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Article de revue

La motivation des sanctions, entre dits et non-dits

Pages 241 à 258

Notes

  • [1]
    V. not. Ch. Perelman et P. Foriers (dir.), La motivation des décisions de justice, Travaux du CNRL, Bruylant, 1978 : La motivation, Travaux de l'Association Henri Capitant, Journées nationales, t. III, Limoges, 1998 : F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation, préf. Ch. Atias, PUAM, IEJ, 2003 ; C.-J. Guillermet, La motivation des décisions de justice. La vertu pédagogique de la justice, L'Harmattan, Bibl. dr. proc., 2006 ; La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel (dir.), Pedone, 2008 ; Chr. Albigès et al., La motivation, actes du colloque organisé le 26 novembre 2010 par le laboratoire de Droit privé, Montpellier I, RLDC, janv. 2012, p. 63 et s. ; La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, R. Hourquebie et M.-Cl. Ponthoreau (dir.), Bruylant, 2012 ; La motivation en droit public, S. Caudal (dir.), Dalloz (Thèmes & commentaires), 2013.
  • [2]
    Ph. Jestaz, La sanction ou l'inconnue du droit, D. 1986, 197.
  • [3]
    La sanction : regards croisés du Conseil d'État et de la Cour de cassation, colloque tenu dans la Grand'chambre de la Cour de cassation le 13 décembre 2013. Les communications peuvent être visionnées sur le site électronique de la Cour de cassation.
  • [4]
    Pour prendre la mesure de la diversité des sanctions en droit contemporain, V. l'ensemble des contributions présentées dans le premier volume de cette recherche, Les sanctions en droit contemporain, Vol. 1, La sanction, entre technique et politique, op. cit.
  • [5]
    Il aurait pu être tentant de s'en tenir à des définitions étroites de la sanction, entendue par exemple comme la sanction punitive, la sanction pénale, ou encore (de manière un peu moins restrictive) la sanction considérée comme toute mesure de réaction du droit à la violation d'une obligation, d'un lien de droit créé entre deux personnes.
  • [6]
    Ont ainsi été exclues des acceptions du terme jugées trop extensives : la sanction désignant le caractère juridique de la règle, le fait qu'elle appartient à l'ordre juridique (ce qui correspond au sens latin de la sanctio), ou encore la sanction entendue comme tout moyen de contrainte accompagnant la règle de droit : G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8e éd., 2000, « Sanction », no 3 : « tout moyen destiné à assurer le respect et l'exécution effective d'un droit ou d'une obligation ». Pas davantage n'a été retenue l'idée selon laquelle toute action en justice serait la « sanction » d'un droit. En effet, dans toutes ces conceptions, la dilution de la notion de sanction dans l'ensemble du droit est patente et l'on risque fort de perdre de vue le phénomène même que l'on cherche à appréhender.
  • [7]
    C. Chainais, D. Fenouillet (dir.), Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, La sanction, entre technique et politique, Dalloz, L'esprit du droit, 2012.
  • [8]
    Les auteurs y ont recherché, matière par matière, les lignes de force existantes et ont ainsi dégagé les grandes tendances auxquelles obéit le droit contemporain : autonomisation de la sanction, devenue objet direct de l'attention du droit positif, presqu'indépendamment de la règle qu'elle accompagne ; pratiques convergentes de la sanction, aboutissant paradoxalement à un renforcement et à un éclatement des sanctions ; dévoilement de politiques de la sanction, oscillant entre préservation des valeurs et emprise croissante de l'économique ; nécessité d'une approche sociologique, permettant de mettre au jour les enjeux inavoués et les effets incidents des sanctions.
  • [9]
    C. Chainais, D. Fenouillet et G. Guerlin (dir.), Les sanctions en droit contemporain, Vol. 2, La motivation des sanctions prononcées en justice, Dalloz, L'esprit du droit, 2013.
  • [10]
    V. J.-M. Sauvé, « La motivation des sanctions administratives », art. cit., p. 114, no 3 et s.
  • [11]
    V. J.-M. Sauvé, art. cit., p. 123, no 26.
  • [12]
    Pour une présentation générale de la recherche et de ses conclusions, V. C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., p. IX-XLI.
  • [13]
    Loi no 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, JO no 0185, 11 août 2011, p. 13. 744. V. supra, la tribune de François Saint-Pierre ainsi que le point de vue des présidents de cours d'assises.
  • [14]
    En ce sens, V. M. Daury-Fauveau, « La motivation des sanctions pénales : entre renouveau et archaïsmes », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 169 et s.
  • [15]
    Hormis les cas expressément prévus par la loi, tels l'emprisonnement ferme (art. 132-19 du code pénal) ou l'interdiction du territoire français (art. 131-30-1 du code pénal), les juges ne sont pas tenus de motiver spécialement le choix de la sanction qu'ils appliquent dans les limites légales : V. notamment Crim. 15 déc. 2004, Bull, crim 2004, no 322, pourvoi no 04-81.684 ; Crim. 31 janv. 2007, Bull. crim. 2007, no 26, pourvoi no 06-85.070, D. 2007. 1017 ; AJ pénal 2007. 219, note M. Nord-Wagner ; Rev. sociétés 2007. 577, note H. Matsopoulou.
  • [16]
    M. Daury-Fauveau, art. cit., p. 182 et s., no 14 et s.
  • [17]
    Le Conseil d'État a en effet récemment décidé que le juge disciplinaire d'appel n'est pas tenu de motiver spécifiquement une diminution ou une aggravation de la sanction qui a été infligée en première instance : CE 23 juill. 2010, Haag, no329191, Lebon ; AJDA 2010. 2174. Il n'est pas sûr que cela soit bien compris par le justiciable.
  • [18]
    M. van de Kerchove, art. cit., p. 36-37, no 18.
  • [19]
    M. van de Kerchove, art. cit., p. 37 et s., no 19 et s.
  • [20]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 34, no 15.
  • [21]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 28, no 7.
  • [22]
    Ibid. V égal., pour un constat identique, à propos du droit civil, la contribution très éclairante de G. Guerlin, art. cit., p. 138, no 9, et p. 155-156, no 23.
  • [23]
    Ch. Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, Dalloz, 2e éd., 1979, rééd. Dalloz, 1999, no 98, p. 176 ; V. égal. E. Jouannet, « La motivation ou le mystère de la boîte noire », in H. Ruiz-Fabri, J.-M. Sorel (dir.), La motivation des décisions des juridictions internationales, Pedone, 2008, p. 266 : « Digression sur le syllogisme ».
  • [24]
    V. égal, sur ce point M. Troper, « La motivation des décisions constitutionnelles », in La motivation des décisions de justice, Ch. Perelman, P. Foriers (dir.), Travaux du CNRL, Bruylant, 1978, p. 295.
  • [25]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 27-28, no 6 et 7.
  • [26]
    M. Daury-Fauveau, art. cit., p. 172, no 3.
  • [27]
    A.-L. Sibony, « Peut-il y avoir des fondements économiques à la motivation des sanctions ? », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 49.
  • [28]
    Sur cette notion, V. C. Chainais, D. Fenouillet, « Le droit contemporain des sanctions entre technique et politique », art. cit., not. p. XXXVI et s., no 31 et s.
  • [29]
    La sanction vise tantôt à rétablir purement et simplement la légalité, tantôt à prévenir la survenance d'autres illégalités futures, ou encore à réparer le dommage causé par l'illégalité, pour ne prendre que quelques illustrations.
  • [30]
    Il n'est pas rare qu'il précise les exigences de motivation dans le but de mettre en oeuvre la politique de sanction la plus adaptée à ses yeux. Ainsi, une exigence de motivation renforcée ou spéciale devrait en théorie conduire le juge à une particulière prudence dans le prononcé de la sanction concernée. Inversement, l'allégement légal des exigences de motivation peut faciliter le prononcé d'une sanction. V. Ph Théry, « Observations conclusives », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 228, no 18, et G. Guerlin, « La motivation des sanctions civiles », art. cit., p. 157-160, no 25.
  • [31]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 30 et s., no 10 et s.
  • [32]
    Sur cet aspect, V., La flexibilité des sanctions : XXIes journées juridiques Jean Dabin, D. Kaminski (dir.), Bruylant, Bibliothèque de la faculté de droit et de criminologie de l'université catholique de Louvain, 2013.
  • [33]
    Sur ce point C. Chainais, D. Fenouillet, « Le droit contemporain des sanctions, entre technique et politique », art. cit., not. p. L, no 53.
  • [34]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 35 et s., no 16 et s., et A.-L. Sibony, art. cit., p. 50, no 3.
  • [35]
    Pour une perspective sociologique, V. M. Mekki, « Considérations sociologiques sur le droit des sanctions », in Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, La sanction, entre technique et politique, op. cit., p. 63 et s., no 49 et s.
  • [36]
    H. Arendt, « Qu'est-ce que l'autorité ? », La crise de la culture, Gallimard, 1972.
  • [37]
    H. Arendt, op. cit., p. 123.
  • [38]
