Couverture de POEU_043

Article de revue

Mobiliser l'Europe dans la compétition nationale

La fabrique de l'européanisation du Front national

Pages 120 à 162

Notes

  • [1]
    Cinq domaines de recherche sont définis : 1. Le contenu politique et programmatique des partis ; 2. Leur organisation ; 3. La configuration de la compétition partisane ; 4. Les relations entre partis et gouvernement ; 5. Les relations au-delà du système de parti national.
  • [2]
    Nous reprenons ici le terme à Sophie Jacquot et Cornelia Woll (2004) qui considèrent les usages comme des pratiques et interactions politiques qui s’ajustent et se redéfinissent en saisissant l’Union européenne comme un ensemble d’opportunités, qu’elles soient institutionnelles, idéologiques, politiques ou organisationnelles.
  • [3]
    Outre le présent numéro, on peut citer une analyse l’européanisation du Mouvement pour la France (MPF) (Gautier, 2007), des idéologies critiques de l’UE (Rozenberg, 2007), de la constitution des listes socialiste en 2009 (Lefebvre et Marrel, 2012) et des rétributions de l’élection européenne chez les verts (Shemer-Kunz, 2013). On peut également mentionner notre thèse sur les résistances partisanes à l’Europe (Reungoat, 2012) ainsi que la thèse en cours de rédaction de Nicolas Azam sur l’européanisation du Parti communiste français (PCF).
  • [4]
    On ainsi été explorés l’étude de son électorat (notamment Mayer, 1999), de sa structure organisationnelle (Amjahad et Jadot, 2012), des milieux qui l’entourent ou de la sociographie de ses cadres (Birenbaum et François, 1996), des logiques d’engagement de ses militants (notamment Boumaza, 2002, 2010), de son univers discursif, du travail de propagande et de production doctrinale (par exemple Cuminal et al., 1998 ; Dezé, 2007) jusqu’à son étude globale (voir récemment Dezé, 2012 ; Delwit, 2012 ; Albertini et Doucet, 2013).
  • [5]
    On trouve néanmoins des analyses de la doctrine européenne du FN dans Benoît, 1997 ; Hainsworth et al., 2004 ; Rozenberg, 2007 ; et Boumza, 2010.
  • [6]
    Afin de reconstituer la trajectoire du parti sur le plan de la structure d’organisation, du personnel politique ou de la doctrine, notre analyse s’appuie sur un corpus documentaire composé d’articles de presse et d’archives partisanes. Ces dernières se composent en majorité de supports diversifiés de la propagande FN, qui couvrent les trente années d’élection européenne depuis 1979, avec une focale particulière sur la dernière décennie. Puisant pour partie dans notre travail de thèse, l’étude mobilise une analyse qualitative des discours des dirigeants sur l’Europe à la fois lors des rassemblements du parti (congrès notamment) et au travers de déclarations dans les medias (presse et radiophoniques surtout, en particulier concernant la direction de Marine Le Pen), de la communication interne du parti vers les sympathisants (lettre d’information, communiqués de presse) et du site internet du FN. Une étude suivie des professions de fois produites lors des élections européennes (euromanifestes) a également été menée sur les six élections auxquelles le FN a participé depuis 1984. Celles-ci ont fait l’objet d’une analyse quantitative et quantative lexicométrique de contenu à l’aide du logiciel Semato. Ces données sont articulées à l’exploitation d’entretiens avec les cadres frontistes en charge des questions européennes. Les rencontres avec Ludovic de Danne, actuel conseiller de la présidente sur les questions européennes, assistant FN au Parlement européen depuis 2005, ainsi qu’avec Catherine Salagnac, assistante parlementaire européenne, membre du comité central et Bruno Gollnisch, ex-vice président et député européen, tous deux en charge des questions européennes depuis les années 1990, sont particulièrement mobilisées. Ces analyses sont combinées à un travail en cours, ayant permis la passation d’entretiens avec des jeunes militants et cadres à Paris et en région (six entretiens), ainsi qu’avec un cadre du parti Souverainiste, souveraineté, indépendance et libertés (SIEL) souhaitant conserver l’anonymat.
  • [7]
    Il s’agit ici de prendre au sérieux l’activité politique comme une lutte visant à diffuser et imposer des interprétations concurrentes du réel, en l’occurrence de ce qu’est l’intégration européenne et des problèmes qu’elle pose. Cette activité reste particulièrement importante dans un parti comme le FN qui reste globalement exclu sur le long terme des charges de représentation politique nationales. Pour Michel Hastings, l’un des corollaires de la considération du parti comme administrateur de sens réside dans l’exploration de celui-ci comme lieu de parole et entreprise d’énonciation du politique. L’analyse des discours, sur l’Europe en particulier, issus des textes du parti et des déclarations de ses acteurs, constituent ainsi un support important de l’analyse.
  • [8]
    Comme en témoignent en 2014 les questionnements du congrès de Nanterre « 1972-2012, retour sur quarante ans de Front national » (Dezé/Crépon) et l’organisation de la ST 27 du congrès de l’Association française de science politique « Le “nouveau” Front national en question » (Dezé/Mayer). Ces rencontres scientifiques feront prochainement l’objet d’une publication.
  • [9]
    Outre l’épisode de 1986 où l’entrée de trente-cinq parlementaires FN à l’Assemblée est permise par la mise en place éphémère d’un scrutin proportionnel, et après l’élection de Yann Piat en 1988 et de Jean-Marie Le Chevallier en 1997 (invalidée en 1998), il faut attendre 2012 pour que le parti obtienne deux députés.
  • [10]
    L’aide publique constitue le poste de recettes le plus important du FN pendant la décennie 2000 (les comptes de la décennie antérieure ne sont pas accessibles en ligne). Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Publications générales des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, http://www.cnccfp.fr/index.php?art=220.
  • [11]
    La dotation publique est adossée aux résultats de l’élection législative organisée au scrutin majoritaire à deux tours (loi du 11 mars 1988 et 11 avril 2003).
  • [12]
    Outre les Verts et le PCF, l’ensemble des formations souverainistes, Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) dès 1989, le mouvement de Philippe de Villiers dès 1994, le Rassemblement pour la France (RPF) de Charles Pasqua en 1999) comme l’alliance Lutte ouvrière/Ligue communiste révolutionnaire (LO-LCR) y obtiennent des élus.
  • [13]
    Mise en place par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, la réforme de l’élection en 2003 divise la circonscription nationale unique en place depuis 1979 en huit grandes régions. Elle fait ainsi baisser la magnitude moyenne (le nombre de siège en jeu par circonscription) et rend, de fait, le seuil de répartition des sièges (5 %) et le remboursement des campagnes (3 % des suffrages) plus difficile à atteindre pour les plus petites formations (Laurent et Dolez, 2010). Elle reste néanmoins une opportunité spécifique pour les organisations plus importantes, challengers des partis majoritaires telles que le FN, Europe Écologie les Verts et le PCF.
  • [14]
    Le FN obtient dix élus en 1984 et 1989, onze en 1994, cinq en 1999 après la scission, sep en 2004 et trois en 2009.
  • [15]
    Si l’élection européenne constitue également une élection spécifiquement pourvoyeuse de postes pour ces acteurs, les dirigeants du PCF et des Verts peuvent ambitionner un mandat de député national par le biais d’accord avec les partis majoritaires. Dans une moindre mesure, c’est également le cas du MPF et de Debout la République (DLR) dont les leaders ont régulièrement négocié l’absence de concurrents Union pour un mouvement populaire (UMP) dans « leurs » circonscriptions législatives.
  • [16]
    Niilo Kauppi soulignait en 1999 la spécificité du profil des eurodéputés des petits partis français : s’y combinaient une expérience politique européenne et la détention d’un statut politique national. Les onze eurodéputés FN sont, comme six des sept députés PCF, membres des comités centraux de ces partis (Kauppi, 2005, 97).
  • [17]
    Entretien avec B. Gollnisch, membre de l’exécutif du FN depuis les années 1980, ex-député (1986 -1988), délégué général dans les décennies 1990 et 2000, vice-président du FN de 1994 à 2011, député européen de 1989 à 2014, 8 janvier 2010.
  • [18]
    Ce fut également le cas de Jean-Claude Martinez (1989-2009), Carl Lang (1994-2009), Bernard Anthony (1989-1999), de Bruno Mégret (1989-1999) et ses proches Yvan Blot (1989-1999) et Jean-Yves Le Gallou (1994-1999) jusqu’à la scission ou de Jean-Pierre Stirbois jusqu’à son décès (1984-1988) et de sa compagne Marie-France Stirbois (1994-1999/2003-2004), (liste non exhaustive).
  • [19]
    Les fonds européens ne peuvent financer les activités nationales des représentants ou de leurs partis. Celui – ci reste donc marginal, via la contribution reversée par les élus au parti qui constitue un pôle de recette constamment mineur au FN, d’autant que la règle à cet égard semble avoir fluctué.
  • [20]
    Jean-Claude Martinez le confirme également en entretien (Kestel, 2008, 223).
  • [21]
    Entretien avec L. de Danne réalisé en avril 2014. Actuel conseiller politique de M. Le Pen sur les questions européennes, il est en charge de la collaboration avec les formations homologues du groupe parlementaire que les dirigeants FN souhaitent former. Assistant parlementaire depuis 2004, il a été successivement attaché à G. Berthu (MPF), puis au FN à J.-C. Martinez, C. Lang, M. Le Pen et J.-M. Le Pen.
  • [22]
    Dans le passé, ont également occupé ces fonctions Jean-Claude Varanne, directeur de publication de National-Hebdo, membre du bureau politique depuis les années 1990 ou encore Martial Bild, ancien dirigeant du Front national de la jeunesse (FNJ), conseiller régional, membre du bureau politique et délégué général adjoint, directeur de publication de l’organe du parti Français d’abord ! (Kestel, 2008, 222).
  • [23]
    Source Parlement européen et Médiapart pour F. Philippot. Selon les journalistes, celui-ci serait rémunéré, comme L. Aliot, à hauteur de 5 000€ brut mensuels pour des contrats à temps partiels (moins de 20h/semaine). Ludovic Lamant et Marine Turchi, Mediapart, 18 juillet 2013.
  • [24]
    JO, 13 juillet 2009, C 159/1, article 43.
  • [25]
    C’est notamment le cas du United Kingdom Independance Party (UKIP) au Royaume-Uni en 2014 ou de Autodéfense (Samoobrona) en Pologne dans la dernière décennie (Pellen, 2008).
  • [26]
    Meeting de Perpignan, 20minutes.fr avec AFP, 15 février 2014.
  • [27]
    Monsieur Bitru est un personnage imaginaire couramment utilisé par J.-M. Le Pen, notamment lors de la campagne présidentielle de 2007. Il est l’allégorie du citoyen lambda tel que particularisé dans le langage du leader, du quidam français souvent présenté privé de ses droits par les prérogatives d’un étranger. Marque typique du « parler » de J.-M. Le Pen souvent parsemé de références littéraires mêlé à un langage flirtant avec des expressions familières, Bitru est à l’origine un personnage crée par l’écrivain Albert Paraz.
  • [28]
    Plusieurs motifs y concourent longtemps : la faible saillance de la question européenne, les concurrences d’égo de certains leaders, le manque de moyens et l’instabilité des formations (Mudde, 2007, 183), auxquels s’ajoutent leur faible homogénéité idéologique et la primauté des stratégies nationales, ainsi que les règles de l’institution.
  • [29]
    Utilisé par J.M. Le Pen à la fin des années 1990. Outre B. Gollnisch qui en fait couramment usage, on le retrouve également dans les propos de L. Aliot (LCI, 5 octobre 2013) ou lors du discours de M. Le Pen à la convention du Front national de Lille en février 2012.
  • [30]
    Minute, n° 2554, 7 mars 2012.
  • [31]
    Après avoir crée le RPF et s’être allié à P. de Villiers lors de l’élection européenne de 1999, C. Pasqua préside le groupe Union pour une Europe des Nations (UEN) de 1999 à 2004, tout en accordant une très faible attention au Parlement européen et à ses activités. Vice-président du même groupe jusqu’à la scission, P. de Villiers est depuis 2009 vice-président du groupe Europe-Liberté Démocratie (ELD) dont il est le seul élu français.
  • [32]
    Entretien avec C. Salagnac, janvier 2010, permanente FN, en charge des questions européennes depuis 1989. Elle appartient au secrétariat européen du parti (non-inscrits) au parlement. Elle est également membre du Bureau politique et du Comité central du FN et fut également cadre régionale du parti (conseillère régionale de Haute-Normandie en 2004-2010, plusieurs fois candidate aux législatives).
  • [33]
    B. Mégret, « L’Europe : identité et puissance », Identité, n° 1, printemps 1989.
  • [34]
    J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, Paris, Éditions Carrère-Lafon, 1984, p. 114.
  • [35]
    On peut citer, sans exhaustivité : M. le Pen, BFM TV/RMC, 17 janvier 2011, L. Aliot, BFM TV et RMC, 13 décembre 2011 ; F. Philippot, France Info, 24 juillet 2012, M. le Pen « Des paroles et des Actes », France 2, 23 février 2012. Le retour au franc est ainsi partie intégrante du chiffrage du projet présidentiel du FN pour 2012. Le projet de sortie de l’euro est progressivement assorti à la promesse d’un référendum sur le sujet, « Sortie de l’euro : Marine Le Pen change d’approche », (Le Point.fr, 22/03/2012).
  • [36]
    F. Philippot, France info, le 25 mars 2013 ; « Les grandes gueules » RMC, 26 mars 2013 ; 7/9, France Inter, 16 mai 2013 ; M.-C. Arnautu, vice-présidente du FN aux affaires sociales s’en fait également l’écho, « Un référendum aux européennes, une liste à Guéret », La Montagne, 4 mars 2013. Marine Le Pen reprend cette idée à plusieurs reprises ensuite, notamment lors de son « appel aux peuples d’Europe », le 2 avril, au moment du règlement de la crise chypriote. Au printemps 2013, le parti a également mis en ligne sur son site internet une pétition en ce sens http://www.frontnational.com/ le-projet-de-marine-le-pen/politique-etrangere/europe/.
  • [37]
    En France, c’est le cas du PCF à la fin des années 1990 (Andolfatto et Greffet, 2008), mais aussi des principaux partis majoritaires cf. supra.
  • [38]
    C’est le cas de Nicolas Sarkozy lors du meeting d’ouverture de la campagne européenne (« Nicolas Sarkozy réaffirme l’ambition et les valeurs du projet européen de Paris », Le Monde, 5 mai 2009) ainsi que de Martine Aubry en meeting (Le Monde, 9 mai 2009) et dans son discours à l’Université d’été PS de La Rochelle, 29 août 2010. Ce flirt des partis majoritaires avec la critique de l’Europe est confirmé lors de la campagne européenne de 2009 (Rozenberg, 2009, 60 ; Hubé, 2014) et lors de l’élection présidentielle de 2012 (Vassallo, 2012 ; Belot et al., 2013).
  • [39]
    Les cadres frontistes doivent lutter contre la concurrence de nombre d’entreprise partisanes anti-UE successives : une partie du RPR en 1992, le MPF dès 1994, le RPF de C. Pasqua en 1999 (qui allié au MPF dépasse le FN lors de l’élection européenne de 1999) et le Pôle républicain de Jean-Pierre Chevènement à la fin de la décennie, puis DLR depuis 2007.
  • [40]
    Outre la remise en cause explicite de l’« UMPS », la réactivation de lignes de clivage secondaires des arènes politiques domestiques constitue l’un des effets de l’intégration (Haegel, 2005). Le thème de la nation est ainsi très présent dans les discours des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 (Grunberg et Haegel, 2007).
  • [41]
    Pour appréhender la place de l’Europe dans les discours frontistes lors des élections européennes, une analyse quantitative lexicométrique des euromanifestes de 1984 à 2009 a été réalisée. Sont présentés ici les parts de Discours sur l’Europe, soit les discours dans lesquels la thématique européenne apparait, par opposition aux discours portant exclusivement sur l’arène nationale (i.e. faisant uniquement référence à la France, à son espace politique et à ses acteurs). Au sein de ces développements sur l’Europe, deux types de discours peuvent être distingués. Le discours européen correspond aux parts de texte situées à une échelle pleinement européenne, portant sur des enjeux, acteurs, évènements et institutions de l’espace communautaire en tant que tels (élections européennes, politiques et actions de l’UE, institutions et dirigeants européens etc...). Le discours de souci de la France en Europe aborde des thèmes liés à l’Europe dans une articulation immédiate à l’hexagone et à ses enjeux propres. Ce sont les développements qui se réfèrent à la CEE ou à l’UE en fonction des intérêts français, que soient évoqués les bénéfices attendus de la coopération communautaire ou les menaces qu’elle porte pour le pays (voir Reungoat 2011, 2012, chapitre 1-2).
  • [42]
    Les expressions citées sont issues des euromanifestes et de la propagande du parti, ainsi que des discours de J.-M. Le Pen et B. Gollnisch essentiellement, notamment dans Le Monde 16 mars 2009 ainsi que dans J.-M. Le Pen, National Hebdo, 12 décembre 1992.
  • [43]
    Le Monde.fr, 25 février 2007. Plusieurs entretiens exploratoires avec des jeunes cadres frontistes (FNJ et secrétaires départementaux) vont dans le même sens, ceux-ci citant spontanément l’Europe comme l’un des enjeux centraux aujourd’hui. Marine Le Pen consacre 1/5e de son discours d’investiture à l’Europe lors du congrès de Tours en 2011. Pendant la campagne de 2012, la critique de celle-ci est l’un des thèmes structurant des discours de la présidente. Elle est en revanche moins présente au sein des textes, apparaissant en creux via les nombreuses références à la France (Belot et al., 2013).
  • [44]
    J.-M. Le Pen, dans National Hebdo, 12 décembre 1992 et dans La Lettre de Jean-Marie Le Pen, n° 160, juillet, 1992. Discours de M. Le Pen à l’université d’été du FN, et présentation du « Projet pour l’Europe des Nations », M. Le Pen, 21 février 2012.
  • [45]
    L’élection directe du président par les militants est introduite en 2007, elle s’intègre néanmoins dans une stratégie de transmission du parti au sein de la famille Le Pen. L’influence des modes de légitimation communautaire peut être logiquement affaiblie au sein des organisations critiques de l’UE les moins insérées dans le processus décisionnel européen.
  • [46]
    Les statuts réservent au président le droit de nommer une partie des membres du comité central, seule instance élue, les membres du bureau politique, l’organe exécutif du parti et la prérogative exclusive de proposer les membres du bureau exécutif (centre névralgique des prises de décision [vice-président (s)], secrétaire général, délégué général, trésorier) à l’approbation ou au vote (selon leurs fonctions) du Comité central. La parcellisation des fonctions (Birenbaum, 1992) et les pratiques effectives qui accompagnent ces statuts profitent également au président.
  • [47]
    B. Mégret, La Nouvelle Europe, pour la France et l’Europe des Nations, Éditions Nationales, 1998.
  • [48]
    Libération, 11 septembre 2009.
  • [49]
    Ce vote du bureau exécutif ne fait pas l’unanimité, B. Gollnisch et plusieurs membres s’abstiennent et seul 21 membres sur 35 sont présents.
  • [50]
    RMC.fr, 13 avril 2010.
  • [51]
    Slate.fr, 21 juin 2012.
  • [52]
    Fondée en octobre 2010, l’Alliance européenne pour la liberté est reconnue comme europarti et bénéficie comme tel de fonds européens.
  • [53]
    Dans cette perspective, pourraient s’adjoindre aux partis cités le Parti pour la liberté (PVV) néerlandais et la Ligue du Nord (Lega nord) italienne avec lesquels des contacts sont engagés. La presse évoque également le Parti national slovaque (SNS) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).
  • [54]
    M. Le Pen fait ainsi pression sur J.-M. Le Pen et B. Gollnisch en prévision des élections européennes. Ceux-ci quittent l’AEMN à la fin de l’année 2013.
  • [55]
    On rejoint ici un constat de Yoav Shemer-Kunz (2013) à propos des verts en France.

