Notes
-
[1]
Voir G. Lukács, « Balzac et le réalisme français », préface de Gérard Gengembre, La Découverte, 1999, p. VII.
-
[2]
Gallimard, 1937, p. 78.
-
[3]
Voir F. Roux, Balzac, jurisconsulte et criminaliste, Paris, 1906 ; A. Peytel, Balzac, juriste romantique, Ponsot, 1950 ; Michel Lichtlé, « Balzac et le Code civil », AB 1999 (I), p. 119-140 ; René-Alexandre Courteix, « Balzac et les droits de l’homme », ibid., p. 141-152.
-
[4]
Voir Michel Lichtlé, « Balzac à l’école du Droit », AB 1982, p. 131-150 ; D. Kornstein, « He knew more : Balzac and law », Pace Law Review, 2001.
-
[5]
Voir Y. Guyon, « Une faillite au XIXe siècle, selon le roman de Balzac César Birotteau », in Mélanges Jauffret, Presses Universitaires d’Aix-en-Provence, 1974, p. 377 et s.
-
[6]
Voir Corr., t. IV, p. 250, et Fernand Letessier, « Balzac et Lamartine », AB 1982, p. 46.
-
[7]
Voir Corr., loc. cit., en note.
-
[8]
Feuilleton des journaux politiques, 3 et 10 mars 1830 (OD, t. II, p. 662-670) ; voir Roland Chollet, « Balzac et sa “Grande Affaire de librairie” », AB 1975, p. 164.
-
[9]
Revue de Paris, 2 novembre 1834 (OD, t. II, p. 1235-1253).
-
[10]
Chronique de Paris, 30 octobre 1836 (CHH, t. XXVII, 1962, p. 303-310).
-
[11]
Hetzel, 1841 (CHH, t. XXVIII, 1963, p. 559-579).
-
[12]
CHH, t. XXVII, p. 728-736.
-
[13]
Voir Nicole Felkay, Balzac et ses éditeurs, 1822-1837. Essai sur la librairie romantique, Promodis, 1987.
-
[14]
OD, t. II, p. 662 ; Nicole Felkay, op. cit. , p. 103-121.
-
[15]
Voir J.-M. Culot, Préfaçons et contrefaçons belges (1816-1854), Librairie F. Miette, 1937 ; Léon Gédéon, « Les préfaçons belges », Le Courrier balzacien, no 3, février 1949, p. 50 et s. ; G. Charlier, « Balzac et la contrefaçon belge », in Balzac et la Touraine, Tours, 1950, p. 163 et s. ; Stéphane Vachon, « Balzac dans quelques journaux reproducteurs : répertoire des spoliations », AB 1993, p. 361-403, et AB 1994, p. 309-337. M. Clouzot, dans son Guide du bibliophile français. XIXe siècle (Giraud-Badin), dénombre 28 préfaçons belges, dont une édition collective !
-
[16]
Voir Balzac imprimeur et défenseur du livre, Paris-Musées/Des Cendres, 1995.
-
[17]
Voir Jean-Hervé Donnard, Balzac : les réalités économiques et sociales dans « La Comédie humaine », Armand Colin, 1961, spécialement p. 413 et s.
-
[18]
Voir « Lettre aux écrivains français du XIXe siècle », OD, t. II, p. 1250.
-
[19]
« [...] il est dur, quand on vit de sa plume, de ne recevoir que mille ou quinze cents francs d’un libraire susceptible de faillir. Si Volupté, l’un des livres les plus remarquables de ce temps, a coûté six années de travaux, nous affirmons qu’au prix où il a été payé, son auteur [Sainte-Beuve] n’a pas gagné la journée d’un crocheteur » (« Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon », éd. citée, p. 307).
-
[20]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1239.
-
[21]
« Sur les questions de propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 305.
-
[22]
Voir aussi la longue « Lettre au rédacteur en chef de La Presse », du 17 août 1839, parue dans La Presse du 18 et consacrée au problème de la contrefaçon (Corr., t. III, p. 673).
-
[23]
Voir « Lettre aux écrivains français [...] » et « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », loc. cit. ; et Jean-Yves Mollier, « L’édition en Europe avant 1850 : Balzac et la propriété littéraire internationale », AB 1992, p. 157.
-
[24]
Voir « Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1241.
-
[25]
« Il n’y a plus de grands seigneurs ni de rois absolus qui pourraient récompenser noblement les hommes de lettres. La révolution de 1793 a tout changé ; la littérature tire maintenant sa substance d’elle-même » (intervention devant le tribunal correctionnel de Rouen, 22 octobre 1839, CHH, t. XXVII, p. 727).
-
[26]
« Lettre aux écrivains français [...] », p. 1236.
-
[27]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », loc. cit.
-
[28]
Voir « De l’état actuel de la librairie en France », et aussi l’ « Acte préliminaire exposant les bases, le but et les moyens de l’entreprise dite La Société d’abonnement général », OD, t. II, p. 853-863. On se reportera à l’Histoire de l’édition française, t. II (1660-1830), Promodis, 1984, et à Nicole Felkay, op. cit., qui décrit de façon approfondie la situation de la librairie française, le projet de loi de 1829 et la crise de 1830, et fait l’historique des principaux éditeurs du temps de Balzac.
-
[29]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1235.
-
[30]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 578.
-
[31]
Voir ibid., p. 576.
-
[32]
« Des artistes » [La Silhouette, 1830], OD, t. II, p. 708.
-
[33]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1236.
-
[34]
Ibid., p. 1251.
-
[35]
Voir aussi, dans « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », l’idée que les produits de la propriété littéraire, si elle était bien défendue, contribueraient positivement à la balance commerciale de la France (éd. citée, p. 309).
-
[36]
Fin de la « Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1253.
-
[37]
Lyon, 17 juillet 1845, « Lacordaire », D. 1845-2-128, S. 1845-2-469 ; Tribunal civil de la Seine, 16 juillet 1845, Huard et Mack, Répertoire, no 258. Pour une analyse approfondie, voir S. Strømholm, Le Droit moral de l’auteur, Stockholm, Norstedt & Søners, 1967, t. I, 1re partie, p. 117-181.
-
[38]
Voir Morillot, De la personnalité du droit de copie, 1872. Le droit moral n’apparaît, par exemple, chez Pouillet, que dans la troisième édition du Traité de la propriété littéraire et artistique (1908). Dans la conception française, le droit d’auteur ou propriété littéraire et artistique est un droit double. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’auteur a donc deux grandes prérogatives, le droit d’exploitation, qui protège ses intérêts économiques, et le droit moral, qui défend ses intérêts non économiques, c’est-à-dire le droit de divulguer ou de ne pas divulguer son œuvre au public, de faire respecter sa paternité ou de garder l’anonymat et de faire respecter l’intégrité de son œuvre. Ces attributs sont distincts : l’auteur peut céder ou concéder le droit d’exploiter son œuvre mais il ne peut pas aliéner son droit moral ni y renoncer, car celui-ci défend sa personnalité telle qu’il l’a exprimée dans son œuvre.
-
[39]
CHH, t. XXVII, p. 732.
-
[40]
Ibid., p. 736.
-
[41]
« Nous publions un livre pour qu’on le lise et non pour le voir lithochromisé en drame ou tamisé en vaudeville » (OD, t. II, p. 1243).
-
[42]
Voir CHH, t. XXVII, p. 734.
-
[43]
Ibid., p. 735-736.
-
[44]
Voir Corr., t. II, p. 783, 785-786 ; t. III, p. 11, 97, 106.
-
[45]
Voir ibid., t. III, p. 95 et p. 695.
-
[46]
« Historique du procès auquel a donné lieu Le Lys dans la vallée », suivi du texte du jugement rendu par le tribunal, Werdet, 1836, p. V-LV. Ce dossier, non repris dans les éditions ultérieures, figure dans Pl., t. IX, p. 917-966.
-
[47]
Gozlan, auteur, plus tard, d’un livre de souvenirs, Balzac en pantoufles, portait à Balzac une amitié plutôt hésitante.
-
[48]
« Moi, armé de pièces, de lettres, de souvenirs, pendant cette bourrasque de feuilletons, de jugements qui sont insérés dans dix-sept journaux sans compter la province, je me taisais, j’attendais le jour du jugement [...] chacun comprendra qu’en cette affaire littéraire, la littérature doit céder le pas à la vérité due au tribunal et au public, à la généreuse indignation d’un écrivain à qui la calomnie se trouve ici trop pesante » (« Historique du procès [...] », Pl., t. IX, p. 964.
-
[49]
Ibid., p. 961.
-
[50]
Ibid., p. 962.
-
[51]
Une vingtaine selon R. Rey, « Les artistes », in Balzac, le livre du centenaire, Flammarion, 1952, p. 177.
-
[52]
Voir Jean-Hervé Donnard, Balzac, les réalités économiques [...], op. cit., p. 422.
-
[53]
Voir CHH, t. XXVII, p. 725-727.
-
[54]
Voir J.-H. Donnard, op. cit., p. 305.
-
[55]
Voir « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 304-305 ; Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 562.
-
[56]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 560.
-
[57]
Ibid., p. 571.
-
[58]
C’est-à-dire ici le domaine public où tombent les œuvres après un certain temps au-delà de la mort de l’auteur (ibid., p. 574).
-
[59]
Ibid., p. 571.
-
[60]
Ibid., p. 572.
-
[61]
Cf. E. Blanc, Traité de la contrefaçon, Plon & Cosse, 1855, p. 123.
-
[62]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1237-1238.
-
[63]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 572.
-
[64]
Sur cette question, voir J. Vilbois, Du domaine public payant en droit d’auteur, Sirey, 1928.
-
[65]
Voir OD, t. II, p. 858.