    G. Leclerc, Histoire de l'autorité. L'assignation des énoncés culturels et l'idéologie de la croyance, PUF, 1996, spéc. p. 7-8.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    C'est là un aspect essentiel de l'autorité, ainsi que l'a montré B. Bernabé, « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 151  : « L'autorité, qui certes s'exerce verticalement, n'est jamais pleinement descendante - ou alors elle ne serait qu'imperium ou postestas, que force contraignante. Par un mouvement spéculaire, elle fait retour à son émetteur, chargée de la reconnaissance de ceux sur lesquels elle s'exerce. Sans ce mouvement à la fois vertical et circulaire, point d'autorité ».
  • [41]
    V. sur ce point A. Bruel, « Le sens de l'autorité. La recherche de l'adhésion dans la justice des mineurs », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 143 et s. V. égal. B. Bernabé, « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 151 et s. , spéc. p. 153 ets.
  • [42]
    J.-L. Halpérin, « 1789-1815 : un quart de siècle décisif pour les relations entre la Justice et le Pouvoir en France », Justices, 1996, no 3, p. 13.
  • [43]
    E. Kantorowicz, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Gallimard, 1989.
  • [44]
    V. C. Bléry, « Les fondements historiques de la motivation des sanctions », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 10, no 8.
  • [45]
    G. Cahin, « La motivation des décisions de la Cour internationale de justice », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir.), op. cit., p. 11.
  • [46]
    H. Arendt, op. cit., p. 123 (nous soulignons).
  • [47]
    J.-L. Halpérin, art. cit., p. 17.
  • [48]
    V. l'étude de F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De l'utilisation d'un savoir à l'exercice d'un pouvoir, préf. Ch. Atias, PUAM, IEJ, 2003, not. p. 57, où l'auteur explique que « [l]es arrêts de la Cour de cassation du XIXe siècle sont [...] marqués par cette technique fondamentale utilisée par les juristes : la rhétorique, caractère premier et fondamental de la décision de justice du XIXe siècle ».
  • [49]
    T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », RDP, 1955, p. 5. V. sur ce point le rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012, p. 94 et s.
  • [50]
    D. Serrigny, Traité de l'organisation de la compétence et de la procédure en matière contentieuse administrative, Paris, 1865, cité par le rapport préc. sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, ibid.
  • [51]
    « Jurisprudence et doctrine dans l'élaboration du droit administratif », Études et Documents du Conseil d'État, no 27, p. 30, 1955, cité par le rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012, p. 95.
  • [52]
    J. Rivero, « Le Conseil d'État, cour régulatrice », D. 1954. 157.
  • [53]
    G. Cahin, « La motivation des décisions de la Cour internationale de justice », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir), op. cit., p. 11.
  • [54]
    J. Rivero, art. cit., p. 157.
  • [55]
    Sur ce point, V. F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De l'utilisation d'un savoir à l'exercice d'un pouvoir, op. cit., passim.
  • [56]
    F. Berenger, op. cit., notamment p. 43 et s. : arrêts à l'appui, l'auteur - qui cite longuement des arrêts de la Cour de cassation, par ailleurs reproduits en annexe - montre combien l'argumentation est étoffée et met en oeuvre des modes de raisonnement divers.
  • [57]
    F. Berenger, op. cit., p. 62.
  • [58]
    V. infra, F. Hourquebie, « Les cultures judiciaires, la motivation et l'argument conséquentialiste ».
  • [59]
    Sur cette hypothèse, V. F. Berenger, op. cit., passim.
  • [60]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, juger en Amérique et en France, Odile Jacob, 2003, p. 200.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    Ibid.
  • [63]
    H. Arendt, op. cit., p. 123.
  • [64]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, op. cit., p. 207.
  • [65]
    V. infra, F. Hourquebie, « Les cultures judiciaires, la motivation et l'argument conséquentialiste ».
  • [66]
    R. Sefton-Green, « Vices et vertus de la motivation judiciaire : comparaisons franco-anglaises », Les Cahiers de la justice, juin 2011, no 2, p. 89 .
  • [67]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, op. cit., p. 207.
  • [68]
    R. Sefton-Green, « Vices et vertus de la motivation judiciaire : comparaisons franco-anglaises », Les Cahiers de la justice, juin 2011, no 2, p. 89 .
  • [69]
    V. déjà A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment de celles de la Cour de cassation », RTD civ. 1974. 492. Pour une approche plus critique, V. Y.-M. Laithier, Droit comparé, op. cit., no 65, p. 78-79.
  • [70]
    C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., p. IX-XLI.
  • [71]
    D. Salas, Le tiers pouvoir. Vers une autre justice, Hachette Littératures, 1998, p. 212 : « L'exigence de transparence impose de fait un contrôle sur le processus de décision. L'héritage du secret, qui fut la plus forte habitude d'une administration judiciaire, devient un obstacle majeur à la naissance d'un pouvoir judiciaire comptable de son action devant la démocratie. On mesure ici l'enjeu de la transparence pour la légitimité du tiers pouvoir de la justice qui, à la différence des autres, n'est pas élu ».
  • [72]
    V. sur ce point, Le juge de cassation en Europe, Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (dir.), Dalloz, Thèmes & commentaires, 2012.
  • [73]
    D. Ritleng, « Commentaire », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir.), op. cit., p. 163.
  • [74]
    Ibid.
  • [75]
    Ph. Maddalon, art. cit., p. 155.
  • [76]
    V. C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions prononcées en justice, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., no 28.
  • [77]
    V. P. Idoux, « La motivation des sanctions par les autorités administratives indépendantes », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 190 et s., no 8 et s. Sur la notion de désordre, V. G. Guerlin, « La genèse du désordre », in Le désordre des autorités administratives indépendantes. L'exemple du secteur économique et financier, N. Decoopman (dir), PUF, Ceprisca, 2002, p. 39
  • [78]
    P. Idoux, art. cit., p. 188 et 189, no 3 à 6, et p. 202 et s., no41 et s.
  • [79]
    M. Troper, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel », in La motivation des décisions de justice, Ch. Perelman, P. Foriers (dir.), op. cit., p. 301.
  • [80]
    P. Avril, « L'autorité du Conseil constitutionnel », in L'autorite, J. Foyer, G. Lebreton, C. Puigelier (dir.), PUF, 2008, p. 135.
  • [81]
    V. G. Drago, « La motivation des sanctions selon le droit constitutionnel », op. cit., p. 78 et s., no 22 et s.
  • [82]
    M. Disant, L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, LGDJ, 2010.
  • [83]
    En ce sens, S. Guinchard, et alii , Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Dalloz (Précis), 7e éd., 2013.
  • [84]
    Sur les éléments qui fondent traditionnellement cette autorité, V. T. Tuot, « L'autorité du Conseil d'État », in L'autorité, Dir. J. Foyer, G. Lebreton, C. Puigelier, PUF, 2008, p. 141-149, et C. Puigelier et J. Sainte-Rose, « Tribunal de cassation, Cour de cassation et autorité », op. cit., p. 151-174.
  • [85]
    J.-M. Sauvé, art. cit., p. 127, no 38.
  • [86]
    Rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012. Pour une présentation détaillée, V. supra, G. Pelissier, « La réflexion du Conseil d'État sur la rédaction des décisions ».
  • [87]
    Sur les prémisses de cette évolution, V. déjà S. Rials, Le juge administratif et la technique du standard, LGDJ, 1980, p. 410, qui constate un « déclin du laconisme ». V. égal., plus récemment, D. Ribes, « La motivation des décisions du Conseil d'État », et V. Donier, « Style et structure des décisions du Conseil d'État : vers une évolution culturelle », in La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, op. cit., respectivement p. 192 et 197.
  • [88]
    Rapport préc. sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, p. 96.
  • [89]
    V. J.-F. Weber, « Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile », BICC, no 702, 15 mai 2009, p. 6 : P. Deumier, « Les communiqués de la Cour de cassation : d'une source d'information à une source d'interprétation », RTD civ. 2006, p. 506  ; Id., « Les notes au BICC : d'une source d'information à une source d'interprétation pouvant devenir source de confusion », RTD civ. 2007, p. 61 .
  • [90]
    J.-M. Sauvé, art. cit., p. 124, no 32. Le recours à des arrêts « Doctrinaux », par lesquels la Cour de cassation ou le Conseil d'État affichent leur position telle une « doctrine », s'inscrit assurément dans cette logique. V. sur ce point P. Deumier, « Les "motifs des motifs" des arrêts de la Cour de cassation. Étude des travaux préparatoires », in Principes de justice. Mélanges en l'honneur de Jean-François Burgclin, Dalloz, 2008, p. 125.