1L’analyse de la gestion et des usages de l’intégration européenne par les acteurs des partis politiques constitue un excellent révélateur des modes de fonctionnement ordinaires de ces organisations et des évolutions actuelles qui les traversent. L’intérêt de la science politique francophone pour la question reste pourtant relativement récent. Or parce que le Front national (FN) s’est progressivement imposé comme l’un des principaux opposants à l’Union européenne (UE) dans l’espace politique français, interroger la manière dont les acteurs frontistes se réapproprient l’ouverture d’une arène politique communautaire pour la convertir en ressources du jeu politique national permet d’observer l’évolution du parti lui-même, celle de l’arène politique française et au – delà, offre un instrument de comparaison pour comprendre les opposants à l’UE. Notre analyse montre comment dans le cas du FN, l’intégration européenne peut, de manière indirecte, constituer un réel point d’appui à une entreprise partisane et renforcer un groupe spécifique en son sein.

2 Si l’étude de l’Européanisation (Cowles, Caporaso et Risse, 2001 ; Featherstone et Radaelli, 2003) s’intéresse d’abord aux impacts de l’intégration européenne sur les politiques publiques, son articulation aux systèmes et partis politiques se développe au début de la dernière décennie. Un premier ensemble de travaux questionne la propension de la construction européenne à bouleverser les clivages politiques domestiques (Mair, 2000 ; Bartolini, 2001, 2005) ouvrant à une discussion qui bénéficie d’une audience continue (Belot et Cautrès, 2005 ; Déloye et Hottinger, 2005 ; Roger, 2008). Plusieurs auteurs s’accordent à reconnaître que l’impact de la construction européenne reste peu visible, observant que jusqu’ici aucun des systèmes partisans d’Europe de l’Ouest n’a été restructuré ni dans sa forme, ni dans sa dynamique propre et ses schémas de concurrence traditionnels (Mair, 2000, 2006 ; Ladrech, 2002).

3 On fait ici l’hypothèse que cet impact est loin d’être négligeable pour autant. Ainsi, en France, si la compétition électorale n’est pas structurée autour de l’enjeu européen, elle devient pour une part progressivement structurée par lui. La distinction entre les effets directs et indirects engendrés par le processus d’intégration européenne sur les sphères de compétition nationales permet de penser ce phénomène. Les premiers concernent des mouvements anti-européens tandis que les effets indirects se référent aux modifications des rapports de pouvoir, des activités et des pratiques des acteurs partisans (voir notamment Mair, 2006, 154). L’analyse de ces effets indirects de l’intégration européenne est aujourd’hui centrale pour la compréhension de l’évolution récente des systèmes politiques. Ce sont jusqu’ici essentiellement les impacts de la construction européenne sur les structures formelles des organisations qui ont fait l’objet d’études approfondies en ce sens. Prenant en charge l’un des aspects de l’agenda de recherche [1] proposé par Robert Ladrech (2002, 2012), l’équipe de l’Université de Keele souligne le déploiement de groupes de spécialistes de l’UE au sein des organes exécutifs des partis des États membres, sans que cela ne semble constituer une ressource dans l’accès à des positions dominantes (Aylott et al., 2007). L’intégration européenne vient également renforcer certaines évolutions contemporaines des organisations partisanes (Mair et Katz, 1995 ; Mair, 2006) marquées par une marginalisation progressive des militants et un renforcement de l’autonomisation et de l’autorité des élites en leur sein (Hix et Goetz, 2000 ; Raunio, 2002). Ce sont également de nouveaux modes de légitimation de la décision politique, issus du modèle délibératif promu par les instances communautaires, qui semblent se diffuser au sein des partis politiques (Roger, 2007, 2009a).

4 En parallèle de ces questionnements un débat important portant sur l’analyse de l’« euroscepticisme » partisan a focalisé l’attention des politistes dans la dernière décennie et contribué à structurer la littérature (voir notamment Szczerbiak et Taggart, 2003, 2008). Essentiellement centrées sur l’interrogation des effets directs de l’intégration européenne, ces approches, fortement critiquées, restent souvent marquées par une visée taxonomiste et des polémiques définitionnelles offrant un cadre d’analyse faiblement heuristique. À rebours de cette littérature, on considère ici l’opposition à l’Europe comme un outil de la compétition plus que comme un attribut (Dakowska, 2010), ce qui exige de décaler le questionnement, de restituer au positionnement son caractère processuel et de le réinsérer dans des configurations du jeu politique. C’est dès lors au travers de l’analyse des usages [2] de l’Europe et des stratégies d’appropriation de l’enjeu et des échéances électorales européennes mises en place par les acteurs partisans que l’on se propose de chercher à saisir les effets indirects du processus d’intégration européenne. En considérant que l’ouverture d’une arène politique communautaire se développe comme une matrice de contraintes et de ressources politiques nouvelles auxquelles les acteurs partisans nationaux contribuent à donner forme, il s’agit d’insister sur le caractère interactif du processus d’européanisation.

5 Plusieurs travaux de recherche ont posé des jalons à cette perspective d’analyse (Neumayer, 2006 ; Lacroix et Coman, 2007 ; Neumayer, Roger et Zalewski, 2008). Il en ressort que l’européanisation constitue un phénomène qui vient « teinter » les sphères nationales (Baisnée et Pasquier, 2007 ; Conti, 2014), par les opportunités de mobilisation et les ressources que les acteurs politiques se construisent. L’objectif des recherches à venir reste dès lors d’en donner à voir les processus concrets. Certains aspects ont déjà été dégagés, il apparaît que la position européenne des acteurs peut être mobilisée comme un marqueur identitaire dans les luttes internes (Roger, 2009b ; Azam dans ce numéro) et que sa labellisation s’est imposée comme un instrument du jeu politique inter-partisan (Neumayer, 2008 ; Reungoat, 2010). Ce décalage du prisme d’analyse s’accompagne d’un réajustement de la démarche de recherche caractérisé par la circonscription des terrains, la mobilisation de la sociologie et de l’histoire politiques et le recours à des méthodologies qualitatives. La nécessité de contextualiser l’analyse pour comprendre ces usages de l’Europe, invite en effet à la réduction des objets étudiés à une échelle nationale ou partisane et/ou à des comparaisons ciblées, permettant la prise en compte des luttes internes pour la domination de l’appareil partisan et le contrôle des ressources collectives.