-
[66]
« Quoi ! les auteurs dramatiques ont les faits accomplis de l’histoire, les anecdotes consacrées de vingt siècles, les événements du temps présent, et il leur faudrait encore étendre la juridiction de leurs grelots et de leurs flonflons, de leurs coupes et de leurs poignards, sur les œuvres vivantes ou mortes de l’homme qui ne croyait pas avoir besoin, pour digérer sa gloire en paix, de souscrire une police d’assurance contre les pièces » (« Lettre aux écrivains français [...] », ibid., p. 1249).
-
[67]
Voir Pierre Descaves, Le Président Balzac, Laffont, 1951, p. 20 et p. 50-51 ; et Sylvie Boulard-Bezat, « Les adaptations du Père Goriot », AB 1987, p. 167-178.
-
[68]
CHH, t. XXVII, p. 734.
-
[69]
« La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »
-
[70]
Voir A.-C. Renouard, Traité des droits d’auteur dans la littérature, la science et les beaux-arts, Renouard, t. II, 1839, p. 56 ; Françoise Parent, « De nouvelles pratiques de lecture », in Histoire de l’édition française, Promodis, 1984, t. II, p. 606 et s., spécialement p. 614 ; Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac. Les cabinets de lecture à Paris, 1815-1830, Éditions de l’EHESS, 1981, réimpr. 1999.
-
[71]
Vers 1830, par exemple, un cabinet de lecture de province propose un abonnement mensuel à 2 F, qui permet de louer un livre entre 10 et 15 centimes. On évalue le prix de vente moyen d’un livre en 1840 autour de 6,65 F et ce n’est qu’à partir de 1854 que des collections de livres à 1 F apparaissent (F. Barbier, Histoire du livre, Armand Colin, 2000, p. 227). Balzac estime le nombre de ces cabinets à environ 1 500 dont 500 à Paris.
-
[72]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1240 ; voir aussi « De l’état actuel de la littérature », ibid., p. 1221.
-
[73]
Voir Françoise Parent, « De nouvelles pratiques de lecture », étude citée, p. 617.
-
[74]
Voir Jean-Yves Mollier, « L’imprimerie et la librairie en France dans les années 1825-1830 », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, op. cit., p. 17.
-
[75]
Chambres réunies, 7 novembre 1836, Dalloz, 1837-I-176.
-
[76]
Voir OD, t. II, p. 859.
-
[77]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 308.
-
[78]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1247.
-
[79]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 305.
-
[80]
Voir J. Escarra, J. Rault et F. Hepp, La Doctrine française du droit d’auteur. À propos du projet de loi sur le contrat d’édition, Grasset, 1937.
-
[81]
Litige à propos du Médecin de campagne débouchant sur une sentence arbitrale rendue contre Balzac en faveur de Mame (« infâme libraire », « ignoble bourreau »...) le 27 août 1833, Corr., t. II, p. 327-356, et CHH, t. XVI, p. 538. Rupture laborieuse quoique non contentieuse avec Gosselin en 1834, Corr., t. II, p. 510-514, 523, 529. Assignation par la Veuve Béchet en juin 1836 (apparemment non suivie d’un procès ; voir Nicole Felkay, Balzac et ses éditeurs, op. cit. , p. 172), Corr., t. III, p. 201 et p. 229.
-
[82]
Voir Nicole Felkay, op. cit., p. 18 et passim.
-
[83]
Éd. citée, p. 576-577.
-
[84]
Voir Nicole Felkay, op. cit. Buloz, par exemple, qui était borgne, était aimablement surnommé le « Polyphème de la rue Saint-Benoît », et Victor Hugo rapporte qu’Alexandre Dumas menaçait ainsi un de ses singes familiers qui devenait borgne : « Qu’il y prenne garde, s’il continue, je l’appelle Buloz » (Journal de ce que j’apprends chaque jour, 16 mai 1847, éd. J. Massin, Club français du livre, t. VII, p. 903).
-
[85]
Fin de l’ « Historique [...] », Pl., t. IX, p. 966.
-
[86]
Voir Corr., t. III, p. 673.
-
[87]
Préfaces du Père Goriot, 1835, du Lys dans la vallée, 1836, de La Femme supérieure, 1838.
-
[88]
Voir CHH, t. XXVII, p. 725-727 ; Corr., t. III, p. 729 et p. 738 (lettre de Balzac au procureur du roi de Rouen et réponse de celui-ci) ; Pierre-Antoine Perrod, « Balzac, avocat de la propriété littéraire », AB 1963, p. 269.
-
[89]
Voir Corr., t. III, p. 757, 760, 773, 779 ; et Jean-Luc Steinmetz, « Balzac et Pétrus Borel », AB 1982, p. 63.
-
[90]
Voir Roland Chollet, « Au nom du livre et de l’écrivain », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, op. cit., p. 48.
-
[91]
L’idée est dans l’air du temps, puisque la SACEM (Société des auteurs et compositeurs de musique) sera fondée en 1851.
-
[92]
OD, t. II, p. 1250.
-
[93]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 310.
-
[94]
Voir l’introduction (attribuée à Balzac) de Babel. Revue romantique, publication de la Société des Gens de lettres, Renouard, 3 vol., 1840 (reproduite in CHH, 2e éd., t. XXIII, 1971, p. 706).
-
[95]
Voir P. Descaves, Le Président Balzac, op. cit., p. 70 et s. (notamment p. 88), et aussi L. de Royaumont, Balzac et la Société des Gens de lettres, Paris, s.d.
-
[96]
Voir Corr., t. III, p. 604, 625, 633, 639, 688.
-
[97]
Lamartine refuse (voir Fernand Letessier, « Balzac et Lamartine », art. cité, p. 43), Sophie Gay aussi (voir Corr., t. III, p. 634). George Sand accepte mais, contrainte par Buloz, ne collabore finalement pas (voir ibid., p. 638, 650, 654, 661). Victor Hugo, lui, fournit sa contribution au premier volume (voir ibid., p. 654 et p. 709), et Alexandre Dumas, au troisième (voir ibid., p. 742), ainsi que Henry Monnier, notamment. La nouvelle de Balzac (Pierre Grassou) n’est prête que pour le deuxième volume.
-
[98]
Pierre Descaves, op. cit., p. 109.
-
[99]
Introduction de Babel, loc. cit.
-
[100]
Voir Corr., t. III, p. 695, et P. Descaves, op. cit., p. 116.
-
[101]
Sur cet épisode déjà évoqué, voir à nouveau P. Descaves, op. cit., p. 123 et s.
-
[102]
Voir ibid., p. 125.
-
[103]
Voir J.-H. Donnard, Balzac : les réalités économiques [...], op. cit., p. 426.
-
[104]
Voir ibid., p. 422.
-
[105]
Voir Corr., t. IV, p. 305, 311-312, 322-323, 409.
-
[106]
Voir ibid., p. 734.
-
[107]
Pierre Descaves, op. cit., p. 147.
1Dans une lettre sur Balzac, Engels explique qu’il a plus appris sur l’économie et l’histoire chez Balzac, qu’en lisant les économistes [1]. Le philosophe Alain a la même impression lorsqu’il écrit, dans le remarquable Avec Balzac : « [...] j’ai plus appris dans Balzac que dans les philosophes et les politiques. Car Balzac me rejetait dans l’expérience même, sur laquelle se fondent quelquefois les philosophes, mais qu’ils ne savent pas conserver en leurs ouvrages » [2]. Le projet balzacien englobait tous les aspects de la société, y compris le droit. La Comédie humaine regorge d’avocats, d’avoués, de notaires et de juges, de juristes de toutes sortes, de vertu et de compétence variées. Balzac était aussi juriste, assez profondément [3]. Parmi les nombreux écrivains qui ont commencé par étudier ou pratiquer le droit, il est l’un des rares qui, non seulement aient bien compris la matière et l’univers juridiques mais qui en aient eu le goût. Kafka ou Dickens comprenaient mais n’appréciaient guère ; Flaubert avait détesté à la fois les études et le droit lui-même. Mais Balzac, lui, malgré des études inachevées après une première partie d’examens pourtant réussie [4], après deux années passées comme clerc chez un avoué et un notaire, conserve une fascination pour la chose juridique, qu’il maîtrise bien, comme l’attestent notamment César Birotteau, techniquement à l’abri de toute critique des spécialistes du droit commercial [5], ou encore les montages habiles de L’Interdiction ou du Contrat de mariage... Il a même abordé la propriété industrielle, puisque, dans Illusions perdues, la recherche d’un procédé nouveau et l’attribution du droit de brevet jouent un rôle important dans le destin de David Séchard, l’ami de Rubempré. Ce n’est donc pas seulement en économie et en histoire que Balzac nous apprend des choses : il a aussi beaucoup à dire sur le droit, et surtout sur la pratique du droit, d’un côté, et sa réception par les non-juristes, de l’autre côté... A-t-il alors quelque chose à nous dire sur le droit d’auteur ?
