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Article de revue

La peine et le temps

Pages 69 à 93

Notes

  • [1]
    Art.58 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JO du 7 mars 2007, p.4297.
  • [2]
    Art.495-7 et s. C.proc.pén. issus de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
  • [3]
    La gestion du temps dans le procès pénal fut le thème central d’un rapport au Garde des Sceaux : Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, Paris : La Documentation Française, 2004, 211 p.
  • [4]
    Pierrette PONCELA, Droit de la peine, Paris : PUF, Coll.Thémis, 2001, 2ème éd., p.39.
  • [5]
    Maurice PATIN, « La place des mesures de sûreté dans le droit pénal positif moderne », RSC, 1948, p.415 et s. ; Robert SCHMELCK, « La distinction entre la peine et la mesure de sûreté », p.179-197 in La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Mélanges Patin, Paris : Cujas, 1965, 772 p.
  • [6]
    Haritini MATSOPOULOU, « Le renouveau des mesures de sûreté », D., 2007, Chron., p.1607 et s.
  • [7]
    JO du 13 décembre 2005, p.19152.
  • [8]
    Art.44-1 C.proc.pén.
  • [9]
    Pierrette PONCELA, « La logique modale de la peine dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », p.369 in Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal ?, sous la direction de Y. CARTUYVELS, H. DUMONT, F. OST, M. VAN de KERCHOVE, S. VAN DROOGHENBROECK, Bruxelles : Facultés universitaires de Saint-Louis, 2007.
  • [10]
    Peine délictuelle consistant en une somme versée au Trésor public dont le montant global est fixé par la juridiction de jugement à une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours (1000 € par jour maximum dans la limite de 360 jours).
  • [11]
    Georges VERMELLE, « Le maximum et le minimum », p.353 et s. in La sanction du droit, Mélanges offerts à Pierre COUVRAT, Paris : P.U.F., 2001, 259 p.
  • [12]
    Pour un exemple d’exception, cf. infra.
  • [13]
    Cf. sur ce point : Anne PONSEILLE, « La faute caractérisée », RSC, 2003, p.79 et s.
  • [14]
    Art.132-75 C.pén.
  • [15]
    Art.132-73 C.pén. ; art.132-73 C.pén.
  • [16]
    Art.132-79 C.pén.
  • [17]
    Art.132-71-1 C.pén.
  • [18]
    Lorsque les violences ont entraîné une ITT inférieure à huit jours ou n’ont entraîné aucune ITT, la peine est contraventionnelle, sauf dans l’hypothèse d’une des circonstances aggravantes énoncées à l’article 222-13 du Code pénal. Dans ce cas, une peine d’emprisonnement de trois ans est encourue à côté de l’amende.
  • [19]
    Cf. Anne PONSEILLE, L’infraction de prévention en droit pénal français, Th.Montpellier, 2001.
  • [20]
    Anne PONSEILLE, « L’incrimination du mandat criminel ou l’article 221-5-1 du code pénal issu de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 », Dr.pén., 2004, Chron.n°10.
  • [21]
    Jean-Philippe GUEDON, « Le maquis juridique de la répression des incendies de forêts », Dr.pén., 2004, Chron.n°11.
  • [22]
    JO du 11 août 2007, p.13466.
  • [23]
    Depuis la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002, en matière de vol commis par majeur assisté ou aidé d’un mineur de plus de 13 ans, la peine d’emprisonnement encourue est de 7 ans ; elle est de 10 ans quand le mineur a moins de treize ans : art.311-4-1 C.pén.
  • [24]
    Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple et commises contre les mineurs, JO du 5 avril 2006, p.5097.
  • [25]
    La loi n°2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a ainsi inséré dans le Code pénal les articles art.221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1.
  • [26]
    Art.54 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance le mode opératoire particulier de certaines infractions, JO du 7 mars 2007, p.4297.
  • [27]
    Le Code pénal dans sa partie spéciale énumère les cas de vulnérabilité de la victime fondés sur son âge, une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, un état de grossesse.
  • [28]
    L’article 221-4-4° du Code pénal prévoit par exemple une aggravation des sanctions pour meurtre quand celui-ci est perpétré par exemple contre « un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel (…) ».
  • [29]
    Art.1er de la loi n°2006-1294 du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres, JO du 24 octobre 2006, p.15713.
  • [30]
    Alexis MIHMAN, « Exemption et réduction de peines pour les repentis : apports de la loi du 9 mars 2004 dite loi « Perben II » », Dr.pén., 2005, Chron. n°1, p.6 et s.
  • [31]
    Ibid, p.7.
  • [32]
    Le guet-apens (art.132-71-1 C.pén.) et l’état d’ivresse manifeste ou l’emprise manifeste de produits stupéfiants (art.54 de la loi).
  • [33]
    Théodore PAPATHEODOROU, « La personnalisation des peines dans le nouveau code pénal français », RSC, 1997, p.15 et s.
  • [34]
    Les juridictions de l’application des peines participent également à la personnalisation des peines en cours d’exécution aux termes de l’article 707 du Code de procédure pénale.
  • [35]
    Crim., 20 juin 2006, D., 2006, IR, p.2211.
  • [36]
    JO, 11 août 2007, p.13466.
  • [37]
    Art.132-18-1 al.2ème et 3ème C.pén. ; art.132-18-2 al.3ème et 5ème C.pén.
  • [38]
    Audrey DARSONVILLE, « La réitération, ou de la consécration légale d’une notion hybride », D., 2006, Point de vue, p.2116 et s.
  • [39]
    Art.132-27 C.pén. : « En matière correctionnelle, la juridiction peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social, décider que l’emprisonnement prononcé pour une durée d’un an au plus sera, pendant une période n’excédant pas trois ans, exécuté par fractions, aucune d’entre elles ne pouvant être inférieure à deux jours ».
  • [40]
    Art.132-28 C.pén. : « En matière correctionnelle ou contraventionnelle, la juridiction peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social, décider que la peine d’amende sera, pendant une période n’excédant pas trois ans, exécutée par fractions. Il en est de même pour les personnes physiques condamnées à la peine de jour-amende ou à la peine de suspension du permis de conduire ; le fractionnement de la peine de suspension de permis de conduire n’est toutefois pas possible en cas de délits ou de contraventions pour lesquels la loi ou le règlement prévoit que cette peine ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ».
  • [41]
    Art.720-1 al.1er C.pén. : « En matière correctionnelle, lorsqu’il reste à subir par la personne condamnée une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, cette peine peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social et pendant une période n’excédant pas trois ans, être suspendue ou exécutée par fractions, aucune de ces fractions ne pouvant être inférieure à deux jours. La décision est prise par le juge de l’application des peines dans les conditions prévues par l’article 712-6. Ce juge peut décider de soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal ».
  • [42]
    JO du 5 mars 2002, p.4118.
  • [43]
    Art.720-1-1 al.1er C.pén. : « Sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux ».
  • [44]
    Pour un rappel de la jurisprudence, cf. notamment Anne PONSEILLE, « Etendue du champ d’application de la suspension de la peine pour raisons médicales de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale : Cass.crim., 21 février 2007, pourvoi n°06-85595 », Rev. Droit & Santé, 2007, n°18, p.536 et s.
  • [45]
    Cf. infra.
  • [46]
    Art.721 C.proc.pén.
  • [47]
    Cette présentation est empruntée à Pierrette PONCELA in Droit de la peine, op.cit., p.424 et s.
  • [48]
    Article 132-16-7 C.pén.
  • [49]
    Art.773-1 C.proc.pén.
  • [50]
    Exception au principe de prescription des peines criminelles posé à l’article 133-2 C.pén.
  • [51]
    Crim., 3 juin 1988, Bull.crim., n°246.
  • [52]
    Cf. infra.
  • [53]
    Haritini MATSOPOULOU, « L’oubli en droit pénal », p.771 et s. in Les droits et le Droit, Mélanges dédiés à Bernard BOULOC, Paris : Dalloz, 2007, 1195 p.
  • [54]
    B. VAREILLE, « Le pardon du juge répressif », RSC, 1988, p.676 et s.
  • [55]
    Art.133-2, 133-3 et 133-4 C.pén.
  • [56]
    Crim., 4 décembre 1958, Bull.crim., n°724.
  • [57]
    Modification issue de la loi n°2002-1576 du 30 décembre 2002.
  • [58]
    706-25-1 C.proc.pén.
  • [59]
    Art.133-1 al.1er C.pén.
  • [60]
    Crim., 14 avril 1932, Bull.crim., n°104.
  • [61]
    Crim., 21 avril 1932, Bull.crim., n°110.
  • [62]
    M.C. Desdevises, « L’effacement des condamnations », APC, 1990, vol.12, p.123 et s.
  • [63]
    Art.782 C.proc.pén.
  • [64]
    Art.133-1 al.3ème C.pén. : « La réhabilitation efface la condamnation » ; art.783 C.proc.pén.
  • [65]
    Art.133-16 al.1er C.pén.
  • [66]
    Cité par Pierrette PONCELA, Droit de la peine, op.cit, p.434-435.
  • [67]
    Art.769 al.2ème C.proc.pén.
  • [68]
    Art.773-1 al.2nd C.proc.pén.
  • [69]
    « Il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie ne met pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée à titre de réparation. »
  • [70]
    Crim., 8 novembre 1995, Bull.crim., n°343.
  • [71]
    Séverine LEGER-GRESSOT, L’oubli en droit pénal, Th. Montpellier, 2000, p.27 et s. et p.115 et s.
  • [72]
    Art.133-13 et 133-14 C.pén.
  • [73]
    L’article 43-I de la loi de 2007 ajoute un alinéa à l’article 133-13 du Code pénal ainsi rédigé : « les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale ».
  • [74]
    Art.769 al.3ème C.proc.pén.
  • [75]
    Art.769 al.2ème C.proc.pén.
  • [76]
    Art.43-II-2° et 3° de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 modifiant les alinéas 1er et 2ème de l’article 769 du Code de procédure pénale.
  • [77]
    Art.786 C.proc.pén. ; il existe des délais différents lorsque la personne condamnée est une personne morale aux termes de l’article 798-1 du Code de procédure pénale.
  • [78]
    Art.789 C.proc.pén.
  • [79]
    Art.729 C.proc.pén.
  • [80]
    Denis SALAS, La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Paris : Hachette, 2005, 287 p.