6 Si ces travaux pionniers ont pu éclaircir le terrain, la grande majorité des partis français a été peu interrogée en ce sens [3]. C’est le cas du Front national. Les nombreuses études à son égard ont permis la production de monographies embrassant une grande diversité d’aspects du fonctionnement du parti depuis les années 1980 [4]. La question du rapport du FN à l’Europe reste cependant souvent négligée et, à l’exception notable de Laurent Kestel qui interroge la présence du FN au Parlement européen (Kestel, 2008), la gestion de l’enjeu européen par la direction n’est jamais centrale [5]. En souscrivant à l’invitation de R. Harmsen à observer l’intégration des enjeux européens dans la compétition domestique y compris par les partis protestataires (Harmsen, 2005) notre analyse révèle la fabrique du processus d’européanisation à l’œuvre au FN et les évolutions des pratiques politiques qu’il engendre.

7 À partir d’un protocole d’enquête articulant le recours aux archives de presse et archives partisanes complétées par l’exploitation d’entretiens [6], puisé pour partie dans notre travail de thèse, nous avons choisi de considérer le FN en croisant diverses traditions. Celui-ci est étudié au travers d’un prisme stratégiste et entrepreneurial, comme une organisation visant à l’expansion, à la conquête de mandats et à l’exercice du pouvoir, mais également comme une entreprise d’administration de sens [7] (Hastings, 2001) et comme un champ de force (Offerlé, 1987), en tant qu’organisation traversée par des luttes pour sa domination.

8 On rejoint ainsi des appels à étudier les partis de droite radicale à partir des concepts communs de l’analyse des partis politiques et à réintégrer les études européennes dans les problématiques plus générales de la sociologie politique (Saurugger, 2008 ; Favell et Guiraudon, 2011). Les usages de l’Europe opérés par les acteurs frontistes se développent au travers de chacun des aspects évoqués. Ils viennent renforcer la visibilité et la légitimité du parti mais aussi sa cohésion, appuyer les tentatives d’élargissement de son assise électorale et consolider la position du leader en affermissant son contrôle de l’appareil. L’analyse est organisée par un jeu d’échelle explorant dans un premier temps comment la thématique, l’élection et l’arène européenne sont mobilisées par les acteurs frontistes dans la compétition nationale et le jeu politique inter-partisan. La seconde partie vient resserrer le cadre d’analyse au niveau de l’organisation elle-même pour observer les usages de la construction communautaire en son sein, face aux contraintes d’une formation partisane et aux jeux de concurrence intra-partisans. La mise en lumière des configurations historiques inter et intra-partisanes dans lesquelles s’active l’opposition à l’UE du FN nous permet également de suivre deux lignes narratives secondaires. Tout d’abord nous chercherons à questionner au fil du récit la spécificité de ces usages frontistes de l’UE. Enfin, pour répondre à la multiplication de discours médiatiques sur le « nouveau FN » et contribuer aux travaux en développement sur la question [8], nous interrogerons également les évolutions en cours et la part de continuité dans la mobilisation de l’enjeu européen au FN, depuis le changement inédit de présidence avec l’accession, en 2011, de Marine Le Pen à la tête de la direction.

L’Europe, ressource de la compétition inter-partisane nationale

L’arène européenne comme base arrière de la lutte politique domestique

9 Au travers de ses enjeux, de ses échéances électorales et de ses institutions, l’arène politique européenne se développe, depuis plusieurs décennies, comme une nouvelle allocataire de ressources, matérielles et immatérielles, pour les acteurs politiques (Kauppi, 2005). On n’a sans doute pas encore mesuré l’importance de ce phénomène pour les petites et moyennes formations, en particulier au sein des systèmes domestiques dominés par une forte bipolarisation. Ces deux types de rétributions apparaissent particulièrement exploités par les acteurs du FN. Nous observerons successivement ici la mobilisation de ressources matérielles puis symboliques issues de l’investissement de l’élection européenne et de l’institution parlementaire. Celles-ci contribuent à soutenir l’entreprise politique frontiste au fil des décennies au point de transformer l’arène européenne en « base arrière » de la lutte politique nationale menée par les dirigeants.

• L’usage des ressources matérielles de l’arène européenne

10 Si elle contribue à limiter l’impact direct de l’UE (Ladrech, 2010), l’absence de financements européens en direction des partis politiques nationaux n’exclut pas l’usage de ressources matérielles liées à l’ouverture de l’arène communautaire pour les acteurs partisans. Dans le contexte national français dominé par un système électoral majoritaire, l’accès aux charges électives en général et au mandat parlementaire en particulier reste extrêmement difficile pour les petites et moyennes formations et les nouveaux entrants. Il est conditionné à un jeu de coalitions avec les principaux partis, dont le FN, à l’inverse d’autres formations, reste globalement exclu [9]. Si un accès réel et limité aux financements publics est ouvert à ces organisations [10] à partir des années 1990, celui-ci entretient de grandes inégalités de puissance économiques entre les partis [11]. L’élection européenne voit s’articuler, dès 1979 en France, la désignation des parlementaires au scrutin proportionnel avec un comportement des électeurs propice aux formations non gouvernementales lors de ces élections de second ordre (Reif et Schmitt, 1980). Consolidées par un coût et une prise de risque financière limitée, ces conditions font dès lors de l’échéance européenne une aubaine électorale remarquablement pourvoyeuse de postes. L’ensemble des petites et moyennes formations françaises en bénéficient dès les années 1980 [12] en obtenant souvent leurs premiers élus au-delà de l’échelon local ou régional. Émoussée par la réforme de 2003 [13], l’élection européenne continue à représenter une opportunité spécifique forte pour ces acteurs. Les dirigeants frontistes ont su en tirer partie de manière continue depuis les années 1980 en obtenant (à l’exception de 2009) entre cinq et dix élus en moyenne lors de ces échéances [14].

11 Un premier usage de l’arène communautaire apparaît ici : dans une compétition nationale fermée, l’élection européenne constitue, parmi d’autres, un vecteur important de la professionnalisation politique des cadres frontistes (Kestel, 2008). L’hypothèse de Nicholas Aylott et al. (2007) est ici retournée, ce n’est pas la compétence sur l’Europe qui permet d’accéder aux positions dominantes de l’organisation, mais l’occupation de ces positions qui peut éventuellement engager une spécialisation relative des élus et de leurs équipes. La surreprésentation des eurodéputés dans l’équipe dirigeante constitue l’une des spécificités du FN par rapport aux autres partis moyens. Quand ceux-ci peuvent voir leurs dirigeants accéder à un mandat national [15], l’isolement politique du FN contribue à faire de l’élection européenne une opportunité plus décisive qu’ailleurs. La pratique de faire correspondre les têtes des listes FN aux principaux membres du bureau politique est présente dès les années 1980, pondérée par le recours à des candidats d’ouverture. Elle s’affirme dans les années 1990 [16] comme une stratégie explicite, ponctuellement troublée par les exigences de la parité et/ou la volonté d’écarter des cadres menaçant la suprématie du président (voir par la suite).

Tableau 1

La place des eurodéputés dans les instances dirigeantes du FN

Législatures du Parlement Européen Élus membres des instances dirigeantes* (sur nombre d’eurodéputés) Dont mandataires des fonctions principales dans l’organisation partisane
1984-1989 6 (sur 10) Dont le président, le vice-président, le secrétaire général et le directeur de cabinet de J.-M. Le Pen.
1989-1994 7 (sur 10) Dont le président et le délégué général.
1994-1999 11 (sur 11) Dont le président, le vice président, les secrétaires généraux successifs et le délégué général.
1999-2004 4 (sur 5) Dont le président, le vice-président, le secrétaire général et le délégué général.
2004-2009 7 (sur 7) Dont le président, la vice-présidente, le délégué général et le secrétaire général.
2009-2014 3 (sur 3) Dont le président et les deux vice-présidents.
2014 4 (sur 8 têtes de listes) Dont la présidente, le président d’honneur, deux vice-présidents et deux conseillers politiques.
figure im1

La place des eurodéputés dans les instances dirigeantes du FN

* Pour donner à voir la présence des eurodéputés dans les instances dirigeantes, nous avons choisi de considérer d’une part le bureau politique (BP) (colonne 2). Comptant une quarantaine de membres (avec quelques variations selon les années), le BP est l’instance dirigeante intermédiaire du FN. Plus important que le comité central (« parlement » du parti) qui l’avalise, le BP est, dans les faits, moins décisionnaire que le bureau exécutif. Centre névralgique restreint, ce dernier réunit essentiellement les mandataires des principales fonctions de pouvoir au FN (membres de droit), que nous avons choisi ici de faire figurer comme tels (colonne 3). Soit le président et le président d’honneur, les vice-présidents, le secrétaire général, le délégué général (ces deux dernières fonctions étant centrales de 1988 à 2007) et le trésorier. Nos données restent partiellement lacunaires pour les deux premières législatures. En 1984, le parti est encore groupusculaire et ses structures d’organisation labiles. En colonne 2, les chiffres correspondent aux membres les plus actifs et décisionnaires de l’époque. Leur faible nombre correspond à une stratégie d’ouverture des listes à des personnalités extérieures au FN. En 1989, l’appartenance au BP est une estimation. On précise enfin qu’ont été pris en considération en 1989 Jean-Claude Martinez remplaçant Claude Autan-Lara en septembre et Fernand le Rachinel en 2004, remplaçant Chantal Simonot qui démissionne le 30 septembre 2004. Enfin les résultats de l’élection de 2014 ne sont pas encore connus au moment de la rédaction.

12 Bruno Gollnisch, vice-président du FN de 1994 à 2010, confirme cette stratégie :

13

« Depuis le début, la logique qui prédit à la constitution des listes, c’est plutôt ça. [….]. En règle générale on prenait le président, [petit rire] c’est-à-dire Le Pen, le secrétaire général, le délégué général, et puis et puis les principales figures. [….] C’est une règle assez, c’est une règle naturelle intuitive. »

14 L’ouverture d’une arène politique allocataire de mandats accessibles permet ainsi à tous un ensemble de cadres de se consacrer à plein-temps à leur activité politique européenne et nationale. Bruno Gollnisch évoque en ce sens l’accession au Parlement européen en 1984 :

15

« Mais ça a été considérable sur le plan interne. Parce que d’un seul coup [….] on a eu dix élus. Mais ces dix élus. Des gens comme Jean-Pierre Stirbois qui était secrétaire général du parti. Ou J.-M. Le Chevalier qui était plus ou moins trésorier [….] qui était directeur de cabinet de le Pen se sont retrouvés quand même avec, avec un revenu ! Ça a l’air aussi bête que ça mais ça leur permettait d’être disponibles absolument à plein-temps. [17] »

16 Les principaux dirigeants du parti exercent ainsi le mandat européen pendant plusieurs législatures (Tableau 1). Ainsi depuis 1984, les présidents du FN ont continuellement été eurodéputés, tout comme les délégués généraux (de la création de la fonction en 1988 à sa suppression en 2007), les secrétaires généraux jusqu’à 2004 et les vice-présidents depuis la revalorisation de la fonction en 2007. C’est actuellement le cas de J.-M. Le Pen (depuis 1984), de B. Gollnisch (depuis 1989) et de M. Le Pen (depuis 2004) [18]. Florian Philippot et Louis Aliot, vice-présidents du parti depuis 2011 et 2012, sont tous deux têtes de liste pour l’élection de 2014.

17 L’ouverture d’une arène européenne s’inscrit donc comme l’une des conditions ayant assuré le maintien et favorisé le développement de l’organisation. D’autres rétributions matérielles liées à l’espace communautaire ont pu être mobilisées à cet effet (Gaxie, 1977). Celles-ci se traduisent moins en financement direct [19] que par les moyens matériels et les dotations mis à disposition des députés par l’institution parlementaire : « Ca donne des moyens financiers, ça donne des moyens en personnel et ça confère une légitimité » comme le souligne B. Gollnisch. Sans que cette pratique ne soit réservée au FN ou à l’institution européenne, l’emploi d’assistants attachés aux parlementaires ou au groupe politique européen permet aux partis d’employer des « permanents » dont le travail contribue pour partie à soutenir l’activité politique de l’organisation [20]. Ludovic de Danne, conseiller aux affaires européennes du FN et assistant parlementaire, le reconnaît à demi-mot en entretien [21].

