipso facto contraire à la Constitution, à l’instar des dispositions aggravant une charge publique ou diminuant les ressources.
29 Soucieux de ne pas laisser entendre aux parlementaires que le projet de loi constitutionnelle organisait une telle irrecevabilité absolue, comparable à celle de l’article 40 (idée qui aurait poussé davantage encore les débats sur le terrain des restrictions au droit d’amendement plutôt que sur celui de la qualité de la loi), le Gouvernement a plusieurs fois souligné lors de la discussion que la procédure du nouvel article 41 demeurait bel et bien facultative. « La possibilité qui est donnée par l’article 15 du projet de loi n’est qu’une faculté mise à la disposition des présidents des assemblées, et ne constitue en aucun cas une obligation. Il ne s’agit nullement, pour le Gouvernement, d’organiser un contrôle systématique de la recevabilité, à l’instar de ce qui existe pour l’article 40 », explique le secrétaire d’État au Sénat le 23 juin [57]. De même, le rapporteur Warsmann insiste sur le caractère facultatif du nouvel article 41 pour convaincre les députés de rétablir l’article 15 du projet de loi, supprimé en première lecture par le Sénat : « Le dispositif proposé ne trouverait à s’appliquer que de manière facultative » [58].
30 Faut-il penser qu’en refusant de rendre l’irrecevabilité de l’article 41 obligatoire, la révision constitutionnelle ne va pas au terme de la nouvelle logique qu’elle entend lui donner ? Sur un plan théorique, sans doute ; mais les difficultés qu’aurait engendrées une telle automaticité sont importantes, et permettent de comprendre son rejet par les parlementaires – au-delà du fait que nombre d’entre eux regardent l’article 40 comme une limitation anormale de leur droit d’amender, et que la naissance d’une nouvelle irrecevabilité absolue se démarquant de cet article n’aurait pu que déclencher leur hostilité.
31 D’abord, une irrecevabilité absolue se serait heurtée à un problème de réalisabilité : s’il n’est en général pas exagérément difficile, concernant l’article 40, de déterminer quand une proposition de loi ou un amendement entraîne « une diminution des ressources publiques » ou « la création ou l’aggravation d’une charge publique », on sait qu’il est souvent délicat, dans le cadre de l’article 41, de dire si une proposition ou un amendement relève ou non du domaine de la loi.
32 Ensuite, comme on l’a vu, la cohérence exige parfois l’inclusion dans une loi de dispositions de nature réglementaire, hypothèse qu’une irrecevabilité obligatoire calquée sur celle de l’article 40 aurait exclue. La réforme aurait alors été contre-productive : puisque c’est la qualité de la loi qu’il s’agit de protéger en pourchassant les dispositions de nature réglementaire, il aurait été absurde de ne pas prévoir l’hypothèse où cette qualité exige précisément le contraire, à savoir que soient incluses dans la loi, pour qu’elle soit complète et sans lacune, des dispositions de nature réglementaire. En choisissant de maintenir son caractère facultatif à l’irrecevabilité de l’article 41 tout en étendant la possibilité de l’opposer aux Présidents des chambres, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donc opté pour le meilleur équilibre. La même remarque aurait valu pour la proposition de modifier l’ordonnance du 7 novembre 1958 afin de rendre systématique un contrôle a posteriori de la nature législative ou réglementaire des dispositions de toutes les lois promulguées [59].