2Nombreux sont les écrivains, et particulièrement au XIXe siècle, qui ont pris position sur la législation sur la propriété littéraire, avec plus ou moins de clairvoyance : Bernardin de Saint-Pierre, Lamartine, Alfred de Vigny, Charles Nodier, Victor Hugo... Balzac fut de ceux qui se préoccupèrent d’améliorer le statut juridique des auteurs et cela fournit des occasions de rencontres extralittéraires entre ces grands écrivains. C’est ainsi qu’en 1841, malgré tout ce qui les éloignait, Balzac et Lamartine, alors député, correspondaient à propos de ces questions, Lamartine ayant été nommé président de la commission chargée d’étudier un projet de loi sur la propriété des ouvrages de science, de littérature et d’art [6] ; et l’une des séances que la Chambre consacrait à ce projet [7] donna l’occasion à Balzac d’y croiser Vigny, le seul autre écrivain présent dans la tribune du public. Balzac a, sur le sujet, des vues cohérentes et assez modernes, il y consacre trois textes d’une certaine importance, même si, à notre connaissance, la question n’est abordée dans aucun de ses romans, et s’enthousiasme pendant quelque temps pour la Société des Gens de lettres. C’est surtout entre 1830 et 1841 que la réforme de la propriété littéraire retient son intérêt, qui paraît retomber ensuite. Dans cette période, il publie : « De l’état actuel de la librairie » en 1830 [8] ; la « Lettre adressée aux écrivains français du XIXe siècle » en 1834 [9] ; « Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon » en 1836 [10] ; les Notes remises à MM. les députés composant la commission de la loi sur la propriété littéraire en 1841 [11]. En outre, en 1840, il propose à la Société des Gens de lettres un « Code de la Propriété littéraire » [12], qui est un projet de réglementation concernant essentiellement le contrat d’édition et les rapports entre écrivains et éditeurs. Mais l’approche balzacienne ne se limite pas à ces professions de foi remarquables. Chacun sait qu’il a aussi de multiples démêlées avec ses éditeurs [13] : sa correspondance est truffée de problèmes concernant la négociation de clauses de contrats d’édition et elle fait état de difficultés d’exécution, qui ne sont pas toutes à imputer à l’auteur lui-même. Balzac a lui-même été éditeur, imprimeur et fondeur de caractères, ce qui lui valut en 1828 une triple et douloureuse faillite dont il tire des enseignements lucides deux ans plus tard dans « De l’état actuel de la librairie » [14]. Balzac est aussi une victime de choix pour les contrefacteurs belges [15] : à l’époque, la prépublication des romans dans les revues et journaux facilite la confection de préfaçons, éditions piratées qui paraissent avant l’édition autorisée et à moindre prix. Enfin, Balzac fut la « locomotive » de la Société des Gens de lettres à sa création, même si sa présidence fut de courte durée. L’expérience de Balzac [16], cette expérience si féconde dont parlait Alain, englobe ainsi tous les aspects du domaine qui relève de la propriété littéraire. Nous nous proposons d’étudier d’abord la conception que Balzac se fait de la propriété littéraire, avant d’évoquer le combat qu’il mena pour ce droit.
I
LA CONCEPTION DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE CHEZ BALZAC
3La pensée de Balzac en matière de propriété intellectuelle est un mélange équilibré de réalisme et d’idéalisme, qui aurait probablement fait de lui un bon législateur.
Réalisme
4Réalisme, en ce que Balzac se soucie de résoudre les difficultés matérielles des écrivains tout en tenant compte des réalités économiques de son temps [17]. Il ne se contente pas de professions de foi abstraites mais les explique par des considérations juridiques et économiques, d’une part ; d’autre part, il propose des réformes concrètes et cherche des moyens de défense efficaces, notamment le recours à la création de sociétés d’auteurs [18]. Après avoir fait le constat de la pauvreté des écrivains [19], de la misère où se trouvent parfois les descendants d’auteurs célèbres, dont les œuvres sont dans le domaine public, Balzac souligne que l’apport intellectuel de l’artiste nourrit aussi une économie :
« Parlons donc capital, parlons argent ! Matérialisons, chiffrons la pensée dans un siècle qui s’enorgueillit d’être le siècle des idées positives ! [...] Ses créations sont un trésor, le plus grand de tous ; il [l’artiste] produit sans cesse, il rapporte des jouissances, met en œuvre des capitaux, il fait tourner des usines. » [20]
5Balzac met en vis-à-vis le soin du législateur à organiser et protéger la propriété des biens corporels et son indifférence à la propriété littéraire, oubliant au passage que, si la propriété intellectuelle est absente du Code civil, elle n’en a pas moins fait l’objet d’une législation spécifique :
« Le droit est plein de précautions pour l’or et pour la terre, pour les meubles acquis par le travail matériel ou commercial ; il y a onze cents articles dans le Code pour ces propriétés, et il n’en existe pas un seul pour saisir, dans les caprices de ses transmissions et de ses stipulations, la propriété créée par le travail intellectuel. » [21]
6Il faut dire que l’accent mis sur le silence du Code civil, plutôt que sur les lois de 1791 et 1793 sur la propriété littéraire, s’explique par deux idées : d’une part, Balzac estime les lois révolutionnaires insuffisantes et les récuse, d’autre part, s’il cherche à relier la propriété intellectuelle à la propriété du Code civil, c’est parce qu’il a essentiellement en tête de faire admettre la perpétuité du droit d’auteur, que refusent les lois révolutionnaires et que consacre le droit civil pour la propriété corporelle. Balzac compare aussi les moyens et le zèle que l’État emploie à défendre le commerce international des objets corporels contre la piraterie et l’indifférence de ces mêmes États à l’égard de la contrefaçon des œuvres de l’esprit [22]. Il chiffre même cette contrefaçon : le tiers de la France, affirme-t-il, se fournit en contrefaçons étrangères ; les ventes du contrefacteur belge sont du double de celles de l’éditeur français contrefait [23]. Mais il s’attaque aussi à la contrefaçon française, qui est florissante : là encore, il donne un exemple chiffré : les Paroles d’un croyant de Lamennais se vendent à 10 000 exemplaires dans le midi, alors que l’éditeur n’y a envoyé que 500 exemplaires [24]. Or, les pouvoirs publics, si prompts à prélever de lourdes taxes fiscales sur les journaux et les livres, font preuve d’inertie ou d’inefficacité dans la répression de la contrefaçon.
7L’une des particularité de Balzac, dans les débats sur le droit d’auteur, c’est qu’il a non seulement le souci de la défense des auteurs mais qu’il n’ignore ni ne néglige les intérêts de la librairie (même s’il tient les libraires en faible estime) et qu’il prend en compte la dimension économique des problèmes, c’est-à-dire à la fois les besoins matériels des écrivains et l’économie du livre. Balzac fait le constat des changements intervenus dans l’édition, dans le lectorat et dans le statut de l’écrivain. Il relève le passage du mécénat au statut de travailleur indépendant, qui offre à l’auteur la reconnaissance de sa propriété sur l’œuvre mais lui impose de trouver les moyens de vivre de l’exploitation de son œuvre [25]. À l’accroissement de la diffusion des œuvres, à l’amélioration de l’éducation et de la connaissance correspondent, paradoxalement, un statut économique et juridique et une reconnaissance insuffisantes, selon lui. Monarchiste, il accable la législation révolutionnaire :
« À nulle époque, l’artiste ne fut moins protégé [...] La Révolution française, qui se leva pour faire reconnaître tant de droits méconnus, vous a plongés sous l’empire d’une loi barbare [...] Sans doute, il était beau de voir la société dire au génie : “Tu nous enrichiras et tu resteras pauvre”. » [26]
8Ce qu’il reproche à cette législation, c’est essentiellement le caractère temporaire de la propriété littéraire. En revanche, il se situe certainement dans la continuité des principes affirmés par Le Chapelier et Lakanal en 1791 et 1793, dont il reprend les termes : dans la « Lettre aux écrivains français du XIXe siècle », il affirme à son tour que la propriété littéraire est la plus sacrée, parce qu’elle n’a de racine que dans l’intelligence et que l’auteur produit des trésors qui ne dépendent ni du sol ni des transactions sociales. Dans « Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon », il approfondit ces idées et leur donne un tour plus personnel : « [...] dans cette propriété, tout émane de l’homme [...] la pensée imprimée procède de lui, là tout est de lui. C’est une valeur anthropomorphe, car un auteur y met sa vie et son âme et ses nuits » [27].
9Balzac connaît, pour les avoir expérimentées comme auteur et comme éditeur-imprimeur, les difficultés de la librairie française qui a du mal à négocier le virage du livre rare et luxueux à l’édition bon marché, voire de masse [28]. Dans la « Lettre aux écrivains français », il commence par souligner le lien entre les intérêts des auteurs et ceux des éditeurs : « Aujourd’hui, l’écrivain, ne voulant rien devoir qu’à lui-même, est forcé de s’occuper de ses intérêts, et ses intérêts touchent à ceux de la librairie française, qui expire. » [29] Il récuse les propositions juridiques qui lui paraissent à la fois peu favorables aux auteurs et difficilement acceptables par les éditeurs, comme le système du domaine public payant en lieu et place de la propriété littéraire : « [...] le livre est une marchandise [...] les libraires rentreraient à peine dans la redevance et feraient des pertes énormes. Ce système [de redevance fixe] égorgerait les libraires [...] » [30]. Lorsqu’il évoque la nécessité d’une loi qui permette de sanctionner l’éditeur coupable de tirer davantage d’exemplaires qu’il n’en est prévu au contrat, en fraude des droits de l’auteur, il a aussi le souci de préserver les intérêts de l’imprimeur, complice involontaire de cette sorte d’abus de confiance [31].
Idéalisme
10Mais l’approche de Balzac n’est pas exclusivement pragmatique ni guidée par le seul souci d’améliorer la rémunération des écrivains. Les fondements qu’il donne à la propriété littéraire et la place éminente qu’il donne à l’artiste dans la Société témoignent d’un idéalisme certain. Par ailleurs, la défense de l’écrivain a aussi des aspects intellectuels et moraux et non exclusivement économiques.
11Mal traité par la législation et les pouvoirs publics, l’artiste est, pour Balzac, un être à part dans le corps social, auquel il apporte des richesses essentielles dont il est la source unique :
« Un homme qui dispose de la pensée est souverain. Les rois commandent aux nations pendant un temps donné, l’artiste commande à des siècles entiers ; il change la face des choses, il jette une révolution en moule, il pèse sur le globe, il le façonne [...] D’où vient donc, en un siècle aussi éclairé que le nôtre paraît l’être, le dédain avec lequel on traite les artistes, poètes, peintres, musiciens, sculpteurs, architectes ? Les rois leur jettent des croix, des rubans, hochets dont la valeur baisse tous les jours, distinctions qui n’ajoutent rien à l’artiste ; il leur donne du prix, plutôt qu’il n’en reçoit. » [32]
12Droit naturel, propriété de la création à celui qui a créé, idée que c’est la Société qui est redevable aux artistes et non l’inverse, Balzac développe une pensée qui est celle qui va imprégner la construction du droit d’auteur français du milieu du XIXe siècle jusqu’à l’adoption de la loi du 11 mars 1957, qui en est l’aboutissement :
« S’il est au monde une propriété sacrée, s’il est quelque chose qui puisse appartenir à l’homme, n’est-ce pas ce que l’homme crée entre le ciel et la terre, ce qui n’a de racine que dans l’intelligence, et qui fleurit dans tous les cœurs. Les lois divines et humaines, les humbles lois du bon sens, toutes les lois sont pour nous [...]. » [33]
13Il rejoint la vision qui avait présidé à l’adoption des décrets-lois révolutionnaires, celle qu’expriment les rapports Le Chapelier et Lakanal, comme nous l’avons déjà relevé, à ceci près que Balzac en tire toutes les conséquences logiques, tandis que le législateur révolutionnaire adopte sur ces prémices une législation restrictive qui semble fort en retrait par rapport à ces pétitions de principe.