18

« – Enquêtrice : Quand j’avais interrogé Georges Berthu [eurodéputé MPF], il m’avait dit que c’était très courant que les assistants parlementaires européens fassent du travail à la fois sur les questions européennes et à la fois pour le parti. J’imagine que c’est pareil chez vous ?
– Un petit peu oui, parce que je vous dis, on était un parti millionnaire en voix, mais très pauvre en moyens. On était quasiment en mode révolutionnaire. Honnêtement.
Le nombre de gens qui réellement peuvent travailler, pour ceux qui pouvaient être permanents, on est très réduit. On a vraiment dix casquettes chacun. »

19 Les ressources liées à l’institution parlementaire peuvent également être mobilisées pour rémunérer des cadres voire des dirigeants non élus. Si les données longitudinales restent ici incomplètes, l’analyse de la législature actuelle confirme pleinement les observations de L. Kestel (2008, 221) pour la période 2004-2009. Les assistants attachés au FN tendent à présenter des caractéristiques atypiques pour la profession. Nombre d’entre eux sont ainsi fortement dotés en capital partisan. Sur treize assistants de 2009 à 2014, huit ont été candidats à des élections législatives, sept sont élus (dont six conseillers régionaux), dix sont membres de la direction du parti (comité central), dont trois au bureau politique, et plusieurs occupent diverses fonctions au sein de l’appareil (secrétaires départementaux, délégué national du FN, conseiller en affaires européennes de M. Le Pen, voire vice-présidence du parti).

20 L’emploi de certains dirigeants est en effet une pratique qui perdure au FN [22]. Dans la dernière législature, on trouve parmi les assistants locaux (soumis à la législation française) trois vice-présidents du FN dans une période où le parti est dans une situation financière délicate, notoirement endetté : Jean-François Jalkh, assistant de J.-M. Le Pen et F. Philippot, assistant de M. le Pen jusqu’en juin 2012 [23]. C’est également le cas de L. Aliot, le compagnon de celle-ci qui, après avoir participé à la coordination de la campagne présidentielle de 2002, est l’assistant parlementaire de M. Le Pen dès 2004. Il le demeure en 2009 tout en devenant vice-président du parti lors du congrès de 2011 puis directeur de la campagne pour l’élection présidentielle. Cela vaut un temps au parti l’attention des services financiers du Parlement, le règlement interdisant l’emploi des conjoints et partenaires des eurodéputés [24]. Entre 2009 et 2014, cinq des neuf membres que compte le bureau exécutif du FN figurent parmi les eurodéputés ou les assistants.

21 Cette réalité pointe une faiblesse constitutive du modèle des élections de second ordre. En faisant de l’élection européenne une échéance souvent faiblement investie des acteurs partisans, celui-ci néglige de mettre la perception de l’élection en rapport avec les positions des acteurs dans l’espace politique. À rebours des formations majoritaires, parce qu’elle est spécifiquement allocataire de postes et de ressources matérielles dans un environnement national fermé, l’échéance européenne constitue une élection de première importance pour les outsiders (c’est également le cas à gauche : Shemer-Kunz [2013] ; Beauvallet et Michon [2013]). Nonobstant l’orientation claire de leur activité politique vers l’arène nationale, ce phénomène est renforcé pour les dirigeants frontistes du fait de leur isolement. Ces éléments sont révélateurs de l’effet du développement de l’arène politique européenne sur les sphères de compétition nationales. Si celle-ci ne suffit pas toujours à pérenniser un nouvel entrant (on peut évoquer les échecs relatifs du RPF ou du MPF), elle contribue au pluralisme et, contre la tendance à une dépolitisation (Katz et Mair, 1995, 2009), entretient la conflictualité au sein des systèmes politiques nationaux.

Les rétributions symboliques de l’investissement des arènes européennes

22 L’Europe et ses arènes politiques fournissent également des ressources immatérielles mobilisées par les dirigeants frontistes pour accroître la légitimité et la visibilité du parti et gagner en centralité dans la compétition nationale. Les élections européennes font office de tribunes et sont données à voir par les dirigeants comme des tremplins symboliques. Au FN, comme ailleurs [25] ceux-ci attribuent explicitement un caractère de « test » à une élection qu’ils savent à leur avantage. Les bons scores obtenus peuvent devenir gage de crédibilité et constituent un appui à la remise en cause de l’ordre politique établi revendiqué par le parti. Pour d’autres, ces suffrages deviennent un argument de négociation d’alliances électorales ou gouvernementales (Shemer-Kuntz, 2013). Cette fonction de marchepied attribuée à l’élection européenne semble particulièrement marquée dans le contexte de 2014, qui voit le FN en bonne position dans les sondages. Plusieurs dirigeants mettent en avant l’objectif d’y devenir le « premier parti » de France. S’employant à donner à l’évènement une résonnance maximale, Marine Le Pen promet, le cas échéant, de demander à François Hollande la dissolution de l’Assemblée nationale [26].

23 Au niveau parlementaire, cette reconversion nationale de l’activité politique liée à l’Europe est partagée par de nombreux acteurs critiques de l’UE (Gauthier, 2007 ; Navarro, 2008). Au FN, elle sert en particulier le jeu dialectique continu des dirigeants entre contestation des règles du jeu politique et adaptation pour lutter contre la stigmatisation dont le parti fait l’objet (Birenbaum, 1992 ; Dezé, 2012). Ce sont d’abord les mandats parlementaires européens qui sont présentés comme des signes extérieurs de légitimation, source de prestige et de visibilité pour les dirigeants. B. Gollnisch en fait état ici :

24

« Bon écoutez, ça nous donne. Nous n’avons pas un député, nous n’avons pas un sénateur. Mais il est certain que moi, je pèse plus en tant que député que ne le pèse heu par exemple mon ami Christophe Boudeau qui n’est pas encore élu mais qui est responsable de la fédération du Rhône. Ca nous confère une légitimité, ça nous confère un certain prestige. [….] Il est bien évident que quand vous faites une réunion publique, ou quand vous téléphonez au préfet ou quand vous vous adressez aux journaux et que vous êtes parlementaire, c’est pas tout à fait pareil que si vous êtes Bitru [27], représentant du groupuscule heu…. voila. »

25 Dans la même optique, les alliances développées avec des partenaires européens font l’objet de reconversions au niveau national. Si la droite radicale éprouve des difficultés à former, à l’échelle européenne, des coalitions stables [28] (Mudde, 2007 ; Almeida, 2010), les dirigeants frontistes ont participé activement, dès les années 1980, à la création de groupes parlementaires, chaque fois que cela était possible, et au développement de partenariats formalisés (*). On le voit dans ce tableau synthétique des appartenances du FN au fil des législatures.

Tableau 2

L’insertion du FN dans des groupes politiques au Parlement européen

1984-1989 1989-1994 1994-1999 1999-2004 2004-2009 2009-2014
Groupes techniques des droites européennes Groupes des droites européennes Non inscrits Lancement du réseau Euronat* Non inscrits, Groupe techniques des députés indépendants rejeté par la CJCE Groupe ITS Identité, Tradition, Souveraineté en 2007, puis Non inscrits Non inscrtis Création de l’Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN)*
figure im2

L’insertion du FN dans des groupes politiques au Parlement européen

26 Comme d’autres mouvements politiques plus centraux (Dakowska, 2010, 261), les dirigeants frontistes avaient, dès les années 1990, anticipé à cet effet l’élargissement en développant des liens avec les partis d’Europe centrale et orientale. La nouvelle équipe dirigeante reprend pleinement à son compte cet héritage, usant du slogan provocateur de J.-M. Le Pen : « Patriotes de tous les pays, unissez-vous ! [29] ». Outre que l’appartenance à un groupe conditionne largement la latitude d’action des parlementaires au sein de l’institution, ces entreprises de rassemblement visent à élargir l’accès des dirigeants aux ressources matérielles allouées par les institutions. C’est l’objectif explicite des groupes « techniques » des deux premières décennies. C’est également l’une des visées du développement de l’AEMN dans lequel B. Gollnisch a été un acteur clef. Ce but est atteint en février 2012 par l’octroi du statut de parti politique européen à l’AEMN, ouvrant à une dotation annuelle d’un peu moins de 300000 € pour financer les activités européennes de ses partis [30]. De même, les ressources matérielles fournies par l’Alliance européenne pour la liberté, parti politique auquel M. Le Pen est affiliée, ont ainsi leur importance dans le développement récent des partenariats européens du FN en vue de l’élection de 2014 et permettent parfois d’alléger très ponctuellement les frais du FN.

27

« – Enquêtrice : L’Alliance européenne pour la liberté, ça ne vous donne pas de collaborateurs ou de fonds pour l’instant ?
– L. de Danne : Bah ça nous a donné des moyens au niveau de cette alliance. Et des moyens pour nous retrouver en congrès ou de voyager, rencontrer nos futurs alliés. Effectivement, ça a été une force pour nous, au niveau financier et humain, dans notre effort du futur groupe, oui, ça c’est vrai. Par rapport à notre parti politique, pas vraiment. Mais bon, je suis le lien entre les deux. Donc je voyais à quels moments on pouvait aussi alléger la charge de travail ou la charge financière, lorsque Marine se déplace au titre des politiques européennes. »

28 Ces partenariats offrent également des ressources symboliques supplémentaires. À l’instar d’autres petites formations en France [31] et ailleurs (Carter et al., 2007), l’investissement sélectif des acteurs FN dans l’arène parlementaire privilégie l’occupation de fonctions dirigeantes au sein des groupes et des europartis. Quand elles ont pu être exercées, ces responsabilités politiques européennes sont ostensibles dans la propagande nationale du parti. C’est le cas dans les euromanifestes de 1989 et de 1994 :

figure im3
Sous les photographies de J.-M Le Pen, on peut lire « Député européen, Président du Groupe des Droites européennes au Parlement européen, Président du Front national » et en 1994 « Conseiller régional de PACA ».

29 Il s’agit également de montrer, par la promotion de ces réseaux européens, une image venant contrebalancer l’isolement qui marque le parti à l’échelle nationale. Catherine Salagnac, assistante des eurodéputés et membre du comité central, le souligne en entretien avant d’énumérer les visites de délégations étrangères lors des derniers congrès et manifestations frontistes : « on n’est pas tout seuls. Ca fait des années qu’on n’est pas tout seul et c’est vrai que les gens ont tendance à penser qu’on est heu isolés [32]. » Si elle est une marque de son européanisation (Ladrech, 2002), cette pratique frontiste épouse également ici une évolution générale des partis français de valorisation des partenariats européens, particulièrement visible dans la dernière décennie (Reungoat, 2012). La collaboration politique au niveau communautaire est devenue une ressource légitimante dans l’espace national qu’il faut donner à voir.

La démarcation par l’Europe comme ressource et contrainte de la compétition

30 Au-delà de ces conversions de la participation aux arènes européenne en ressources matérielles et symboliques, l’enjeu européen est saisi comme un outil de plus en plus important dans la stratégie de démarcation du FN à l’échelle nationale. Cette recherche constante de distinction des rivaux, caractéristique du parti depuis les années 1980, est commune à de nombreuses organisations critiques de l’UE et – trop – rapidement mise en avant dans la littérature comme l’un des ressorts explicatifs centraux de l’« euroscepticisme » des partis radicaux (Taggart, 1998 ; Sitter, 2001 ; Taggart et Szczerbiak, 2003). C’est au sein des espaces nationaux que l’enjeu européen se construit (Taggart et Szczerbiak, 2008 ; Neumayer et al., 2008 ; Harmsen et Schild, 2011), c’est pourquoi les positions européennes des organisations sont évolutives et les discours sur l’Europe doivent être mis en perspective avec les configurations nationales de la compétition pour être compris. Si la construction d’un positionnement européen est un processus composite, on peut souligner que le retournement d’une position frontiste pro-européenne au début des années 1980 vers une posture critique de l’« Europe de Maastricht » à partir de la fin de la décennie, se déploie en miroir inversé du RPR. Le passage de ce dernier du souverainisme de 1979 à un soutien à l’intégration européenne certes modéré et porteur de divisions, mais croissant à partir de 1983 (Maricot, 2010) puis notamment de la signature de l’Acte unique, ouvre un espace à droite. À l’inverse au FN en 1984, les textes soutiennent au nom du patriotisme européen la mise en place d’une monnaie commune, d’une défense commune et surtout d’une politique de sécurité et de contrôle des frontières commune dans une Europe confédérale. « C’est parce que les nations européennes ont une identité commune et que cette identité est menacée qu’elles doivent s’organiser comme les membres d’une même famille » écrit ainsi B. Mégret dans la revue interne Identité[33]. Jean-Marie Le Pen le confirme dans Les Français d’abord : « puisque tous les maux dont nous parlons – l’immigration, l’insécurité, le chômage, la dénatalité, le terrorisme – sont des maux qui sont aussi européens que français, c’est une politique commune qui doit être élaborée [34] ». Parallèlement à l’évolution du RPR et à celle de la Communauté économique européenne elle-même, la présence du FN au Parlement européen entre 1984 et 1989 se double de l’arrivée au sein de la direction de nouveaux membres très critiques à l’égard de la Communauté (Y. Blot et J.-C. Martinez notamment) ce qui contribuera à produire le retournement de la posture du parti. À l’Assemblée nationale, les députés frontistes s’abstiennent lors du vote sur l’Acte unique et les textes frontistes assument une posture d’opposition au système en construction lors de l’élection de 1989. L’euromanifeste FN dénonce une politique européenne dirigiste et la dérive « vers une Europe mondialiste et tiers-mondiste » et rejette la mise en place d’un « État » à Bruxelles pour prôner un modèle d’« Europe des Patries, respectueuse de la souveraineté ».

