1Les Cahiers de la Justice (Les CDLJ)- Pourriez-vous expliquer le rôle du Parquet national antiterroriste (PNAT) depuis votre nomination à sa tête au poste de procureur de la République antiterroriste le 1er juillet 2019 ?
2Jean-François Ricard- Pour comprendre ce rôle, il est nécessaire de remonter beaucoup plus avant la création du PNAT en 2019. Si on oublie à quel point les phénomènes djihadistes constituent une particularité par rapport aux autres phénomènes terroristes, je pense qu'on passe à côté d'un certain nombre de choses. Il y a des constantes et il y a des phénomènes nouveaux et spécifiques. Sur le terrorisme de manière générale, si on reprend par exemple nos livres de procédure des années 1970, on ne parle pas de terrorisme. On parle d'atteinte à la sureté de l'État parce que le terrorisme est vécu à l'époque comme une atteinte à l'autorité de l'État. Il est résiduel dans les années 1960. Il résulte surtout de la guerre d'Algérie.
3Il y a toujours un temps de retard dans la réflexion que mène l'État et les chercheurs face à des phénomènes nouveaux. C'est le cas pour ceux qui vont survenir dans les années 1970 et surtout dans les années 1980. En 1981, on a mis fin à un système d'exception caractérisé par la Cour de sureté mais sans prendre en compte les particularités de l'activité terroriste. Il en est résulté un échec total.
4Par exemple dans les affaires qui concernent Carlos, celui-ci va commettre quatre attentats en 1982 et 1983 particulièrement meurtriers. Chacun de ces dossiers va être instruit et géré par le tribunal local selon les lieux concernés : le Capitole à Limoges, la gare St Charles à Marseille, la rue Marbeuf à Paris, etc… Chaque parquet se saisit avec son service local de police judiciaire. La décentralisation en la matière a été un échec absolu. Il est en effet indispensable d'avoir toutes les procédures en main pour faire des rapprochements. On constate aujourd'hui que la tendance à la centralisation des contentieux spécifiques va bien au-delà du terrorisme, mais la centralisation et la spécialisation doivent être tempérées car il faut éviter une coupure avec l'activité juridictionnelle générale.
5Le sens de la loi du 9 septembre 1986 n'est ni de revenir à une juridiction d'exception, ni de reproduire la période de négation de la spécificité terroriste. Cette loi est un point d'équilibre. Au départ la réforme était assez modeste ; elle prévoyait simplement la centralisation des poursuites et une compétence nationale de la juridiction parisienne. S'agissant des juges d'instruction ; ceux-ci sont simplement affectés au service de l'antiterrorisme, il en est de même pour les juges correctionnels ou ceux siégeant devant la cour d'assises. Certes certains juges sont spécialisés, mais cela résulte de leur seule affectation à un service en charge de ce contentieux au sein des juridictions parisiennes de 1e instance et d'appel. Ce sont des marqueurs qui excluent tout rapprochement avec une juridiction d'exception tout en permettant une centralisation indispensable. Quant à la cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels, elle résulte du constat de la nécessaire protection des membres de juridiction de jugement.
6Enfin la compétence parisienne de la justice terroriste est une compétence concurrente au sens où une autre juridiction pourrait ordonner des poursuites et juger des personnes sous des qualifications terroristes. Cela a eu lieu dans le passé. Pendant longtemps les dossiers du terrorisme corse n'ont pas été systématiquement poursuivis à Paris, mais sont restés traités par les juridictions corses jusqu'au milieu des années 1990. Autre exemple : l'affaire du gang de Roubaix (1995-1996) a été instruite en droit commun s'agissant des crimes, braquages, meurtre et tentative d'attentat, qui ont eu lieu dans la région du Nord-Pas-de-Calais au tribunal de Lille puis jugée par la Cour d'assises de Douai, alors que les éléments relatifs au réseau terroriste qui sous-tendait l'activité de ce groupe ont été traités au tribunal de Paris.
7L'indépendance effective dont bénéficie le PNAT est déjà ancienne. Depuis le début des années 80 on a assisté à un renforcement constant de cette indépendance aujourd'hui acquise et inattaquable.
8Cette situation s'explique aussi par le fait que, au début des années 80, le terroriste est perçu comme un affrontement entre certaines entités et l'État. Ainsi lors des attentats commis en 1982 et 1983 par le groupe Carlos, ce dernier, à la suite de l'arrestation de deux membres de son groupe Bréguet et Kopp peu avant de perpétrer les attentats du Capitol et de la rue Marbeuf, va envoyer une lettre d'avertissement au ministre de l'Intérieur avec ses empreintes. Autre exemple, au début des années 80 l'ETA multiplie les assassinats en Espagne tout en utilisant en grande partie la France comme base arrière, là encore les choix politiques ont pesé sur l'activité judiciaire car ce n'est que dans un second temps que des poursuites systématiques seront engagées contre les membres de cette organisation.
9Depuis plus de vingt ans il y a eu un revirement complet. Le fait de passer de l'extradition administrativo-judiciaire à un mandat d'arrêt européen, acte purement judiciaire, est exemplaire de cette évolution.