33 Depuis le 1er mars 2009, c’est donc une nouvelle carrière qui commence pour l’article 41 de la Constitution, dans une perspective totalement renouvelée. En 1958, l’article 41 était un outil de rationalisation du régime parlementaire, conçu pour garantir le nouvel équilibre des pouvoirs contre le retour des vieux démons du parlementarisme français. Sur ce plan, le destin tourmenté de la séparation des domaines de la loi et du règlement depuis 1958 lui a ôté quasiment toute effectivité. Aujourd’hui, l’article 41 est recyclé dans un nouvel objectif : faute d’avoir servi à la défense du Gouvernement contre les intrusions du Parlement, il servira à la protection de la loi contre la pollution réglementaire. D’outil de défense au service d’un pouvoir, il devient un mécanisme de qualité au service d’une norme. Cette transformation illustre le déplacement des enjeux depuis 1958 : à l’origine, la question cruciale était la restauration de l’exécutif, l’équilibre des pouvoirs et la maîtrise du Parlement ; aujourd’hui, c’est l’inflation législative, la qualité des textes et la maîtrise de la production normative. Reste à voir désormais comment cet article 41 rénové sera employé : dès lors qu’il reste facultatif, pour les raisons que nous avons vues, son effectivité reposera sur la volonté des autorités qu’il désigne. Pessimistes, Pierre Avril et Jean Gicquel estiment qu’« on peut conjecturer que les motifs de la relative désuétude de cette irrecevabilité [ne] seront pas affectés » [60] par la modification de l’article 41. De fait, pour ce qui est du Gouvernement qui ne l’a jusqu’ici guère employé pour défendre son domaine, on peut s’interroger sur la volonté qu’il aura de l’employer pour améliorer la loi, même si le fait qu’il ait lui-même proposé et soutenu sa modification pourrait constituer un signe encourageant. C’est donc essentiellement l’attitude des présidents de chambre qui décidera du succès de la nouvelle procédure. L’enjeu n’est pas mince, puisque c’est la qualité de nos lois qui est en cause et, finalement, celle de tout l’édifice normatif. Si l’article 41 rénové échoue comme a échoué l’article 41 ancien, d’autres pistes devront sans doute être explorées, notamment celle de l’irrecevabilité absolue évoquée lors des débats, en dépit des inconvénients qu’elle présente. La mauvaise pratique d’une bonne solution déboucherait alors paradoxalement sur l’imposition d’une solution moins satisfaisante, mais plus efficace.
Notes
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[1]
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
-
[2]
Guillaume Drago, « Le partage loi/règlement : un nouvel équilibre à construire », LPA, 19 décembre 2008, p. 65 ; André Roux, « Le nouveau Conseil constitutionnel. Vers la fin de l’exception française ? », JCP G 2008, I, 175.
-
[3]
Exclusivité que le Conseil constitutionnel avait entendu protéger en censurant une modification de l’article 93 du Règlement de l’Assemblée nationale visant à permettre à tout député de demander au Gouvernement d’utiliser l’article 41, avec un débat : « Il ressort de l’article 41 de la Constitution […] que la faculté d’opposer l’irrecevabilité qu’il prévoit, doit résulter de la seule initiative du Gouvernement prise sans que celui-ci ait à exposer au cours d’un débat préalable les raisons de nature à déterminer son appréciation ; que dès lors les dispositions du Règlement qui permettent à tout député de demander au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité en provoquant, de ce fait, un débat sur cette demande, ne sont pas conformes à l’article 41 de la Constitution » (décision n° 95-366 DC du 8 novembre 1995, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale).
-
[4]
Louis Favoreu (dir.), Le domaine de la loi et du règlement, Économica, 1981.
-
[5]
Proposé par le comité « Balladur » (Une Ve République plus démocratique, proposition n° 30), l’article 15 du projet de loi constitutionnelle a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 mai 2008 mais rejeté par le Sénat le 23 juin ; l’Assemblée l’a rétabli en deuxième lecture le 9 juillet avant que le Sénat l’adopte finalement le 16.
-
[6]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[7]
Sénat, séance du 23 juin 2008.
-
[8]
À l’Assemblée nationale, en première lecture : amendement n° 301 ; au Sénat, en première lecture : amendements n° 113 et n° 468, adoptés ; au Sénat, en deuxième lecture : amendement n° 119.