31 Ainsi, c’est dans une perspective relationnelle que le durcissement de la critique de l’Europe opéré par les dirigeants frontistes ces dernières années peut être compris. Celui-ci s’observe après les élections européennes, à partir de 2010, dans les vagues de la crise financière et économique qui touche les États membres. Les termes choisis sont plus offensifs et offrent une image de radicalité. À l’instar d’autres formations en Europe, on évoque désormais régulièrement la « sortie » de l’euro et, plus récemment, de l’Union européenne. D’abord porté par une vice-présidente en campagne pour le leadership interne, incriminée de vouloir modérer la doctrine frontiste, ce discours est repris suite à l’imposition de M. Le Pen à la direction en janvier 2011, par la présidente et les principaux dirigeants. Le thème de la sortie de l’euro est régulièrement développé pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2012 [35]. À l’issue du Conseil national du 2 mars 2013, cette proposition est assortie d’une demande de référendum sur la sortie de l’UE, reprise ensuite à plusieurs occasions [36]. Ce durcissement de la communication politique n’exempt pas le FN d’une dose de double discours sur l’Europe, à l’instar de nombreux partis [37], et les textes de la formation se montrent plus modérés. Si ces critiques radicales ne sont pas pleinement inédites au FN, celles-ci étaient jusqu’ici restées ponctuelles et isolées, repérables dans la décennie 1990 (notamment en 1994) mais disparaissant après l’élection présidentielle de 2002.

32 Pour comprendre ce durcissement récent de la critique frontiste, une courte mise en perspective historique de l’évolution globale des discours partisans français sur l’Europe depuis deux décennies est nécessaire. Leur analyse comparative fait ressortir la nature relationnelle de la construction des positions européennes. C’est un double mouvement qui caractérise cette évolution (Reungoat, 2012). À partir de la fin des années 1990 tout d’abord, la manière de dire son opposition à l’Europe évolue chez les acteurs partisans de droite et de gauche : tous convertissent progressivement leur critique en un appel à une autre Europe. Or, ce premier mouvement qui concernait les opposants, s’étend aux discours des partis majoritaires à partir de la seconde moitié de la décennie 2000, dans les vagues du rejet du Traité constitutionnel européen (TCE) en 2005. À la fin de la décennie, c’est la quasi-totalité du spectre politique français qui adopte désormais cet appel à changer l’Europe, révélateur de la monétisation de la posture de porteur d’alternative dans l’espace politique comme de l’influence des opposants sur la construction de l’Europe comme enjeu. C’est particulièrement visible lors de l’élection européenne de 2009 où les textes des différentes formations rivalisent d’un surprenant unanimisme. Les euromanifestes de l’UMP et du parti socialistes proclament respectivement que « l’Europe doit changer » et qu’« il faut changer l’Europe maintenant ! ». C’est également l’intitulé même de la liste socialiste. À plusieurs reprises, les acteurs de l’UMP vont jusqu’à reprendre, dans leurs textes, en meeting comme dans leur communication iconographique, la formule phare des altermondialistes, affirmant qu’« une autre Europe est possible », tout comme les leaders socialistes à plusieurs reprises [38].

33 Dès lors le durcissement du discours frontiste engagé par la nouvelle direction doit être lu comme le fruit d’une continuité dans les pratiques discursives du parti. Il vise à préserver une plus-value distinctive sur cet enjeu pour lequel le FN bénéficie d’une audience particulière. Cette évolution n’est pas sans rappeler l’« effet d’incitation » tel que décrit par R. Harmsen (2005). On observe des évolutions assez similaires vers la légitimation du discours critique de l’Europe au début des années 2000 dans plusieurs États d’Europe centrale et orientale (Neumayer, 2003 ; Szczerbiak, 2008), menant parfois, comme en Pologne, au même phénomène de radicalisation de partis non majoritaires (Dakowska, 2010).

34 Cette construction relationnelle de la doctrine européenne se déploie aussi par rapport à l’espace de concurrence immédiat du souverainisme français [39]. Le durcissement récent de la critique de l’Europe est également à réinscrire dans cette relation. Voyant son message invisibilisé par la conversion des partis majoritaires vers un appel à changer l’Europe, N. Dupont-Aignan, leader souverainiste de Debout la République, axe dès 2010-2011 sa position et sa communication en faveur de la sortie de la zone euro, déchirant un billet factice géant de dix euros reproduit dans ses affiches de campagne présidentielle. Cette radicalisation constitue dès lors une force d’entrainement pour le FN. Le discours sur l’Europe épouse ainsi l’objectif continu de préserver la domination du parti, notamment électorale, sur les formations offrant un message politique proche. La mobilisation régulière du label souverainiste peut être utilisée en ce sens (Neumayer, 2008 ; Reungoat 2010). La mise en place en 2012 d’une collaboration avec la formation « Souveraineté, Indépendance et libertés » (SIEL) fondée par une figure du souverainisme français, Paul-Marie Coûteaux, ancien député européen et transfuge d’un parti concurrent, le MPF, se lit de la même manière. Celle-ci vise à attirer les militants et électeurs souverainistes lors des élections présidentielles et législatives. C’est là la reprise d’une pratique ancienne consistant à associer au parti des personnalités porteuses de crédit politique (Birenbaum, 1992). Lors de l’élection européenne de 1999, figure ainsi en second de liste derrière J.-M. Le Pen, Charles de Gaulle, petit fils du général de Gaulle. Ce dernier constitue en effet une référence partagée fort légitimante dans les milieux souverainistes.

35 Le recours au discours sur l’Europe est de plus en plus utilisé dans la compétition politique, il se fait ainsi globalement plus présent dans la propagande frontiste produite lors des élections européennes (Tableau 3).

36 Cette européanisation du discours se construit en s’intégrant aux schèmes argumentaires existants au FN : valorisation traditionnaliste de la nation (Boily 2005), critique de l’immigration et remise en cause du clivage gauche/ droite [40] en particulier. Elle permet également de réactiver certains thèmes tels que l’anticommunisme dans les années 1980, prolongé ensuite par la comparaison régulière de l’UE avec l’URSS ou la défense du ruralisme, en concurrence avec le développement du CPNT (Baticle, 2012).

Tableau 3

Part cumulée des différents types de discours sur l’Europe du FN, en % des euromanifestes

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Part cumulée des différents types de discours sur l’Europe du FN, en % des euromanifestes

[41]

37 L’analyse de l’investissement de l’« Europe » par le FN montre des usages diversifiés de l’enjeu communautaire et de son arène politique, significatifs dans le maintien et l’expansion du parti au sein de la compétition politique nationale. Palliant à la rareté des ressources matérielles et symboliques nécessaires à la pérennisation d’une entreprise partisane à l’échelle domestique, l’arène européenne se trouve mobilisée, via l’élection européenne et l’institution parlementaire associées, comme la base arrière d’une lutte politique orientée vers l’espace national. L’obtention de mandats européens et, secondairement, le développement d’alliances avec des homologues soutiennent en effet la professionnalisation du parti, en permettant à un certain nombre de dirigeants successifs de vivre de la politique, qu’il soit députés ou assistants, de disposer de moyens et de rémunérer des équipes de collaborateurs au fil des législatures. Comme les titres de parlementaires et les fonctions politiques occupées au sein du parlement, les succès obtenus lors des élections remplissent également une fonction légitimante au niveau domestique. Parler de l’Europe est en outre devenu un nouvel outil de la lutte d’administration de sens. Il est mobilisé par les acteurs du FN comme une ressource de démarcation dans la compétition partisane dès les années 1980 et 1990. Dès lors, cet usage du discours sur l’Europe fonctionne également comme une contrainte pour le parti. La constitution des doctrines et des prises de position étant intrinsèquement relationnelle au sein de l’espace politique, les impulsions marquées de la posture européenne de concurrents divers poussent les acteurs frontistes à durcir leur critique de l’UE ces dernières années, afin de lui conserver sa plus-value distinctive. Ce déploiement, par la menace d’une sortie de l’euro, voire de l’UE, contribue sans doute à reléguer le FN dans l’espace de la radicalité politique.

38 Au-delà de la compétition inter-partisane, c’est également au sein même des organisations que l’« Europe » est saisie et convertie en ressorts de la lutte politique. La deuxième partie de l’analyse s’intéresse à la manière dont l’enjeu européen, l’élection et l’institution qui lui sont liées sont articulées aux contraintes internes propres aux partis et aux concurrences qui s’y déploient.

L’Europe, une ressource politique à l’échelle intra-partisane

La fonction cohésive de la critique radicale de l’Europe

39 C’est également au sein de la compétition intra-partisane que l’Europe est saisie par les acteurs pour être convertie en un ensemble de ressources politiques. Dans de nombreux partis, les positionnements sur la question européenne viennent épouser les courants et lignes de clivages internes. Les désaccords doctrinaux s’y articulent à la structuration de groupes d’acteurs en lutte pour la domination de l’organisation, offrant des profils et disposant de ressources distinctes (Roger, 2009b ; Azam dans ce numéro). Le maintien de la cohésion partisane est une contrainte importante s’imposant aux directions dans leur objectif de préservation ou de développement de l’appareil partisan et de son rayonnement politique. On sait que l’un des motifs de la politisation d’un nouvel enjeu est lié au consensus qu’il génère en interne et aux divisions qu’il provoque au sein des partis adverses (Carmines, 1991 ; Martin, 2005). Les enquêtes empiriques interrogeant la gestion des conflits sur l’enjeu européen par les dirigeants dévoilent un travail d’assourdissement et/ou des stratégies visant à le compartimenter afin d’éviter qu’il n’affecte la cohésion interne dans les partis majoritaires en Scandinavie, en Grande-Bretagne (voir en particulier Johansson et Raunio, 2001 ; Parsons et Weber, 2011 ; Duseigneur, 2011) ou encore en France (notamment Petithomme 2011 ; Baloge dans ce numéro).

40 Le cas du Front national raisonne avec ces usages partisans de l’Europe tout en s’en distinguant pour partie. Au FN, si la définition de la doctrine européenne porte parfois à discussion, celle-ci ne se construit pas comme une pierre de touche des désaccords, mais vient au contraire occuper une fonction cohésive au sein de l’organisation, s’imposant dès lors à la fois comme ressource et comme contrainte de la compétition. L’enjeu européen s’est en effet affirmé comme un marqueur identitaire au sein des systèmes partisans ainsi qu’au sein de nombreuses organisations, c’est le cas en particulier des partis critiques de l’UE en Europe centrale (Neumayer, 2006, 2010). C’est donc aussi dans le cadre d’une pérennisation de la fonction d’administration de sens du parti que la conversion de l’Europe en ressource politique peut être comprise. Le FN constitue une organisation politique matrice de référentiels culturels et identitaires collectifs. Les militants frontistes se réfèrent régulièrement au parti comme à une « famille » et celui-ci est tenu comme un refuge et un espace de sociabilité majeur (Tristan, 1987 ; Orfali, 1990). Dans les formations plus modestes perpétuant une culture de la radicalité et de la différenciation, l’idéologie revêt un rôle symbolique pour devenir un élément central de garantie de la cohésion du parti (Villalba, 1997 ; Dezé, 2007). En en dénonçant l’imposition d’un « super-État » européen préparant la vassalisation de la France et en faisant de l’« euromondialisme » et de son « idéologie libre-échangiste » les prémices d’un gouvernement mondialisé menaçant les cultures nationales, le discours sur l’Europe vient spécifier le FN et ses partisans dans l’espace politique domestique dès le début des années 1990. En présentant la défense de l’« Europe des Patries » comme un combat pour la préservation des États-Nation et de leur souveraineté mais aussi pour la protection d’une Europe de la civilisation chrétienne et du contrôle des frontières, le discours européen constitue un référentiel consensuel et partagé au sein du parti [42].

41 Si elle reste secondaire, l’opposition à l’intégration européenne semble avoir gagné en centralité dans le paysage doctrinal du FN dans la dernière décennie et a fortiori dans le référentiel identitaire qui s’y construit. La place du thème européen se fait plus importante dans les discours du parti, on l’a vu lors des élections européennes de 2004 et 2009 (tableau 3). Lors de la campagne présidentielle 2007, J.-M. Le Pen fait ainsi de l’immigration et de « l’Europe de Bruxelles » les principales causes des difficultés du pays lors du meeting de Lille [43]. Sans que cette socialisation ne soit matrice d’adhésion, la pratique de l’UE acquise par nombre de dirigeants y concourt. Cette posture de résistance contribue à renforcer le sentiment d’appartenance au parti, et ce d’autant plus que l’Europe est l’objet de formations et d’une importante propagande interne (Boumaza, 2010). La cohésion et la singularité des électeurs et sympathisants FN autour d’une attitude très hostile à la construction européenne sont confirmées par plusieurs enquêtes du début de la décennie jusqu’à aujourd’hui (Ysmal, 2000 ; Belot et al., 2013). C’est également le cas dans d’autres partis radicaux européens (Gómez-Reino et Llamazares, 2013 ; Aichholzer et al., 2014).