10Les CDLJ - A vous entendre, la naissance du PNAT n'est pas issue ex nihilo d'une loi mais résulte d'une longue évolution où se combine dépolitisation et autonomisation du judiciaire ?
11Jean-François Ricard - Absolument. Le PNAT ne résulte pas d'une rupture mais s'inscrit dans une continuité double. D'abord un grand mouvement de fond de développement d'une justice antiterroriste qui ne doit pas être une justice d'exception et qui reste bien ancrée dans la juridiction parisienne ; et en même temps un mouvement de spécialisation face à ce qui est devenu un phénomène de masse. C'est ce qui a changé à partir de 2012 en matière de terrorisme djihadiste : ce phénomène durable et massif, qui concerne des milliers de personnes, est une menace d'une intensité telle qu'il est indispensable que la justice se mette au même niveau que les autres institutions. Toutes les institutions administratives ont évolué dans les années 2010 : certains services de renseignements se sont transformés, d'autres ont été créés et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) a pris une place considérable dans l'autorisation d'actes accomplis par ces services. La loi relative au renseignement (loi du 24 juillet 2015) a modifié complètement l'organisation et le fonctionnement des services de renseignement. La création du PNAT s'inscrit dans ces évolutions et permet de donner au judiciaire du poids face à des institutions de l'État elles-mêmes renforcées.
12Ce changement est aussi celui des hommes et des femmes. Il y a eu un magistrat hors norme - François Molins - qui était procureur de Paris et qui outre le terrorisme avait en charge toute l'activité de ce parquet. Il est devenu le « Monsieur terrorisme » alors que ça ne représentait qu'une part de son activité. Il fallait, sans compter sur une personnalité d'exception, mettre en place une institution et ses responsables avec un poids équivalent pour le judiciaire à celui des autorités administratives. Le PNAT c'est désormais trois magistrats hors hiérarchie, un procureur et deux procureurs de la République adjoints (Jean-Michel Bourles et Camille Hennetier) qui lui permettent de faire le poids - institutionnellement parlant - face aux grands responsables de l'Administration. Le PNAT en l'espace d'un an et demi, a d'ailleurs conquis cette place en lien constant avec les autres parquets. Certes la Covid nous a freinés pour avancer dans une direction, celle d'une reconnaissance internationale d'abord en Europe mais également avec nos principaux partenaires étrangers.
13Les CDLJ- Pouvez- vous décrire l'organisation interne du parquet national antiterroriste ?
14Jean-François Ricard- Il se compose de trois pôles. Il y a un pôle antiterroriste qui se divise lui-même en deux : le bureau des enquêtes et celui du suivi des instructions. Il y a ensuite un pôle d'exécution des peines et un pôle pour les crimes contre l'humanité. Celui-ci est bien distinct même si certains dossiers peuvent être mixtes.
15Jean-Michel Bourles- Le rôle du PNAT est multiple mais il se caractérise d'abord pour être un parquet doté d'un fonctionnement intégré. Nous avons ici la possibilité de suivre des dossiers depuis leurs prémices, avec notamment les contacts privilégiés avec les services de renseignement ; à ce sujet il faut souligner que nous avons des échanges d'une grande fluidité avec ces derniers qui témoignent d'une réelle marque de confiance.
16De plus ce suivi se poursuit jusqu'au jugement de ces procédures, sans omettre notre rôle essentiel en matière d'exécution des peines et suivi des condamnés.
17Jean-François Ricard- Tous nos interlocuteurs reconnaissent la place du judiciaire en matière de terrorisme. C'est une chose tout à fait admise par toutes les composantes de l'État, ce qui n'était pas le cas il y a 40 ans où on pensait que le terrorisme était une activité « trop sérieuse » pour la laisser totalement à des juges.
18Concrètement en cas d'attentat, nous intervenons immédiatement et si cette action relève potentiellement du terrorisme, un membre du PNAT se projettera immédiatement sur place dans l'heure qui suit. Par exemple, lors de l'attentat récent qui s'est produit à Nice [1] je me suis rendu sur place avec deux collègues et nous nous sommes saisis dans l'heure…
19Jean-Michel Bourles - … et les collègues qui ont dirigé l'enquête sont restés trois jours à Nice.
20Jean-François Ricard - Les autres collègues sont restés au tribunal en contact 24h/24h avec l'équipe projetée sans compter ceux qui ont assuré la poursuite de l'activité courante du PNAT.
21A une époque que j'ai connue dans les années 1990, le parquet était plus effacé dans la gestion immédiate des attentats afin de saisir le juge d'instruction extrêmement vite. J'étais à l'instruction à l'époque et pour les attentats de St-Michel, j'ai été saisi douze heures après. Les choses se sont rééquilibrées par la suite. Il y a même eu une époque où il y a eu une volonté de conserver le plus longtemps possible la gestion des procédures terroristes sous l'autorité du parquet.