1Explorer la motivation des décisions de justice à partir de celles qui prononcent des sanctions, c'est l'envisager à travers un prisme grossissant et prendre ainsi la pleine mesure des tendances et enjeux du droit de la motivation, comme du droit des sanctions. Une telle approche permet de reprendre sous un jour nouveau la question de la motivation - qui provoque une certaine effervescence intellectuelle, perceptible dans l'accélération récente des publications  [1]. Elle correspond en outre aux préoccupations actuelles des juridictions, soucieuses d'appréhender la notion de sanction pour elle-même, sans y voir seulement une « inconnue du droit »  [2]. L'organisation récente, par le Conseil d'État et la Cour de cassation d'un colloque consacré à la sanction en atteste  [3].

2Historiquement, la question de la motivation s'est posée, avec acuité, pour la sanction pénale : celle-ci avait pour horizon, durant l'Ancien Régime, l'arbitraire de l'absolutisme royal. À bien des égards, l'éclat de la sanction était premier, sa motivation, secondaire, voire absente. L'obligation de motiver les jugements, telle qu'elle émerge à la Révolution, s'est largement construite en réaction face au risque d'une sanction injustifiée. Aujourd'hui encore, la question de la motivation de la sanction revêt une acuité particulière. Si la sanction pénale et, plus spécifiquement, la privation de liberté demeurent essentielles dans cette perspective, la question doit être abordée de manière plus large. Les sanctions connaissent en droit contemporain un essor spectaculaire, au-delà de la seule sanction strictement punitive : annulation d'un contrat, prononcé d'un divorce pour faute, retrait de l'autorité parentale, expulsion d'un étranger, démolition d'une construction  [4]... La sanction, parce qu'elle affecte directement la personne dans ses droits et libertés, parce qu'elle modifie son statut, est ressentie vivement par le justiciable. La réception qu'il en fera dépendra donc largement de l'existence et de la qualité de la motivation qui l'accompagne.

3Tel est le constat qui anime la recherche collective, soutenue par la mission de recherche Droit et Justice, menée conjointement par le laboratoire de sociologie juridique de l'université Panthéon-Assas, sous l'impulsion de Dominique Fenouillet, et le centre de droit privé et de sciences criminelles d'Amiens, en la personne de Gaëtan Guerlin et de l'auteur de ces lignes, consacrée à la motivation des sanctions. Cette entreprise s'attache à la sanction entendue comme « toute réaction du droit à une violation de la légalité ». Cette définition est assez large pour appréhender les situations pratiques extrêmement variées  [5] sous lesquelles la sanction se présente, tout en évitant le risque d'une dilution de la notion  [6].

Les sanctions en droit contemporain

4À la suite d'un premier volume intitulé. La sanction, entre technique et politique[7] qui met en lumière les grandes tendances qui affectent le droit contemporain des sanctions  [8], un deuxième volume a ainsi été consacré à La motivation des sanctions prononcées en justice.[9]. L'ouvrage s'attache au droit processuel dans son sens le plus large : d'un côté, l'étude inclut les différents types de contentieux (civil, pénal, administratif), dépassant les frontières entre droit privé et droit public ; d'un autre côté, il rend pleinement compte de l'essor des droits fondamentaux du procès, tels qu'ils résultent de l'enchevêtrement des normes issues du droit constitutionnel et du droit européen (du droit du Conseil de l'Europe comme de l'Union européenne), sans omettre des éclairages de droit comparé. Une telle démarche s'impose particulièrement, à l'heure où le droit contemporain apparaît comme un « univers multidimensionnel »  [10] un « ensemble normatif imbriqué »  [11].

La motivation, entre dits et non-dits

5Les questionnements abordés sont multiples et on ne saurait en restituer ici l'intégralité  [12]. On se contentera de mettre l'accent sur une dimension de la motivation qui apparaît de manière récurrente, au fil des contributions, à savoir la motivation envisagée comme une pratique révélant une tension subtile entre l'explicite et l'implicite, entre dits et non-dits. Cette dialectique profonde apparaît sous des dimensions variées.

Zones de non-motivation

6En premier lieu, il est possible de mettre en évidence des lacunes dans le dispositif légal de la motivation des décisions de justice. La loi elle-même cultive parfois le non-dit et autorise le juge à ne pas motiver la décision qu'il prend, dans des situations où la motivation aurait pourtant une réelle utilité. L'ouvrage dessine des pistes pour un inventaire de ces zones de non-motivation dont on peut regretter l'existence et auxquelles le législateur devrait remédier. Il conduit même à se demander si le renouveau incontestable de la motivation des sanctions (si manifeste dans des textes récents de réforme tels que la loi du 10 août 2011 relative à la motivation des arrêts d'assises  [13]) ne va pas de pair avec certains archaïsmes persistants que notre droit aurait tout intérêt à résoudre.

7Le droit pénal - et, plus spécialement, la matière correctionnelle - fait ainsi apparaître les lacunes du droit positif  [14] : si le jugement pénal doit être motivé en vertu de l'article 485 du code de procédure pénale, en revanche la nature, la mesure et les modalités d'exécution de la peine prononcée relèvent, sauf exception, du pouvoir discrétionnaire du juge, dans les limites fixées par la loi  [15]. Les juges n'ont pas l'obligation de motiver le quantum de la sanction : en d'autres termes, la loi pénale définit simplement, pour chaque infraction, une peine minimale et maximale et le juge n'a pas à expliquer pourquoi, au sein de cet éventail, il opte pour le haut de l'échelle ou au contraire pour une sanction particulièrement clémente. Cette dispense de motivation fait évidemment problème : après tout, si la décision sur la culpabilité est cruciale, la détermination de la sanction ne l'est pas moins pour le justiciable, puisqu'elle en est la traduction concrète. Elle est, par hypothèse, ressentie directement par celui-ci. De ce point de vue, la position du droit français se révèle déconcertante, pour ne pas dire archaïque  [16]. Cette problématique n'est, d'ailleurs, pas spécifique au droit pénal  [17].

8Le droit comparé avec la Suisse et la Belgique permet, de reconsidérer cette tradition française de non-motivation du quantum de la peine  [18]. L'article 195 du Code d'instruction criminelle belge consacre ainsi, en termes généraux, mais avec des limites et des exceptions, une obligation de motivation particulière en matière correctionnelle, par l'indication, « d'une manière qui peut être succincte, mais doit être précise, des raisons du choix que le juge fait de telle peine ou mesure parmi celles que la loi permet de prononcer ». Encore le droit belge est-il perfectible en ce domaine et appelle-t-il lui-même des modifications, de lege ferenda[19]. Il n'en reste pas moins qu'il offre au juriste français une perspective intéressante pour repenser l'état du droit existant. Le droit belge apparaît en outre assez novateur, en ce qu'il intègre dans l'obligation de motivation les simples mesures ordonnées par le juge  [20].

Mirages de la motivation

9En deuxième lieu, la recherche collective montre que la pratique de la motivation conduit bien volontiers à masquer subtilement, le non-dit derrière le dit. Michel van de Kerchove décrit ainsi les mirages de la motivation, qui remplit bien souvent une fonction d'occultation des motivations réelles du magistrat au moment d'énoncer la sanction  [21] derrière les oripeaux d'un raisonnement hypothético-déductif parfaitement ciselé. Il révèle la face cachée de la motivation, dont les ressorts tiennent à la psychologie, voire à l'auto-persuasion ou à l'autojustification  [22]. L'auteur montre ainsi toute l'actualité des travaux de Perelman autour de la notion de syllogisme régressif ou a posteriori[23] : certes, en principe, le juge décide, au terme d'un syllogisme judiciaire, s'il y a lieu de sanctionner et il définit en conséquence la juste sanction applicable ; mais, en réalité, il détermine bien souvent la sanction avant même d'avoir mis en oeuvre le syllogisme, au point de reconstituer artificiellement un raisonnement juridique a posteriori, ad hoc. pour justifier la sanction ordonnée  [24]. Dans la période récente, la matière criminelle est celle qui va le plus loin dans la prise en compte de ce phénomène : en effet, le mécanisme de la motivation a posteriori est désormais admis explicitement devant les cours d'assises belge (lorsque celle-ci motive a posteriori le prononcé, de la culpabilité, d'une part, le choix de la peine d'autre part  [25]) ou française (la réforme récente ayant retenu le principe d'une motivation littéraire a posteriori[26]).

Logiques inavouées de la motivation

10En troisième lieu, la recherche démontre l'existence de logiques non-dites, inavouées qui gouvernent bien souvent, de manière souterraine, les pratiques de la motivation. La motivation de la sanction peut ainsi être tributaire de considérations économiques  [27]. Elle peut, aussi, obéir à des considérations pragmatiques qui relèvent d'une « politique de la sanction »  [28] : le droit fait ainsi varier les conditions du prononcé de la sanction, sa nature et son quantum au gré de l'importance attachée à la règle violée et de l'objectif poursuivi  [29]. Certes, cette politique est d'abord déterminée par le législateur lui-même  [30]. Mais la loi laisse souvent, ouverte au juge la possibilité de développer lui-même une approche pragmatique de la sanction. Il arrive que le magistrat soit confronté à un large choix de sanctions. La motivation devient un élément clé du choix à opérer parmi des sanctions multiples  [31], alors que prévaut en droit positif une certaine « flexibilité des sanctions »  [32]. Le juge doit, notamment, prendre en compte les différentes fonctions attachées à telle ou telle sanction pour établir, au moment où la dimension fonctionnelle de la sanction devient, essentielle  [33], celle qui devra être prononcée. Les critères de détermination de la sanction et la manière dont la motivation en rend compte revêtent ainsi une importance majeure  [34].

Approche sociologique de la motivation

11Enfin, l'étude fine de la motivation des sanctions et de ses ressorts fait, apparaître l'existence de certains déplacements. La motivation n'est pas ce qu'elle donne à voir. Des liens étroits se nouent en effet entre la légitimité, de l'instance sanctionnatrice et les modalités de la motivation qu'elle adopte. Ces liens varient avec le temps et selon les institutions. Se pose ainsi la question de l'existence d'une logique sociologique à l'oeuvre dans la motivation des sanctions. Les acteurs du droit sont en effet susceptibles de voir dans la motivation un moyen de renforcer leur légitimité en tant qu'institutions sanctionnatrices  [35]. C'est sur cet aspect que l'on aimerait ici s'attarder.