42 Puisque la radicalité spécifique du discours politique frontiste constitue un élément central du référentiel identitaire du parti propre à assurer sa cohésion, le recrutement et la loyauté des militants et des cadres, le durcissement récent du discours FN par rapport aux autres critiques partisanes de l’UE peut également être réinscrit dans cette perspective. En montrant sa capacité à tenir des discours « musclés » et radicaux, il permet à la présidente, taxée en interne de vouloir développer une ligne modérée, d’assurer la continuité d’un style discursif qui est partie prenante de l’univers culturel de l’institution partisane et contribue à l’exercice de démarcation. On sait qu’au travers de son vocabulaire, du marquage iconographique, des symboles spécifiques mobilisés ainsi que de fêtes propres, le FN vise à construire un espace social avec ses référents spécifiques, un univers culturel opposé aux codes dominants (Birenbaum, 1992 ; Pudal, 1994 ; Cuminal et al., 1998). Le discours partisan y participe activement et constitue un vecteur d’objectivation des clivages politiques dans le langage (Le Bart, 1998). La critique de l’Europe a ainsi été partie prenante du style discursif d’un J.M. Le Pen ne mâchant pas ses mots et n’hésitant pas, dans la presse interne en particulier, à user d’analogies équivoques pour railler l’« Europe de Maastricheurs » et des « fédérastes ». Marine le Pen s’inscrit ici dans la continuité. Outre ses appels à des sorties de l’euro, voire de l’UE, la présidente dénonce, lors de son discours sur l’Europe de 2012, le Mécanisme européen de stabilité (MES) comme une « prison des peuples » et une « dictature de la finance » dirigé par une « hypercaste ». Elle critique également la « monnaie inique » et de « serviles parlementaires » ratifiant les traités ou, plus récemment, célèbre la puissance et l’indépendance de la nation française lors de l’université d’été du FN : « nous ne sommes pas une région d’Europe, nous ne sommes le vassal de personne [44] ».

43 À l’instar d’autres formations, comme le Parti de gauche (Mathieu, 2012 ; Escalona et Vieira dans ce numéro) et très probablement les Verts (qui transforment leur organisation partisane et son nom en 2010 pour Europe Ecologie les Verts), cette appropriation de l’enjeu européen comme ressource cohésive, illustre la capacité de l’intégration européenne à participer à la restructuration des identités politiques collectives de manière différenciée. Contrairement à d’autres partis où, par le biais de la désintermédiation, la construction européenne a pu renforcer une dilution de l’identité partisane dans les dernières décennies (Roger, 2009a, 283), en la mobilisant, les acteurs frontistes continuent de proposer un discours identitaire fort et exclusif, réactivant un schéma traditionnel de constitution des identités politiques par le conflit (Simmel, 1992) qui exige une mobilisation en résistance capable de donner sens au militantisme partisan.

Mobiliser l’Europe pour contrôler l’appareil

44 Si elle n’y exerce pas de fonction de marquage idéologique, l’arène européenne est néanmoins mobilisée dans l’espace de concurrence interne du FN, lors de l’élection européenne tout d’abord, au travers du processus de distribution des investitures. Si la cristallisation des luttes pour le contrôle de l’appareil au moment de la constitution des listes de l’élection européenne n’est pas l’apanage du FN (Lefebvre et Marrel, 2012), l’opportunité spécifique qu’elle ouvre vers l’accès aux ressources matérielles et symboliques liées aux mandats en fait un puissant outil de contrôle de l’appareil par le président et d’affirmation du leadership. C’est là une pratique récurrente au FN sur les deux dernières décennies d’élections européennes.

45 Outre l’exclusion distinctive des acteurs FN des instances parlementaires nationales, la structure organisationnelle du parti revêt ici son importance pour comprendre cet usage de l’échéance européenne. Contrairement à une tendance avérée dans d’autres organisations politiques, le FN cède peu à la pression contemporaine vers un « impératif délibératif » que l’UE viendrait renforcer (Lefebvre et Roger, 2009 ; Roger, 2009a) [45]. À l’instar d’autres formations radicales ou souverainistes (RPF, MPF, DLR), le FN conserve une structure très centralisée et hiérarchisée, (Ivaldi et Secondy, 2007 ; Amjahad et Jadot, 2012) statutairement fermée au pluralisme et structurée autour du président [46], qui s’appuie sur une culture militante marquée par la remise de soi. Jusqu’à la fin des années 1990, la composition de la liste européenne figure parmi les nombreuses prérogatives formelles de J.-M. Le Pen.

46 C’est cette autorité du président sur l’attribution des investitures qui consolide sa domination. Si ce pouvoir ne peut s’exercer de manière unilatérale et si le président doit tenir compte des rapports de force interne de manière plus ou moins prononcée selon les époques (comme en témoignent les positions éligibles de J.-P. Stirbois en 1984 ou de B. Mégret et ses proches en 1989 et 1994) (Kestel, 2008, 215), l’attribution des investitures permet à J.-M. Le Pen de développer un jeu de récompense et de renforcement des liens de dépendance internes. L’élection européenne s’inscrit ainsi comme un instrument de gestion régulier du pluralisme et de l’allocation des ressources. S’il existe formellement un comité d’investiture depuis 2004, censé intégrer à ses prérogatives les élections européennes depuis leur régionalisation, dans les faits le président conserve l’autorité sur leur attribution. Cette domination étant renforcée par l’ensemble des dispositions statutaires mentionnées lui ménageant un certain contrôle sur les instances dirigeantes. Bruno Gollnisch le confirme, laissant également apparaître le caractère particulièrement sensible de l’élection européenne au FN.

47

« – Comment on choisit à ce moment-là ? Comment ça se met en place ? – Bah y a théoriquement une commission d’investiture [….] dans laquelle les débats ont parfois été assez vifs pour les municipales, pour les législatives. Mais Le Pen se réservait les Européennes. En disant, écoutez on va pas prendre la commission d’investiture parce que les gens qui ont vocation à être candidats, se sont pratiquement les membres de la commission d’investiture donc heu…. On peut pas être juge et parti. Là je demande un mandat du bureau politique de me faire confiance pour faire la liste parce là, il faut faire des arbitrages. Alors on a restauré ces commissions d’investiture malgré tout pour les élections, à partir du moment où le système a été régionalisé. Bon, mais en fait c’est assez fictif parce que, la commission d’investiture, y avait beaucoup de gens qui, dont on voyait mal comment ils s’opposeraient au président du mouvement, voila. »

48 Enjeu de convoitise, l’échéance européenne constitue ainsi de longue date un outil de contrôle important de l’appareil ayant pu permettre, non sans faire trembler ce dernier, de discipliner et/ou de rétribuer les cadres mais aussi de refreiner les ambitions et d’écarter de potentiels rivaux. Ainsi si à l’issue de l’été 1998, la concurrence pour la domination de l’organisation affleure de longue date entre B. Mégret et J.-M. Le Pen, l’attribution du leadership de l’unique liste des élections européennes de 1999 devient le théâtre immédiat de leur affrontement. B. Mégret, qui publie en 1998 un ouvrage sur l’Europe [47], cherche à s’imposer face à un président menacé d’inéligibilité. S’y refusant, J.-M. Le Pen prévoit le cas échéant d’investir sa femme plutôt que son challenger. S’il conduit à la scission la plus importante de son histoire à l’hiver 1998 et à l’affaiblissement du parti, l’affrontement consolide in fine l’autorité de J.-M. Le Pen. La liste « Mouvement national » lancé par B. Mégret obtient un faible score lors de l’élection de juin 1999. L’élection suivante, en 2004, est également source de tensions. Elle est marquée par la mise à l’écart de deux cadres historiques réfractaires, M.-F. Stirbois et B. Antony, qui se voient refuser une investiture en position éligible. Les deux eurodéputés sortants, contestent en effet l’autoritarisme du président et l’ascension de sa fille dans l’appareil (Albertini et Doucet, 2013, 270). Après avoir quitté le bureau politique en 2003, B. Antony abandonne le parti en 2006 et M.-F. Stirbois décède la même année.

49 Cette pratique d’instrumentalisation des investitures est pérennisée à la fin de la décennie. L’élection européenne de 2009 constitue l’un des nœuds stratégiques récent du processus d’imposition de M. le Pen et de son entourage à la direction de l’appareil. Elle a permis à l’actuelle présidente d’écarter définitivement, avec le soutien de J.-M. Le Pen, des concurrents internes et de confirmer le placement de ses propres partisans. Le scénario de l’élection de 2009 pourrait ainsi être lu comme un « remake » de la décennie précédente. Pas plus qu’en 1998-1999, la doctrine européenne, faiblement mobilisée en tant que telle, ne constitue un enjeu de cristallisation des oppositions. A contrario, l’attribution des têtes de liste exacerbe les rivalités avec les « anciens » cadres et les soutiens de B. Gollnisch. Face au « parachutage » potentiel de la vice-présidente qui souhaite s’ancrer dans la région, Carl Lang eurodéputé en 1994, 1999 et 2004 dans la région Nord-Ouest, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais depuis 1992, affirme à plusieurs reprises son refus de figurer en second de liste [48]. Outre que M. Le Pen ménage ainsi la tête de liste de l’Île de France à l’un de ses proches, Jean-Michel Dubois, son imposition dans la circonscription comme celle de L. Aliot dans le Sud-Ouest conduisent, in fine, aux départs de deux cadres historiques : C. Lang et de J.-C. Martinez, candidat déclaré à la présidence du parti. Ayant entrepris de monter des listes dissidentes, accompagnés d’un certain nombre d’élus régionaux, ceux-ci sont suspendus du parti par le comité exécutif sur la demande de J.-M. Le Pen en novembre 2008 [49], soit à un peu plus d’un an du congrès de succession (prévu à l’origine en 2010). En 2014, l’absence d’attribution d’une tête de liste à B. Gollnisch, eurodéputé depuis 1989 et élu de la région Est, et l’octroi du leadership de la région à F. Philippot semble figurer l’aboutissement de ce processus.

50 Au-delà des usages déjà évoqués des alliances partisanes constituées à l’échelle européenne, la logique de leur développement et de leur composition peut également être réinscrite dans le jeu politique intra-partisan. Ainsi si les europartis jouent des rôles encore très faibles, une position de leadership en leur sein peut renforcer les élites partisanes des formations les plus modestes ou issues des États les plus petits, dont l’accès à des réseaux internationaux reste plus difficile (Carter et al., 2007, 11). Les responsabilités politiques européennes ont également valeur de ressources politiques au sein du parti. Inégalement partagées, leur répartition dans la dernière décennie se réalise clairement à l’avantage de B. Gollnisch, fortement investi et inséré à ce niveau au fil de ses mandats parlementaires. Outre la présidence de l’éphémère groupe « Identité, Tradition et Souveraineté » au sein du Parlement européen en 2007, il est l’un des fondateurs de l’Alliance européenne des mouvements nationaux depuis 2009. Cette internationalisation est notamment mise en avant par l’ancien candidat à la présidence lors de la campagne interne de 2010. C’est le cas lors de la conférence de presse fixant la date du congrès d’élection du successeur de J.-M. Le Pen où, après avoir évoqué l’AEMN, B. Gollnisch déclare : « La plupart des mouvements nationaux en Europe et même en dehors d’Europe me reconnaissent comme leur coordinateur. [50] » En promouvant, publiquement un renouvellement des alliances européennes du FN après le congrès de succession, la nouvelle direction cherche ainsi à opérer une double reconversion de cette arène dans la compétition inter et intra-partisane. Désavouant l’AEMN, présidée par B. Gollnisch et dirigée par des membres du British National Party (BNP), du Jobbik hongrois, du Movimento Sociale - Fiamma Tricolore italien et du Parti national démocratique Bulgare, M. le Pen met en avant l’association du FN à des partenaires plus « modérés », opérant ainsi un détour par l’Europe pour promouvoir une stratégie de respectabilisation du parti déployée à l’échelle nationale afin de gagner en crédibilité politique. Cet objectif est explicite dans les propos de L. de Danne, son conseiller aux affaires européennes, qui déclare vouloir se rapprocher de : « partis qui ne sont pas dans la caricature et dans le folklorique. [….] avec des gens sérieux qui ont participé à des gouvernements [51] » Cet usage des partenariats européens comme vitrine d’une inflexion stratégique nationale est une pratique répandue, on peut ainsi évoquer les cas des conservateurs britanniques, du Parti de la liberté (FPÖ) autrichien dans les années 1980 et 1990 (Mudde, 2007, 173) ou celui des partis polonais (Dakowska, 2010, 261). Marine le Pen choisit, depuis l’automne 2011, d’afficher son appartenance à l’Alliance européenne pour la liberté (EAF) [52] composée notamment de membres du FPÖ, de flamands du Vlaams Belang et des Démocrates suédois, dont elle est devenue vice-présidente. Les membres de l’organisation allant jusqu’à produire un manifeste commun présenté en décembre 2013. À la tête de la nouvelle direction, la présidente du FN engage ainsi des partenariats officiels avec ces nouveaux alliés en amont de l’élection de 2014, en vue de créer un groupe politique au parlement. [53] Ici le renouvellement du leadership et la figure de Marine le Pen ont ouvert, à l’échelle communautaire, des perspectives d’alliances élargies, fermées jusque-là aux dirigeants frontistes, qui pourraient mener au développement de l’activité au sein du parlement. Le FN semble franchir ainsi un pas inédit, au-delà des alliances « techniques » passées, dans la collaboration transnationale lors des élections européennes qui marque à la fois l’européanisation (tardive mais réelle) des nationalistes et une certaine institutionnalisation des opposants au sein des arènes de l’Union. Ce renouvellement des alliances offre également une occasion d’affirmer le leadership de la présidente sur cet enjeu à l’échelle communautaire et de priver du même coup son ancien adversaire des ressources politiques que fournissait à B. Gollnisch sa forte insertion dans les réseaux européens [54].