1Il est devenu commun de rapprocher les notions de justice et de temps. La justice doit être rendue dans un délai raisonnable comme l’indiquent l’article L.111-3 du Code de l’organisation judiciaire et l’article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, impératif imposé en réponse à la lenteur trop souvent reprochée à la Justice.

2De manière plus spécifique, le procès pénal n’échappe pas à l’emprise du temps. Nombre d’institutions de la procédure pénale ont en effet trait au temps : la comparution immédiate, l’ancienne procédure de jugement à délai rapproché pour mineurs remplacée par la procédure de présentation immédiate [1], le traitement en temps réel des plaintes, les délais de la détention provisoire, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [2], la prescription de l’action publique… sont autant d’outils qui ont vocation à gérer le temps dans procès pénal [3]. Il est cependant une institution du Droit pénal qui entretient avec le temps les relations les plus étroites et depuis plus longtemps : la sanction pénale.

3La catégorie des sanctions pénales est protéiforme. En l’absence de définition légale, elle fut très souvent présentée comme regroupant la peine, définie comme « toute sanction liée à une incrimination et prononcée par une juridiction pénale » [4], et la mesure de sûreté [5]. S’il est vrai que l’on assiste à un renouveau de la mesure de sûreté [6], cette expression figurant dorénavant dans le Code pénal avec loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales [7], la catégorie des sanctions pénales s’est enrichie d’autres mesures ne pouvant être assimilées ni à des peines, ni à des mesures de sûreté. Il en est ainsi par exemple du travail non rémunéré susceptible d’être décidé dans le cadre d’une transaction municipale notamment [8], de l’amende de composition et de l’amende transactionnelle respectivement prévues à l’article 41-2 du Code de procédure pénale et à l’article 41 de la loi n°2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, ou encore des sanctions éducatives pouvant être prononcées à l’encontre des mineurs d’au moins dix ans aux termes de l’article 15-1 de l’Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

4Les fondements, les fonctions, la nature ou encore l’objet de la peine sont des objets d’étude traditionnels. En revanche, plus rare est son examen au regard du temps.

5Lorsque nous rapprochons les notions de « temps » et de « peine », nous pensons immédiatement à la durée de la peine et, dès lors, notre étude s’orientera vers l’examen des peines dont le quantum peut être exprimé en unité de temps. Cette première approche est d’actualité ne serait-ce qu’en considération des récentes et successives lois sur la récidive qui ont vocation à allonger la durée de la peine, en contradiction sans doute avec l’idée de modération de la peine [9] qui gouverne le droit de la sanction pénale.

6Mais cette étude ne serait pas complète si elle se limitait à la « longueur » de la peine. En effet, les relations entre le temps et la peine peuvent être examinées sous un autre angle, celui de la marque laissée par la peine dans le temps.

7Envisagée par rapport au temps, l’étude de la peine revêt donc une double dimension : il convient, d’une part, de s’intéresser au temps de la peine (I) et, d’autre part, de s’attarder sur la peine dans le temps (II).

I – Le temps de la peine

8Evoquer « le temps de la peine » implique une référence à sa durée. Or, la durée de la peine correspond ni plus, ni moins à son quantum exprimé en unité de temps. En réalité, la référence au temps est une composante de la plupart des sanctions pénales, les peines restrictives ou privatives de droit au premier rang desquelles la peine d’enfermement, l’emprisonnement et la réclusion, mais aussi certaines interdictions. Par exception, le temps participe également comme élément de définition d’une peine pécuniaire : le jour-amende [10].

9Pour la détermination de la durée de la peine, le législateur utilise de nombreuses unités de temps qui, selon une présentation décroissante, sont la perpétuité, l’année et le mois (pour les peines d’emprisonnement et de réclusion), le jour (pour la peine de jour-amende) et l’heure (pour le travail d’intérêt général). Par souci de simplification et de clarté, les exemples illustrant les propos qui suivent porteront sur la durée de la peine d’enfermement, une des peines principales encourues en droit français.

10Le législateur participe de différentes manières à la détermination de la durée tant de la peine encourue (A), prononcée (B) qu’exécutée (C). Or le temps de la peine encourue n’est pas forcément celui de la peine prononcée qui ne correspond pas lui-même à celui de la peine exécutée. Cette variation résulte, pour chacune de ces peines qui seront envisagées successivement, de plusieurs logiques de gestion du temps de la peine par le législateur, qui sont parfois incompatibles voire opposées et qui s’inscrivent dans des courants de politiques criminelles différents.

A – Le temps de la peine encourue

11La peine dite « encourue » ou « applicable » est la peine maximum que fixe le législateur pour sanctionner pénalement tel comportement qu’il définit dans un texte conformément au principe de légalité des délits et des peines. Les minima ayant disparu lors de la réforme du Code pénal, seul le maximum de la peine au-delà duquel le juge ne peut aller est fixé par les textes [11].

12Certains éléments ne sont pas pris expressément en considération pour la détermination de la durée de la peine encourue. Tel est le cas par exemple du nombre de victimes [12], de la valeur pécuniaire du bien dérobé… D’autres aspects qui auraient dû logiquement être pris en compte ne l’ont pas été, par oubli du législateur sans doute. Il en est ainsi par exemple de la faute caractérisée, faute non-intentionnelle aggravée punissable pourtant des mêmes peines que la faute simple [13]. Au contraire, d’autres éléments constituent autant de critères utilisés par le législateur pour moduler le temps de la peine.

13Ainsi, le « temps de la peine encourue » est marqué par une double logique : la première, qui est prédominante, vise à un allongement de la durée de cette peine (1) ; la seconde, minoritaire ou plus discrète, concourt à une limitation de la durée de la peine encourue (2).

1 – La logique d’allongement de la durée de la peine encourue

14Cette logique d’allongement de la durée de la peine encourue se manifeste à travers la prise en compte par le législateur de circonstances ou d’évènements qui entraînent une aggravation des peines encourues. Il s’agit en majorité de ce qu’il est convenu d’appeler les « circonstances aggravantes » auxquelles il faut ajouter l’institution de la récidive.

15Le législateur maintient et surtout multiplie au fil de réformes successives le nombre et la nature de ces circonstances aggravantes. Certaines sont mentionnées et définies dans la partie générale et législative du Code pénal aux articles 132-71 et suivants, d’autres ne sont visées que dans les dispositions de droit pénal spécial. Ce premier constat appelle une remarque sous forme de critique : cette présentation témoigne d’un manque de cohérence, de lisibilité et établit de façon regrettable une sorte de hiérarchie entre les circonstances aggravantes regroupées dans la partie générale du Code pénal et celles dispersées dans la partie spéciale que l’on a de la peine à recenser dans leur ensemble.

16Cette remarque faite et pour utiliser une dénomination plus générale, il est possible de distinguer les causes « objectives » d’aggravation de la peine encourue de celles que l’on pourrait qualifier de « subjectives ».

17Les premières causes d’aggravation peuvent être considérées comme « objectives » en ce qu’elles se rattachent au comportement incriminé. Outre la nature de l’infraction qualifiée de crime, délit ou contravention ou encore celle de la valeur protégée qui détermine inévitablement la nature et la gravité de la peine encourue, le mode opératoire pour la commission de l’infraction peut avoir une incidence dans le sens d’une aggravation de la peine encourue.

18Ainsi, dans les cas où la loi le prévoit expressément, l’usage ou la menace d’une arme pour commettre une infraction ou encore le port d’une arme à l’occasion de la commission d’une infraction entraîne une telle aggravation [14]. Il en va de même de l’effraction et de l’escalade aux termes des articles 132-73 et 132-74 du Code pénal [15]. L’usage d’un moyen de cryptologie selon l’article 132-79 issu de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique [16], peut également consister en un moyen d’aggravation de la sanction pénale. Plus récemment, le législateur a érigé en circonstance aggravante le guet-apens précédant la réalisation de certaines infractions de violences avec la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance [17].

19D’autres circonstances aggravantes de nature objective figurent dans la partie spéciale du Code pénal. Ainsi, le degré de gravité du dommage constitue une circonstance aggravante du quantum et donc de la durée de la peine d’enfermement pour les infractions contre la vie ou l’intégrité physique des personnes à égale gravité de faute. Par exemple, selon qu’un comportement caractérisé par une faute ordinaire de son auteur a entraîné la mort, une incapacité totale de travail (ITT) de plus de trois mois, inférieure à trois mois ou n’a entraîné aucune ITT, la durée de la peine d’emprisonnement encourue varie : en cas d’homicide involontaire, la peine d’emprisonnement encourue est de trois ans (art.221-6 al.1er C.pén.) ; dans l’hypothèse de blessures pour lesquelles l’ITT constatée est supérieure à trois mois (222-19 al.1er C.pén.), elle est de deux ans ; pour une ITT inférieure à trois mois ou en l’absence d’ITT, aucune peine d’emprisonnement n’est encourue s’agissant de contraventions (art.R.622-1 et R.625-1 C.pén.). La même remarque vaut en matière de violences volontaires, la peine encourue allant de quinze ans de réclusion criminelle en cas de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art.222-7 C.pén.) jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours [18]. La survenance même du dommage peut également constituer, en quelque sorte, une cause d’augmentation de la durée de la peine encourue. Le législateur réprime certains comportements n’ayant pas entraîné de dommage par le recours à la technique des infractions de prévention [19]. Lorsque le dommage survient ou l’infraction redoutée est commise, le législateur prévoit souvent des peines plus sévères. Par exemple, la provocation d’autrui à commettre un assassinat ou un empoisonnement non suivie d’effet est notamment punie de dix ans d’emprisonnement en application de l’article 221-5-1 du Code pénal [20]. En cas de réalisation de l’infraction projetée, les règles de la complicité punissable de l’article 121-6 du Code pénal ont alors vocation à s’appliquer et la peine encourue par celui qui devient complice est la réclusion criminelle à perpétuité pour un assassinat (221-3 C.pén.) ou la réclusion criminelle à 30 ans pour un empoisonnement (art.221-5 C.pén.). Le délit de risques causés à autrui prévu à l’article 223-1 du Code pénal est constitué en l’absence de dommage causé à autrui. La peine d’emprisonnement encourue est d’un an. Il s’agit d’une infraction dite « obstacle » notamment au délit d’homicide involontaire défini à l’article 221-6 alinéa 2nd du Code pénal et puni d’une peine d’emprisonnement dont le quantum est plus important puisque s’élevant à trois ans.