-
[9]
À l’Assemblée nationale, en première lecture : amendement n° 397 ; en deuxième lecture : amendements n° 162 et n° 197 ; au Sénat, en deuxième lecture : amendement n° 59.
-
[10]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
-
[11]
Sénat, séance du 9 juillet 2008.
-
[12]
Sénat, séance du 16 juillet 2008. Nous soulignons.
-
[13]
Pierre Marcilhacy, « L’abominable article 35 », Le Monde, 27 août 1958, p. 6.
-
[14]
Allocution de Michel Debré au Conseil d’État, 27 août 1958, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, III, La Documentation française, 1991, p. 257.
-
[15]
58 amendements sur la loi Falloux au Sénat en 1993, plus de 15000 à l’Assemblée nationale sur la loi relative aux activités postales en 2005 (14587 en première lecture, 101 en deuxième lecture).
-
[16]
45 fois contre des amendements, avec deux saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 61-4 FNR du 14 octobre 1961, Fixation des prix agricoles et décision n° 79-10 FNR du 26 avril 1979, Économie d’énergie) ; 6 fois contre des propositions, avec deux saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 66-7 FNR du 21 décembre 1966, Indemnisation des dommages subis par les rapatriés et décision n° 77-9 FNR du 7 juin 1977, Sécurité sociale des mines).
-
[17]
Selon le relevé d’Eric Oliva (L’article 41 de la Constitution du 4 octobre 1958, initiative législative et Constitution, Économica/PUAM, 1997, p. 549), pour la période 1959-1997 : 79 fois contre des amendements, avec une saisine du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 61-2 FNR du 30 juin 1961, Organisation des corps d’officiers) ; 6 fois contre des propositions, avec 6 saisines du Conseil constitutionnel par le président (décision n° 59-1 FNR du 27 novembre 1959, Prix des baux à ferme, décision n° 61-3 FNR du 8 septembre 1961, Prix des produits agricoles, décision n° 63-5 FNR du 11 juin 1963, Prime de transport, décision n° 64-6 FNR du 22 mai 1964, Conseil de prud’hommes, décision n° 68-8 FNR du 27 novembre 1968, Qualité de combattant en Algérie et décision n° 79-11 FNR du 23 mai 1979, 8 mai jour férié).
-
[18]
Éric Oliva, op. cit.
-
[19]
Rapport n° 892 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 15 mai 2008.
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[20]
« Nous savons très bien qu’il existe un grand flou entre les articles 34 et 37 de la Constitution », constate Jean-Jacques Hyest au Sénat le 23 juin. « Il n’y a qu’un domaine qui soit purement réglementaire, c’est la procédure civile ».
-
[21]
Comme l’explique Guillaume Drago, « accepter l’inclusion de dispositions réglementaires dans un texte de loi permet de conserver sa cohérence d’ensemble à une mesure politique ou technique, incluant dans un seul texte de haute valeur normative la totalité du dispositif souhaité par le Gouvernement » (« L’article 15 », LPA, 14 mai 2008, p. 51). Jean-Jacques Hyest le souligne également lors de la séance du 23 juin au Sénat : « Il est parfois utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37, comme nous le faisons fréquemment ».
-
[22]
Circulaire du 19 janvier relative au respect des articles 34 et 37 de la Constitution, JO, n° 18 du 21 janvier 2006, p. 1002 : « Je vous demande […] de veiller à ce que les projets de loi dont vous saisirez le Premier ministre en vue de leur transmission au Conseil d’État soient exempts de toute disposition réglementaire ou non normative ».
-
[23]
CC, n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
-
[24]
CC, n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme.
-
[25]
CC, n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus.
-
[26]
CC, n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence.