Conclusion

51 Notre analyse montre comment, en s’insérant progressivement dans le jeu politique inter- et intra-partisan, le processus d’intégration européenne participe à modeler celui-ci et concourt à la construction des pratiques politiques contemporaines au sein des organisations partisanes. Les manières dont les acteurs frontistes se saisissent de l’« Europe » contribuent au soutien et au développement de l’entreprise partisane FN dans la compétition politique nationale depuis trente ans et ont pu appuyer, en son sein, la domination du président J.-M. Le Pen puis celle de sa fille et de leurs proches. Essentiellement tournés vers la sphère nationale, les investissements, réels, dans le thème, l’échéance électorale communautaire et la constitution de réseaux européens permettent aux dirigeants frontistes d’engranger des bénéfices à la fois matériels et symboliques, de garantir la professionnalisation de nombre d’entre eux et de renforcer l’audience (politique, électorale et médiatique) du parti dans l’espace domestique. Pour cette raison, l’arène parlementaire européenne conserve une importance de premier ordre pour ces acteurs, spécifiquement liée à la domination du scrutin majoritaire et à leur isolement dans l’arène nationale française. Ce faisant, les opposants frontistes participent dès lors de la construction de l’Europe comme enjeu politique au niveau national et européen, et de sa politisation au même titre que la gauche critique (Beauvallet et Michon, 2013). L’européanisation que véhiculent ces usages de l’Europe se traduit moins par une transformation, que dans une articulation aux pratiques traditionnelles du FN, impulsant à la marge quelques évolutions (développement et durcissement du discours sur l’Europe, engagement approfondi dans de nouvelles alliances européennes). La saisie de l’enjeu européen s’insère ainsi dans la stratégie de démarcation frontiste, consolide des thèmes de discours classiques, renforce la fonction cohésive de la radicalité critique et s’adosse aux évolutions stratégiques nationales ponctuelles (élargissement de l’audience électorale, respectabilisation).

52 À titre comparatif, l’analyse révèle donc que ce sont tant des facteurs contextuels, qu’institutionnels, idéologiques, culturels et organisationnels qui viennent modeler ces usages partisans de l’Europe. Nos résultats tendent à montrer que la place du parti dans la compétition, le degré d’ouverture/ fermeture de celle-ci aux outsiders et le rapport du parti aux formations majoritaires sont significatifs. Tout comme sa doctrine, ses référentiels identitaires ainsi que la spécificité de sa structure organisationnelle apparaissent comme des facteurs qui conditionnent ces appropriations de l’arène européenne. L’investissement frontiste de l’enjeu européen résulte en effet à la fois de sa mise à l’écart spécifique des mandats parlementaires nationaux liée au cadre institutionnel français mentionné, mais également de l’impossibilité qui lui est opposée par ses adversaires d’entrer dans des coalitions gouvernementales. Cette situation dans le système partisan est interdépendante d’une doctrine et d’un style discursif radicaux. Parties prenantes de l’univers partisan FN, ceux-ci marquent l’appropriation des thèmes européens dans le discours de ses dirigeants et circonscrivent la production programmatique à l’égard de l’UE et son évolution. L’analyse de l’organisation elle-même permet également de souligner combien l’opportunité spécifique représentée par l’échéance européenne peut conduire à une cristallisation des tensions et concurrences intra-partisanes au moment des élections communautaires. Cependant la verticalité de la structure du parti et l’amplitude des prérogatives décisionnelles du président, caractéristiques des petites formations de droite et en particulier des formations souverainistes, concourent à la saisie de ces élections comme un instrument visant à assurer au leader le contrôle de l’appareil, au prix parfois d’une déstabilisation de celui-ci.