22Aujourd'hui, nous avons atteint un point d'équilibre entre l'instruction et le parquet.
23Les CDLJ- À partir de quel moment le PNAT peut-il intervenir dès lors qu'un attentat se produit alors que c'est un évènement qui produit de la sidération ? Avez-vous des critères pour définir votre compétence ? Pouvez- vous en donner un exemple ?
24Jean-François Ricard - Ce n'est pas toujours évident. L'individu qui se met à courir dans la rue en criant « Allah Akbar » avec un couteau et qui s'en prend à des passants, est-ce que c'est du terrorisme ? Ce type d'évènement est hélas fréquent. Il a fallu mettre en place une doctrine pour déterminer dans quels cas on se saisit et dans quels cas on ne se saisit pas. Le principe est d'obtenir un certain nombre d'éléments au cours d'un dialogue avec la juridiction locale. Il y a dans chaque juridiction au parquet un « référent terrorisme » depuis 2015 et depuis 2019, dans 13 juridictions un délégué du PNAT. Ces derniers, outre de multiples tâches en matière de radicalisation notamment, et qui est notre source locale pour toute remontée d'information, va nous servir de point d'appui en cas d'attentat hors Paris.
25Pour confirmer notre compétence, il nous faut parfois du temps, ça peut être deux heures ou parfois davantage car les critères de notre saisine sont complexes. Il convient de répondre à la question de savoir si la finalité de l'acte commis est bien de diffuser la terreur et si son auteur a voulu adhérer à une entreprise terroriste.
26La grande difficulté à laquelle nous avons été confrontés, ce sont les individus perturbés mentalement. Est-ce que la personne qui présente certains troubles peut néanmoins être considérée comme ayant adhéré à une entreprise terroriste ? On utilise une batterie de critères et en fonction de ces éléments, qui peuvent mettre du temps à nous parvenir, nous aurons à nous déterminer.
27Prenons un exemple très concret, une affaire située à Villejuif très significative. On est dans un parc où les gens font leur footing. Un individu - un jeune homme - qui est en tenue traditionnelle et qui, muni d'un couteau de boucher acheté chez IKEA, se jette sur un couple. Il veut s'en prendre à la femme avec une sorte de haine à son égard. Son mari se met devant elle pour la protéger et c'est lui qui prend le coup de couteau. Il est tué et elle est blessée. Ensuite l'individu va continuer son périple et essayer de s'en prendre à un autre homme, puis à une autre femme qui va réussir à se protéger. Il va frapper d'autres personnes. Des passants hurlent. La police intervient et le neutralise. Est-ce du terrorisme ? Pour y répondre on a recours à une batterie de critères qui nous permettront de nous déterminer. Concrètement, assez rapidement on voit que ce jeune homme qui ne vient pas du tout d'un milieu défavorisé, et qui a été élève d'un grand lycée parisien, possède un dossier psychiatrique lourd et ancien. Sur place nous apprenons au vu des documents en sa possession, d'une part que ses troubles psychiatriques sont confirmés, d'autre part qu'il présente des signes de radicalisation. Conformément à notre grille de lecture qui exige d'en savoir plus, avant de nous saisir nous proposons au procureur localement compétence de poursuivre la direction de l'enquête tout en permettant à nos deux équipes de rester en contact étroit. Par ailleurs, le PNAT reste de son côté en lien avec les services de police et de renseignement.
28Jean-Michel Bourles- Dans cette affaire, nous avons mobilisé tous les services spécialisés afin d'évaluer et cribler les données recueillies. C'est-à-dire que ces services qui agissent en observateurs ne sont pas là pour réaliser l'enquête, mais pour analyser l'ensemble des informations recueillies pour nous permettre de décider ou non de notre saisine.
29Jean-François Ricard - Tous ces services vont permettre de savoir si l'individu est connu, s'il a fréquenté des gens qui eux sont connus. Que signifient les documents ou les matériels que l'on va trouver sur les différents supports ? Est-ce qu'ils ont un sens en terme de radicalisation ? etc. Tout ça prend du temps. On n'obtient pas des éléments en quelques heures. Dans cet exemple on va obtenir des éléments tout à la fois - et c'est la difficulté - qui prouvent de vrais troubles psychiatriques anciens avec des soins, des hospitalisations, puis de l'autre côté des éléments de radicalisation qui montent en puissance. Par exemple, on trouve des testaments de type religieux, le fait qu'il ait entièrement vidé son appartement, qu'il ait envoyé un certain nombre d'écrits. Tout cela arrive petit à petit en fonction des investigations, des auditions de témoins.
30La question de notre saisine ne peut être tranchée à la légère, d'abord parce qu'elle entraîne des conséquences importantes. En premier, la nécessité de conserver une politique pénale cohérente est indispensable. Ensuite il est hors de question d'envisager d'utiliser un certain nombre d'instruments et de moyens juridiques exorbitants du droit commun s'il n'y a pas la certitude au moins d'une présomption terroriste.