12La question posée est, en définitive, la suivante : dans quelle mesure la motivation des décisions de justice permet-elle au juge d'asseoir son autorité ? Comment se nouent les liens entre légitimité de l'autorité de sanction, d'une part, et motivation de la sanction prononcée en justice, d'autre part ? Dans quelle mesure la motivation d'une décision affecte-t-elle l'autorité et le crédit accordés à la décision de sanction et contribue-t-elle à assurer son respect ? On pense ici au respect de la sanction, entendu de manière objective, comme obéissance à l'égard de la décision de justice ; mais on songe aussi et surtout, à la crédibilité de la décision de sanction et, au-delà, à la crédibilité de l'institution judiciaire et de la justice. Ces deux aspects se rejoignent partiellement : la crédibilité de la décision va souvent de pair avec une meilleure application de la sanction.

La motivation, miroir de la légitimité de l'autorité de sanction

13D'un côté, les liens entre motivation et légitimité ont longtemps été pensés sous l'angle d'une complémentarité inversée : plus l'autorité de sanction se concevait comme légitime et comme « faisant autorité », moins elle estimait devoir se justifier et motiver sa décision. La légitimité et l'autorité reposaient, partiellement du moins, sur un art de ne pas dire, ou du moins d'en dire le moins possible (§ 1). Mais on assiste, en lien avec ce que l'on a pu appeler la crise de l'autorité traditionnelle, à l'émergence d'un paradigme nouveau, dans lequel la légitimité, repensée en contexte démocratique, suppose la persuasion ; le non-dit existe mais il est de moins en moins bien toléré par ses destinataires (§ 2). Ce mouvement -décrit délibérément à grands traits ici et qui mériterait d'être nuancé - contribue à rendre compte de la variété des pratiques de motivation des autorités de sanction. Il ne doit être compris que de manière partiellement chronologique : si le second paradigme tend aujourd'hui à l'emporter sur le premier, il ne le supplante pas tout à fait et coexiste avec lui.

§ 1. Le paradigme traditionnel : l'autorité ne se justifie pas (De l'art de ne pas motiver, ou d'en dire le moins possible)

Mise en perspective : rapports entre sanction et autorité de la loi

14Les rapports entre sanction et autorité sont d'une particulière complexité. En effet, comme l'a bien montré Hannah Arendt  [36], la sanction est, en tant que telle, le signe d'une défaillance de l'autorité, si l'on entend l'autorité non pas au sens organique du terme (celui qui détient le pouvoir) mais au sens fonctionnel, à savoir le pouvoir de se faire obéir et respecter. C'est parce que le détenteur du pouvoir n'a pas su faire respecter son autorité qu'il est amené à sanctionner les comportements déviants, ces « violations de la légalité », auxquelles réagit la sanction. L'intervention de l'autorité judiciaire ou administrative à des fins de sanction marque donc une défaillance de l'autorité. En effet, « là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué »  [37].

Rapports entre la motivation de la sanction et la légitimité de l'autorité de sanction

15Il n'en reste pas moins que la sanction, entendue comme toute réaction du droit à une violation de la légalité, émane, le plus souvent, d'une autorité au sens institutionnel et sociologique de ce terme, c'est-à-dire d'un détenteur du pouvoir juridictionnel, quasi juridictionnel ou administratif. L'autorité est alors comprise comme un élément des institutions : elle désigne le pouvoir légitime dont dispose un individu (ou un groupe) d'imposer l'obéissance à ceux qu'il prétend diriger. Le juge peut ainsi imposer l'obéissance par cela même qu'il est juge et qu'il possède la potestas : ses décisions ont l'autorité de chose jugée et, partant, ont force de loi.

Autorité et absence de motivation

16Mais pour comprendre le lien entre légitimité de l'instance sanctionnatrice et motivation, il est utile de revenir aux sources mêmes de l'autorité dans son sens historique  [38] et de se détacher de la simple potestas contraignante du juge pour revenir à son autorité : au sens traditionnel, l'auctoritas désigne d'abord l'autorité dans les énoncés. L'autorité énonciative est un principe majeur de légitimation des discours. Elle désigne le pouvoir symbolique d'engendrer la croyance, de produire la persuasion - ce qu'en termes contemporains on appellerait la crédibilité d'un auteur ou d'un énoncé  [39]. Les auctoritates ont, pendant longtemps, désigné l'ensemble des auteurs qui « font autorité », à commencer par les textes bibliques ou gréco-romains.

17Appréhendé comme locuteur et énonciateur du discours qu'est le jugement, le juge est, dans la conception traditionnelle, une autorité : il dispose du pouvoir symbolique d'engendrer la croyance, de produire la persuasion. Il est supposé faire autorité. Il est crédible par cela même qu'il est un juge. La justesse et la légitimité de sa position hiérarchique font l'objet d'une pleine reconnaissance de la part des individus  [40]. Cette conception puise sa source non seulement dans le droit romain  [41], mais également dans le droit médiéval et d'Ancien Régime. Comme l'écrit Jean-Louis Halpérin, « dans les structures pré-étatiques ou étatiques du Moyen Âge et de l'époque moderne, l'exercice de la justice est [...] la manifestation par excellence du pouvoir, quand elle n'est pas tout le pouvoir. Dans la tradition monarchique encore vivace au XVIIIe siècle, le pouvoir de justice n'est qu'un attribut de la puissance souveraine du roi ; à ce titre, il ne peut être séparé, ni même clairement distingué, des autres prérogatives régaliennes dont la réunion caractérise la souveraineté une et indivisible »  [42]. La justice est le prolongement du corps invisible du roi, pour reprendre la métaphore de Kantorowicz  [43]. Le juge fait ainsi autorité par cela seul qu'il émane du corps éternel du roi.

18Dans la tradition française, semble ainsi se dessiner une tendance ancienne, selon laquelle plus une instance est légitime, moins elle est prolixe dans sa motivation - quand elle n'en est pas purement et simplement dispensée. Sous l'Ancien Régime, la dispense totale de motivation est, de manière révélatrice, considérée comme un « privilège » par les parlementaires  [44]. Tout se passe, à cette époque, comme si l'institution sanctionnatrice pouvait mesurer son crédit à l'aune de cette exonération de motivation. De ce point de vue, la motivation est « d'abord une contrainte imposée à une institution ou à une personne qui n'est pas totalement souveraine »  [45]. Motiver est, en soi, un aveu de faiblesse ; la véritable autorité ne se justifie pas, elle s'impose d'elle-même. Pour reprendre la formule bien connue de Hannah Arendt, « Là où on a recours à des arguments, l'autorité est laissée de côté. [...] S'il faut vraiment définir l'autorité, alors ce doit être à la fois en l'opposant à la contrainte par force et à la persuasion par arguments »[46]

19Même après la Révolution française, cette logique demeure partiellement valide. Elle explique le principe ancien de non-motivation des arrêts d'assises : ceux-ci étant directement rendus par le peuple, à travers le jury populaire, ils sont (ou plutôt étaient) supposés posséder une légitimité absolue. Pleinement souverain, le peuple ne saurait avoir à rendre compte de ses propres décisions.

20L'émergence, à la Révolution, de l'obligation générale de motiver les décisions judiciaires correspond, symétriquement, à l'idée d'un déclin de la légitimité et de souveraineté des juges. Empreints d'une profonde défiance à l'égard des juges, les réformateurs des années 1790 ne voient pas dans la justice un troisième pouvoir. La justice demeure fondamentalement subordonnée à la puissance législative : « l'interdiction des "arrêts de règlement", le mécanisme du référé législatif, ainsi que l'institution du Tribunal de cassation "sentinelle de la loi" » sont conçus comme des moyens d'empêcher les juges « de se libérer de la tutelle » de la loi  [47]. L'obligation de motiver traduit la faiblesse de l'autorité attribuée aux juges judiciaires.

21Ce constat apparaît particulièrement lorsqu'on s'intéresse à la Cour de cassation. Dès ses premières années d'exercice, la Cour de cassation, qui se substitue au Tribunal de cassation, motive assez longuement ses arrête civils  [48]. Le juge étant l'objet d'une certaine suspicion, la légitimité de ses décisions trouve un renfort dans une motivation étayée. Aussi élevée soit-elle dans l'ordre judiciaire, la Cour de cassation demeure en effet la bouche de la loi. Le soin scrupuleux apporté aux motifs de ses décisions permet alors de contrôler sa fidélité aux prescriptions légales : la légitimité des sanctions résulte de leur stricte légalité. La Cour de cassation, dans un premier temps du moins, ne jouit pas d'une autorité naturelle. Parce qu'elle est l'objet d'une certaine défiance, elle doit motiver ses décisions avec soin, à l'instar des juges du fond.