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[27]
Ainsi François de Rugy aborde-t-il l’article 15 sous l’angle de l’équilibre entre les pouvoirs : « C’est un peu une question de principe pour la revalorisation du Parlement et, d’une manière générale, le rééquilibrage des pouvoirs au sein de nos institutions entre l’exécutif et le législatif » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008). De même, Jean-Christophe Lagarde raisonne en termes de « droits du Parlement » face au Gouvernement lorsqu’il regrette qu’« on donne ici un droit nouveau non au Parlement, mais au président de l’Assemblée nationale » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008). Éliane Assassi résume cette manière d’appréhender l’article 15 lorsqu’elle note : « On nous explique qu’étendre aux présidents des assemblées la possibilité d’opposer l’irrecevabilité serait une mesure d’égalité entre ces derniers et le Gouvernement » (Sénat, séance du 16 juillet 2008).
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[28]
Les articles 14 et 15 du projet de loi constitutionnelle, écrit-il, « pourront très directement favoriser l’amélioration de la qualité de la norme » (rapport n° 892 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 15 mai 2008).
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[29]
Roger Karoutchi explique ainsi aux sénateurs, le 16 juillet 2008 : « Le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 41 parce que le respect du partage entre loi et règlement participe de l’intelligibilité de la loi » (nous soulignons).
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[30]
CC n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer (considérant 53) ; CC n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale (considérant 9).
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[31]
CC n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales (considérant 12).
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[32]
CC n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
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[33]
Proposition de loi constitutionnelle n° 1832 tendant à renforcer l’autorité de la loi, du 5 octobre 2004. Elle visait d’une part à inscrire dans la Constitution le caractère normatif des dispositions législatives, d’autre part, par imitation du mécanisme obligatoire de l’article 40, à empêcher la mise en discussion des propositions de loi et des amendements parlementaires excédant le domaine de la loi ou contraires à une délégation accordée en vertu de l’article 38.
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[34]
Proposition de loi organique n° 2614 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, du 25 octobre 2005. Elle visait à insérer après l’article 25 de la loi organique un article 25-1 rendant systématique le contrôle du caractère législatif ou réglementaire des lois promulguées, le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, ayant six mois pour statuer.
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[35]
Proposition de résolution n° 2791 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, du 17 janvier 2006. Il s’agissait notamment d’instaurer une procédure d’avis automatique de la commission des lois quant au caractère législatif ou réglementaire des propositions de lois et des amendements parlementaires.
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[36]
Jean-Louis Debré, Vœux au Président de la République, 3 janvier 2006.
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[37]
CC, Demande d’avis du 14 septembre 1961.
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[38]
Sénat, séance du 23 juin 2008.
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[39]
Sénat, séance du 16 juin 2008.
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[40]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
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[41]
C’était le sens de l’amendement n° 423 (Assemblée nationale, première lecture, 20 mai 2008).
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[42]
Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008.
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[43]
Cette proposition aurait par ailleurs impliqué la constitutionnalisation des présidents des commissions dans l’article 41, ce à quoi la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est opposée. Au reste, comme l’a souligné Jean-Luc Warsmann lors des débats, un système de délégation du président de la chambre aux présidents des commissions est tout à fait envisageable dans les règlements des chambres, à l’image de ce qui se passe à l’Assemblée nationale pour l’article 40. De ce point de vue, « la rédaction du Gouvernement […] n’interdit pas une souplesse dans l’application » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008).
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[44]
« Nous proposons que […] le Conseil constitutionnel puisse être saisi par un dixième des parlementaires, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit de vérifier la constitutionnalité d’une loi votée » (Assemblée nationale, première séance du 28 mai 2008).
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[45]
« Si l’on souhaite effectivement, par ce projet de loi, revaloriser les pouvoirs du Parlement, il me semble qu’il convient non pas de renforcer les seuls pouvoirs du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais d’ouvrir de nouvelles possibilités à l’opposition » (Sénat, séance du 23 juin 2008).
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[46]
Amendement n° 322 (Assemblée nationale, première lecture, 19 mai 2008) ; amendement n° 373 (Sénat, première lecture, 16 juin 2008) ; amendement n° 220 (Assemblée nationale, deuxième lecture, 7 juillet 2008).