31Ce qui en l'espèce a emporté notre décision provient de témoignages relatifs au périple meurtrier même. En effet, après avoir tué sa victime et frappé son épouse, l'agresseur va se tourner vers un homme en supposant qu'il est musulman. Il lui demande de réciter la « shaada ». Comme son interlocuteur s'exécute, l'agresseur décide de l'épargner et lui propose de l'accompagner dans son périple. Cela permet de penser que l'intéressé a conservé une forme d'intention et de lucidité - ce qui n'empêche pas qu'il ait des problèmes psychiatriques par ailleurs - mais aussi qu'il agissait en vue de répandre la terreur. Il est indispensable de prendre du temps afin de recueillir ces éléments parce qu'il n'est pas envisageable de qualifier dans un premier temps les faits de terroriste avant de faire marche arrière. Une telle démarche ne serait pas comprise.
32Les CDLJ- Sur ce point, quelle est la part des pressions médiatiques et politiques dans la gestion des dossiers du PNAT ?
33Jean-François Ricard - Aujourd'hui les responsables politiques n'exercent aucune pression de ce type. L'autorité judiciaire a une autonomie décisionnelle totale. Cela a été rappelé par le Président de la République à l'occasion de l'attentat Nice que je viens de mentionner. Un ministre de l'Intérieur avait même souligné qu'une affaire est dite terroriste lorsque le PNAT a relevé sa compétence. Précédemment, François Molins, avait affirmé très clairement l'autorité du judiciaire en cette matière. Notre responsabilité n'en est que plus grande. Voilà pourquoi il ne faut pas commettre d'erreur, ce qui exige encore une fois une réflexion technique et apaisée pour décider de notre saisine.
34Ce fut la même chose pour l'attentat de Romans-sur-Isère [2] alors que nous étions en plein confinement. C'est un réfugié soudanais qui va commettre un périple meurtrier épouvantable. On se retrouve avec le même cas de figure d'un périple meurtrier et d'une personne perturbée. L'individu va également demander à une victime sur son passage s'il est bien musulman. La réponse de son interlocuteur qui, évoquera alors sa nationalité française, n'ayant manifestement pas convenu à l'agresseur, ce dernier a porté un coup de couteau à sa victime. Par ailleurs il a été nécessaire d'exploiter ses supports informatiques et recueillir les éléments de son cheminement.
35Jean-Michel Bourles - Il est difficile de découvrir rapidement les éléments contenus dans un ordinateur ou un téléphone. Encore une fois toutes ces investigations indispensables prennent du temps. Pour « craquer » un téléphone dont on n'a pas le mot de passe, il faut l'intervention de spécialistes.
36Les CDLJ- Comment analysez-vous l'évolution de la politique pénale avant et après la création du PNAT ?
37Jean-François Ricard - Le PNAT n'a pas été mis en place pour marquer une rupture avec plus de trente ans d'activité judiciaire dans la lutte antiterroriste, mais pour amplifier cette dernière, la rénover si nécessaire et l'installer dans la durée. Il est alors logique que notre doctrine s'inspire des grandes orientations que François Molins avait déjà données.
38Un exemple très concret consiste à définir les faits, constitutifs d'association de malfaiteurs terroriste, qui doivent relever du tribunal correctionnel et ceux qu'il conviendra de faire juger par la cour d'assises ; autrement dit, qu'est-ce qu'on correctionnalise et qu'est-ce qu'il faut laisser sous une qualification criminelle ? Un projet d'action violente - je ne vise évidemment pas une tentative d'attentat - peut consister en de simples et brèves discussions, agrémentées d'éléments matériels, indispensables pour tomber sous le coup de l'article 421-2-1 du code pénal, ou se manifester par quelque chose de beaucoup plus poussé, avec la multiplication des échanges, des recherches sur internet, l'intervention de nombreux acteurs, voire des contacts installés depuis la zone irako-syrienne, la détermination d'objectifs déjà définis et l'obtention de recettes d'explosif, et même, ce qui constitue un degré plus élevé de l'entente terroriste, le recueil de matériels ou substances entrant dans la composition d'une charge ou d'armes, soit le dernier stade de la préparation de l'action, juste avant sa réalisation, soit tout le spectre de l'association de malfaiteurs terroriste (AMT).
39Afin de pouvoir déterminer, selon une politique cohérente, efficace, mais aussi juste, quels agissements qualifiés d'association de malfaiteurs terroriste exigent, soit un jugement par une cour d'assises, donc avec une peine de 30 ans de réclusion encourue depuis la loi du 21 juillet 2016, soit une comparution devant un tribunal correctionnel, avec une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement, une batterie de critères articulés a été élaborée alors que François Molins était encore procureur du tribunal de Paris ; le PNAT s'est inscrit dans la continuité de ces réflexions. J'ajoute qu'à chaque fois le principe est qu'une doctrine doit être suffisamment élaborée afin de s'inscrire dans la durée, ce qui demande de consigner par écrit des critères motivés et détaillés, tout en conservant une souplesse qui consiste notamment à ne pas écarter la personnalité de chacune des personnes poursuivies.