Imperatoria brevitas du Conseil d'État

22Si l'exigence de motivation a été, très tôt, clairement affirmée pour la Cour de cassation, il en va différemment en matière administrative  [49]. Il semble que la motivation des décisions du Conseil d'État se soit développée très lentement, à partir de 1830 notamment, et qu'elle ait longtemps été très peu détaillée, voire obscure. En 1865, un auteur analyse sur ce point la différence entre le Conseil d'État, ancien Conseil du Roi, et la Cour de cassation : « il n'en est pas des décisions du Conseil d'État comme de celles de la Cour de cassation. Cette cour expose presque toujours les raisons détaillées des solutions qu'elle adopte : on voit qu'elle ne craint pas de faire de la doctrine, et qu'elle veut convaincre ceux qu'elle juge. Le Conseil d'État, au contraire, ne donne presque jamais de motifs développés des arrêts qu'il prononce [...]. Cette diversité dans les procédés tient à la différence des positions qu'occupent le Conseil d'État et la Cour de cassation. Au Conseil d'État, c'est le Roi qui parle, qui décide, qui ordonne : son langage doit être bref, concis, impératif. À la Cour de cassation, ce sont des magistrats qui interprètent la loi, et qui doivent rendre raison aux justiciables de leurs décisions »  [50].

23Historiquement, le Conseil d'État, détenteur d'une souveraineté régalienne, n'éprouve guère le besoin de motiver ses décisions de manière détaillée. Jean Rivero a parfaitement rendu compte de cette logique : « Le Conseil d'État fut, dans son premier âge - c'est l'âge où se prennent les habitudes qui marquent une vie entière -, le Souverain jugeant ; la fameuse "brevitas" mérite bien son qualificatif ; "imperatoria", elle l'est au sens propre : le souverain ne saurait, comme le juge ordinaire, mettre à nu devant le juge toutes les démarches de sa pensée ; c'est la justice retenue qui se survit, aujourd'hui encore, dans la brièveté, des motifs »  [51]. D'un point de vue historique, donc, les rapports entre légitimité d'une part et qualité de la motivation des décisions du Conseil d'État d'autre part sont, pourrait-on dire, inversement proportionnels : plus une autorité est légitime (ou se considère comme telle), moins elle est tenue de soigner la motivation de ses décisions.

24La concision des décisions du Conseil d'État révèle en outre une conception de la justice marquée par des rapports de verticalité entre cette institution et l'Administration, plus que par un quelconque souci d'intelligibilité ou de transparence à son égard : « il [le Conseil d'État] a moins à la convaincre [l'Administration] qu'à l'informer »  [52]. Il faut encore ajouter à cela la préoccupation traditionnelle de cette institution, de conserver une certaine marge de manoeuvre pour l'avenir. En effet, la brièveté a longtemps été conçue comme une technique permettant au magistrat de se ménager la possibilité de changer de politique jurisprudentielle pour le futur, sans que cela soit trop voyant ou apparaisse comme une contradiction de sa part  [53] : le juge, pense-t-on alors, ne doit pas « se ligoter par des formules trop strictes »  [54].

Émergence d'une imperatoria brevitas de la Cour de cassation

25Si la comparaison entre le Conseil d'État et la Cour de cassation a longtemps conduit à opposer la relative obscurité de la motivation du premier à la richesse de la seconde, l'affirmation demande à être nuancée, certaines décisions de la haute juridiction administrative étant, dès le début du siècle, très bien motivées. En outre, la pratique de la Cour de cassation a elle-même évolué, traduisant ainsi la complexité des rapports entre légitimité de l'autorité de sanction et motivation de la sanction. À mesure que son autorité et sa légitimité se sont renforcées - notamment à travers l'affirmation d'un rôle créateur de la jurisprudence - la longueur et la précision des motifs de la Cour de cassation ont régressé et se sont amenuisées pour aboutir aux décisions que l'on connaît aujourd'hui  [55]. Il est difficile de définir précisément, les liens subtils qui se nouent alors entre autorité et légitimité : la Cour de cassation, mieux assise dans sa légitimité, s'est-elle autorisé des motivations moins approfondies ? Ou peut-on adopter une lecture téléologique et penser que c'est précisément pour mieux asseoir son autorité qu'elle s'est progressivement ralliée à une imperatoria brevitas n'ayant rien à envier à celle du Conseil d'État ?

26Quoi qu'il en soit, dans leur très grande majorité, les arrêts actuels de la Cour de cassation sont plus concis que ceux du début du XIXe siècle. Pendant les premières décennies, en effet, la Cour de cassation rendait des décisions souvent très nourries et argumentées dans le détail  [56] ; il n'était pas rare qu'elle justifiât son interprétation d'un texte de loi en examinant les conséquences concrètes susceptibles d'en résulter  [57], selon une démarche que l'on pourrait aujourd'hui qualifier de conséquentialiste  [58]. Elle apparaissait même volontiers « engagée », justifiant longuement ses décisions, déployant si nécessaire des trésors de pédagogie. Comme on a pu le suggérer, la motivation étayée, caractéristique de l'époque post-révolutionnaire, traduisait certainement « l'utilisation d'un savoir » - l'utilisation par l'autorité judiciaire d'un savoir législatif, qui s'imposait à elle. Au contraire, la concision contemporaine des arrêts de la Cour de cassation traduit peut-être davantage « l'exercice d'un pouvoir »  [59].

27Elle manifeste aussi la volonté de la Cour de cassation de rejoindre le Conseil d'État dans une expression formelle très épurée, dont le but est d'exprimer « que c'est la loi qui engendre, de manière presque mathématique, la solution judiciaire nécessaire et indubitable »  [60]. L'arrêt de cassation, « joyau de l'imperatoria brevitas », qui « condense en une phrase unique, généralement succincte, une motivation prenant la forme du syllogisme et rédigée à la troisième personne »  [61], entend donner de la justice l'image « de l'univocité, reflet scriptural de la souveraineté de la loi [...]. La suprématie de la loi ne tolérant aucune mise en cause, l'enchaînement logique allant des dispositions législatives au dispositif de l'arrêt - qui règle le litige concret - doit être ininterrompu »  [62]. Une motivation plus longue serait le signe, sinon d'un contournement, du moins d'un affaiblissement de ce qui fait autorité, à savoir le juge et, à travers lui, la loi.

§ 2. L'émergence d'un nouveau paradigme : la légitimité s'obtient par la persuasion (De l'art de bien motiver la sanction)

28Le paradigme associant légitimité de l'autorité de sanction avec la brièveté de la motivation semble vaciller. Les rapports entre légitimité de l'institution sanctionnatrice et motivation de la sanction sont en voie d'être remodelés, en lien avec une redéfinition de la légitimité.

29Celle-ci ne résulte plus seulement d'une position verticale d'autorité ; elle est le fruit d'une reconnaissance démocratique, impliquant les citoyens de manière horizontale. La crise de l'autorité n'aboutit pas en effet à la destruction de toute forme de légitimité. Elle conduit à repenser, voire refonder, la légitimité du pouvoir - y compris celle du juge - dans un contexte démocratique. La persuasion devient alors centrale, elle qui « présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation »  [63]. L'idée s'impose progressivement que, pour être plus légitime, l'autorité de sanction (au sens institutionnel du terme) doit justifier plus et motiver mieux.

30Ce constat, conforté par le droit comparé, s'impose lorsqu'on examine des institutions relativement jeunes et semble en passe de s'étendre à des institutions françaises plus anciennes.

Motivation et persuasion dans la common law

31Le changement de paradigme s'éclaire à la lumière du droit anglo-saxon. En effet, « pour la culture judiciaire de common law, l'autorité de la décision de justice est beaucoup plus une affaire de persuasion que de commandement autoritaire »  [64]. C'est un lieu commun que de rappeler la longueur des décisions du juge américain par rapport à la motivation concise des décisions françaises. La motivation judiciaire anglo-saxonne, en citant longuement les décisions précédentes, en recourant au droit comparé et à la doctrine et, plus encore, par une mise en oeuvre intelligente du raisonnement conséquentialiste  [65], est supposée entraîner plus facilement l'adhésion du justiciable à la décision prise, par un effet accentué, de légitimation  [66].

32La technique des opinions dissidentes, étrangère au droit français, joue un rôle essentiel dans l'acceptation de la décision par les destinataires de la sanction : « L'incorporation de l'opinion minoritaire, pleinement motivée et argumentée, dans le corps de l'arrêt, provoque en retour une amélioration de l'argumentation majoritaire, qui doit se montrer à la hauteur de la dissidence »  [67]. En outre, en faisant apparaître explicitement les arguments dissidents, cette technique permet une meilleure acceptation de la décision par celui qui - si de tels arguments n'apparaissaient explicitement - pourrait penser qu'ils n'ont tout simplement pas même été envisagés. Contrairement à la justice française, la justice anglo-saxonne ne se sent pas menacée, dans son autorité et sa légitimité, par l'affichage d'opinions dissidentes. Comme l'écrit Ruth Sefton-Green, « pour un juriste anglais, le fait qu'une décision soit susceptible de plusieurs interprétations ne diminue pas pour autant son autorité. C'est peut-être une façon de distinguer l'autorité de l'autoritaire »  [68].