20Par ailleurs, le mode opératoire particulier à certaines infractions peut avoir une incidence sur la durée de la peine. Par exemple, l’article 222-24-8° du Code pénal prévoit une aggravation des sanctions pénales encourues pour le crime de viol lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunication.

21En matière d’atteintes aux biens d’autrui, la nature du bien détruit ou dégradé peut en partie influer sur la durée de la peine encourue. En effet, l’alinéa 2nd de l’article 322-6 du Code pénal prévoit une aggravation des peines lorsque l’incendie touche des bois, forêts, landes, maquis, plantations ou boisements d’autrui depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité [21].

22En outre, le lieu de commission de l’infraction peut entraîner notamment une augmentation de la durée de la peine privative de liberté encourue. Il en est ainsi lorsque le délit de vol est commis dans un transport à usage collectif ou dans le lieu permettant l’accès à celui-ci (art.311-4-7° C.pén.). La loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a élargi une circonstance aggravante tenant au lieu ou au moment de commission des délits de cession illicite de produits stupéfiants (222-12-11° C.pén.) et de provocations de mineurs à commettre des infractions ou à adopter des comportements dangereux (art.227-18 et s. C.pén.) pour punir plus sévèrement ceux qui auront commis de tels actes « dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ».

23De plus, le caractère habituel de la commission de l’acte réprimé peut jouer dans le sens d’une aggravation de la durée de la peine encourue. Ainsi, par exemple, les actes de torture et de barbarie commis à l’égard d’un mineur de quinze ans sont punis de vingt ans de réclusion (art.222-3 al.1er - 1° C.pén.) et, lorsqu’ils sont perpétrés contre la même victime de façon habituelle, de 30 ans de réclusion (art.222-4 al.1er C.pén.). Dans le même ordre d’idée, le fait que l’infraction soit commise en concours avec une ou plusieurs autres infractions identiques perpétrées sur d’autres victimes, entraîne une aggravation des sanctions pénales. Tel est le cas par exemple du crime de viol aux termes de l’article 222-24-10° du Code pénal.

24A côté des circonstances aggravantes stricto sensu dont certaines viennent d’être énumérées, le législateur prévoit une autre cause objective de l’allongement de la durée de la peine encourue : il s’agit de la récidive dont le régime a été modifié par la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales et tout récemment à nouveau par la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs [22]. La loi de 2005 conserve la sous-section 2 du Code pénal intitulée « Des peines applicables en cas de récidive » contenant les articles 132-8 et suivants. Elle ne modifie pas les conditions générales de la récidive. L’institution de la récidive a toujours pour conséquence une augmentation sous la forme le plus souvent d’un doublement de la durée de la peine encourue. Son champ d’application est cependant étendu dans la mesure où la loi du 12 décembre 2005 crée de nouveaux cas d’assimilation d’infractions pour permettre aux conditions de la récidive de s’appliquer. Cette réforme comporte d’autres dispositions plus sévères par rapport au droit antérieur puisqu’elle augmente le délai du sursis avec mise à l’épreuve lorsque la personne condamnée est en état de récidive légale et une limite est imposée au juge dans le prononcé de cette mesure qui devient désormais impossible dans l’hypothèse où l’intéressé a déjà été condamné à deux reprises en bénéficiant d’un sursis avec mise à l’épreuve pour des délits identiques ou assimilés.

25D’autres causes d’aggravation de la peine encourue peuvent être qualifiées de « subjectives » car elles s’appuient sur les qualités d’auteur ou de victime, prennent en compte de leur personne.

26L’allongement de la durée de la peine encourue peut provenir de ce que l’infraction est commise en bande organisée (art.132-71 C.pén.), par plusieurs personnes agissant comme auteurs ou complices (art.222-12-8° C.pén.), par un majeur aidé ou assisté de mineurs (222-12-12° C.pén.), le législateur distinguant parfois dans cette dernière hypothèse selon que le mineur a plus ou moins de treize ans [23]. Depuis la loi n°2006-399 du 4 avril 2006 [24], la qualité, non plus seulement de conjoint, mais également de concubin ou de partenaire pacsé, actuel ou ancien, de la victime, constitue pour l’auteur une circonstance aggravante de la commission de certaines infractions (art.132-80 C.pén.). La qualité de conducteur de véhicule terrestre à moteur est aussi un élément aggravant en matière de délit d’homicide ou de blessures involontaires [25]. Par ailleurs, à dommage d’égale importance, la gravité de la faute de l’auteur fait varier le quantum de la peine encourue. Lorsque, par exemple, le comportement adopté a entraîné la mort d’autrui, la durée de la peine d’enfermement encourue est, dans un sens croissant, de trois ans d’emprisonnement, cinq ans d’emprisonnement, quinze ans ou trente ans de réclusion criminelle et réclusion criminelle à perpétuité, selon que la faute retenue est une faute simple, une faute délibérée, une faute praeter intentionnelle, un dol simple ou un dol aggravé, cette dernière hypothèse se rattachant à la préméditation expressément érigée dans la partie générale du Code pénal en circonstance aggravante (art.132-72 C.pén.). En outre, c’est pour tenir compte du but particulier poursuivi par les auteurs d’actes de terrorisme que le législateur prévoit une aggravation de la peine privative de liberté aux termes de l’article 421-3 du Code pénal pour les infractions dont l’énumération est faite à l’article 421-1 du même Code. Enfin, et sans que la liste des exemples soit sans doute épuisée, la loi du 5 mars 2007 précitée prévoit pour les infractions d’atteintes sexuelles contre les mineurs de quinze ans, de violences et d’agressions sexuelles, une augmentation de la durée de la peine encourue lorsque ces infractions sont commises en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants [26], causes d’aggravation qui ne constituaient jusqu’alors que des infractions à part entière ou des circonstances aggravantes des délits d’homicide et de blessures commis par un conducteur de véhicule terrestre à moteur.

27La durée de la peine encourue peut également être étendue en tenant compte du nombre ou, plus souvent, de la qualité de la victime. Ainsi, le fait que l’infraction soit commise à l’égard de plusieurs victimes peut conduire à une aggravation de la peine (art.225-12-2-1° C.pén.). Le lien de parenté de la victime avec l’auteur peut engendrer la même conséquence : le meurtre commis à l’encontre d’un ascendant est puni de la réclusion criminelle à perpétuité en application de l’article 221-4-2° du Code pénal, alors que le meurtre simple est puni de la réclusion à trente ans. La particulière vulnérabilité de la victime, apparente ou connue [27], ainsi que la minorité de la victime et selon parfois que celle-ci ait plus ou moins de quinze ans, peut entraîner une aggravation de la peine. Il en va de même lorsque l’auteur a commis l’infraction à l’égard de telle victime en considération de sa profession, de ses charges ou de ses fonctions, lorsque la qualité de celle-ci était apparente ou connue de l’auteur [28]. Dans certains cas, la même aggravation est encourue lorsque sont victimes les parents ou proches vivant habituellement avec les personnes précitées (art.222-12-4°et -4° bis C.pén. par exemple). La liste ne cesse de grandir puisque les arbitres sont assimilés depuis la loi n°2006-1294 du 23 octobre 2006 à des personnes chargées d’une mission de service public [29]. Le Code pénal dans sa partie générale connaît deux hypothèses d’aggravation supplémentaires des peines tenant à la qualité de la victime lorsque la loi la prévoit. Il s’agit, d’une part, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (art.132-76 C.pén.) et, d’autre part, de l’orientation sexuelle de la victime (art.132-77 C.pén.) à raison desquelles les infractions sont commises. Enfin, l’aggravation de la peine encourue peut être fondée sur un cumul de circonstances aggravantes à la fois objectives et subjectives. L’article 222-14-1 du Code pénal créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance en est un exemple. Cette disposition prévoit en effet que « lorsqu’elles sont commises en bande organisée ou avec guet-apens, les violences commises avec usage ou menace d’une arme sur un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, ou sur un sapeur-pompier civil ou militaire ou un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs dans l’exercice, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions ou de sa mission, sont punies (…) » de peines de dix ans d’emprisonnement, de quinze, vingt ou trente ans de réclusion selon la gravité de l’atteinte portée à l’intégrité de la victime.

28Le législateur poursuit une autre logique dans un sens opposé à l’objectif de la précédente puisqu’il envisage également la possibilité d’atténuer la durée de la peine applicable. Les illustrations restent cependant quantitativement moins importantes que celles fournies pour mettre en évidence la logique précédemment envisagée.

2 – La logique de limitation de la durée de la peine encourue

29Cette limitation de la peine encourue est affirmée à travers deux institutions qui lui confèrent les caractères de limitation « partielle » et de limitation « totale ». La première hypothèse est illustrée par la réduction et la seconde hypothèse, par l’exemption de peine, l’une et l’autre étant prévues par l’article 132-78 du Code pénal.

30Cette disposition, issue de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, bénéficie aux repentis [30].

31Le texte dispose que

32

« la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices.
Dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices.
Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables lorsque la personne a permis soit d’éviter la réalisation d’une infraction connexe de même nature que le crime ou le délit pour lequel elle était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction, d’éviter qu’elle ne produise un dommage ou d’en identifier les auteurs ou complices.
Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations émanant de personnes ayant fait l’objet des dispositions du présent article ».