14Lorsque Balzac, dans la « Lettre aux écrivains français », exhorte le législateur à défendre les intérêts des auteurs, il met en avant que la richesse la plus durable d’une nation réside dans son patrimoine culturel, que l’art d’un pays ou d’une époque demeure longtemps après que cette époque a pris fin ou que ce pays a cessé d’exister : « La civilisation n’est rien sans expression. Nous sommes, nous savants, nous écrivains, nous artistes, nous poètes, chargés de l’exprimer. » [34] Il a une vision très en avance sur son temps lorsqu’il met en avant les deux composantes artistique et culturelle d’une part, économique de l’autre, de ce trésor que représente la création pour un pays [35]. En outre, ses paroles résonnent aujourd’hui d’une façon particulière dans un temps où les nations européennes tendent à se dissoudre progressivement dans l’Europe, cependant que la propriété intellectuelle est devenue un enjeu économique suffisamment important pour que les négociateurs du GATT l’intègrent aux accords de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, en 1994 (dans l’accord dit ADPIC). En 1834, Balzac écrivait à propos de la contrefaçon :
« En ce moment, la France perd quinze millions avec l’Europe. Si vous nous laissez faire, nous les lui ferons gagner [...] L’Italie, messieurs les faiseurs de lois, doit à ses beaux génies de recevoir les deux tiers des guinées qui sortent de l’Angleterre. Protégez donc les arts et la langue, car, quand vos intérêts matériels n’existeront plus, vous vivrez par nos pensées qui seront debout, et qui, si le pays pouvait disparaître, diraient : – Là fut la France ! » [36]
15Il serait faux de croire que Balzac ne voie que les aspects financiers de la protection de la propriété littéraire. La question du droit moral n’est pas absente de ses préoccupations. Certes, le mot lui-même n’est pas mentionné dans ses écrits : cela n’a rien de surprenant, puisqu’à l’époque, non seulement ce droit n’est pas consacré par une loi mais encore reste embryonnaire en jurisprudence, où il ne commence à se dessiner que vers 1845 [37]. Du reste, on n’en trouve pas trace dans le Traité de Renouard (paru en 1839), qui fait autorité au XIXe siècle et auquel Balzac lui-même se réfère. Mais lorsque Balzac parle de la propriété littéraire comme d’une valeur anthropomorphe, parce que l’auteur est tout entier impliqué dans son œuvre, il pose les bases de ce qui sera la conception française du critère de l’originalité, en même temps que de ce qui fonde le droit moral : l’œuvre est protégée par le droit d’auteur parce qu’elle reflète la personnalité de son auteur et la personnalité de l’auteur doit être protégée à travers l’œuvre qui l’exprime, par ce droit que la jurisprudence et la doctrine vont mettre en lumière dans la seconde moitié du XIXe siècle et qu’on appellera le droit moral [38].
16Dans son projet de « Code de la propriété littéraire », par exemple, l’article XXXIII dispose que : « Dans aucun cas, même dans le cas où l’éditeur est substitué à l’auteur d’une manière absolue, il n’a le droit de fractionner l’œuvre, de l’altérer, d’en supprimer des portions. L’œuvre doit rester telle que l’auteur l’a faite, il a le droit de la perfectionner. [...] » [39] Cette formule correspond à ce que le droit moral protège à travers le droit à l’intégrité de l’œuvre. L’article LXI ajoute :
« Le nom d’un auteur est une propriété.
« Prendre le nom d’un auteur et le supposer collaborateur d’un recueil périodique, ouvrage collectif ou journal, sans son consentement écrit, constitue un délit [...]. » [40]
17Reprenant une idée déjà exposée dans la « Lettre aux écrivains français du XIXe siècle » [41], Balzac propose d’interdire (art. XLIV) d’adapter une œuvre littéraire en pièce de théâtre et vice versa sans l’accord de l’auteur [42]. Il y a, dans ces dispositions, une préfiguration du droit moral, dans ses composantes de droit au respect de l’œuvre et de droit au nom que consacre l’article L. 121-1 de l’actuel Code de la propriété intellectuelle.
18Par ailleurs, le Code de Balzac envisage des hypothèses adjacentes qui préfigurent la défense des droits de la personnalité, que la jurisprudence est, à l’époque, encore loin d’avoir élaborée : l’article LVII sanctionne la « diffamation littéraire », que Balzac définit comme le fait d’ « attribuer à un auteur des actes, des écrits, une ou des paroles qui ne sont pas de lui et auxquels il est étranger ». L’article LVIII interdit au critique d’entrer dans le domaine de la vie privée et des intérêts matériels de l’auteur de l’œuvre critiquée. L’article LIX interdit de faire la biographie d’un auteur vivant sans son consentement [43]. Ces règles proposées à la Société des Gens de lettres en 1840 font, de toute évidence, écho notamment au litige qui a opposé Balzac à Buloz en 1836 [44] et qui s’est soldé par un jugement du tribunal de la Seine en faveur de l’écrivain [45] : dans l’ « Introduction » de l’édition originale du Lys dans la vallée [46], Balzac retrace ce contentieux et raconte les mauvais procédés de Buloz, comment celui-ci publie et vend à l’étranger des épreuves non corrigées contre la volonté de l’auteur, fait répandre par divers journaux le bruit que Balzac a été condamné avant même que le procès ne se soit tenu, produit des témoignages de directeurs de revues (dont Balzac démontre le caractère parcellaire et partial), sollicite des attestations d’hommes de lettres, comme Alexandre Dumas, Gozlan [47], Jules Janin, Méry et Eugène Sue, afin d’établir un prétendu usage pour justifier la cession à une revue russe, par lui Buloz, des épreuves d’un livre non encore paru et non encore corrigé, sans l’accord de l’auteur [48]... Janin, qui a pourtant, par ailleurs, publié des articles pour protester contre la contrefaçon belge, écrit même cette perle : « La contrefaçon, cette ruine de la littérature moderne, étant malheureusement dans le droit des gens, quoi de plus juste que de se contrefaire soi-même ? Ainsi fait la Revue quand elle peut. » [49] Mais Janin oublie de préciser que l’éditeur qui « se contrefait lui-même » contrefait aussi l’auteur... À quoi Balzac répond :
« Ah, mes maîtres ! quelle tendresse vous prend pour la contrefaçon russe et quelle exécration vous portez à la contrefaçon belge ; je crois que si mon affaire avait eu lieu à Bruxelles, vous vous déclareriez pour la Belgique contre la Russie. [...] Il y a donc deux contrefaçons : une abominable, et une profitable ; celle qui me nuit et que vous protégez, et celle que vous haïssez pour votre compte ; la contrefaçon n’est donc pas partout la contrefaçon ? » [50]
19La trahison que constitue la publication en Russie des épreuves fournies à Buloz est d’autant plus amère pour Balzac que c’est précisément dans la revue de Buloz, la Revue de Paris, qu’a été publiée la « Lettre aux écrivains français du XIXe siècle »...
II
LE COMBAT DE BALZAC POUR LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE
20Les positions et l’argumentaire de Balzac s’appuient sur des connaissances juridiques, dont témoignent le résumé de l’histoire du droit d’auteur et la référence au Traité de Renouard sur la propriété littéraire dans les Notes remises à MM. les députés composant la commission de la loi sur la propriété littéraire. Balzac a, sur ce sujet, des idées assez en avance par rapport à la conception doctrinale et légale de son temps. Son approche reste cependant partielle, en ce qu’elle concerne quasi exclusivement les droits des écrivains, les autres auteurs restant en dehors de ses préoccupations, sauf une ou deux phrases qui montrent qu’il considère, au fond, que les intérêts de l’ensemble des artistes se rejoignent – mais on se rappellera que les artistes sont en assez petit nombre dans La Comédie humaine [51]. Ce qui frappe aussi, c’est que Balzac, après Beaumarchais, a compris la nécessité d’une défense collective des intérêts des auteurs, dont l’individualisme et l’isolement aggravent la situation. Individualiste lui-même, il joue un rôle déterminant dans les débuts de la Société des Gens de lettres, mais sa forte personnalité, son activisme et ses convictions irritent les autres membres qui ont tôt fait de le marginaliser et de ne pas renouveler sa présidence, pour la transmettre à Victor Hugo [52]. L’action de Balzac se prolonge devant les tribunaux et pas exclusivement dans le procès contre Buloz, qui l’implique personnellement : il intervient au nom de la Société des Gens de lettres dans un procès en contrefaçon devant le tribunal correctionnel de Rouen en 1839 [53] ; il joue un rôle de conciliateur entre des auteurs et le fameux éditeur Curmer [54]... Cependant, il ne parvient pas à faire triompher les idées qu’il a présentées avec tant de vigueur et de lyrisme dans « La lettre aux écrivains français », et qu’il a reprises dans de nombreux autres écrits, notamment dans les préfaces des romans qu’il publie entre 1835 et 1836.