33Il est permis de se demander si, sur ce dernier point, la pratique anglo-saxonne n'est pas plus adaptée à l'ère de la transparence démocratique  [69], alors que le soupçon règne sur la motivation  [70] et que le besoin se faire ressentir, depuis plusieurs années déjà, de voir se développer au sein de l'institution judiciaire une véritable « éthique de la transparence »  [71], loin de toute culture du secret. Là où, en droit français, le justiciable sanctionné se posera perpétuellement la question de savoir si l'ensemble des membres de la juridiction de jugement était unanime pour prononcer la sanction prise contre lui, le justiciable anglais est informé de cette réalité concrète qui a conduit, au prononcé de la décision ; loin de présumer que le citoyen n'est pas apte à entendre la réalité - à savoir que la sanction qui lui est infligée a été débattue par certains juges -, le droit anglo-saxon considère qu'il est capable de l'entendre et qu'il n'en acceptera que mieux la décision prononcée  [72]. Loin du mythe d'une justice une et indivisible, le juge se met au niveau du justiciable ; il lui rend sa décision accessible et intelligible et, partant, acceptable.

34Ces deux approches révèlent des cultures de l'apparence sensiblement différentes. Endroit français, la légitimité de la décision de sanction suppose que l'on « sauve les apparences » et que l'on donne à penser que la décision prise est unanime, aussi âpres qu'aient pu être les discussions qui l'ont précédée dans le secret du délibéré. Dans la common law, l'apparence est également essentielle, mais d'une autre manière. La motivation est en effet l'une des manières d'illustrer l'adage « Justice must not only be done, but it should be seen to be done ». Dans cette perspective, révéler la manière dont a été fabriquée la décision de justice est encore la meilleure manière de la faire accepter et de garantir qu'elle a vu le jour dans des conditions équitables.

35Au-delà du droit comparé, on peut trouver les traces de cette conception horizontale de la légitimité de la décision de sanction dans la manière dont un certain nombre d'institutions relativement récentes conçoivent leur pratique de la motivation.

La motivation des sanctions, instrument de légitimation des institutions jeunes

36Certaines institutions relativement récentes, qui ne peuvent asseoir leur légitimité sur la tradition et sur une histoire ancienne, voient, dans une motivation approfondie et détaillée, une manière de conforter leur autorité.

37Ainsi les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, comme celles d'autres institutions communautaires, sont-elles très longuement motivées. L'influence du droit anglo-saxon explique bien sûr, pour large partie, cet état de fait. Mais, plus généralement, la longueur de la motivation des décisions des organes communautaires a directement à voir avec le « souci de persuasion »  [73] très marqué, qui anime ces institutions, en lien direct avec le « déficit de légitimation démocratique »  [74] qui les affecte. En effet, elles ne participent pas de la souveraineté populaire et ne rendent pas leurs décisions au nom du peuple, à la différence des instances nationales. Comme l'observe Denis Ritleng, « les juridictions communautaires n'ont peut-être pas encore atteint ce stade de langage commun avec les juges nationaux et les parties intéressées (surtout les particuliers), qui les dispenserait d'une motivation substantielle, et ainsi d'un surcroît de légitimité »  [75]. C'est, au moins partiellement, parce qu'elles se savent peu légitimes que les institutions européennes sont amenées à se justifier en longueur - ce qui n'est pas sans susciter certaines dérives dans les techniques de motivation  [76].

38Une autre illustration des liens entre désir de légitimation et techniques de motivation peut être trouvée, en droit interne, dans la pratique des autorités administratives indépendantes (AAI). Pascale Idoux recense ainsi, au sein de cette catégorie très hétérogène, une grande variété - voire un certain désordre - des pratiques : la longueur et les techniques de motivation sont extraordinairement variables, d'une autorité administrative à une autre  [77]. Après avoir examiné puis rejeté un certain nombre d'hypothèses pour expliquer ce phénomène, l'auteur observe que les AAI les plus jeunes, dont l'autorité est la moins bien assise, ont tendance à soigner davantage leur motivation, dans le but d'être reconnues comme des institutions dignes du pouvoir répressif qu'on leur a confié. Elles n'hésitent pas, pour certaines d'entre elles, à calquer leur motivation sur celle des juridictions administratives du fond et à l'étoffer au maximum, espérant de la sorte acquérir en peu de temps une légitimité qu'elles sentent contestée  [78]. Inversement, des AAI plus anciennes se contentent, de motivations plus succinctes.

39Les résultats auxquels aboutit Pascale Idoux dans son étude ne sont pas sans rappeler le constat dressé par Michel Troper à propos du Conseil constitutionnel, à la fin des années 1970. L'auteur montrait comment cette institution, si elle voulait « acquérir une autorité plus grande, soit, sur les justiciables [...], soit sur d'autres institutions souveraines », devait notamment « construire une motivation abondante et complexe »  [79]. Telle est bien, du reste, la voie qu'a empruntée l'institution : « comme l'autorité exige la confiance et que la confiance repose sur la compréhension, les décisions se sont faites plus pédagogiques : à la brièveté originelle de la motivation ont succédé les considérants plus développés qui exposent systématiquement les normes de référence et répondent point par point aux arguments de la saisine »  [80]. C'est que la motivation représente un élément stratégique essentiel pour le rayonnement du Conseil constitutionnel. En effet, il peut certes imposer sa manière de voir à chaque fois qu'il est amené à se prononcer sur la constitutionnalité d'un texte, que ce soit en amont de son adoption ou, désormais, lorsqu'il en est saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. Mais dans bien d'autres hypothèses, le Conseil émet, dans ses décisions, des considérations générales dont il ne peut que souhaiter - sans pouvoir l'imposer - qu'elles soient appliquées dans le futur par les juridictions, à commencer par la Cour de cassation et le Conseil d'État. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne bénéficie que d'une autorité « persuasive » ou « de raison »  [81]. Il ne peut compter que sur la rigueur et la qualité de son argumentation pour espérer emporter l'adhésion des juridictions supérieures. C'est toute la question de l'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, qui repose sur la plus ou moins grande « puissance de conviction »  [82] que réussit à dégager cette institution. Il est certain que la qualité de la motivation est un élément déterminant - sans être le seul - au service de cette logique de persuasion, particulièrement lorsque celle-ci s'exerce non plus à destination des justiciables mais à destination d'autres juridictions. Une motivation développée apparaît alors comme la pierre angulaire du dialogue des juges qui nourrit aujourd'hui le droit processuel international  [83].

40L'affirmation progressive d'un paradigme nouveau fondé sur la persuasion et impliquant une motivation plus approfondie n'affecte pas seulement les institutions relativement jeunes, soucieuses d'affirmer leur légitimité. Il gagne désormais les institutions anciennes que sont le Conseil d'État et la Cour de cassation.

Vers un renforcement de la motivation dans les institutions traditionnelles

41De façon remarquable, les institutions mêmes, qui ont longtemps été marquées par la concision de leurs décisions, n'échappent pas à ce mouvement qui relie intimement légitimité de l'institution et qualité de la motivation. La nécessité d'une motivation plus riche et plus claire par les plus hautes institutions se fait pressante, qu'elle concerne les décisions prononcées par le Conseil d'État ou par la Cour de cassation. Tout se passe comme si ces institutions ne pouvaient plus compter uniquement sur leur autorité traditionnelle  [84] et n'avaient d'autre choix que d'accepter de refonder leur légitimité autrement, sur une plus grande intelligibilité des décisions.

42Comme l'écrit le vice-président Sauvé, s'il est au service du justiciable, le juge est « acteur de sa propre légitimité, qui n'est pas acquise et qui, au contraire, tend à être régulièrement mise en cause [...]. Une meilleure motivation est sans aucun doute un moyen de parvenir à une plus grande légitimité des décisions de justice et, au-delà, des juges »  [85]. Les préconisations phares du rapport récemment publié par le Conseil d'État  [86] - abandon de la phrase unique et du considérant, découpage de la décision en paragraphes courts, usage de titres et de sous-titres, présentation graphique lisible, accessibilité du vocabulaire - témoignent d'une véritable révolution culturelle de l'institution  [87], dont le rapport rend compte en ces termes : « le juge administratif ressent davantage le besoin de convaincre que d'imposer et d'expliquer que d'affirmer »  [88].

43Certes, la Cour de cassation, à la différence du Conseil d'État, ne semble pas envisager, à cette heure, une réforme en profondeur des modalités de motivation mises en oeuvre au sein des arrêts eux-mêmes. En revanche, elle déploie, depuis plusieurs années, un certain nombre de pratiques visant à développer les « à-côtés » de la motivation - à l'image de la publication des rapports des conseillers rapporteurs ou des avis des avocats généraux, ainsi que des commentaires des magistrats ou des communiqués de la Cour. Ce mouvement traduit incontestablement la volonté de prendre en considération une demande croissante d'intelligibilité et de transparence des décisions. Encore cette manière de faire - toucher non au coeur de la motivation mais aux éléments périphériques de la décision - n'est-elle pas sans poser un certain nombre de difficultés  [89], au point que l'on peut se demander si la Cour de cassation ne sera pas inéluctablement amenée, tôt ou tard, à engager à son tour une réflexion sur la motivation de ses décisions.

44L'évolution qui gagne ces institutions, à des degrés divers, doit aussi beaucoup à leur volonté de conforter leur position symbolique, à une époque où elles entendent affirmer ou conforter leur pouvoir créateur de jurisprudence, voire leur statut de source de droit autonome. L'heure n'est plus à dissimuler les éventuelles contradictions de la jurisprudence au sein d'une juridiction (en en disant le moins possible), mais bien plutôt à assumer ouvertement les revirements de jurisprudence -en attestant toutefois, par la motivation prise et par les modalités de la sanction adoptée, que l'institution est soucieuse d'en préciser la portée dans le temps afin d'éviter tout excès ou injustice  [90].