33Les institutions de réduction et d’exemption de la peine encourue n’ont pas été créées par la loi de 2004 puisqu’elles étaient prévues pour certaines infractions dans la partie spéciale du Code pénal ou dans des lois extérieures, mais ce texte les a formalisées dans la partie générale du Code pénal consacrant ainsi une sorte de « principe général d’exemption et de réduction de peine » [31].

34Reste que cet objectif de limitation fixé par le législateur de la durée de la peine encourue est marginal par rapport au précédent. En effet, les possibilités prévues par le législateur pour assurer une limitation totale ou partielle du temps de la peine encourue, sont sans commune mesure avec les hypothèses très nombreuses et diverses quant à leur nature dans lesquelles il est au contraire possible d’envisager un allongement de cette durée. Aussi peut-on considérer pour cette raison que le législateur actuel s’oriente vers une augmentation du temps de la peine encourue et la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ayant créé de nouvelles circonstances aggravantes en atteste [32].

35Si le législateur détermine seul la durée de la peine encourue, le juge peut quant à lui influer dans une certaine mesure sur le temps de la peine au moment de son prononcé, dans un cadre déterminé par le législateur. Ainsi le temps de la peine prononcée diffère le plus souvent de celui de la peine encourue.

B – Le temps de la peine prononcée

36La détermination de la durée de la peine prononcée est également fixée selon une double logique : la première incite le juge à une diminution du temps de la peine prononcée par rapport à celle encourue (1) ; la seconde limite la possibilité offerte au juge de diminuer le temps de la peine prononcée (2).

1 – Une logique favorable à une diminution de la durée de la peine prononcée

37La diminution de la durée de la peine prononcée résulte d’une appréciation du juge. Mais elle peut également lui être imposée.

38Cette diminution de la durée de la peine prononcée est rendue possible par le jeu de la personnalisation des peines même s’il ne s’agit pas d’un objectif unique ou premier assigné à ce principe consacré à l’article 132-24 du Code pénal [33]. Il consiste pour la juridiction dans le prononcé de peines et dans la fixation de leur régime « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur » [34].

39Dans les limites fixées par la loi, le juge peut, en application de ce principe, faire le choix de ne pas condamner à une peine après s’être prononcé de manière positive sur la culpabilité de l’auteur, en décidant d’une dispense (art.132-59 et 132-59 C.pén.) ou d’un ajournement de la peine (art.132-60 C.pén.). Il peut au contraire choisir de prononcer une peine. Il en détermine les modes d’exécution particuliers éventuels que sont le sursis (art.132-29 et s. C.pén.), la semi-liberté (art.132-25 C.pén.), le placement à l’extérieur (art.132-26 C.pén.), le placement sous surveillance électronique (art.132-26-1 et s. C.pén.) ou encore le fractionnement (art.132-27 C.pén.). Il en détermine également la nature : ainsi, en vertu de l’alinéa 2nd de l’article 132-17 du Code pénal, « la juridiction peut ne prononcer que l’une des peines encourues pour l’infraction dont elle est saisie » et elle peut retenir une peine principale ou préférer une peine alternative, y adjoindre une peine complémentaire.

40Enfin, plus étroitement en relation avec l’objet de la présente étude, le juge peut décider librement du quantum de la peine qu’il prononce et notamment de sa durée quand celui-ci est évalué en unité de temps. Issu de la loi du 12 décembre 2005 précitée, l’alinéa 2ème de l’article 132-24 fait référence au quantum de la peine qui peut être modulé puisque « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Si le juge ne peut en effet prononcer une peine d’une durée supérieure à celle fixée par la loi en application du principe de légalité des peines comme la Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler [35], le temps de la peine prononcée peut être modulé par la juridiction de jugement comme l’y autorise les articles 132-18 et 132-19 du Code pénal. La première de ces dispositions prévoit dans son alinéa 1er que « lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, la juridiction peut prononcer une peine de réclusion criminelle ou de détention criminelle à temps, ou une peine d’emprisonnement (…) » et poursuit dans son alinéa 2nd « lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à temps, la juridiction peut prononcer une peine de réclusion criminelle ou de détention criminelle pour une durée inférieure à celle qui est encourue, ou une peine d’emprisonnement (…) ». En matière correctionnelle, l’article 132-19 du Code pénal dispose que « lorsqu’une infraction est punie d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue ».

41Outre l’application combinée des articles précités qui se fait en général à la faveur d’une diminution de la durée de la peine prononcée par rapport à celle de la peine encourue, le juge peut être contraint de prononcer une peine dans une limite inférieure à celle de la peine encourue.

42Une première illustration de cette hypothèse est fournie par l’excuse de minorité dont l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, récemment modifié à deux reprises, prévoit les modalités de sa mise en œuvre. Cette disposition indique en son alinéa 1er resté inchangé que « le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer à l’encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, ils ne peuvent prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle (…) ». Ce moyen d’atténuation de la peine prononcée bénéficie de plein droit aux mineurs de moins de seize ans.

43La seconde illustration de la diminution de la peine prononcée imposée au juge tient dans la confusion des peines de même nature résultant de l’article 132-3 du Code pénal. Ainsi, quand, à l’occasion d’une même procédure, la personne mise en cause est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée. Cependant, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, une seule peine de cette nature peut être prononcée et ce, dans la limite du maximum légal le plus élevé. Il ne peut donc y avoir de cumul de la durée des peines qui pourraient théoriquement être prononcées au-delà d’un certain plafond ce qui tend bien, dans une certaine mesure, à une réduction du temps de la peine prononcée.

44Mais à côté de cet objectif de diminution de la durée de la peine prononcée qui semble ressortir de certaines institutions, il est des cas où le législateur se montre réticent au contraire à une telle diminution.

2 – Une logique opposée à une diminution de la durée de la peine prononcée

45Cette opposition législative à la diminution possible de la durée de la peine prononcée se traduit de deux manières : d’une part, le législateur empêche parfois le juge de choisir une durée de peine inférieure à un certain quantum ; d’autre part, il exclut la possibilité pour le juge d’avoir recours à des mécanismes qui traditionnellement permettent cette diminution.

46Le législateur a ainsi fixé dans certains cas des minima en dessous desquels une peine d’enfermement ne pourra être prononcée.

47Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le juge ferait le choix de prononcer une peine d’emprisonnement lorsque l’infraction dont l’auteur est jugé coupable est punie d’une peine de réclusion ou de détention criminelle. Lorsque cette dernière est une peine criminelle à perpétuité, la peine d’emprisonnement prononcée ne peut être inférieure à deux ans (art.132-18 al.1er in fine C.pén.). Quand il s’agit d’une peine criminelle à temps, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement qui ne peut être inférieure à un an (art.132-18 al.2nd in fine C.pén.).

48Le législateur semble vouloir continuer dans cette voie puisque la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs [36], instaure un système de « peines planchers » supplémentaires en cas de condamnation intervenant dans le cadre d’une récidive. L’article 1er du texte insère un article 132-18-1 dans le Code pénal au sein d’une sous-section intitulée « Du prononcé des peines ». Cette nouvelle disposition prévoit que, pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils de cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention, de sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention, de dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention, de quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité. L’article 2ème de la loi nouvelle crée un article 132-19-1 du Code pénal qui dispose que, pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils d’un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement, de deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement, de trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement, de quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement. Cependant, par exception et sous certaines conditions qui varient selon que la condamnation est prononcée dans le cadre d’une première récidive ou d’une seconde récidive, le législateur a prévu la possibilité pour le juge de prononcer une peine dont la durée est inférieure à celle de la « peine minimale » [37].

49Par ailleurs, le législateur s’oppose à l’application d’institutions qui entraînent ipso facto une diminution de la durée de la peine prononcée.

50Le premier exemple concerne l’exclusion de l’excuse de minorité. Ainsi, le législateur semble vouloir s’orienter vers la disparition de l’excuse de minorité bénéficiant à la catégorie des mineurs délinquants âgés de plus de 16 ans sans pour autant franchir le pas. Avant la loi du 5 mars 2007, le bénéfice de l’excuse de minorité ne pouvait être écarté pour les mineurs de plus de seize ans qu’« à titre exceptionnel » par une décision spécialement motivée. Or, la diminution possible de la durée de la peine prononcée sous l’influence de l’excuse de minorité semble être menacée pour cette catégorie de mineurs. La loi du 5 mars 2007 précitée ne s’est pas engagée aussi loin mais a pourtant modifié la lettre de l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945. Ainsi, le bénéfice de l’excuse de minorité reste le principe mais la loi nouvelle fait disparaître la référence au caractère exceptionnel du défaut d’application de l’excuse de minorité. Dans sa version issue de la loi du 5 mars 2007, l’alinéa 2ème de l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945 prévoit que « toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peuvent décider qu’il n’y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale. Cette décision, prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l’état de récidive légale ».

51La loi du 10 août 2007 précitée remplace ce 2ème alinéa par de nouveaux alinéas qui multiplient les hypothèses dans le cadre desquelles l’application de l’excuse de minorité peut être écartée par la juridiction de jugement. Désormais en effet,

52

« (…) si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peut décider qu’il n’y a pas lieu de le faire bénéficier de l’atténuation de la peine prévue au premier alinéa dans les cas suivants : 1° Lorsque les circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur le justifient ; 2° Lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de récidive légale ; 3° Lorsqu’un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale.
Lorsqu’elle est prise par le tribunal pour enfants, la décision de ne pas faire bénéficier le mineur de l’atténuation de la peine doit être spécialement motivée, sauf pour les infractions mentionnées au 3° commises en état de récidive légale ».

53Cette exclusion demeure une simple possibilité pour la juridiction de jugement mais qui a perdu son caractère exceptionnel et qui, dans une hypothèse, n’a plus à être spécialement justifiée.