Idées
21Balzac, comme d’autres auteurs (par exemple Bernardin de Saint-Pierre ou Vigny), est particulièrement choqué par la contradiction que présente la législation révolutionnaire sur la propriété littéraire, qui, tout en proclamant qu’il s’agit d’une propriété et même de la propriété la plus digne d’être consacrée et respectée, en fait un droit sui generis aussitôt largement confisqué au profit du domaine public, parce que dépouillé du caractère perpétuel de la propriété [55]. C’est pourquoi Balzac demande « l’assimilation absolue de la propriété littéraire à la propriété telle qu’elle est définie par le Code civil » [56]. Cette assimilation complète, l’avenir l’a montré, n’est pas souhaitable, car elle ne permet pas de prendre en compte l’aspect du droit moral, dont on a vu que Balzac, sans le nommer, l’avait pressenti. Par ailleurs, l’assimilation à la propriété du Code civil, qui est conçue pour des choses corporelles et surtout immobilières, n’est pas aussi satisfaisante que le pense Balzac mais il ne recherche dans cette assimilation que le moyen de rendre la propriété littéraire perpétuelle et il n’envisage guère d’autre conséquence, faute de quoi son projet de « Code de la propriété littéraire » se trouverait singulièrement dépourvu d’utilité et de sens... De même, la référence qu’il fait aux arrêts de 1777 n’est pas dénuée d’approximation et d’illusions. Du reste, il envisage aussi bien la qualification de droit sui generis et, l’admettant, il ne trouve pas non plus de justification à ce que ce droit soit limité dans le temps, quand bien même l’on serait passé des dix années prévues par le décret-loi du 19 juillet 1793 (allongées à vingt ans en 1810) aux cinquante années post mortem envisagées en 1840 mais accordées bien plus tard :
« En accordant cinquante ans, vous entendez faire jouir les fils des travaux du père, il ne saurait y avoir d’autre raison, n’est-ce pas ? Eh bien ! vous décidez alors que les enfants d’un homme de génie ne vivront que cinquante ans. Et vous entendez que les belles œuvres seront comprises immédiatement [...].
« Si l’on accorde cinquante ans, pourquoi pas la perpétuité ? Qui dont peut empêcher la reconnaissance de la seule propriété que l’homme crée sans la terre et la pierre, et qui est aussi durable que la terre et la pierre ? [...] » [57]
22Le thème de la perpétuité est alors très important et, même si l’allongement progressif de la protection au profit des héritiers d’abord à trente ans post mortem auctoris en 1854, puis à cinquante ans en 1866, puis à soixante-dix ans post mortem en 1997, l’a quelque peu occulté, les arguments développés à l’époque conservent un grand intérêt, ne serait-ce que par la mise en cause du domaine public où tombent les œuvres quelques années après le décès de l’auteur et la critique de l’idée que l’œuvre constituerait, par nature, une propriété publique et que le droit de l’auteur ne serait qu’une concession temporaire, un privilège, en langage contemporain et communautaire : une récompense.
23Balzac est de ceux qui considèrent que l’intérêt public ne doit pas servir à réduire les droits des artistes. Pour lui, « le domaine public est une institution mauvaise [...] » [58]. Son analyse reste largement valable et correspond assez bien à l’esprit de la législation française, telle qu’elle est issue de la loi du 11 mars 1957. Balzac opère un distinguo judicieux entre le droit des brevets et le droit d’auteur, et récuse la tentation d’une assimilation des deux sortes de droits : « [...] il n’y a pas la moindre parité », dit-il, entre une invention technique et une œuvre de l’esprit [59]. La Société éprouve un besoin, voire une nécessité d’utiliser la nouvelle technique : pour autant que l’inventeur ait eu la possibilité de s’enrichir de son invention grâce au brevet, l’intérêt général justifie que son monopole soit temporaire. En revanche, Balzac considère qu’il n’y a aucune nécessité d’acheter les œuvres littéraires ou scientifiques, car les idées qu’elles contiennent et qui, seules, intéressent la Société, ces idées sont dans le domaine public :
« Assurément, toutes les idées de Montesquieu, celles de Rousseau, celles de Buffon sont passées dans les masses, sont formulées en lois, en mœurs, en axiomes scientifiques. [...] On achète maintenant ces œuvres pour la forme, pour la beauté qu’y a mise le génie, pour ce qui est propre à l’âme de Jean-Jacques, à l’âme de Montesquieu, à l’âme de Buffon. » [60]
24Balzac fait parfaitement la distinction des idées – de libre parcours – et de la forme que leur donne l’auteur, qui fait l’originalité de l’œuvre et fonde la protection. La Société a besoin des idées mais elles sont dans le domaine public. Balzac, lui-même, ne s’inspire-t-il pas du Volupté de Sainte-Beuve pour créer Le Lys dans la vallée ?
25À bien y réfléchir, qu’est-ce qui peut bien justifier l’entrée des œuvres dans le domaine public ? Balzac en vient à la seule justification possible [61] : rendre l’accès aux œuvres moins coûteux, voire gratuit. « L’intérêt public n’est-il pas d’avoir les livres immortels bien fabriqués et à bon marché ? » Mais Balzac fait alors le constat évident et toujours vrai que le domaine public ne profite pas au public mais seulement aux exploitants, puisqu’il consiste seulement à supprimer l’obligation de rémunérer les héritiers des auteurs mais n’assure nullement que les livres de ces auteurs du domaine public soient réédités, ni qu’ils le soient à meilleur marché et encore moins gratuitement, bien sûr. Autrement dit, il considère, non sans raison, que le domaine public profite aux exploitants, à un intérêt privé et non public :
« [...] la loi sous l’empire de laquelle nous mourons ravit à la famille du penseur, du poète, du dramatiste, expirés de misère, son traité, sa poésie, son livre, sa comédie, son drame, au moment où le jour du succès vient reluire. La loi les lui ravit d’une main pour les donner de l’autre... À qui ? [...] Eh bien ! la loi les donne aux libraires ! » [62]
26Cela vaut-il alors d’exhéréder les descendants des auteurs ?
« Si, dès lors, par intérêt public, on entend l’intérêt des libraires, voici donc la question réduite à sa plus simple expression.
« En ne déclarant pas la propriété littéraire perpétuelle, vous préférez le libraire à l’auteur, l’industriel au créateur, le vendeur au producteur [...]. » [63]
27Il envisage aussi l’argument de la concurrence (qui est d’ailleurs une autre approche de l’intérêt public que celle du libre accès aux œuvres pour les besoins de l’éducation et de la culture), et l’écarte aussi, considérant que, du vivant de l’auteur, il existe une concurrence, puisque celui-ci partage généralement ses droits d’édition entre plusieurs éditeurs, selon les formats, selon les modes de publication. Enfin, il se montre hostile au système du domaine public payant, qu’il considère comme décevant et impraticable [64].
28Balzac s’efforce aussi de faire reconnaître d’autres droits aux auteurs. En 1830, dans son projet resté sans suite de Société d’abonnement général, qui préfigurait le système des clubs du livre [65], il choisit de rémunérer l’auteur proportionnellement aux recettes d’exploitation, ce qui n’est guère pratiqué alors mais deviendra la règle dans la loi du 11 mars 1957 (art. L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle). Il revendique un droit d’adaptation exclusif au profit de l’écrivain, afin d’éviter que les romans ne soient adaptés au théâtre sans l’accord de l’auteur, et leur esprit trahi [66]. Nombre de ses romans ont fait l’objet d’adaptations théâtrales qu’il désapprouve parce qu’elles déforment et trahissent son œuvre (Le Colonel Chabert, Le Père Goriot, Eugénie Grandet notamment, transformés en vaudevilles, voire parodiés comme La Peau de chagrin, le tout sans autorisation de l’auteur, bien sûr) [67]. Dans le « Code littéraire » qu’il propose à la Société des Gens de lettres en mai 1840, Balzac prévoit un article XLIV qui interdit et qualifie de « plagiat » « le fait de traduire le sujet d’un livre ou d’une œuvre littéraire quelconque en pièce de théâtre, et réciproquement, celui de traduire le sujet d’une pièce de théâtre en livre, sans le consentement exprès et par écrit de l’auteur » [68]. Cette disposition préfigure le droit d’adaptation, que l’apparition du cinéma rendra encore plus utile, et l’article L. 131-3 (§ 3) du Code de la propriété intellectuelle. Balzac est aussi un précurseur de ce que la doctrine du XXe siècle appellera le droit de destination, c’est-à-dire la faculté de fractionner les droits d’exploitation et de finaliser les cessions, et de s’opposer aux utilisations d’exemplaires d’œuvres qui se situent dans l’orbite de la reproduction. En effet, Balzac, on le lui a parfois reproché, soucieux de tirer le meilleur profit de ses œuvres, a toujours utilisé avec habileté la possibilité de diviser les droits d’édition, selon les divers formats ou canaux de diffusion et les droits de réédition entre des éditeurs différents ou à des conditions distinctes. Il a toujours lutté contre les pratiques des éditeurs consistant à exploiter ses œuvres dans des lieux ou selon des modalités autres que ceux explicitement convenus. D’une certaine manière, on peut considérer qu’il a, bien avant que la loi n’existe, appliqué l’article L. 131-3 (§ 1) du futur Code de la propriété intellectuelle [69]. Son « Code littéraire » en témoigne, dont l’article XI exclut que, sauf convention expresse, l’éditeur d’une œuvre dans un journal, un ouvrage collectif ou un périodique puisse prétendre à la propriété de cette œuvre, et dont l’article XXXI distingue la phase de la première édition, qui assure à l’éditeur une certaine exclusivité, et celle des éditions postérieures, pendant laquelle l’auteur peut céder ses droits à plusieurs éditeurs. Du reste, ce « Code littéraire », fruit de l’expérience unique de Balzac éditeur et auteur, soutient fort bien la comparaison avec la section du Code de la propriété intellectuelle consacrée au contrat d’édition (art. L. 132-1 et s.).