40De plus, s'il convient d'être le plus exigeant possible, il faut aussi savoir évoluer en tenant compte de l'actualisation des informations obtenues sur chaque phénomène terroriste. Un exemple : dans un premier temps, la question de savoir si les femmes qui avaient rejoint la zone irako-syrienne devaient systématiquement faire l'objet de poursuite s'est posée. Ce sont les données recueillies, en particulier à partir de nos enquêtes, qui nous ont incités à apporter une réponse positive très ferme à cette question dès lors qu'elles ont établi le rôle central de ces femmes dans les départs des djihadistes vers cette zone en vue de rejoindre des groupes terroristes, y compris, à plus d'une reprise, en s'y rendant avec des enfants en très bas âge contre la volonté de leur père resté en France. Bien entendu, des nuances doivent être apportées afin de tenir compte du parcours et de la personnalité de chacune d'entre elles ; c'est le principe-même d'une politique pénale.
41Un second exemple peut être pris dans le choix des poursuites à l'encontre de ceux qui étaient partis en Syrie afin de rejoindre des groupes djihadistes. On le sait, depuis 2006, coexistent sous une même qualification générique d'association de malfaiteurs terroriste, deux infractions, l'une délictuelle, l'autre, criminelle, dès lors que, principalement, l'entente terroriste a pour objet la réalisation de certains crimes contre les personnes.
42Alors que, dans un premier temps, bon nombre de ces individus n'étaient poursuivis que devant le tribunal correctionnel, l'analyse de ce phénomène et sa signification d'adhésion manifeste à des projets djihadistes ont conduit François Molins à estimer que seule une qualification criminelle était adaptée pour les personnes parties à compter du mois de janvier 2015. Le PNAT a poursuivi cette politique. Sur ce point, il existe un vaste accord entre le parquet et l'instruction, ce qui n'exclut évidemment pas toute discussion.
43Plus généralement, le débat intra-juridictionnel traduit une vraie réflexion collective. De plus, nos analyses sont amenées à être enrichies grâce aux multiples éléments recueillis dans nos procédures et qui, souvent, viennent alimenter un dossier pour lequel ils n'avaient pas été enregistrés initialement.
44Notre présence à toutes les étapes de la procédure est source d'un grand enrichissement et nous permet, jusque devant la cour d'assises, d'ajuster nos analyses, y compris en modifiant, au regard des éléments recueillis, notre position initiale, en relativisant la place d'un accusé, ou, au contraire, en requérant une peine criminelle à l'encontre d'un autre pour lequel une correctionnalisation des faits reprochés avait été envisagée précédemment. Cela confirme également l'importance de l'audience criminelle ; le PNAT y a pris toute sa place.
45Mais, nous n'écartons jamais un certain pragmatisme quant à l'orientation des procédures, d'autant que le rôle de la cour d'assises est saturé, ce qui peut nous conduire à requérir des correctionnalisations, y compris pour des faits qui, selon de fortes probabilités, pourraient être réprimés par une peine criminelle.
46En tout état de cause, nos réquisitions sont toujours le fruit d'une réflexion collective, non seulement s'agissant des qualifications retenues ou des stratégies d'audience, mais également en terme de peine, dès lors que toute peine requise doit être clairement motivée.
47Il s'agit non seulement d'une obligation légale, et la chambre criminelle veille au respect de la mise en application de cette exigence, mais, de plus, nos réquisitions doivent être expliquées et justifiées. C'est, bien sûr, l'enjeu de l'individualisation de la peine, mais également une nécessité au regard de l'accusé, de ses coauteurs, et, plus généralement, pour la cohérence de l'ensemble du contentieux traité.
48Par ailleurs, le PNAT, parquet à compétence nationale, a été rapidement conduit à définir plusieurs doctrines afin de déterminer au mieux les contours de sa compétence.
49J'ai abordé il y a un instant, cette question à travers la délicate problématique des agissements, souvent extrêmement violents d'individus radicalisés, mais présentant également des troubles mentaux ; or, il a été nécessaire de procéder ainsi en présence d'autres phénomènes criminels. Ainsi nous avons établi une autre série de critères, directement inspirés de la jurisprudence de la chambre criminelle, afin de pouvoir cerner les contours de notre compétence en présence de certains types d'attaques contre les biens susceptibles d'être imputées à des activistes se rattachant à l'ultragauche. Il est en effet hors de question de confondre « action radicale revendicatrice et violente » et « terrorisme ». Certaines scènes, y compris violentes ou occasionnant d'importants préjudices commises par des personnes pouvant être plus ou moins proches de groupes radicaux, ne constituent pas, pour autant, des faits susceptibles d'être qualifiés d'infractions terroristes.
50Jean-Michel Bourles - Il y a un autre domaine important de la politique pénale qui doit être évoqué, c'est celui de l'exécution des peines. On est face à un constat clair : on a un nombre important de personnes qui ont été condamnées, qui sortent régulièrement. On a défini une politique pénale pour savoir ce qu'on fait de ceux qui sont sortis de prison, quelle forme de suivi on veut mettre en place avec le panel juridique dont on dispose. On a un arsenal limité de moyens de suivi post-peines pour les personnes en cas de sortie « sèche ». Donc le but est d'éviter ce type de sorties et de mettre en place des suivis postérieurs à l'exécution de la peine.