53 Autrement dit, on pourrait rapprocher le FN d’autres partis radicaux, mais aussi de petites et moyennes formations, outsiders dans leur compétition domestique. Leur spécificité majeure résidant sans doute, comme celle du FN, dans l’intérêt particulier à investir l’Europe que peuvent montrer ces formations ou, pour le dire d’une autre manière, dans l’impact plus significatif de l’émergence de l’espace politique communautaire sur elles, [55] contribuant notamment à préserver un certain pluralisme dans la compétition politique nationale. Enfin, nos analyses révèlent, à contrepied des discours sur le « nouveau FN », les évolutions circonscrites et la continuité globale des pratiques dans lesquelles s’inscrit la nouvelle équipe dirigeante, illustrant combien sociologie des partis politiques et études européennes gagnent à s’articuler.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Cinq domaines de recherche sont définis : 1. Le contenu politique et programmatique des partis ; 2. Leur organisation ; 3. La configuration de la compétition partisane ; 4. Les relations entre partis et gouvernement ; 5. Les relations au-delà du système de parti national.
  • [2]
    Nous reprenons ici le terme à Sophie Jacquot et Cornelia Woll (2004) qui considèrent les usages comme des pratiques et interactions politiques qui s’ajustent et se redéfinissent en saisissant l’Union européenne comme un ensemble d’opportunités, qu’elles soient institutionnelles, idéologiques, politiques ou organisationnelles.
  • [3]
    Outre le présent numéro, on peut citer une analyse l’européanisation du Mouvement pour la France (MPF) (Gautier, 2007), des idéologies critiques de l’UE (Rozenberg, 2007), de la constitution des listes socialiste en 2009 (Lefebvre et Marrel, 2012) et des rétributions de l’élection européenne chez les verts (Shemer-Kunz, 2013). On peut également mentionner notre thèse sur les résistances partisanes à l’Europe (Reungoat, 2012) ainsi que la thèse en cours de rédaction de Nicolas Azam sur l’européanisation du Parti communiste français (PCF).
  • [4]
    On ainsi été explorés l’étude de son électorat (notamment Mayer, 1999), de sa structure organisationnelle (Amjahad et Jadot, 2012), des milieux qui l’entourent ou de la sociographie de ses cadres (Birenbaum et François, 1996), des logiques d’engagement de ses militants (notamment Boumaza, 2002, 2010), de son univers discursif, du travail de propagande et de production doctrinale (par exemple Cuminal et al., 1998 ; Dezé, 2007) jusqu’à son étude globale (voir récemment Dezé, 2012 ; Delwit, 2012 ; Albertini et Doucet, 2013).
  • [5]
    On trouve néanmoins des analyses de la doctrine européenne du FN dans Benoît, 1997 ; Hainsworth et al., 2004 ; Rozenberg, 2007 ; et Boumza, 2010.
  • [6]
    Afin de reconstituer la trajectoire du parti sur le plan de la structure d’organisation, du personnel politique ou de la doctrine, notre analyse s’appuie sur un corpus documentaire composé d’articles de presse et d’archives partisanes. Ces dernières se composent en majorité de supports diversifiés de la propagande FN, qui couvrent les trente années d’élection européenne depuis 1979, avec une focale particulière sur la dernière décennie. Puisant pour partie dans notre travail de thèse, l’étude mobilise une analyse qualitative des discours des dirigeants sur l’Europe à la fois lors des rassemblements du parti (congrès notamment) et au travers de déclarations dans les medias (presse et radiophoniques surtout, en particulier concernant la direction de Marine Le Pen), de la communication interne du parti vers les sympathisants (lettre d’information, communiqués de presse) et du site internet du FN. Une étude suivie des professions de fois produites lors des élections européennes (euromanifestes) a également été menée sur les six élections auxquelles le FN a participé depuis 1984. Celles-ci ont fait l’objet d’une analyse quantitative et quantative lexicométrique de contenu à l’aide du logiciel Semato. Ces données sont articulées à l’exploitation d’entretiens avec les cadres frontistes en charge des questions européennes. Les rencontres avec Ludovic de Danne, actuel conseiller de la présidente sur les questions européennes, assistant FN au Parlement européen depuis 2005, ainsi qu’avec Catherine Salagnac, assistante parlementaire européenne, membre du comité central et Bruno Gollnisch, ex-vice président et député européen, tous deux en charge des questions européennes depuis les années 1990, sont particulièrement mobilisées. Ces analyses sont combinées à un travail en cours, ayant permis la passation d’entretiens avec des jeunes militants et cadres à Paris et en région (six entretiens), ainsi qu’avec un cadre du parti Souverainiste, souveraineté, indépendance et libertés (SIEL) souhaitant conserver l’anonymat.
  • [7]
    Il s’agit ici de prendre au sérieux l’activité politique comme une lutte visant à diffuser et imposer des interprétations concurrentes du réel, en l’occurrence de ce qu’est l’intégration européenne et des problèmes qu’elle pose. Cette activité reste particulièrement importante dans un parti comme le FN qui reste globalement exclu sur le long terme des charges de représentation politique nationales. Pour Michel Hastings, l’un des corollaires de la considération du parti comme administrateur de sens réside dans l’exploration de celui-ci comme lieu de parole et entreprise d’énonciation du politique. L’analyse des discours, sur l’Europe en particulier, issus des textes du parti et des déclarations de ses acteurs, constituent ainsi un support important de l’analyse.
  • [8]
    Comme en témoignent en 2014 les questionnements du congrès de Nanterre « 1972-2012, retour sur quarante ans de Front national » (Dezé/Crépon) et l’organisation de la ST 27 du congrès de l’Association française de science politique « Le “nouveau” Front national en question » (Dezé/Mayer). Ces rencontres scientifiques feront prochainement l’objet d’une publication.
  • [9]
    Outre l’épisode de 1986 où l’entrée de trente-cinq parlementaires FN à l’Assemblée est permise par la mise en place éphémère d’un scrutin proportionnel, et après l’élection de Yann Piat en 1988 et de Jean-Marie Le Chevallier en 1997 (invalidée en 1998), il faut attendre 2012 pour que le parti obtienne deux députés.
  • [10]
    L’aide publique constitue le poste de recettes le plus important du FN pendant la décennie 2000 (les comptes de la décennie antérieure ne sont pas accessibles en ligne). Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Publications générales des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, http://www.cnccfp.fr/index.php?art=220.
  • [11]
    La dotation publique est adossée aux résultats de l’élection législative organisée au scrutin majoritaire à deux tours (loi du 11 mars 1988 et 11 avril 2003).
  • [12]
    Outre les Verts et le PCF, l’ensemble des formations souverainistes, Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) dès 1989, le mouvement de Philippe de Villiers dès 1994, le Rassemblement pour la France (RPF) de Charles Pasqua en 1999) comme l’alliance Lutte ouvrière/Ligue communiste révolutionnaire (LO-LCR) y obtiennent des élus.
  • [13]
    Mise en place par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, la réforme de l’élection en 2003 divise la circonscription nationale unique en place depuis 1979 en huit grandes régions. Elle fait ainsi baisser la magnitude moyenne (le nombre de siège en jeu par circonscription) et rend, de fait, le seuil de répartition des sièges (5 %) et le remboursement des campagnes (3 % des suffrages) plus difficile à atteindre pour les plus petites formations (Laurent et Dolez, 2010). Elle reste néanmoins une opportunité spécifique pour les organisations plus importantes, challengers des partis majoritaires telles que le FN, Europe Écologie les Verts et le PCF.
  • [14]
    Le FN obtient dix élus en 1984 et 1989, onze en 1994, cinq en 1999 après la scission, sep en 2004 et trois en 2009.
  • [15]
    Si l’élection européenne constitue également une élection spécifiquement pourvoyeuse de postes pour ces acteurs, les dirigeants du PCF et des Verts peuvent ambitionner un mandat de député national par le biais d’accord avec les partis majoritaires. Dans une moindre mesure, c’est également le cas du MPF et de Debout la République (DLR) dont les leaders ont régulièrement négocié l’absence de concurrents Union pour un mouvement populaire (UMP) dans « leurs » circonscriptions législatives.
  • [16]
    Niilo Kauppi soulignait en 1999 la spécificité du profil des eurodéputés des petits partis français : s’y combinaient une expérience politique européenne et la détention d’un statut politique national. Les onze eurodéputés FN sont, comme six des sept députés PCF, membres des comités centraux de ces partis (Kauppi, 2005, 97).
  • [17]
    Entretien avec B. Gollnisch, membre de l’exécutif du FN depuis les années 1980, ex-député (1986 -1988), délégué général dans les décennies 1990 et 2000, vice-président du FN de 1994 à 2011, député européen de 1989 à 2014, 8 janvier 2010.
  • [18]
    Ce fut également le cas de Jean-Claude Martinez (1989-2009), Carl Lang (1994-2009), Bernard Anthony (1989-1999), de Bruno Mégret (1989-1999) et ses proches Yvan Blot (1989-1999) et Jean-Yves Le Gallou (1994-1999) jusqu’à la scission ou de Jean-Pierre Stirbois jusqu’à son décès (1984-1988) et de sa compagne Marie-France Stirbois (1994-1999/2003-2004), (liste non exhaustive).
  • [19]
    Les fonds européens ne peuvent financer les activités nationales des représentants ou de leurs partis. Celui – ci reste donc marginal, via la contribution reversée par les élus au parti qui constitue un pôle de recette constamment mineur au FN, d’autant que la règle à cet égard semble avoir fluctué.
  • [20]
    Jean-Claude Martinez le confirme également en entretien (Kestel, 2008, 223).
  • [21]
    Entretien avec L. de Danne réalisé en avril 2014. Actuel conseiller politique de M. Le Pen sur les questions européennes, il est en charge de la collaboration avec les formations homologues du groupe parlementaire que les dirigeants FN souhaitent former. Assistant parlementaire depuis 2004, il a été successivement attaché à G. Berthu (MPF), puis au FN à J.-C. Martinez, C. Lang, M. Le Pen et J.-M. Le Pen.
  • [22]
    Dans le passé, ont également occupé ces fonctions Jean-Claude Varanne, directeur de publication de National-Hebdo, membre du bureau politique depuis les années 1990 ou encore Martial Bild, ancien dirigeant du Front national de la jeunesse (FNJ), conseiller régional, membre du bureau politique et délégué général adjoint, directeur de publication de l’organe du parti Français d’abord ! (Kestel, 2008, 222).
  • [23]
    Source Parlement européen et Médiapart pour F. Philippot. Selon les journalistes, celui-ci serait rémunéré, comme L. Aliot, à hauteur de 5 000€ brut mensuels pour des contrats à temps partiels (moins de 20h/semaine). Ludovic Lamant et Marine Turchi, Mediapart, 18 juillet 2013.
  • [24]
    JO, 13 juillet 2009, C 159/1, article 43.
  • [25]
    C’est notamment le cas du United Kingdom Independance Party (UKIP) au Royaume-Uni en 2014 ou de Autodéfense (Samoobrona) en Pologne dans la dernière décennie (Pellen, 2008).
  • [26]
    Meeting de Perpignan, 20minutes.fr avec AFP, 15 février 2014.
  • [27]
    Monsieur Bitru est un personnage imaginaire couramment utilisé par J.-M. Le Pen, notamment lors de la campagne présidentielle de 2007. Il est l’allégorie du citoyen lambda tel que particularisé dans le langage du leader, du quidam français souvent présenté privé de ses droits par les prérogatives d’un étranger. Marque typique du « parler » de J.-M. Le Pen souvent parsemé de références littéraires mêlé à un langage flirtant avec des expressions familières, Bitru est à l’origine un personnage crée par l’écrivain Albert Paraz.
  • [28]
    Plusieurs motifs y concourent longtemps : la faible saillance de la question européenne, les concurrences d’égo de certains leaders, le manque de moyens et l’instabilité des formations (Mudde, 2007, 183), auxquels s’ajoutent leur faible homogénéité idéologique et la primauté des stratégies nationales, ainsi que les règles de l’institution.
  • [29]
    Utilisé par J.M. Le Pen à la fin des années 1990. Outre B. Gollnisch qui en fait couramment usage, on le retrouve également dans les propos de L. Aliot (LCI, 5 octobre 2013) ou lors du discours de M. Le Pen à la convention du Front national de Lille en février 2012.
  • [30]
    Minute, n° 2554, 7 mars 2012.
  • [31]
    Après avoir crée le RPF et s’être allié à P. de Villiers lors de l’élection européenne de 1999, C. Pasqua préside le groupe Union pour une Europe des Nations (UEN) de 1999 à 2004, tout en accordant une très faible attention au Parlement européen et à ses activités. Vice-président du même groupe jusqu’à la scission, P. de Villiers est depuis 2009 vice-président du groupe Europe-Liberté Démocratie (ELD) dont il est le seul élu français.
  • [32]
    Entretien avec C. Salagnac, janvier 2010, permanente FN, en charge des questions européennes depuis 1989. Elle appartient au secrétariat européen du parti (non-inscrits) au parlement. Elle est également membre du Bureau politique et du Comité central du FN et fut également cadre régionale du parti (conseillère régionale de Haute-Normandie en 2004-2010, plusieurs fois candidate aux législatives).
  • [33]
    B. Mégret, « L’Europe : identité et puissance », Identité, n° 1, printemps 1989.
  • [34]
    J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, Paris, Éditions Carrère-Lafon, 1984, p. 114.
  • [35]
    On peut citer, sans exhaustivité : M. le Pen, BFM TV/RMC, 17 janvier 2011, L. Aliot, BFM TV et RMC, 13 décembre 2011 ; F. Philippot, France Info, 24 juillet 2012, M. le Pen « Des paroles et des Actes », France 2, 23 février 2012. Le retour au franc est ainsi partie intégrante du chiffrage du projet présidentiel du FN pour 2012. Le projet de sortie de l’euro est progressivement assorti à la promesse d’un référendum sur le sujet, « Sortie de l’euro : Marine Le Pen change d’approche », (Le Point.fr, 22/03/2012).
  • [36]
    F. Philippot, France info, le 25 mars 2013 ; « Les grandes gueules » RMC, 26 mars 2013 ; 7/9, France Inter, 16 mai 2013 ; M.-C. Arnautu, vice-présidente du FN aux affaires sociales s’en fait également l’écho, « Un référendum aux européennes, une liste à Guéret », La Montagne, 4 mars 2013. Marine Le Pen reprend cette idée à plusieurs reprises ensuite, notamment lors de son « appel aux peuples d’Europe », le 2 avril, au moment du règlement de la crise chypriote. Au printemps 2013, le parti a également mis en ligne sur son site internet une pétition en ce sens http://www.frontnational.com/ le-projet-de-marine-le-pen/politique-etrangere/europe/.
  • [37]
    En France, c’est le cas du PCF à la fin des années 1990 (Andolfatto et Greffet, 2008), mais aussi des principaux partis majoritaires cf. supra.
  • [38]
    C’est le cas de Nicolas Sarkozy lors du meeting d’ouverture de la campagne européenne (« Nicolas Sarkozy réaffirme l’ambition et les valeurs du projet européen de Paris », Le Monde, 5 mai 2009) ainsi que de Martine Aubry en meeting (Le Monde, 9 mai 2009) et dans son discours à l’Université d’été PS de La Rochelle, 29 août 2010. Ce flirt des partis majoritaires avec la critique de l’Europe est confirmé lors de la campagne européenne de 2009 (Rozenberg, 2009, 60 ; Hubé, 2014) et lors de l’élection présidentielle de 2012 (Vassallo, 2012 ; Belot et al., 2013).
  • [39]
    Les cadres frontistes doivent lutter contre la concurrence de nombre d’entreprise partisanes anti-UE successives : une partie du RPR en 1992, le MPF dès 1994, le RPF de C. Pasqua en 1999 (qui allié au MPF dépasse le FN lors de l’élection européenne de 1999) et le Pôle républicain de Jean-Pierre Chevènement à la fin de la décennie, puis DLR depuis 2007.
  • [40]
    Outre la remise en cause explicite de l’« UMPS », la réactivation de lignes de clivage secondaires des arènes politiques domestiques constitue l’un des effets de l’intégration (Haegel, 2005). Le thème de la nation est ainsi très présent dans les discours des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 (Grunberg et Haegel, 2007).
  • [41]
    Pour appréhender la place de l’Europe dans les discours frontistes lors des élections européennes, une analyse quantitative lexicométrique des euromanifestes de 1984 à 2009 a été réalisée. Sont présentés ici les parts de Discours sur l’Europe, soit les discours dans lesquels la thématique européenne apparait, par opposition aux discours portant exclusivement sur l’arène nationale (i.e. faisant uniquement référence à la France, à son espace politique et à ses acteurs). Au sein de ces développements sur l’Europe, deux types de discours peuvent être distingués. Le discours européen correspond aux parts de texte situées à une échelle pleinement européenne, portant sur des enjeux, acteurs, évènements et institutions de l’espace communautaire en tant que tels (élections européennes, politiques et actions de l’UE, institutions et dirigeants européens etc...). Le discours de souci de la France en Europe aborde des thèmes liés à l’Europe dans une articulation immédiate à l’hexagone et à ses enjeux propres. Ce sont les développements qui se réfèrent à la CEE ou à l’UE en fonction des intérêts français, que soient évoqués les bénéfices attendus de la coopération communautaire ou les menaces qu’elle porte pour le pays (voir Reungoat 2011, 2012, chapitre 1-2).
  • [42]
    Les expressions citées sont issues des euromanifestes et de la propagande du parti, ainsi que des discours de J.-M. Le Pen et B. Gollnisch essentiellement, notamment dans Le Monde 16 mars 2009 ainsi que dans J.-M. Le Pen, National Hebdo, 12 décembre 1992.
  • [43]
    Le Monde.fr, 25 février 2007. Plusieurs entretiens exploratoires avec des jeunes cadres frontistes (FNJ et secrétaires départementaux) vont dans le même sens, ceux-ci citant spontanément l’Europe comme l’un des enjeux centraux aujourd’hui. Marine Le Pen consacre 1/5e de son discours d’investiture à l’Europe lors du congrès de Tours en 2011. Pendant la campagne de 2012, la critique de celle-ci est l’un des thèmes structurant des discours de la présidente. Elle est en revanche moins présente au sein des textes, apparaissant en creux via les nombreuses références à la France (Belot et al., 2013).
  • [44]
    J.-M. Le Pen, dans National Hebdo, 12 décembre 1992 et dans La Lettre de Jean-Marie Le Pen, n° 160, juillet, 1992. Discours de M. Le Pen à l’université d’été du FN, et présentation du « Projet pour l’Europe des Nations », M. Le Pen, 21 février 2012.
  • [45]
    L’élection directe du président par les militants est introduite en 2007, elle s’intègre néanmoins dans une stratégie de transmission du parti au sein de la famille Le Pen. L’influence des modes de légitimation communautaire peut être logiquement affaiblie au sein des organisations critiques de l’UE les moins insérées dans le processus décisionnel européen.
  • [46]
    Les statuts réservent au président le droit de nommer une partie des membres du comité central, seule instance élue, les membres du bureau politique, l’organe exécutif du parti et la prérogative exclusive de proposer les membres du bureau exécutif (centre névralgique des prises de décision [vice-président (s)], secrétaire général, délégué général, trésorier) à l’approbation ou au vote (selon leurs fonctions) du Comité central. La parcellisation des fonctions (Birenbaum, 1992) et les pratiques effectives qui accompagnent ces statuts profitent également au président.
  • [47]
    B. Mégret, La Nouvelle Europe, pour la France et l’Europe des Nations, Éditions Nationales, 1998.
  • [48]
    Libération, 11 septembre 2009.
  • [49]
    Ce vote du bureau exécutif ne fait pas l’unanimité, B. Gollnisch et plusieurs membres s’abstiennent et seul 21 membres sur 35 sont présents.
  • [50]
    RMC.fr, 13 avril 2010.
  • [51]
    Slate.fr, 21 juin 2012.
  • [52]
    Fondée en octobre 2010, l’Alliance européenne pour la liberté est reconnue comme europarti et bénéficie comme tel de fonds européens.
  • [53]
    Dans cette perspective, pourraient s’adjoindre aux partis cités le Parti pour la liberté (PVV) néerlandais et la Ligue du Nord (Lega nord) italienne avec lesquels des contacts sont engagés. La presse évoque également le Parti national slovaque (SNS) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).
  • [54]
    M. Le Pen fait ainsi pression sur J.-M. Le Pen et B. Gollnisch en prévision des élections européennes. Ceux-ci quittent l’AEMN à la fin de l’année 2013.
  • [55]
    On rejoint ici un constat de Yoav Shemer-Kunz (2013) à propos des verts en France.
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