29Une autre question préoccupe Balzac, concernant la latitude que l’on a d’utiliser commercialement les exemplaires d’une œuvre mis dans le commerce : c’est le problème, crucial à son époque, des cabinets de lecture [70], qui préfigure la question de la location et du prêt des supports d’œuvres à la fin du XXe siècle. Au XIXe, la location commerciale des livres (encore chers à l’achat) a un succès certain, les bibliothèques de prêt restant encore relativement peu nombreuses : des cabinets de lecture offrent donc à la clientèle la possibilité de louer les livres [71], « ce millier de misérables cabinets de lecture, qui tuent notre littérature » [72]. En effet, un seul exemplaire peut être loué à des dizaines de lecteurs et c’est autant de manque à gagner pour les auteurs et les éditeurs, qui ne touchent rien sur ces locations, alors même que la clientèle des cabinets est essentiellement bourgeoise [73]. Ces cabinets achètent les nouveautés et incitent les éditeurs à produire des livres chers, ce qui contribue à la crise du livre au milieu du siècle [74]. Du reste, un arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation, rendu en 1836 [75], assimila cette activité au commerce des livres et à la profession de libraire. Balzac avait même pensé que son projet de Société d’abonnement général serait un bon moyen de contrer les cabinets de lecture [76]... Mais la critique de Balzac se porte aussi bien sur le prêt gratuit, que pratique tout un chacun. Il fustige la ladrerie de ces personnes fortunées qui préfèrent emprunter le livre plutôt que de rémunérer le talent de son auteur :
« C’est à qui n’achètera pas un livre, on s’en défend comme d’un malheur. Les femmes les plus aimables prêtent les exemplaires dont l’auteur fait présent ; les femmes les plus élégantes lisent un ouvrage après que Joseph Prudhomme y a déposé son tabac, que la dame d’un café y a imprimé la marque de ses doigts, et que l’étudiant y a crayonné ses notes drolatiques. » [77]
« Oui, c’est à qui se soustraira même à l’impôt des deux sous du cabinet littéraire [...] Ce crime social est une petite infamie secrète dont on n’a pas à rougir. » [78]
30En 1992, une directive européenne consacrera un droit de location et un droit de prêt public au profit des auteurs...
31Balzac est encore assez clairvoyant lorsqu’il relève l’importance des contrats dans la propriété littéraire et la nécessité de les soumettre à des règles spécifiques, qui tiennent compte du particularisme de ce domaine. Il souligne l’insuffisance du recours au droit commun. « Le contrat de louage a enfanté, écrit-il, tout un titre du Code et des volumes de commentaires pour définir les différentes espèces de bail ; mais le contrat littéraire est livré à tout le vague des déterminations judiciaires sans règle, et les juges tordent les cas pour les faire rentrer dans le lit du Code. » [79] Il a d’ores et déjà l’idée qu’il faut une législation spéciale pour régir les contrats d’exploitation des œuvres. Mais ce n’est que cent ans plus tard, avec un projet de loi de 1936, que cette idée trouve des échos auprès du législateur [80]. Encore faut-il attendre la loi du 11 mars 1957, qui donne tardivement raison à Balzac, en posant toute une série de règles spéciales en matière de contrats d’exploitation (actuels articles L. 131-1 et s. du Code de la propriété intellectuelle) et, en outre, des dispositions détaillées particulières au contrat d’édition (actuels articles L. 132-1 et s.).
Action
32L’action individuelle de Balzac pour la propriété littéraire prend des formes multiples. Il a, douloureusement, expérimenté le métier de libraire et il a des relations difficiles avec ses multiples éditeurs, qui souvent débouchent sur des procès ou des menaces de procès [81], presque toujours parce que l’écrivain ne livre pas ses manuscrits à temps [82]. Ces tribulations se ressentent dans les Notes remises à MM. les députés composant la commission de la loi sur la propriété littéraire :
« Il se rencontre des gens de lettres qui n’exécutent pas leurs contrats. Hélas ! Messieurs, la nécessité les force souvent à engager leur cerveau, en promettant de faire un ouvrage dans un temps donné. Ce contrat, nul et fou mais très usité, est le seul grief de la librairie contre les gens de lettres. [...] Peut-être la loi devrait-elle interdire un pareil contrat. Mais l’auteur n’exécutant pas, par le refus d’une puissance de laquelle il n’est pas le maître, l’imagination, une œuvre littéraire dans un temps donné, peut-il se comparer, comme manque de foi, au libraire qui fraude un contrat dans son exécution matérielle ? » [83]
33Il faut bien voir que certains de ses éditeurs sont eux-mêmes souvent autant ou plus en difficultés que lui-même (Urbain Canel, Curmer, Mame et Werdet feront faillite) et que leurs relations ne sont pas forcément meilleures avec les autres auteurs [84]. Le procès le plus intéressant reste, cependant, celui du Lys dans la vallée, parce qu’il ne se réduit pas à une querelle d’affaires et que l’intérêt que défend Balzac contre son éditeur, l’indélicat Buloz, dépasse ses propres intérêts économiques et moraux. Il a le sentiment, malgré son isolement, de défendre aussi les autres écrivains. Ainsi, lorsqu’il conclut sa préface du Lys, consacrée à cette affaire, il se défend d’en avoir parlé dans un intérêt purement égoïste : il s’agissait, dit-il, « des intérêts communs de la littérature » [85]. Il faut aussi mentionner le litige concernant la publication en feuilleton par L’Estafette du Curé de village, cédé par Balzac en exclusivité à La Presse, Balzac cherchant à obtenir de Girardin, directeur de la seconde, qu’il assigne la première en contrefaçon – occasion d’une belle diatribe sur la contrefaçon [86]. Sa lutte contre la contrefaçon et pour la promotion du droit d’auteur, il la mène non seulement à travers les textes que nous avons déjà évoqués, mais aussi en revenant sur ce thème dans la préface de plusieurs éditions originales de certains de ses romans [87], ce qui constitue le moyen d’attirer l’attention du public sur cette question. À la Société des Gens de lettres, il lui arrivera aussi d’aller prendre la parole au nom des auteurs, à l’occasion d’un procès en diffamation intenté par la Société contre un directeur de revue devant le tribunal correctionnel de Rouen, en octobre 1839 [88], ou de jouer le rôle de médiateur ou de conciliateur : c’est ainsi, par exemple, qu’il s’entremet dans le différend qui oppose l’éditeur Curmer à Pétrus Borel [89].
34D’une certaine façon, Balzac s’est autoproclamé porte-parole ou porte-drapeau des écrivains de son temps : il lui faut encore arriver à susciter une action collective des auteurs. L’action collective apparaît à Balzac comme le meilleur moyen de surmonter l’indifférence ou l’incompréhension des pouvoirs publics et de sortir de la faiblesse que représente l’isolement des auteurs [90]. Le modèle à suivre, c’est celui de la société d’auteurs dramatiques imaginée et créée par Beaumarchais dès 1777, et qui devient en 1829 la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, fondée par Scribe [91]. Pour Balzac comme pour Beaumarchais, l’union fait la force : la défense et la gestion des droits des auteurs sont plus efficaces si elles sont exercées collectivement. Balzac constate que toutes les professions ont leurs associations d’entraide, leurs hospices, leurs sociétés philanthropiques, que seuls les artistes et les écrivains en sont dépourvus, alors même qu’ils devraient être sous la garde de la Société tout entière, du pays qui leur est redevable. Dès 1834, dans la « Lettre aux écrivains français », il écrit :
« Notre salut est en nous-mêmes. Il est dans une entente de nos droits, dans une reconnaissance mutuelle de notre force. Il est donc du plus haut intérêt pour nous tous que nous nous assemblions, que nous formions une société, comme les auteurs dramatiques ont formé la leur. » [92]
35En 1836, le procès qui l’oppose à Buloz lui démontre, comme nous l’avons dit plus haut, à quel point les écrivains, fortement individualistes, manquent de solidarité, même lorsque leurs intérêts communs sont en jeu. En 1836 encore, il écrit que « le mal gît dans la désunion, qui ôte à la littérature la volonté d’un corps » [93]. Il faut donc aussi sauver les victimes d’elles-mêmes [94].
36Un écrivain à succès de l’époque, aujourd’hui bien oublié, Louis Desnoyers, prend l’initiative de concrétiser l’idée d’une société d’auteurs évoquée par Balzac dans la « Lettre aux écrivains français » : à la fin de 1837, il réunit un certain nombre d’écrivains pour fonder la Société des Gens de lettres. Villemain est le premier président. Victor Hugo, Lamennais, Gozlan, Alexandre Dumas, Arago comptent parmi les premiers membres ; Balzac n’est pas du nombre. Trop pris par ses tâches, il n’a pas participé et il faudra le relancer plusieurs fois pour qu’il adhère, en décembre 1838, à cette société. Paradoxalement, lui qui a eu l’idée de la société d’auteurs hésite aussi, trop individualiste pour se sentir bien dans un tel groupement [95]... Mais une fois admis, il se montre très actif, peut-être trop au goût de ses pairs. Il propose avec succès une publication collective au profit de la Société, intitulée Babel [96], à laquelle il donne une nouvelle et dont il rédige vraisemblablement l’introduction, et se démène pour obtenir le concours d’écrivains à ce recueil [97]. Il en parut trois volumes seulement. Balzac est élu président de la Société en août 1839 [98] et prend son rôle très à cœur : « Désormais réunis et représentés, les écrivains ne peuvent plus demeurer étrangers à ce qui se fait sous leur nom et par leurs mains. Il est temps, pour tout le monde, de compter avec l’intelligence qui n’a jamais su compter avec personne. » [99] Il multiplie les initiatives, défend la Société contre les attaques de Sainte-Beuve (parues dans la revue de Buloz !) dans une lettre ouverte publiée par La Presse [100], va jusqu’à se déplacer à Rouen pour prendre la parole dans un procès en diffamation à l’égard de la Société [101]. Il envisage même la création d’un établissement bancaire par la Société [102]... ! Mais Balzac s’est fait beaucoup d’ennemis : son activisme a peut-être lassé ses collègues [103] ; il s’est attiré l’ire des journalistes dont Illusions perdues donne une image peu flatteuse ; il a accumulé les conflits avec les éditeurs et les revues. On ne lui pardonne guère le procès qu’il a gagné contre Buloz et dont il a fait la publicité. Bref, ses amis de la Société le poussent vers la sortie et il se met en retrait dès la fin de 1839. En janvier 1840, il perd la présidence, qui passe à Victor Hugo, celui-ci devant même imposer à ses collègues la deuxième vice-présidence pour Balzac [104] ! Il n’aura été président de cette Société qui lui devait beaucoup, que quelques mois. Il y contribuera encore avec sa proposition de « Code littéraire » et ses Notes remises à MM. les députés... en 1841.