54Par ailleurs, la loi nouvelle exclut de manière plus catégorique le bénéfice de minorité dans un alinéa supplémentaire en précisant que « l’atténuation de la peine prévue au premier alinéa ne s’applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque les infractions mentionnées aux 2° et 3° ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, la cour d’assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée ». En effet, dans cette hypothèse, l’exclusion de l’excuse de minorité devient le principe et le bénéfice de cette excuse, l’exception.

55Le second exemple tient dans l’effet de la réitération consacrée par la loi du 12 décembre 2005 précitée. Si la réitération est retenue, les peines prononcées se cumulent avec celles qui avaient pu l’être auparavant sans possibilité de recourir à la confusion qui permettrait une limitation de la durée de la peine prononcée. Ce texte ajoute une nouvelle sous-section 3 intitulée « Des peines applicables en cas de réitération d’infractions ». Celle-ci contient un article 132-16-7 prévoyant dans deux alinéas qu’« il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale. Les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente ». Ce dispositif permet de contourner les conditions strictes de mise en œuvre de la récidive et d’augmenter au-delà du simple doublement la durée de la peine privative de liberté encourue, en raison du cumul possible sans possibilité de confusion [38].

56Enfin, le législateur prévoit encore d’autres institutions de nature à permettre une action sur le temps de la peine exécutée.

C – Le temps de la peine exécutée

57La double logique qui caractérise le temps de la peine exécutée, c’est-à-dire celle qui sera effectivement accomplie par la personne condamnée, est différente de celle qualifiant le temps des peines encourues et prononcées. La logique gouvernant le temps de la peine exécutée est soit une logique de préservation de la durée de la peine (1), soit une logique de neutralisation de la durée de la peine (2).

1 – Une logique de préservation de la durée de la peine exécutée

58La durée de la peine réalisée peut être préservée selon deux modalités distinctes : soit l’écoulement du temps de la peine exécutée est arrêté pendant un délai plus ou moins bref, soit l’écoulement du temps de la peine est sauvegardé pendant une période déterminée.

59Ainsi, sous certaines conditions, une parenthèse dans l’exécution de la peine pour diverses raisons et n’excédant pas trois ans peut être accordée sans pour autant réduire la durée de la peine exécutée. En effet, la peine sera entièrement accomplie à une date postérieure à celle qui était initialement prévue. Ce phénomène est le résultat du jeu de la suspension et du fractionnement de la peine.

60Le fractionnement de la peine est constitué par une succession en alternance de périodes d’exécution de la peine et de périodes de non-exécution. Ce mode d’exécution de la peine peut être décidé ab initio, c’est-à-dire par la juridiction qui prononce une peine d’emprisonnement [39], une peine d’amende ou d’autres types de peine [40]. Le fractionnement peut également être décidé en cours d’exécution de la peine sur le fondement de l’article 720-1 du Code pénal.

61Cette dernière disposition prévoit un autre moyen pour préserver l’écoulement de la peine qui est la suspension de peine dite de droit commun [41]. Par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé [42], la suspension de peine pour raison médicale a été inscrite à l’article 720-1-1 du Code pénal [43]. Sous certaines conditions prévues par le texte, précisées et appréciées strictement par la Chambre criminelle de la Cour de cassation [44], cette suspension spéciale peut bénéficier aux personnes condamnées atteintes d’une pathologie engageant un pronostic vital ou dont l’état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. Lorsque la personne condamnée bénéficie d’une suspension de peine, de quelque nature qu’elle soit, l’exécution de cette dernière est arrêtée jusqu’à ce que la cause qui a justifié le bénéfice de cette suspension disparaisse. L’écoulement du temps de la peine reprendra là où il s’était arrêté en cas de réincarcération.

62Dans ces deux hypothèses, la préservation du temps de la peine exécutée est discontinue. Elle peut être également ininterrompue.

63Ce résultat est obtenu lorsque la peine prononcée est assortie d’une période de sûreté. Cette mesure fige une partie de la durée de la peine exécutée. Cette modalité d’exécution de la peine est prévue à l’article 132-23 du Code pénal. Mécanisme réformé par le Code pénal, la période de sûreté permet de prononcer ce qu’il est commun d’appeler une « peine incompressible ». Ainsi pendant une période déterminée selon les modalités prévues par la disposition précitée et en fonction de la nature et de la durée de la peine encourue pour l’infraction commise, la personne condamnée ne pourra bénéficier d’aucune des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté ou la libération conditionnelle. Mais surtout, pour ce qui nous intéresse plus particulièrement, la durée d’exécution de la peine prononcée ne pourra être réduite en deçà de la durée de la période de sûreté puisque le dernier alinéa de l’article 132-23 du Code pénal dispose que « les réductions de peines accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette durée », nonobstant la décision du tribunal d’application des peines de mettre fin à la période de sûreté ou d’en réduire sa durée selon les conditions énoncées aux articles 720-4 et 720-5 du Code de procédure pénale.

64S’il est évident, au regard du principe de légalité, que la durée de la peine exécutée ne peut aller au-delà de celle encourue, le législateur tente d’assurer une application effective de la peine prononcée. Pour autant, une logique de neutralisation semble caractériser la durée de la peine exécutée marquant ainsi une contradiction avec la logique d’aggravation des peines encourues et prononcées qui est de plus en plus défendue par le législateur.

2 – Une logique de neutralisation de la durée de la peine exécutée

65Cette logique de neutralisation de la durée de la peine exécutée est illustrée par la dispense d’exécution de la peine prononcée, par l’arrêt ou l’empêchement d’exécution de la peine, par la limitation de la durée de la peine exécutée et, enfin, la diminution de la peine exécutée.

66La dispense d’exécution de la peine prononcée ne doit pas être confondue avec la dispense de prononcé de la peine de l’article 132-59 du Code pénal.

67Cette dispense d’exécution de la peine peut jouer ab initio, c’est-à-dire au moment où le juge se prononce sur la nature et le quantum de la peine en décidant que cette peine sera assortie d’un sursis en tout ou partie. L’article 132-29 du Code pénal dispose en effet que « la juridiction qui prononce une peine, peut, dans les cas et selon les conditions prévues ci-après, ordonner qu’il sera sursis à son exécution ». Ainsi, la durée de la peine est neutralisée en ce sens que la peine ne commence pas à être exécutée.

68Cette dispense d’exécution de la peine peut intervenir postérieurement au jugement ayant prononcé la peine et au cours de son exécution. C’est alors la durée de la peine restant à exécuter qui est ainsi neutralisée. Il s’agit du seul effet expressément assigné à la grâce aux termes de l’article 133-7 du Code pénal qui précise que « la grâce emporte seulement dispense d’exécution de la peine ».

69Par ailleurs, les personnes condamnées de plein droit ou à titre de peine complémentaire à une interdiction, déchéance ou incapacité ou à une mesure de publication quelconque peuvent demander à bénéficier de leur relèvement selon les conditions et les modalités des articles 702-1 et 703 du Code de procédure pénale, l’article 132-21 du Code pénal précisant que le relèvement peut avoir pour objet en tout ou partie la mesure, « y compris en ce qui concerne sa durée ».

70Outre la dispense d’exécution de la peine prononcée, l’arrêt ou l’empêchement d’exécution de cette peine est une autre illustration de la neutralisation du temps de la peine exécutée. Selon l’alinéa 1er de l’article 133-1 du Code pénal, l’arrêt ou l’empêchement de cette exécution est la conséquence commune du décès ou de la dissolution de la personne morale, sauf si elle est prononcée par une juridiction pénale, et de l’amnistie. Cet empêchement est également la conséquence de la prescription de la peine [45]. En effet, l’alinéa 2ème de la même disposition précise que la prescription de la peine, c’est-à-dire l’écoulement d’un certain délai depuis le prononcé de la peine, empêche l’exécution de celle-ci. De manière indirecte, ces institutions contribuent donc également à une neutralisation du temps de la peine prononcée.

71Par ailleurs, la neutralisation de la durée de la peine peut se faire dans le sens d’une limitation par application de l’article 132-4 du Code pénal. Quand, dans le cadre de procédures séparées, la personne mise en cause a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé, sauf dans le cas d’une réponse favorable donnée par le juge concernant une demande de confusion des peines à exécuter.

72Enfin, cette neutralisation peut consister en une réduction de la peine à exécuter. Tout comme il existe un système de réduction de la peine encourue, le législateur a également prévu une réduction de la peine à exécuter, dispositif qui a été réformé par la loi du 9 mars 2004 déjà citée. Les crédits de peines accordées dans le cadre de ce système sont calculés « sur la durée de la condamnation prononcée » [46]. En ce qui concerne la réduction de peine ordinaire, la philosophie de cette institution semble avoir changé avec la loi de 2004. Alors qu’auparavant le système apparaissait comme un moyen de récompenser la bonne conduite du condamné, il apparaît aujourd’hui comme un moyen de sanction pour mauvaise conduite. Actuellement, il est octroyé à chaque condamné un crédit de réduction de peine qui est calculé dès le départ de la détention, ce qui simplifie les calculs fastidieux de réduction de peines qui auparavant étaient réalisés chaque année. Ce crédit peut être amputé selon les modalités prévues par la loi en cas de mauvaise conduite au sein de l’établissement pénitentiaire ou de commission de nouvelles infractions. A côté de la réduction de peine de droit commun prévue à l’article 721 du Code de procédure pénale, une réduction de peine supplémentaire est prévue par l’article 721-1 et celle-ci est restée fidèle à la philosophie antérieure fondée sur un système de récompense (en raison de réussite à examen universitaire, scolaire ou professionnel par exemple). Enfin, une réduction de peine exceptionnelle est prévue pour les repentis à l’article 721-3 issu de la loi du 9 mars 2004 qui ont par leur déclaration aux autorités administratives ou judiciaires permis d’empêcher ou de faire cesser une des infractions listées à l’article 706-73 du Code de procédure pénale.