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[47]
Amendements n° 424 et n° 425 (Assemblée nationale, première lecture, 20 mai 2008).
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[48]
Alinéa 2 dont on observe au passage qu’il redevient cohérent avec l’alinéa 1 : à quoi servait-il en effet jusque là que le Gouvernement puisse saisir le Conseil constitutionnel, dès lors que c’était toujours le président de la chambre qui était en position « défensive » et, partant, qui avait à solliciter l’arbitrage du juge constitutionnel ? « Le désaccord viendra toujours du président pour la simple raison qu’il statue sur la recevabilité », constatait Éric Oliva (op. cit., p. 218). Désormais, les présidents de chambre pouvant eux aussi opposer l’irrecevabilité, il devient logique que le Gouvernement saisisse le juge.
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[49]
Sur la conception de l’article 41, cf. Éric Oliva, op. cit., p. 92-103.
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[50]
Projet de loi tendant à la révision de certains articles de la Constitution adopté le 22 mai 1958 par le Conseil des ministres, art. 3 (Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, I, La Documentation française, 1987, p. 225).
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[51]
Avant-projet élaboré par Michel Debré en juin 1958, art. D 8 (Documents, I, p. 255).
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[52]
Article 34 (Documents, I, p. 435).
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[53]
Avant-projet de Constitution (vers le 10 juillet 1958), « Du Conseil constitutionnel », art. D (Documents, I, p. 424) ; avant-projet du 15 juillet 1958, art. 52 (Documents, I, p. 438).
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[54]
Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974.
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[55]
Avant-projet préparé à la mi-juin 1958, art. D8 (Documents, I, 255), avant-projet du 15 juillet 1958, art. 34 (Documents, I, p. 435), avant-projet soumis au Conseil de cabinet les 23 et 25 juillet 1958, art. 35 (Documents, I, p. 483), avant-projet des 26/29 juillet 1958, art. 35 (Documents, I, p. 508).
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[56]
Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution de 1958, III, La Documentation française, 1991, p. 397 : de l’article 35 (futur article 40) sur l’irrecevabilité financière se distingue désormais, à l’initiative du Gouvernement, un article 35 bis (futur article 41) sur l’irrecevabilité « réglementaire ». Le Conseil d’État reprend cette initiative à son compte dans son avis final du 28 août, en les distinguant en deux articles, numérotés 38 et 39 (Documents, III, p. 476). Raymond Janot explique : « On a estimé que, dans un but de présentation de ces dispositions, il y avait intérêt à faire apparaître, au moins dans la forme, comme une espèce de guillotine brutale ce qui a trait aux maximas. Mais, au contraire, qu’il y avait lieu de donner une forme rédactionnelle assouplie à la question de la recevabilité quand le législateur statue dans un domaine qui n’est pas du domaine de la loi » (Documents, III, p. 452). Parallèlement, la saisine du Conseil constitutionnel est supprimée pour l’irrecevabilité financière, au motif que les compétences du Conseil sont « plus juridiques, ou politiques, que financières », et que la loi des maximas a bien fonctionné jusqu’alors en l’absence de Conseil constitutionnel.
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[57]
Sénat, séance du 23 juin 2008. Il répétera le 16 juillet : « Ce contrôle de l’irrecevabilité, vous le savez bien, n’aura rien de systématique, contrairement à ce qui existe pour l’article 40 » (Sénat, séance du 16 juillet 2008).
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[58]
Rapport n° 1009 sur le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat (n° 993), de modernisation des institutions de la Ve République, 2 juillet 2008.
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[59]
Proposition de loi organique n° 2614 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, du 25 octobre 2005.
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[60]
Pierre Avril et Jean Gicquel, « Chronique constitutionnelle », Pouvoirs, n° 128, janvier 2009, p. 167.