45Les organes de justice les mieux ancrés dans une tradition historique sont ainsi rattrapés par une logique de transparence démocratique. Le non-dit est de moins en moins supportable par les justiciables et nuit à l'acceptabilité de la sanction ; de manière corollaire, il affecte l'aptitude de l'institution sanctionnatrice à « faire jurisprudence » et à permettre la circulation de ses décisions dans d'autres systèmes juridiques ou au sein d'autres autorités.


Date de mise en ligne : 01/04/2019.

https://doi.org/10.3917/cdlj.1402.0241

Notes

  • [1]
    V. not. Ch. Perelman et P. Foriers (dir.), La motivation des décisions de justice, Travaux du CNRL, Bruylant, 1978 : La motivation, Travaux de l'Association Henri Capitant, Journées nationales, t. III, Limoges, 1998 : F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation, préf. Ch. Atias, PUAM, IEJ, 2003 ; C.-J. Guillermet, La motivation des décisions de justice. La vertu pédagogique de la justice, L'Harmattan, Bibl. dr. proc., 2006 ; La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel (dir.), Pedone, 2008 ; Chr. Albigès et al., La motivation, actes du colloque organisé le 26 novembre 2010 par le laboratoire de Droit privé, Montpellier I, RLDC, janv. 2012, p. 63 et s. ; La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, R. Hourquebie et M.-Cl. Ponthoreau (dir.), Bruylant, 2012 ; La motivation en droit public, S. Caudal (dir.), Dalloz (Thèmes & commentaires), 2013.
  • [2]
    Ph. Jestaz, La sanction ou l'inconnue du droit, D. 1986, 197.
  • [3]
    La sanction : regards croisés du Conseil d'État et de la Cour de cassation, colloque tenu dans la Grand'chambre de la Cour de cassation le 13 décembre 2013. Les communications peuvent être visionnées sur le site électronique de la Cour de cassation.
  • [4]
    Pour prendre la mesure de la diversité des sanctions en droit contemporain, V. l'ensemble des contributions présentées dans le premier volume de cette recherche, Les sanctions en droit contemporain, Vol. 1, La sanction, entre technique et politique, op. cit.
  • [5]
    Il aurait pu être tentant de s'en tenir à des définitions étroites de la sanction, entendue par exemple comme la sanction punitive, la sanction pénale, ou encore (de manière un peu moins restrictive) la sanction considérée comme toute mesure de réaction du droit à la violation d'une obligation, d'un lien de droit créé entre deux personnes.
  • [6]
    Ont ainsi été exclues des acceptions du terme jugées trop extensives : la sanction désignant le caractère juridique de la règle, le fait qu'elle appartient à l'ordre juridique (ce qui correspond au sens latin de la sanctio), ou encore la sanction entendue comme tout moyen de contrainte accompagnant la règle de droit : G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8e éd., 2000, « Sanction », no 3 : « tout moyen destiné à assurer le respect et l'exécution effective d'un droit ou d'une obligation ». Pas davantage n'a été retenue l'idée selon laquelle toute action en justice serait la « sanction » d'un droit. En effet, dans toutes ces conceptions, la dilution de la notion de sanction dans l'ensemble du droit est patente et l'on risque fort de perdre de vue le phénomène même que l'on cherche à appréhender.
  • [7]
    C. Chainais, D. Fenouillet (dir.), Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, La sanction, entre technique et politique, Dalloz, L'esprit du droit, 2012.
  • [8]
    Les auteurs y ont recherché, matière par matière, les lignes de force existantes et ont ainsi dégagé les grandes tendances auxquelles obéit le droit contemporain : autonomisation de la sanction, devenue objet direct de l'attention du droit positif, presqu'indépendamment de la règle qu'elle accompagne ; pratiques convergentes de la sanction, aboutissant paradoxalement à un renforcement et à un éclatement des sanctions ; dévoilement de politiques de la sanction, oscillant entre préservation des valeurs et emprise croissante de l'économique ; nécessité d'une approche sociologique, permettant de mettre au jour les enjeux inavoués et les effets incidents des sanctions.
  • [9]
    C. Chainais, D. Fenouillet et G. Guerlin (dir.), Les sanctions en droit contemporain, Vol. 2, La motivation des sanctions prononcées en justice, Dalloz, L'esprit du droit, 2013.
  • [10]
    V. J.-M. Sauvé, « La motivation des sanctions administratives », art. cit., p. 114, no 3 et s.
  • [11]
    V. J.-M. Sauvé, art. cit., p. 123, no 26.
  • [12]
    Pour une présentation générale de la recherche et de ses conclusions, V. C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., p. IX-XLI.
  • [13]
    Loi no 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, JO no 0185, 11 août 2011, p. 13. 744. V. supra, la tribune de François Saint-Pierre ainsi que le point de vue des présidents de cours d'assises.
  • [14]
    En ce sens, V. M. Daury-Fauveau, « La motivation des sanctions pénales : entre renouveau et archaïsmes », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 169 et s.
  • [15]
    Hormis les cas expressément prévus par la loi, tels l'emprisonnement ferme (art. 132-19 du code pénal) ou l'interdiction du territoire français (art. 131-30-1 du code pénal), les juges ne sont pas tenus de motiver spécialement le choix de la sanction qu'ils appliquent dans les limites légales : V. notamment Crim. 15 déc. 2004, Bull, crim 2004, no 322, pourvoi no 04-81.684 ; Crim. 31 janv. 2007, Bull. crim. 2007, no 26, pourvoi no 06-85.070, D. 2007. 1017 ; AJ pénal 2007. 219, note M. Nord-Wagner ; Rev. sociétés 2007. 577, note H. Matsopoulou.
  • [16]
    M. Daury-Fauveau, art. cit., p. 182 et s., no 14 et s.
  • [17]
    Le Conseil d'État a en effet récemment décidé que le juge disciplinaire d'appel n'est pas tenu de motiver spécifiquement une diminution ou une aggravation de la sanction qui a été infligée en première instance : CE 23 juill. 2010, Haag, no329191, Lebon ; AJDA 2010. 2174. Il n'est pas sûr que cela soit bien compris par le justiciable.
  • [18]
    M. van de Kerchove, art. cit., p. 36-37, no 18.
  • [19]
    M. van de Kerchove, art. cit., p. 37 et s., no 19 et s.
  • [20]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 34, no 15.
  • [21]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 28, no 7.
  • [22]
    Ibid. V égal., pour un constat identique, à propos du droit civil, la contribution très éclairante de G. Guerlin, art. cit., p. 138, no 9, et p. 155-156, no 23.
  • [23]
    Ch. Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, Dalloz, 2e éd., 1979, rééd. Dalloz, 1999, no 98, p. 176 ; V. égal. E. Jouannet, « La motivation ou le mystère de la boîte noire », in H. Ruiz-Fabri, J.-M. Sorel (dir.), La motivation des décisions des juridictions internationales, Pedone, 2008, p. 266 : « Digression sur le syllogisme ».
  • [24]
    V. égal, sur ce point M. Troper, « La motivation des décisions constitutionnelles », in La motivation des décisions de justice, Ch. Perelman, P. Foriers (dir.), Travaux du CNRL, Bruylant, 1978, p. 295.
  • [25]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 27-28, no 6 et 7.
  • [26]
    M. Daury-Fauveau, art. cit., p. 172, no 3.
  • [27]
    A.-L. Sibony, « Peut-il y avoir des fondements économiques à la motivation des sanctions ? », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 49.
  • [28]
    Sur cette notion, V. C. Chainais, D. Fenouillet, « Le droit contemporain des sanctions entre technique et politique », art. cit., not. p. XXXVI et s., no 31 et s.
  • [29]
    La sanction vise tantôt à rétablir purement et simplement la légalité, tantôt à prévenir la survenance d'autres illégalités futures, ou encore à réparer le dommage causé par l'illégalité, pour ne prendre que quelques illustrations.
  • [30]
    Il n'est pas rare qu'il précise les exigences de motivation dans le but de mettre en oeuvre la politique de sanction la plus adaptée à ses yeux. Ainsi, une exigence de motivation renforcée ou spéciale devrait en théorie conduire le juge à une particulière prudence dans le prononcé de la sanction concernée. Inversement, l'allégement légal des exigences de motivation peut faciliter le prononcé d'une sanction. V. Ph Théry, « Observations conclusives », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 228, no 18, et G. Guerlin, « La motivation des sanctions civiles », art. cit., p. 157-160, no 25.
  • [31]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 30 et s., no 10 et s.
  • [32]
    Sur cet aspect, V., La flexibilité des sanctions : XXIes journées juridiques Jean Dabin, D. Kaminski (dir.), Bruylant, Bibliothèque de la faculté de droit et de criminologie de l'université catholique de Louvain, 2013.
  • [33]
    Sur ce point C. Chainais, D. Fenouillet, « Le droit contemporain des sanctions, entre technique et politique », art. cit., not. p. L, no 53.
  • [34]
    V. M. van de Kerchove, art. cit., p. 35 et s., no 16 et s., et A.-L. Sibony, art. cit., p. 50, no 3.
  • [35]
    Pour une perspective sociologique, V. M. Mekki, « Considérations sociologiques sur le droit des sanctions », in Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, La sanction, entre technique et politique, op. cit., p. 63 et s., no 49 et s.
  • [36]