73Outre l’étude de sa durée, la peine peut être envisagée de manière différente dans ses relations au « temps ». Il est en effet possible de la situer dans le temps indépendamment de toute référence à sa durée. Il s’agit alors de réfléchir à l’empreinte que la peine prononcée ou exécutée peut laisser dans le temps.

II – La peine dans le temps

74S’interroger sur la manière dont le droit appréhende la trace de la peine dans le temps renvoie à l’étude des institutions du droit pénal et de la procédure pénale qui organisent soit la « survie », soit la « disparition » de la peine dans le temps. Un double mouvement définit ainsi « la peine dans le temps ». Le législateur et le juge participent ensemble, d’une part, à la mémoire (A) et, d’autre part, à l’oubli (B) de la peine dans le temps [47].

A – La mémoire de la peine

75Le terme « mémoire » revêt diverses significations mais rapproché du mot « peine », il illustre le souvenir de la peine, c’est-à-dire l’enregistrement et le rappel de la peine.

76Aussi certaines institutions ou outils organisent-ils cette conservation de la trace de la peine dans le temps. La mémoire de la peine peut être étudiée au regard tant de ses fonctions (1) que de ses modalités (2).

1 – Les fonctions de la mémoire de la peine

77La mémoire de la peine se présente tour à tour comme une condition, l’objet ou encore l’effet de certaines institutions intéressant la peine.

78Tout d’abord, la mémoire de la peine est une condition nécessaire pour la détermination de l’état de récidive. En effet, pour retenir la récidive, le juge doit constater une condamnation précédente. La mémoire est illimitée ou limitée en fonction de la gravité du second terme de la récidive, c’est-à-dire en fonction de la seconde infraction commise. Lorsque le crime commis fait suite à une condamnation précédente pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, la mémoire de la peine est illimitée puisque aucun délai entre la condamnation définitive de la précédente infraction commise et la date de commission de la seconde infraction, n’est requis (art.132-8 C.pén.). Cette mémoire peut être cependant limitée lorsque la loi impose, pour retenir l’état de récidive, un certain délai séparant la date de l’expiration ou de la prescription de la première peine et celle de la commission de la seconde infraction (art.132-9 et 132-10 C.pén.) ; en effet, au-delà de ce délai, la récidive ne peut jouer. Cependant, dans cette dernière hypothèse, un retour à une mémoire illimitée peut être opéré par le jeu de la réitération consacrée par la loi du 12 décembre 2005 précitée. La réitération existe « (…) lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale (…) » [48], notamment, peut-on penser, en ce qui concerne la condition relative au délai séparant les deux termes de la récidive légale et exigée aux termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

79La mémoire de la peine est également l’objet même des fichiers qui conservent le souvenir, notamment mais pas seulement des condamnations, et a fortiori des peines prononcées. Il en va ainsi du casier judiciaire national automatisé régi par les articles 768 et suivants du Code de procédure pénale. Ce fichier a vocation à mémoriser les peines prononcées et, au-delà, les condamnations et décisions d’aménagement des peines (art.769 C.proc.pén.) concernant à la fois les personnes physiques et les personnes morales. Ces informations figurent sur des fiches et les relevés de ces fiches prennent le nom de bulletins. Ces bulletins traduisent une mémoire plus ou moins sélective notamment des peines inscrites. En effet, le relevé intégral des fiches est appelé bulletin n°1 (art.774 C.proc.pén.). Le bulletin n°2 est constitué du relevé des fiches du précédant à l’exclusion de celles concernant les décisions énumérées à l’article 775 du Code de procédure pénale. Le bulletin n°3 est le relevé des condamnations énumérées à l’article 777 du même Code prononcées pour crime ou délit dès lors qu’elles ne sont pas exclues du bulletin n°2. Par ailleurs, le sommier de police technique tenu par le ministre de l’intérieur participe également à la conservation du souvenir de la peine. Il reçoit en effet copie de chaque fiche du casier judiciaire constatant une condamnation à une peine privative de liberté pour crime ou délit [49].

80Enfin, la mémoire de la peine est une conséquence, un effet attaché à l’imprescriptibilité de la peine. Une hypothèse unique figure dans le Code pénal à l’article 213-5 [50] qui dispose que « l’action publique relative aux crimes prévus par le présent titre, ainsi que les peines prononcées, sont imprescriptibles ». En matière de crimes contre l’humanité, quelle que soit la date à laquelle une peine a été prononcée, elle pourra toujours recevoir exécution : c’est donc que sa mémoire est conservée.

81Comment s’organise à présent la mémoire de la peine en droit français ? La réponse est donnée par l’étude de ses modalités.

2 – Les modalités de la mémoire de la peine

82La mémoire de la peine s’organise de deux façons : elle est soit permanente, soit temporaire.

83La permanence du souvenir attaché à la peine se fonde sur ce que l’on appelle le « devoir de mémoire » des infractions les plus graves que connaît notre Droit : les crimes contre l’humanité. L’article 213-5 du Code pénal précité fait écho à l’article unique de la loi n°64-1326 du 26 décembre 1964 qui dispose que « les crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par la résolution des Nations Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l’humanité, telle qu’elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945, sont imprescriptibles par leur nature ». La Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser, avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, que « le principe d’imprescriptibilité (…) régit en tous leurs aspects, la poursuite et la répression des crimes contre l’humanité » [51]. La notion d’« imprescriptibilité de la peine » renferme en elle-même cette idée de permanence de la mémoire de la peine prononcée.

84Mais dans la plupart des cas, la mémoire de la peine n’est que temporaire. Après un certain délai ou même immédiatement après le prononcé de la peine, sous l’influence d’institutions particulières, la mémoire de celle-ci est annihilée [52]. Cependant, pour des infractions particulièrement graves, le souvenir de la peine, sans être éternel, peut être prolongé. Ainsi, par exemple aux termes du 3ème alinéa de l’article 775-1 du Code de procédure pénale issu de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, les personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle commises à l’égard de mineurs ne peuvent pas demander l’exclusion de la mention de leur condamnation du bulletin n°2 du casier judiciaire.

85La mémoire de la peine n’est donc en règle générale que temporaire et laisse ainsi le plus souvent la place à l’oubli de la peine dans le temps.

B – L’oubli de la peine

86L’« oubli en droit pénal » est un thème apprécié de la doctrine [53] et l’une de ses expressions est l’oubli de la peine.

87Cette seconde logique trouve notamment ses fondements dans l’idée de pardon religieux [54]. En outre, le temps faisant son œuvre, le trouble à l’ordre public diminue et dès lors, la marque de la peine ne se justifie plus. Le caractère infamant que peut avoir la mémoire de la peine s’accorde mal avec l’idée de resocialisation qui est une des fonctions désormais ancienne de la peine.

88Aussi à l’opposé du souvenir que peut susciter la peine, le législateur et le juge œuvrent-ils en faveur de la disparition de la trace laissée par la peine dans le temps. L’oubli de la peine prononcée ou exécutée peut être étudié au regard de ses moyens et de sa protection (1). Il sera également envisagé, tout comme la mémoire de la peine, dans ses modalités (2).

1 – Les moyens et la protection de l’oubli de la peine

89Les moyens favorisant l’oubli de la peine prononcée ou exécutée sont fort variés.

90La prescription de la peine propose un oubli implicite de la peine. En effet, selon la nature de l’infraction pénale considérée, le délai de prescription de la peine varie : elle est, à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive, de vingt années révolues pour les peines prononcées pour un crime, de cinq années révolues pour les peines prononcées pour un délit et de deux années révolues pour les peines contraventionnelles [55]. Passé ce délai variable en fonction de la gravité de l’infraction, la peine prononcée ne peut plus recevoir exécution. Même si la prescription de la peine vaut exécution de celle-ci [56], cette institution procède d’une sorte d’oubli relatif à la peine prononcée. Il convient de noter que le législateur a récemment entendu repousser l’intervention de l’oubli de la peine contraventionnelle prononcée en ramenant à deux ans au lieu de trois son délai de prescription [57]. Par ailleurs, dans la même perspective, le législateur prévoit des délais de prescriptions de la peine dérogatoires au droit commun : en effet, par exemple, le délai de prescription de la peine prononcée pour la condamnation d’actes terroristes est de 30 ans ou 20 ans selon que l’infraction appelant la condamnation est un crime ou un délit [58].

91Outre sa faculté d’empêcher ou d’arrêter l’exécution de la peine [59], « l’amnistie efface les condamnations prononcées » et donc les peines prononcées, tel qu’il résulte de la lecture de l’article 133-9 alinéa 1er du Code pénal. Elle est prévue par une loi qui doit être interprétée strictement en raison de son caractère d’exception [60]. Cette loi détermine le champ et les modalités d’application de l’amnistie. Celle-ci efface également le délit et arrête les poursuites à partir du jour de sa promulgation [61] qu’il s’agisse d’une amnistie réelle ou personnelle. En ce cas, il est possible de considérer que l’oubli de la peine généré notamment par l’amnistie est explicite puisqu’il ressort du terme « effacement » [62] utilisé par le législateur.

92La même remarque vaut pour la réhabilitation qui peut être demandée par « toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle (…) » [63]. Comme le précise l’article 133-12 du Code pénal, la réhabilitation peut s’opérer de plein droit ou être judiciaire. Dans les deux cas, elle a pour conséquence d’effacer la condamnation et donc la peine prononcée [64] comme le mentionne l’article 133-1 alinéa 3ème du Code pénal. Outre son effet sur la condamnation, la réhabilitation entraîne également effacement de toutes les incapacités et déchéances résultant de la condamnation [65]. Elle permet à la personne condamnée de se trouver dans la situation juridique antérieure à la condamnation. La réhabilitation évoque l’idée de pardon pour bonne conduite. Cette institution a été créée par le Code pénal de 1791. A cette époque, le président du tribunal prononçait ces mots : « sur l’attestation et la demande de votre pays, la loi et le tribunal effacent la tache de votre crime » [66]. En réalité de nos jours, l’existence d’une bonne conduite résulte de l’absence de nouvelles condamnations. L’oubli suscité par la réhabilitation est également expressément visé dans le texte.