51Jean-François Ricard - C'est primordial et pourtant l'exécution des peines en matière de terrorisme c'est l'enfant mal-aimé. Le législateur s'est d'abord intéressé à la question de la compétence puis ensuite à la procédure, enfin à la phase de jugement, mais il ne s'est préoccupé que très récemment de la problématique de l'exécution des peines en 2006 et en 2016. Prenons le cas de la surveillance judiciaire. Elle a été calquée pour les condamnés pour terrorisme sur ce qui existe pour les délinquants sexuels, ce qui implique une expertise psychiatrique afin d'évaluer la dangerosité de l'intéressé. Or, on peut considérer que certains délinquants sexuels présentent des pathologies et que l'expert psychiatre est au centre de la décision de sa réintégration future à la société. Mais le terroriste est quelqu'un qui choisit une idéologie même s'il peut être affecté de pathologies mentales. Le terroriste a fait un choix pour des raisons religieuses et idéologiques. La plupart des psychiatres sérieux - lorsqu'ils sont saisis - s'interrogent sur ce qu'ils peuvent en dire.
52Pour évaluer la dangerosité d'un individu, on a souhaité des changements de texte au fond parce qu'il y a aussi des conséquences sur les aménagements de peine et la suivi judiciaire. Un texte a été adopté au début de l'été dernier qui présentait un certain nombre de défauts notamment le double emploi avec les mesures administratives. Un nouveau texte est en préparation. Aujourd'hui, il y a 309 condamnés dont 270 relèvent du contentieux djihadiste qui sont incarcérés et suivis en milieu fermé. On a eu en 2019, 84 condamnés pour terrorisme islamiste qui ont été remis en liberté. En 2020, il y en a eu 104. Ce sera à peu près le même chiffre cette année. Les 3/4 sont éligibles à une mesure de surveillance judiciaire. L'inquiétude quant à la récidive conditionne notre politique pénale.
53Les CDLJ- Dans l'organigramme du PNAT que vous nous avez communiqué, il est mentionné un secrétaire général chargé de la communication qui est un vice procureur. Quelle est votre stratégie en la matière ?
54Jean-François Ricard - La communication est la vitrine la plus visible de l'activité du PNAT. Dorénavant, lors de la commission d'un attentat on avertit que le procureur s'exprimera et les journalistes attendent la conférence de presse. Une des grandes difficultés est qu'il faut à la fois donner ces informations précises sans pénaliser le déroulement de l'enquête ni être anxiogène.
55Jean-Michel Bourles - Il faut également être en mesure de confirmer ou d'infirmer certaines informations que la presse se prépare à diffuser. Lors de l'attentat de Villejuif, on s'est vite rendu compte, avant même la conférence de presse du Procureur que de nombreux journalistes avaient déjà des informations plus ou moins complètes, Il est important de valider ou pas ces informations afin d'éviter des publications erronées.
56Jean-François Ricard - Toute la difficulté est de définir quand on intervient. Pour pouvoir donner des informations précises, il faut du temps.
57Jean-Michel Bourles - Avant d'échanger avec des journalistes, notre méthode est de tout valider. On ne se contente pas du résumé verbal des enquêteurs, on ne valide une information que lorsqu'on a pu lire les auditions et que nous sommes certains des termes utilisés, du sens de la phrase, pour ne pas communiquer une information approximative ou sortie de son contexte.
58Jean-François Ricard - C'est très exigeant, mais essentiel. Le problème aujourd'hui c'est la pression de l'opinion - je pense aux réseaux sociaux et aux chaînes d'information continue - qui se fait sentir en cette matière.
59Jean-Michel Bourles - Les choses ont bien évolué. Les chaînes d'information maintenant savent qu'il faut attendre. Elles font très attention à ce qu'elles disent et nous contactent pour valider les informations. Lorsqu'on fait un communiqué écrit, la presse le reprend à la lettre.
60Jean-François Ricard - Souvent, on s'interroge sur une communication en deux temps. Dans un temps relativement rapproché de l'évènement et ensuite au moment de l'ouverture de l'information ou du déferrement de la personne. Ce qui permet de faire un point plus complet. Ça peut se faire sous deux formes : deux interventions télévisées ou une intervention et un communiqué beaucoup plus long.
61C'est ce qu'on a fait lors de l'attentat de Nice dont nous parlions tout à l'heure. Je fais une intervention à Nice le soir même et, plusieurs jours tard, un communiqué. Ça permet aussi de ne pas rendre trop anxiogène l'intervention mais également de répondre à une attente de parole dans l'immédiat.