    H. Arendt, « Qu'est-ce que l'autorité ? », La crise de la culture, Gallimard, 1972.
  • [37]
    H. Arendt, op. cit., p. 123.
  • [38]
    G. Leclerc, Histoire de l'autorité. L'assignation des énoncés culturels et l'idéologie de la croyance, PUF, 1996, spéc. p. 7-8.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    C'est là un aspect essentiel de l'autorité, ainsi que l'a montré B. Bernabé, « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 151  : « L'autorité, qui certes s'exerce verticalement, n'est jamais pleinement descendante - ou alors elle ne serait qu'imperium ou postestas, que force contraignante. Par un mouvement spéculaire, elle fait retour à son émetteur, chargée de la reconnaissance de ceux sur lesquels elle s'exerce. Sans ce mouvement à la fois vertical et circulaire, point d'autorité ».
  • [41]
    V. sur ce point A. Bruel, « Le sens de l'autorité. La recherche de l'adhésion dans la justice des mineurs », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 143 et s. V. égal. B. Bernabé, « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les Cahiers de la Justice, 2013, no 2, p. 151 et s. , spéc. p. 153 ets.
  • [42]
    J.-L. Halpérin, « 1789-1815 : un quart de siècle décisif pour les relations entre la Justice et le Pouvoir en France », Justices, 1996, no 3, p. 13.
  • [43]
    E. Kantorowicz, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Gallimard, 1989.
  • [44]
    V. C. Bléry, « Les fondements historiques de la motivation des sanctions », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 10, no 8.
  • [45]
    G. Cahin, « La motivation des décisions de la Cour internationale de justice », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir.), op. cit., p. 11.
  • [46]
    H. Arendt, op. cit., p. 123 (nous soulignons).
  • [47]
    J.-L. Halpérin, art. cit., p. 17.
  • [48]
    V. l'étude de F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De l'utilisation d'un savoir à l'exercice d'un pouvoir, préf. Ch. Atias, PUAM, IEJ, 2003, not. p. 57, où l'auteur explique que « [l]es arrêts de la Cour de cassation du XIXe siècle sont [...] marqués par cette technique fondamentale utilisée par les juristes : la rhétorique, caractère premier et fondamental de la décision de justice du XIXe siècle ».
  • [49]
    T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », RDP, 1955, p. 5. V. sur ce point le rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012, p. 94 et s.
  • [50]
    D. Serrigny, Traité de l'organisation de la compétence et de la procédure en matière contentieuse administrative, Paris, 1865, cité par le rapport préc. sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, ibid.
  • [51]
    « Jurisprudence et doctrine dans l'élaboration du droit administratif », Études et Documents du Conseil d'État, no 27, p. 30, 1955, cité par le rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012, p. 95.
  • [52]
    J. Rivero, « Le Conseil d'État, cour régulatrice », D. 1954. 157.
  • [53]
    G. Cahin, « La motivation des décisions de la Cour internationale de justice », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir), op. cit., p. 11.
  • [54]
    J. Rivero, art. cit., p. 157.
  • [55]
    Sur ce point, V. F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De l'utilisation d'un savoir à l'exercice d'un pouvoir, op. cit., passim.
  • [56]
    F. Berenger, op. cit., notamment p. 43 et s. : arrêts à l'appui, l'auteur - qui cite longuement des arrêts de la Cour de cassation, par ailleurs reproduits en annexe - montre combien l'argumentation est étoffée et met en oeuvre des modes de raisonnement divers.
  • [57]
    F. Berenger, op. cit., p. 62.
  • [58]
    V. infra, F. Hourquebie, « Les cultures judiciaires, la motivation et l'argument conséquentialiste ».
  • [59]
    Sur cette hypothèse, V. F. Berenger, op. cit., passim.
  • [60]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, juger en Amérique et en France, Odile Jacob, 2003, p. 200.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    Ibid.
  • [63]
    H. Arendt, op. cit., p. 123.
  • [64]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, op. cit., p. 207.
  • [65]
    V. infra, F. Hourquebie, « Les cultures judiciaires, la motivation et l'argument conséquentialiste ».
  • [66]
    R. Sefton-Green, « Vices et vertus de la motivation judiciaire : comparaisons franco-anglaises », Les Cahiers de la justice, juin 2011, no 2, p. 89 .
  • [67]
    A. Garapon et I. Papadopoulos, op. cit., p. 207.
  • [68]
    R. Sefton-Green, « Vices et vertus de la motivation judiciaire : comparaisons franco-anglaises », Les Cahiers de la justice, juin 2011, no 2, p. 89 .
  • [69]
    V. déjà A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment de celles de la Cour de cassation », RTD civ. 1974. 492. Pour une approche plus critique, V. Y.-M. Laithier, Droit comparé, op. cit., no 65, p. 78-79.
  • [70]
    C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., p. IX-XLI.
  • [71]
    D. Salas, Le tiers pouvoir. Vers une autre justice, Hachette Littératures, 1998, p. 212 : « L'exigence de transparence impose de fait un contrôle sur le processus de décision. L'héritage du secret, qui fut la plus forte habitude d'une administration judiciaire, devient un obstacle majeur à la naissance d'un pouvoir judiciaire comptable de son action devant la démocratie. On mesure ici l'enjeu de la transparence pour la légitimité du tiers pouvoir de la justice qui, à la différence des autres, n'est pas élu ».
  • [72]
    V. sur ce point, Le juge de cassation en Europe, Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (dir.), Dalloz, Thèmes & commentaires, 2012.
  • [73]
    D. Ritleng, « Commentaire », in La motivation des décisions des juridictions internationales, H. Ruiz-Fabri et J.-M. Sorel (dir.), op. cit., p. 163.
  • [74]
    Ibid.
  • [75]
    Ph. Maddalon, art. cit., p. 155.
  • [76]
    V. C. Chainais et G. Guerlin, « La motivation des sanctions prononcées en justice, entre transparence et soupçon », in La motivation des sanctions, op. cit., no 28.
  • [77]
    V. P. Idoux, « La motivation des sanctions par les autorités administratives indépendantes », in La motivation des sanctions, op. cit., p. 190 et s., no 8 et s. Sur la notion de désordre, V. G. Guerlin, « La genèse du désordre », in Le désordre des autorités administratives indépendantes. L'exemple du secteur économique et financier, N. Decoopman (dir), PUF, Ceprisca, 2002, p. 39
  • [78]
    P. Idoux, art. cit., p. 188 et 189, no 3 à 6, et p. 202 et s., no41 et s.
  • [79]
    M. Troper, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel », in La motivation des décisions de justice, Ch. Perelman, P. Foriers (dir.), op. cit., p. 301.
  • [80]
    P. Avril, « L'autorité du Conseil constitutionnel », in L'autorite, J. Foyer, G. Lebreton, C. Puigelier (dir.), PUF, 2008, p. 135.
  • [81]
    V. G. Drago, « La motivation des sanctions selon le droit constitutionnel », op. cit., p. 78 et s., no 22 et s.
  • [82]
    M. Disant, L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, LGDJ, 2010.
  • [83]
    En ce sens, S. Guinchard, et alii , Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Dalloz (Précis), 7e éd., 2013.
  • [84]
    Sur les éléments qui fondent traditionnellement cette autorité, V. T. Tuot, « L'autorité du Conseil d'État », in L'autorité, Dir. J. Foyer, G. Lebreton, C. Puigelier, PUF, 2008, p. 141-149, et C. Puigelier et J. Sainte-Rose, « Tribunal de cassation, Cour de cassation et autorité », op. cit., p. 151-174.
  • [85]
    J.-M. Sauvé, art. cit., p. 127, no 38.
  • [86]
    Rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, Conseil d'État, avr. 2012. Pour une présentation détaillée, V. supra, G. Pelissier, « La réflexion du Conseil d'État sur la rédaction des décisions ».
  • [87]
    Sur les prémisses de cette évolution, V. déjà S. Rials, Le juge administratif et la technique du standard, LGDJ, 1980, p. 410, qui constate un « déclin du laconisme ». V. égal., plus récemment, D. Ribes, « La motivation des décisions du Conseil d'État », et V. Donier, « Style et structure des décisions du Conseil d'État : vers une évolution culturelle », in La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, op. cit., respectivement p. 192 et 197.
  • [88]
    Rapport préc. sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, p. 96.
  • [89]
    V. J.-F. Weber, « Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile », BICC, no 702, 15 mai 2009, p. 6 : P. Deumier, « Les communiqués de la Cour de cassation : d'une source d'information à une source d'interprétation », RTD civ. 2006, p. 506  ; Id., « Les notes au BICC : d'une source d'information à une source d'interprétation pouvant devenir source de confusion », RTD civ. 2007, p. 61 .
  • [90]
    J.-M. Sauvé, art. cit., p. 124, no 32. Le recours à des arrêts « Doctrinaux », par lesquels la Cour de cassation ou le Conseil d'État affichent leur position telle une « doctrine », s'inscrit assurément dans cette logique. V. sur ce point P. Deumier, « Les "motifs des motifs" des arrêts de la Cour de cassation. Étude des travaux préparatoires », in Principes de justice. Mélanges en l'honneur de Jean-François Burgclin, Dalloz, 2008, p. 125.
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