93Par ailleurs, certaines modifications apportées au casier judiciaire ou encore au sommier de police technique favorisent l’oubli de la peine prononcée ou exécutée. Certaines de ces modifications participent efficacement à cet oubli. Tel est le cas du retrait par exemple du casier judiciaire des fiches relatives à des condamnations effacées par amnistie, ou encore des fiches relatives à des condamnations prononcées depuis plus de quarante ans et qui n’ont pas été suivies d’une nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle [67]. Cessent également de figurer au sommier de police technique les fiches comportant des condamnations effacées par amnistie ou réhabilitation [68]. D’autres modifications du casier judiciaire n’engendrent qu’un oubli partiel de la peine. En effet, certes, la demande d’exclusion, formulée ab initio ou a posteriori, de la mention de condamnation du bulletin n°2 ou du bulletin n°3, empêche que l’indication de la condamnation ne soit portée sur ces bulletins ou efface une telle mention mais pour autant une trace de la condamnation, et donc parfois de la peine, est maintenue dans le bulletin n°1.

94Le législateur semble veiller à l’oubli de la peine dont peut bénéficier une personne condamnée puisqu’en matière d’amnistie et de réhabilitation, il prévoit dans une certaine mesure une protection en interdisant le rappel des condamnations amnistiées en vertu de l’article 133-11 du Code pénal [69]. Il en va également ainsi de la réhabilitation tel que le mentionne l’article 133-15 par renvoi à l’article 133-11 du Code pénal. Reprenant sa jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que si le Code pénal « ne prévoit pas la nullité de l’acte contenant la mention prohibée, cette nullité doit cependant être prononcée lorsqu’il résulte des motifs d’une décision que la prise en considération de la condamnation effacée a influé sur l’appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie » [70]. Toutefois, cette protection de l’oubli de la peine semble être quelque peu hypothéquée par le législateur lui-même qui, par une des dispositions de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, a ajouté un alinéa supplémentaire à l’article 133-16 du Code pénal disposant que « la réhabilitation n’interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l’application des règles sur la récidive légale »…

95Tout comme la mémoire de la peine, l’oubli de celle-ci s’organise selon des modalités particulières.

2 – Les modalités de l’oubli de la peine

96Les modalités de l’oubli de la peine sont à la fois de nature légale et judiciaire. En effet, soit l’oubli est favorisé par la simple réunion de conditions posées par un texte, soit il procède d’une appréciation du juge. Dans le premier cas, le bénéfice de l’oubli de la peine est automatique, dans le second cas, il n’est qu’éventuel [71].

97L’oubli légal de la peine est celui qui est acquis de plein droit lorsque sont remplies les conditions posées par le législateur pour la mise en œuvre des institutions qui y participent.

98Ainsi, en matière de prescription de la peine, l’oubli de la peine intervient à partir du moment où l’écoulement d’un délai plus ou moins long prévu par la loi et fonction de la gravité de l’infraction est écoulé.

99L’oubli légal de la peine découle également de l’effacement de la condamnation qu’il soit la conséquence d’une réhabilitation de plein droit ou d’une amnistie. La différence tient notamment dans la nécessité ou non de respecter l’écoulement d’un certain délai. En ce qui concerne la réhabilitation de plein droit, elle ne pourra intervenir que lorsqu’il se sera écoulé depuis l’exécution, l’expiration ou la prescription de la peine attachée à la dernière condamnation, un délai pouvant varier de trois à dix ans selon les cas, sans qu’aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle ne soit intervenue pendant ce délai [72]. Quant à l’amnistie, elle produit ses effets dès la promulgation de la loi sans condition de délai. Il convient cependant de remarquer que le législateur actuel paraît vouloir retarder l’oubli de la peine favorisé par le recours à la réhabilitation de plein droit en doublant les délais pour que la personne condamnée puisse en bénéficier, en cas de condamnation pour des faits commis en état de récidive légale [73].

100L’oubli légal de la peine est encore réalisé par le retrait de fiches du casier judiciaire notamment. De manière automatique, sont retirées du casier judiciaire les fiches mentionnant par exemple une condamnation intervenue depuis plus de quarante ans, dans la mesure où aucune autre condamnation criminelle ou délictuelle n’est intervenue depuis lors, les condamnations pour contraventions à l’expiration d’un délai de trois ou de quatre ans lorsqu’il s’agit d’une contravention dont la récidive constitue un délit [74], les fiches relatives à des condamnations effacées par le jeu de l’amnistie [75]. En revanche, une modification qui n’est pas anodine est intervenue avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Elle concerne le sort réservé aux condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation de plein droit ou judiciaire. Avant cette loi, étaient automatiquement retirées du casier judiciaire les fiches relatives à des condamnations effacées par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire, tout comme celles relatives aux condamnations effacées par amnistie. Dorénavant, il est fait mention sur les fiches du casier judiciaire des réhabilitations [76]. Il s’agit d’un retour en arrière puisqu’une telle disposition avait été abrogée par la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992. Le retrait du casier judiciaire ou l’absence de mention au bulletin n°1 ne pourra dès lors se faire que par l’intervention du juge. Dans ce cas, l’alinéa 3ème de l’article 133-1 du Code pénal précisant que « la réhabilitation efface la condamnation » semble perdre une partie de son sens.

101L’oubli de la peine peut également être judiciaire lorsque son bénéfice dépend de l’appréciation du juge. Il a lieu par l’entremise de la réhabilitation judiciaire et par l’exclusion ou le retrait du casier judiciaire. Dans les deux cas, le juge apprécie l’opportunité des demandes qui en sont l’objet et, par voie de conséquence, l’opportunité de l’oubli de la peine qui leur est attaché. Cependant, alors que des délais sont en général à respecter pour présenter une requête en vue d’une réhabilitation judiciaire, la demande d’exclusion ou de retrait des bulletins n°2 ou n°3 du casier judiciaire n’est soumise à aucun délai.

102En ce qui concerne la réhabilitation judiciaire, la demande ne peut être formée que dans un délai de cinq ans, trois ans ou un an après la condamnation respectivement à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle [77]. Dans l’hypothèse d’une condamnation en état de récidive, les délais sont augmentés dans les termes de l’article 787 du Code de procédure pénale. Cependant, ces divers délais sont écartés si, depuis l’infraction, la personne condamnée a rendu des services éminents à la France [78]. La Chambre de l’instruction statue sur la requête après avoir apprécié les éléments apportés à l’appui de la demande.

103Quant à l’exclusion de la mention de condamnation du casier judiciaire, elle peut être sollicitée, sauf s’il s’agit d’une condamnation pour une infraction de nature sexuelle commise à l’encontre d’un mineur, au moment où le jugement est rendu ou après qu’il l’a été comme le précise l’article 775-1 du Code de procédure pénale et ce, devant la juridiction qui prononce ou qui a prononcé la condamnation.

104En ce qui concerne les condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation, leur retrait du casier judiciaire découle depuis la loi du 5 mars 2007 d’une décision du juge. En effet, l’article 769 du Code de procédure pénale comprend un 8° nouveau qui dispose que la fiche mentionnant une condamnation ayant fait l’objet d’une réhabilitation judiciaire est retirée « lorsque la juridiction a expressément ordonné la suppression de la condamnation du casier judiciaire ». En cas de réhabilitation de plein droit et, alors que le retrait du casier judiciaire de la fiche mentionnant la condamnation qui en faisait l’objet était auparavant automatique, la loi du 5 mars 2007 prévoit une procédure de demande en ce sens aux termes du nouvel article 798-1 du Code de procédure pénale disposant que la personne condamnée peut demander que « la chambre de l’instruction ordonne que cette condamnation soit retirée du casier judiciaire et ne soit plus mentionnée au bulletin n° 1 ». Le passage d’un retrait automatique à un retrait soumis à l’appréciation du juge n’est-il pas le signe d’une certaine réticence à l’oubli de la peine ?

105Cette étude relative aux liens unissant la peine et le temps est sans doute incomplète. Nous aurions ainsi pu nous intéresser également au temps qui s’écoule entre la date du prononcé de la condamnation et celle du début d’exécution de la peine, quand à cet égard l’alinéa 1er de l’article 707 du Code de procédure pénale consacrant quelques principes directeurs de l’application des peines, impose que les peines prononcées soient « mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais ». Nous aurions encore pu envisager le temps de la peine accomplie et celui de la peine restant à subir puisque la part de l’un par rapport à l’autre constitue une des conditions permettant l’octroi de mesures d’aménagement de la peine exécutée, comme la libération conditionnelle [79].

106Cette étude n’a en fait d’autre ambition que celle, très modeste, de montrer à quel point et de quelle manière le législateur est impliqué dans les relations qu’entretiennent la peine et le temps. Il organise une gestion de la durée de la peine en fonction le plus souvent d’une politique pénitentiaire plus ou moins répressive et, parallèlement, il gère également l’ancrage plus ou moins important de la peine dans le temps.

107A la lecture des lois les plus récentes et depuis sans doute celle du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un mouvement législatif répressif semble se dessiner dans la gestion des relations entre la peine et le temps : le législateur multiplie les marques d’une certaine réserve à l’endroit de l’oubli de la peine s’accommodant mal avec l’objectif affiché de resocialisation. Dans le même temps, il œuvre en faveur d’une augmentation de la durée de la peine encourue et prononcée, expression d’un « populisme pénal » [80] que de nombreux praticiens et intervenants au procès pénal regrettent, pour les moins virulents, ou condamnent, pour les plus critiques.