62La communication nécessite un vrai travail de fond. Une conférence de presse non préparée est un exercice à risque. Nous avons une méthodologie. Si je me détache parfois du texte, je reste quand même dans quelque chose de très préparé et qui doit répondre à toute une série d'exigences. Le texte est préparé, relu, recorrigé. Il y a un principe important : au PNAT, tout est collégial. On prépare les choses ensemble et le plus jeune des substituts est autorisé et même encouragé à me contredire.
63Les CDLJ- Venons-en au rôle du PNAT dans le procès des attentats de janvier 2015. Quel a été votre rôle à l'audience et hors audience au cours d'un procès qui a duré près de trois mois et a connu de nombreuses péripéties ?
64Jean-Michel Bourles - L'objectif était de réussir à structurer une audience qui était hors-norme dans des locaux qui n'étaient pas habitués à recevoir ce type d'audience. Le choix du nouveau palais de justice plutôt que l'ancien sur l'île de la cité, était guidé par les conditions d'accueil des victimes fort nombreuses. La salle Voltaire, la plus grande salle de cour d'assises située dans l'ancien palais de Justice, reste de dimension modeste et sa sonorisation n'est pas idéale. Pour un procès de cette nature, aussi chargé de symboles, avec des victimes qui ont souffert dans leur chair, et beaucoup qui souffraient encore psychologiquement à l'ouverture du procès, il n'était pas envisageable de proposer des audiences dans des conditions discutables. Il y a eu une volonté unanime pour décider que le procès devait donc avoir lieu dans le nouveau palais de justice. Les conditions étaient optimales avec une salle d'audience principale et trois salles de retransmission interactives pour les parties et leurs avocats, ainsi que l'auditorium réservé au public.
65Nous avons dû également répondre aux contraintes induites par la nécessité de l'installation d'une régie dédiée à l'enregistrement du procès et aux particularités résultant du mécanisme de retransmission interactive dans plusieurs salles.
66Une autre difficulté a été occasionnée par la Covid. Il a d'abord fallu décaler le procès parce qu'il était originellement prévu en mai 2020 et que pour finir, il n'a pu débuter qu'aux premiers jours de septembre. Puis, le suspendre durant plusieurs semaines à cause de l'état de santé de l'un des accusés.
67L'organisation des circuits d'arrivée jusqu'à la salle des parties civiles, leur prise en charge dès l'accueil, de même que leur accompagnement ont été satisfaisants et n'ont pas engendré « d'effet thrombose ». Outre de multiples réunions, débutées dès la fin de l'été 2019, avec toutes les parties et tous les acteurs techniques du procès, nous avons organisé une marche « à blanc » avant le début du procès sur toutes les problématiques envisageables : accès aux lieux, circulation des accusés, des parties civiles, des témoins, des personnes protégées, sonorisation des salles… Deux difficultés sont apparues et ont été résolues : d'une part, la question du port du masque, la décision a été prise que tout le monde le porterait, d'autre part, la hauteur des micros utilisés par les avocats que nous avons dû ajuster.
68Jean-François Ricard - Il est par ailleurs très important de tout organiser en concertation, notamment avec les avocats et les parties. Mais chaque partie doit aussi jouer le jeu. Par ailleurs, une exigence incontournable est que la juridiction doit pouvoir continuer de fonctionner sans perturbation insupportable. Il n'est pas envisageable de multiplier les contrôles à tout moment pour chacun des acteurs, et, dans le même temps, des impératifs de sécurité évidents doivent être respectés, dès lors que ce procès aurait pu être l'occasion de commettre un attentat dans ou à proximité du tribunal. Dans cette optique, la tendance la plus sécuritaire aurait eu pour conséquence d'exiger un contrôle de toute personne, d'une part, à l'entrée de la zone de protection, d'autre part, dans celle du plateau des chambres pénales, puis, à nouveau à proximité des salles d'audience. De tels contrôles systématiques et massifs se sont avérés impossibles et d'une lourdeur contre-productive. Nos échanges avec les avocats, y compris pendant la marche « à blanc », ont abouti à ce que ces derniers ne fassent pas l'objet de fouilles dès lors qu'ils étaient munis de badge.
69Une autre question a consisté à déterminer si on devait utiliser des listes pour les parties civiles ou les membres de la presse accréditée ou si on se contentait de badges et c'est cette dernière option qui a été retenue.
70Enfin, certaines parties civiles ne voulaient pas être filmées ; il a donc fallu imaginer des circuits distincts internes à la juridiction pour les journalistes et les parties civiles.
71Jean-Michel Bourles - Des dizaines de questions, similaires à celles-ci, ont été réglées, parfois d'ordre très matériel, afin de permettre le bon déroulement de ce procès, cela a exigé des dizaines de réunions préparatoires étalées sur un an, puis à nouveau, pendant le procès des réunions, d'abord quotidiennes, puis plus espacées.
72Jean-François Ricard - On ne peut plus se contenter d'avoir un dossier, des accusés et une cour d'assises, il faut également penser l'organisation. C'est une réflexion qui entre dans le détail précis des circuits, des contrôles, de l'assistance ; tout doit être pensé : si quelqu'un, notamment une victime, ressent un malaise, il faut être en mesure de prévoir son évacuation.