37Balzac donne sa démission de membre de la Société des Gens de lettres en septembre 1841, mais cette démission ne va pas toute seule : les administrateurs de la Société la refusent et lui font des difficultés pour le libérer de ses engagements pour des raisons d’ordre financier, dont la correspondance comporte des traces [105]. À nouveau, en 1844, Balzac propose sa démission et, probablement, y renonce ensuite, le comité ayant subordonné l’acceptation de la démission à la renonciation de Balzac à certaines sommes qui lui revenaient [106]... À partir de là, les questions de propriété littéraire disparaissent de son œuvre et laissent place à d’autres préoccupations :
« Il était sans doute las de la vanité de ses efforts, des lenteurs du Parlement, dont les discussions, une fois de plus, se révélèrent stériles. Sans doute était-il aussi déçu par le manque de solidarité de ses confrères. Enfin, il avait tant de travail, de tourments et d’espérances, qu’il n’avait plus de temps à consacrer à la défense (ingrate) des intérêts généraux de la littérature. Balzac était retourné à la solitude de la pauvreté, des rêves et du génie. » [107]
38On ne peut qu’être frappé par la clairvoyance de Balzac sur les questions de la propriété littéraire et par la richesse de sa pensée, malgré un nombre assez réduit d’écrits. Comme le remarque justement André Maurois dans son Prométhée ou la Vie de Balzac, « Balzac ne peut toucher à un sujet sans l’approfondir ». Ses vues sont très en avance et il a fallu attendre la loi du 11 mars 1957 pour que certaines des demandes qu’il adresse au législateur passent dans la législation. Sa volonté contestable d’aligner la propriété littéraire sur celle du Code civil rencontre même une partie minoritaire de la doctrine à la fin du XXe siècle. Il faudra attendre une loi de 1844 pour faire de la contrefaçon une infraction pénale, et la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour poser les fondations d’une vraie protection internationale de la propriété littéraire. D’autres idées, comme la perpétuité du droit d’auteur, ne rencontreront pas d’écho, mais les arguments avancés par Balzac n’ont pas vraiment perdu de leur pertinence et mériteraient que les juristes s’y attardent. Il n’a pas vraiment été entendu de son temps, comme le montre l’expérience malheureuse de la présidence de cent jours à la Société des Gens de lettres. Mais, avec le recul, les spécialistes du droit d’auteur peuvent le compter parmi les leurs, lui accorder un titre de docteur en droit honoris causa, qui ne lui aurait certainement pas déplu...
Notes
-
[1]
Voir G. Lukács, « Balzac et le réalisme français », préface de Gérard Gengembre, La Découverte, 1999, p. VII.
-
[2]
Gallimard, 1937, p. 78.
-
[3]
Voir F. Roux, Balzac, jurisconsulte et criminaliste, Paris, 1906 ; A. Peytel, Balzac, juriste romantique, Ponsot, 1950 ; Michel Lichtlé, « Balzac et le Code civil », AB 1999 (I), p. 119-140 ; René-Alexandre Courteix, « Balzac et les droits de l’homme », ibid., p. 141-152.
-
[4]
Voir Michel Lichtlé, « Balzac à l’école du Droit », AB 1982, p. 131-150 ; D. Kornstein, « He knew more : Balzac and law », Pace Law Review, 2001.
-
[5]
Voir Y. Guyon, « Une faillite au XIXe siècle, selon le roman de Balzac César Birotteau », in Mélanges Jauffret, Presses Universitaires d’Aix-en-Provence, 1974, p. 377 et s.
-
[6]
Voir Corr., t. IV, p. 250, et Fernand Letessier, « Balzac et Lamartine », AB 1982, p. 46.
-
[7]
Voir Corr., loc. cit., en note.
-
[8]
Feuilleton des journaux politiques, 3 et 10 mars 1830 (OD, t. II, p. 662-670) ; voir Roland Chollet, « Balzac et sa “Grande Affaire de librairie” », AB 1975, p. 164.
-
[9]
Revue de Paris, 2 novembre 1834 (OD, t. II, p. 1235-1253).
-
[10]
Chronique de Paris, 30 octobre 1836 (CHH, t. XXVII, 1962, p. 303-310).
-
[11]
Hetzel, 1841 (CHH, t. XXVIII, 1963, p. 559-579).
-
[12]
CHH, t. XXVII, p. 728-736.
-
[13]
Voir Nicole Felkay, Balzac et ses éditeurs, 1822-1837. Essai sur la librairie romantique, Promodis, 1987.
-
[14]
OD, t. II, p. 662 ; Nicole Felkay, op. cit. , p. 103-121.
-
[15]
Voir J.-M. Culot, Préfaçons et contrefaçons belges (1816-1854), Librairie F. Miette, 1937 ; Léon Gédéon, « Les préfaçons belges », Le Courrier balzacien, no 3, février 1949, p. 50 et s. ; G. Charlier, « Balzac et la contrefaçon belge », in Balzac et la Touraine, Tours, 1950, p. 163 et s. ; Stéphane Vachon, « Balzac dans quelques journaux reproducteurs : répertoire des spoliations », AB 1993, p. 361-403, et AB 1994, p. 309-337. M. Clouzot, dans son Guide du bibliophile français. XIXe siècle (Giraud-Badin), dénombre 28 préfaçons belges, dont une édition collective !
-
[16]
Voir Balzac imprimeur et défenseur du livre, Paris-Musées/Des Cendres, 1995.
-
[17]
Voir Jean-Hervé Donnard, Balzac : les réalités économiques et sociales dans « La Comédie humaine », Armand Colin, 1961, spécialement p. 413 et s.
-
[18]
Voir « Lettre aux écrivains français du XIXe siècle », OD, t. II, p. 1250.
-
[19]
« [...] il est dur, quand on vit de sa plume, de ne recevoir que mille ou quinze cents francs d’un libraire susceptible de faillir. Si Volupté, l’un des livres les plus remarquables de ce temps, a coûté six années de travaux, nous affirmons qu’au prix où il a été payé, son auteur [Sainte-Beuve] n’a pas gagné la journée d’un crocheteur » (« Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon », éd. citée, p. 307).
-
[20]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1239.
-
[21]
« Sur les questions de propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 305.
-
[22]
Voir aussi la longue « Lettre au rédacteur en chef de La Presse », du 17 août 1839, parue dans La Presse du 18 et consacrée au problème de la contrefaçon (Corr., t. III, p. 673).
-
[23]
Voir « Lettre aux écrivains français [...] » et « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », loc. cit. ; et Jean-Yves Mollier, « L’édition en Europe avant 1850 : Balzac et la propriété littéraire internationale », AB 1992, p. 157.
-
[24]
Voir « Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1241.
-
[25]
« Il n’y a plus de grands seigneurs ni de rois absolus qui pourraient récompenser noblement les hommes de lettres. La révolution de 1793 a tout changé ; la littérature tire maintenant sa substance d’elle-même » (intervention devant le tribunal correctionnel de Rouen, 22 octobre 1839, CHH, t. XXVII, p. 727).
-
[26]
« Lettre aux écrivains français [...] », p. 1236.
-
[27]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », loc. cit.
-
[28]
Voir « De l’état actuel de la librairie en France », et aussi l’ « Acte préliminaire exposant les bases, le but et les moyens de l’entreprise dite La Société d’abonnement général », OD, t. II, p. 853-863. On se reportera à l’Histoire de l’édition française, t. II (1660-1830), Promodis, 1984, et à Nicole Felkay, op. cit., qui décrit de façon approfondie la situation de la librairie française, le projet de loi de 1829 et la crise de 1830, et fait l’historique des principaux éditeurs du temps de Balzac.
-
[29]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1235.
-
[30]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 578.
-
[31]
Voir ibid., p. 576.
-
[32]
« Des artistes » [La Silhouette, 1830], OD, t. II, p. 708.
-
[33]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1236.
-
[34]
Ibid., p. 1251.
-
[35]
Voir aussi, dans « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », l’idée que les produits de la propriété littéraire, si elle était bien défendue, contribueraient positivement à la balance commerciale de la France (éd. citée, p. 309).
-
[36]
Fin de la « Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1253.
-
[37]
Lyon, 17 juillet 1845, « Lacordaire », D. 1845-2-128, S. 1845-2-469 ; Tribunal civil de la Seine, 16 juillet 1845, Huard et Mack, Répertoire, no 258. Pour une analyse approfondie, voir S. Strømholm, Le Droit moral de l’auteur, Stockholm, Norstedt & Søners, 1967, t. I, 1re partie, p. 117-181.
-
[38]
Voir Morillot, De la personnalité du droit de copie, 1872. Le droit moral n’apparaît, par exemple, chez Pouillet, que dans la troisième édition du Traité de la propriété littéraire et artistique (1908). Dans la conception française, le droit d’auteur ou propriété littéraire et artistique est un droit double. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’auteur a donc deux grandes prérogatives, le droit d’exploitation, qui protège ses intérêts économiques, et le droit moral, qui défend ses intérêts non économiques, c’est-à-dire le droit de divulguer ou de ne pas divulguer son œuvre au public, de faire respecter sa paternité ou de garder l’anonymat et de faire respecter l’intégrité de son œuvre. Ces attributs sont distincts : l’auteur peut céder ou concéder le droit d’exploiter son œuvre mais il ne peut pas aliéner son droit moral ni y renoncer, car celui-ci défend sa personnalité telle qu’il l’a exprimée dans son œuvre.