Notes

  • [1]
    Art.58 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JO du 7 mars 2007, p.4297.
  • [2]
    Art.495-7 et s. C.proc.pén. issus de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
  • [3]
    La gestion du temps dans le procès pénal fut le thème central d’un rapport au Garde des Sceaux : Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, Paris : La Documentation Française, 2004, 211 p.
  • [4]
    Pierrette PONCELA, Droit de la peine, Paris : PUF, Coll.Thémis, 2001, 2ème éd., p.39.
  • [5]
    Maurice PATIN, « La place des mesures de sûreté dans le droit pénal positif moderne », RSC, 1948, p.415 et s. ; Robert SCHMELCK, « La distinction entre la peine et la mesure de sûreté », p.179-197 in La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Mélanges Patin, Paris : Cujas, 1965, 772 p.
  • [6]
    Haritini MATSOPOULOU, « Le renouveau des mesures de sûreté », D., 2007, Chron., p.1607 et s.
  • [7]
    JO du 13 décembre 2005, p.19152.
  • [8]
    Art.44-1 C.proc.pén.
  • [9]
    Pierrette PONCELA, « La logique modale de la peine dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », p.369 in Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal ?, sous la direction de Y. CARTUYVELS, H. DUMONT, F. OST, M. VAN de KERCHOVE, S. VAN DROOGHENBROECK, Bruxelles : Facultés universitaires de Saint-Louis, 2007.
  • [10]
    Peine délictuelle consistant en une somme versée au Trésor public dont le montant global est fixé par la juridiction de jugement à une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours (1000 € par jour maximum dans la limite de 360 jours).
  • [11]
    Georges VERMELLE, « Le maximum et le minimum », p.353 et s. in La sanction du droit, Mélanges offerts à Pierre COUVRAT, Paris : P.U.F., 2001, 259 p.
  • [12]
    Pour un exemple d’exception, cf. infra.
  • [13]
    Cf. sur ce point : Anne PONSEILLE, « La faute caractérisée », RSC, 2003, p.79 et s.
  • [14]
    Art.132-75 C.pén.
  • [15]
    Art.132-73 C.pén. ; art.132-73 C.pén.
  • [16]
    Art.132-79 C.pén.
  • [17]
    Art.132-71-1 C.pén.
  • [18]
    Lorsque les violences ont entraîné une ITT inférieure à huit jours ou n’ont entraîné aucune ITT, la peine est contraventionnelle, sauf dans l’hypothèse d’une des circonstances aggravantes énoncées à l’article 222-13 du Code pénal. Dans ce cas, une peine d’emprisonnement de trois ans est encourue à côté de l’amende.
  • [19]
    Cf. Anne PONSEILLE, L’infraction de prévention en droit pénal français, Th.Montpellier, 2001.
  • [20]
    Anne PONSEILLE, « L’incrimination du mandat criminel ou l’article 221-5-1 du code pénal issu de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 », Dr.pén., 2004, Chron.n°10.
  • [21]
    Jean-Philippe GUEDON, « Le maquis juridique de la répression des incendies de forêts », Dr.pén., 2004, Chron.n°11.
  • [22]
    JO du 11 août 2007, p.13466.
  • [23]
    Depuis la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002, en matière de vol commis par majeur assisté ou aidé d’un mineur de plus de 13 ans, la peine d’emprisonnement encourue est de 7 ans ; elle est de 10 ans quand le mineur a moins de treize ans : art.311-4-1 C.pén.
  • [24]
    Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple et commises contre les mineurs, JO du 5 avril 2006, p.5097.
  • [25]
    La loi n°2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a ainsi inséré dans le Code pénal les articles art.221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1.
  • [26]
    Art.54 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance le mode opératoire particulier de certaines infractions, JO du 7 mars 2007, p.4297.
  • [27]
    Le Code pénal dans sa partie spéciale énumère les cas de vulnérabilité de la victime fondés sur son âge, une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, un état de grossesse.
  • [28]
    L’article 221-4-4° du Code pénal prévoit par exemple une aggravation des sanctions pour meurtre quand celui-ci est perpétré par exemple contre « un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel (…) ».
  • [29]
    Art.1er de la loi n°2006-1294 du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres, JO du 24 octobre 2006, p.15713.
  • [30]
    Alexis MIHMAN, « Exemption et réduction de peines pour les repentis : apports de la loi du 9 mars 2004 dite loi « Perben II » », Dr.pén., 2005, Chron. n°1, p.6 et s.
  • [31]
    Ibid, p.7.
  • [32]
    Le guet-apens (art.132-71-1 C.pén.) et l’état d’ivresse manifeste ou l’emprise manifeste de produits stupéfiants (art.54 de la loi).
  • [33]
    Théodore PAPATHEODOROU, « La personnalisation des peines dans le nouveau code pénal français », RSC, 1997, p.15 et s.
  • [34]
    Les juridictions de l’application des peines participent également à la personnalisation des peines en cours d’exécution aux termes de l’article 707 du Code de procédure pénale.
  • [35]
    Crim., 20 juin 2006, D., 2006, IR, p.2211.
  • [36]
    JO, 11 août 2007, p.13466.
  • [37]
    Art.132-18-1 al.2ème et 3ème C.pén. ; art.132-18-2 al.3ème et 5ème C.pén.
  • [38]
    Audrey DARSONVILLE, « La réitération, ou de la consécration légale d’une notion hybride », D., 2006, Point de vue, p.2116 et s.
  • [39]
    Art.132-27 C.pén. : « En matière correctionnelle, la juridiction peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social, décider que l’emprisonnement prononcé pour une durée d’un an au plus sera, pendant une période n’excédant pas trois ans, exécuté par fractions, aucune d’entre elles ne pouvant être inférieure à deux jours ».
  • [40]
    Art.132-28 C.pén. : « En matière correctionnelle ou contraventionnelle, la juridiction peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social, décider que la peine d’amende sera, pendant une période n’excédant pas trois ans, exécutée par fractions. Il en est de même pour les personnes physiques condamnées à la peine de jour-amende ou à la peine de suspension du permis de conduire ; le fractionnement de la peine de suspension de permis de conduire n’est toutefois pas possible en cas de délits ou de contraventions pour lesquels la loi ou le règlement prévoit que cette peine ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ».
  • [41]
    Art.720-1 al.1er C.pén. : « En matière correctionnelle, lorsqu’il reste à subir par la personne condamnée une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, cette peine peut, pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social et pendant une période n’excédant pas trois ans, être suspendue ou exécutée par fractions, aucune de ces fractions ne pouvant être inférieure à deux jours. La décision est prise par le juge de l’application des peines dans les conditions prévues par l’article 712-6. Ce juge peut décider de soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal ».
  • [42]
    JO du 5 mars 2002, p.4118.
  • [43]
    Art.720-1-1 al.1er C.pén. : « Sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux ».
  • [44]
    Pour un rappel de la jurisprudence, cf. notamment Anne PONSEILLE, « Etendue du champ d’application de la suspension de la peine pour raisons médicales de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale : Cass.crim., 21 février 2007, pourvoi n°06-85595 », Rev. Droit & Santé, 2007, n°18, p.536 et s.
  • [45]
    Cf. infra.
  • [46]
    Art.721 C.proc.pén.
  • [47]
    Cette présentation est empruntée à Pierrette PONCELA in Droit de la peine, op.cit., p.424 et s.
  • [48]
    Article 132-16-7 C.pén.
  • [49]
    Art.773-1 C.proc.pén.
  • [50]
    Exception au principe de prescription des peines criminelles posé à l’article 133-2 C.pén.
  • [51]
    Crim., 3 juin 1988, Bull.crim., n°246.
  • [52]
    Cf. infra.
  • [53]
    Haritini MATSOPOULOU, « L’oubli en droit pénal », p.771 et s. in Les droits et le Droit, Mélanges dédiés à Bernard BOULOC, Paris : Dalloz, 2007, 1195 p.
  • [54]
    B. VAREILLE, « Le pardon du juge répressif », RSC, 1988, p.676 et s.
  • [55]
    Art.133-2, 133-3 et 133-4 C.pén.
  • [56]
    Crim., 4 décembre 1958, Bull.crim., n°724.
  • [57]
    Modification issue de la loi n°2002-1576 du 30 décembre 2002.
  • [58]
    706-25-1 C.proc.pén.
  • [59]
    Art.133-1 al.1er C.pén.
  • [60]
    Crim., 14 avril 1932, Bull.crim., n°104.
  • [61]
    Crim., 21 avril 1932, Bull.crim., n°110.
  • [62]
    M.C. Desdevises, « L’effacement des condamnations », APC, 1990, vol.12, p.123 et s.
  • [63]
    Art.782 C.proc.pén.
  • [64]
    Art.133-1 al.3ème C.pén. : « La réhabilitation efface la condamnation » ; art.783 C.proc.pén.
  • [65]
    Art.133-16 al.1er C.pén.
  • [66]
    Cité par Pierrette PONCELA, Droit de la peine, op.cit, p.434-435.
  • [67]
    Art.769 al.2ème C.proc.pén.
  • [68]
    Art.773-1 al.2nd C.proc.pén.
  • [69]
    « Il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie ne met pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée à titre de réparation. »
  • [70]
    Crim., 8 novembre 1995, Bull.crim., n°343.
  • [71]
    Séverine LEGER-GRESSOT, L’oubli en droit pénal, Th. Montpellier, 2000, p.27 et s. et p.115 et s.
  • [72]
    Art.133-13 et 133-14 C.pén.
  • [73]
    L’article 43-I de la loi de 2007 ajoute un alinéa à l’article 133-13 du Code pénal ainsi rédigé : « les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale ».
  • [74]
    Art.769 al.3ème C.proc.pén.
  • [75]
    Art.769 al.2ème C.proc.pén.
  • [76]
    Art.43-II-2° et 3° de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 modifiant les alinéas 1er et 2ème de l’article 769 du Code de procédure pénale.
  • [77]
    Art.786 C.proc.pén. ; il existe des délais différents lorsque la personne condamnée est une personne morale aux termes de l’article 798-1 du Code de procédure pénale.
  • [78]
    Art.789 C.proc.pén.
  • [79]
    Art.729 C.proc.pén.
  • [80]
    Denis SALAS, La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Paris : Hachette, 2005, 287 p.
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