73De même, il faut prendre en compte la spécificité des personnes qui bénéficient d'une protection particulière. Tout cela est examiné lors de réunions au cours desquelles se retrouvent, parfois, des représentants d'une quinzaine de services, suivies de travaux effectués in situ avec des opérations de minutages. C'est une préparation et une concertation. Sur ce plan, la difficulté peut provenir du fait que nos interlocuteurs, par exemple les avocats, pouvaient avoir des options différentes.
74C'est le PNAT qui a géré toute cette organisation, avec l'aide de toute la juridiction, la présidence, le parquet de Paris, le greffe, la cour d'appel et l'ensemble des intervenants très spécifiques à la juridiction parisienne.
75Il peut être ajouté que nous avons refusé toute dépense inutile et nous n'avons entrepris quasiment aucuns travaux.
76Jean-Michel Bourles - L'audience globalement s'est déroulée comme on l'avait imaginé. Il n'y a pas eu de grosses surprises. C'est un dossier plus compliqué que ce qu'on imagine au premier abord. Il y a des choix qui auraient pu être faits bien avant, peut-être à l'instruction, peut-être au moment du réquisitoire définitif. À l'audience, nous sommes deux. Avec ma collègue Julie Holveck nous sommes dans une situation différente. Elle suit le dossier depuis le début puisqu'elle était présente au moment des attentats et a suivi le dossier intégralement. De mon côté, je reviens au terrorisme en 2019 après l'avoir quitté en 2007. Toute la période des attentats parisiens est une découverte. Je me mets à l'étude du dossier au début 2020 et on décide immédiatement de travailler en parallèle la totalité du dossier. Il y a donc cette approche extérieure qui est la mienne et de son côté sa connaissance fine des éléments. Après, on a nos convictions, on fait des choix et ces choix ils découlent de l'audience. Nos réquisitions sont rédigées ensemble. L'un et l'autre on s'est échappé du texte à de nombreuses reprises mais tout a été rédigé de concert. On a une problématique probatoire majeure dans ce dossier en qui concerne la filière d'approvisionnement en arme belgo-ardennaise. On prend la décision de mettre en avant les éléments qu'il y a dans le dossier parce qu'ils existent et que ces éléments mis bout à bout constituent l'AMT. La Cour ne nous a pas totalement suivis sur un point concernant la connaissance par certains membres de cette filière de leur participation à une entreprise terroriste. En revanche sur le quantum des peines nous avons globalement été satisfaits. On avait une autre question juridique qui était la complicité : est-elle caractérisée ? Quelqu'un qui est présent à chaque étape du processus de préparation des attentats pendant des mois, va voir son action qualifiée de complicité. Nous sommes allés au bout de nos convictions et sur l'essentiel nous avons été suivis par la Cour.
77Jean-François Ricard - La tenue même du procès a néanmoins recelé de multiples difficultés. Quand on a vu la situation sanitaire se détériorer, on s'est demandé si l'audience allait pouvoir aller jusqu'au bout. Il y a eu des moments très difficiles mais nous avons tenu bon. Par ailleurs, un procès criminel terroriste est toujours une immense frustration pour les victimes, y compris quand le principal accusé est dans le box, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Les victimes attendent toujours des explications qui ne viennent jamais car un terroriste ne fournit jamais dans un procès des explications.
78Jean-Michel Bourles - Notre volonté lors de la construction du procès - et il y a eu un gros travail préparatoire entre l'ensemble des intervenants - était de créer quasiment deux procès dans le procès. C'est-à-dire d'abord de dédier une 1e phase à l'examen des faits afin de donner largement la parole aux victimes. On ne voulait pas entendre les parties civiles à la fin du procès une fois que tout aurait été dit. Lors de la 1er phase les services de police sont venus décortiquer séquence par séquence, chacun des faits et les victimes ont pu prendre la parole sur chacune de ces phases. Dans un second temps, la Cour a procédé à l'examen des faits reprochés aux accusés.
79Les CDLJ- Quel bilan faites-vous du versant « victimes » de ce procès ? Et quelles leçons en tirez-vous pour le procès du vendredi 13 novembre dit « V13 » ?
80Jean-Michel Bourles - Dans le procès des attentats de janvier 2015, l'audition des victimes a duré 3 semaines. Pour le procès des attentats du 13 novembre, il y aura une innovation. Un texte a été adopté pour permettre le recours à une web-radio. Il s‘agit de la retransmission par un système crypté avec un numéro de codage qu'auront les parties civiles pour pouvoir entendre en léger décalé l'audience d'où ils veulent. Ça ne pose pas tant de difficultés puisque l'audience est publique, mais il n'y aura pas de retransmission en direct.
81Jean-François Ricard - On ne voulait pas de télétransmission générale qui filmerait le visage des avocats, des collègues, des témoins qui pourraient basculer sur la toile aux quatre coins de la planète et y rester. Un piratage de la voix n'est pas critique, mais un piratage de l'image met nécessairement en danger les magistrats, avocats ou témoins concernés.