-
[39]
CHH, t. XXVII, p. 732.
-
[40]
Ibid., p. 736.
-
[41]
« Nous publions un livre pour qu’on le lise et non pour le voir lithochromisé en drame ou tamisé en vaudeville » (OD, t. II, p. 1243).
-
[42]
Voir CHH, t. XXVII, p. 734.
-
[43]
Ibid., p. 735-736.
-
[44]
Voir Corr., t. II, p. 783, 785-786 ; t. III, p. 11, 97, 106.
-
[45]
Voir ibid., t. III, p. 95 et p. 695.
-
[46]
« Historique du procès auquel a donné lieu Le Lys dans la vallée », suivi du texte du jugement rendu par le tribunal, Werdet, 1836, p. V-LV. Ce dossier, non repris dans les éditions ultérieures, figure dans Pl., t. IX, p. 917-966.
-
[47]
Gozlan, auteur, plus tard, d’un livre de souvenirs, Balzac en pantoufles, portait à Balzac une amitié plutôt hésitante.
-
[48]
« Moi, armé de pièces, de lettres, de souvenirs, pendant cette bourrasque de feuilletons, de jugements qui sont insérés dans dix-sept journaux sans compter la province, je me taisais, j’attendais le jour du jugement [...] chacun comprendra qu’en cette affaire littéraire, la littérature doit céder le pas à la vérité due au tribunal et au public, à la généreuse indignation d’un écrivain à qui la calomnie se trouve ici trop pesante » (« Historique du procès [...] », Pl., t. IX, p. 964.
-
[49]
Ibid., p. 961.
-
[50]
Ibid., p. 962.
-
[51]
Une vingtaine selon R. Rey, « Les artistes », in Balzac, le livre du centenaire, Flammarion, 1952, p. 177.
-
[52]
Voir Jean-Hervé Donnard, Balzac, les réalités économiques [...], op. cit., p. 422.
-
[53]
Voir CHH, t. XXVII, p. 725-727.
-
[54]
Voir J.-H. Donnard, op. cit., p. 305.
-
[55]
Voir « Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 304-305 ; Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 562.
-
[56]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 560.
-
[57]
Ibid., p. 571.
-
[58]
C’est-à-dire ici le domaine public où tombent les œuvres après un certain temps au-delà de la mort de l’auteur (ibid., p. 574).
-
[59]
Ibid., p. 571.
-
[60]
Ibid., p. 572.
-
[61]
Cf. E. Blanc, Traité de la contrefaçon, Plon & Cosse, 1855, p. 123.
-
[62]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1237-1238.
-
[63]
Notes remises à MM. les députés [...], éd. citée, p. 572.
-
[64]
Sur cette question, voir J. Vilbois, Du domaine public payant en droit d’auteur, Sirey, 1928.
-
[65]
Voir OD, t. II, p. 858.
-
[66]
« Quoi ! les auteurs dramatiques ont les faits accomplis de l’histoire, les anecdotes consacrées de vingt siècles, les événements du temps présent, et il leur faudrait encore étendre la juridiction de leurs grelots et de leurs flonflons, de leurs coupes et de leurs poignards, sur les œuvres vivantes ou mortes de l’homme qui ne croyait pas avoir besoin, pour digérer sa gloire en paix, de souscrire une police d’assurance contre les pièces » (« Lettre aux écrivains français [...] », ibid., p. 1249).
-
[67]
Voir Pierre Descaves, Le Président Balzac, Laffont, 1951, p. 20 et p. 50-51 ; et Sylvie Boulard-Bezat, « Les adaptations du Père Goriot », AB 1987, p. 167-178.
-
[68]
CHH, t. XXVII, p. 734.
-
[69]
« La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »
-
[70]
Voir A.-C. Renouard, Traité des droits d’auteur dans la littérature, la science et les beaux-arts, Renouard, t. II, 1839, p. 56 ; Françoise Parent, « De nouvelles pratiques de lecture », in Histoire de l’édition française, Promodis, 1984, t. II, p. 606 et s., spécialement p. 614 ; Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac. Les cabinets de lecture à Paris, 1815-1830, Éditions de l’EHESS, 1981, réimpr. 1999.
-
[71]
Vers 1830, par exemple, un cabinet de lecture de province propose un abonnement mensuel à 2 F, qui permet de louer un livre entre 10 et 15 centimes. On évalue le prix de vente moyen d’un livre en 1840 autour de 6,65 F et ce n’est qu’à partir de 1854 que des collections de livres à 1 F apparaissent (F. Barbier, Histoire du livre, Armand Colin, 2000, p. 227). Balzac estime le nombre de ces cabinets à environ 1 500 dont 500 à Paris.
-
[72]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1240 ; voir aussi « De l’état actuel de la littérature », ibid., p. 1221.
-
[73]
Voir Françoise Parent, « De nouvelles pratiques de lecture », étude citée, p. 617.
-
[74]
Voir Jean-Yves Mollier, « L’imprimerie et la librairie en France dans les années 1825-1830 », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, op. cit., p. 17.
-
[75]
Chambres réunies, 7 novembre 1836, Dalloz, 1837-I-176.
-
[76]
Voir OD, t. II, p. 859.
-
[77]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 308.
-
[78]
« Lettre aux écrivains français [...] », OD, t. II, p. 1247.
-
[79]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 305.
-
[80]
Voir J. Escarra, J. Rault et F. Hepp, La Doctrine française du droit d’auteur. À propos du projet de loi sur le contrat d’édition, Grasset, 1937.
-
[81]
Litige à propos du Médecin de campagne débouchant sur une sentence arbitrale rendue contre Balzac en faveur de Mame (« infâme libraire », « ignoble bourreau »...) le 27 août 1833, Corr., t. II, p. 327-356, et CHH, t. XVI, p. 538. Rupture laborieuse quoique non contentieuse avec Gosselin en 1834, Corr., t. II, p. 510-514, 523, 529. Assignation par la Veuve Béchet en juin 1836 (apparemment non suivie d’un procès ; voir Nicole Felkay, Balzac et ses éditeurs, op. cit. , p. 172), Corr., t. III, p. 201 et p. 229.
-
[82]
Voir Nicole Felkay, op. cit., p. 18 et passim.
-
[83]
Éd. citée, p. 576-577.
-
[84]
Voir Nicole Felkay, op. cit. Buloz, par exemple, qui était borgne, était aimablement surnommé le « Polyphème de la rue Saint-Benoît », et Victor Hugo rapporte qu’Alexandre Dumas menaçait ainsi un de ses singes familiers qui devenait borgne : « Qu’il y prenne garde, s’il continue, je l’appelle Buloz » (Journal de ce que j’apprends chaque jour, 16 mai 1847, éd. J. Massin, Club français du livre, t. VII, p. 903).
-
[85]
Fin de l’ « Historique [...] », Pl., t. IX, p. 966.
-
[86]
Voir Corr., t. III, p. 673.
-
[87]
Préfaces du Père Goriot, 1835, du Lys dans la vallée, 1836, de La Femme supérieure, 1838.
-
[88]
Voir CHH, t. XXVII, p. 725-727 ; Corr., t. III, p. 729 et p. 738 (lettre de Balzac au procureur du roi de Rouen et réponse de celui-ci) ; Pierre-Antoine Perrod, « Balzac, avocat de la propriété littéraire », AB 1963, p. 269.
-
[89]
Voir Corr., t. III, p. 757, 760, 773, 779 ; et Jean-Luc Steinmetz, « Balzac et Pétrus Borel », AB 1982, p. 63.
-
[90]
Voir Roland Chollet, « Au nom du livre et de l’écrivain », in Balzac imprimeur et défenseur du livre, op. cit., p. 48.
-
[91]
L’idée est dans l’air du temps, puisque la SACEM (Société des auteurs et compositeurs de musique) sera fondée en 1851.
-
[92]
OD, t. II, p. 1250.
-
[93]
« Sur les questions de la propriété littéraire [...] », éd. citée, p. 310.
-
[94]
Voir l’introduction (attribuée à Balzac) de Babel. Revue romantique, publication de la Société des Gens de lettres, Renouard, 3 vol., 1840 (reproduite in CHH, 2e éd., t. XXIII, 1971, p. 706).
-
[95]
Voir P. Descaves, Le Président Balzac, op. cit., p. 70 et s. (notamment p. 88), et aussi L. de Royaumont, Balzac et la Société des Gens de lettres, Paris, s.d.
-
[96]
Voir Corr., t. III, p. 604, 625, 633, 639, 688.
-
[97]
Lamartine refuse (voir Fernand Letessier, « Balzac et Lamartine », art. cité, p. 43), Sophie Gay aussi (voir Corr., t. III, p. 634). George Sand accepte mais, contrainte par Buloz, ne collabore finalement pas (voir ibid., p. 638, 650, 654, 661). Victor Hugo, lui, fournit sa contribution au premier volume (voir ibid., p. 654 et p. 709), et Alexandre Dumas, au troisième (voir ibid., p. 742), ainsi que Henry Monnier, notamment. La nouvelle de Balzac (Pierre Grassou) n’est prête que pour le deuxième volume.
-
[98]
Pierre Descaves, op. cit., p. 109.
-
[99]
Introduction de Babel, loc. cit.
-
[100]
Voir Corr., t. III, p. 695, et P. Descaves, op. cit., p. 116.
-
[101]
Sur cet épisode déjà évoqué, voir à nouveau P. Descaves, op. cit., p. 123 et s.
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[102]
Voir ibid., p. 125.
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[103]
Voir J.-H. Donnard, Balzac : les réalités économiques [...], op. cit., p. 426.
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[104]
Voir ibid., p. 422.
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[105]
Voir Corr., t. IV, p. 305, 311-312, 322-323, 409.
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[106]
Voir ibid., p. 734.
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[107]
Pierre Descaves, op. cit., p. 147.