Couverture de APC_023

Article de revue

Entre social et judiciaire : quelle place pour le travail social de milieu ouvert ?

Pages 71 à 91

Notes

  • [1]
    Antoinette Chauvenet et Françoise Orlic, CEMS/EHESS-CNRS, Christian Mouhanna, CSO-CNRS, Catherine Gorgeon, Acadie.
  • [2]
    Les SPIP regroupent, depuis la réforme de 1999, les comités de probation et d’aide aux libérés (CPAL) et les services sociaux des établissements pénitentiaires. Notre recherche ayant été réalisée avant la mise en œuvre définitive de la réforme, nous employons encore dans cet article l’appellation CPAL alors même que ceux-ci ont actuellement disparu.
  • [3]
    Judith Rumgay, « Talking tough : empty threats in probation practice », The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 28, n° 3, Aug. 1989, p. 177-186.
  • [4]
    Cf. A. Kensey, Détenus en nombre, Concepts & Méthodes, Ministère de la Justice, N° 20, mars 1998.
  • [5]
    P. Tournier, « Analyse conjoncturelle de la population détenue », Cahiers de démographie pénitentiaire, 03, mai 1997.
  • [6]
    Les chiffres-clés de la Justice, Ministère de la Justice, octobre 1999.
  • [7]
    Les chiffres-clés de la Justice, Ministère de la Justice, décembre 2000.
  • [8]
    Cf. notamment la littérature produite par le Conseil de l’Europe sur ce sujet.
  • [9]
    S. Cohen, « The Punitive City : Notes on the Dispersal of Social Control », Contemporary Crises, Vol 3, n° 4, pp. 339-364, 1979.
  • [10]
    Cf. par exemple le sous-titre évocateur de l’ouvrage collectif : Travail d’intérêt général et médiation pénale, socialisation du pénal ou pénalisation du social ? Ph. Mary (éd.), Bruylant, Bruxelles 1997, ou de l’article de L. Wacquant, « De l’Etat charitable à l’Etat pénal, notes sur le traitement politique de la misère en Amérique », Regards sociologiques, 1996, 11, pp. 30-38 ou plus récemment du même auteur.
  • [11]
    Ph. Mary, « Le travail d’intérêt général et la médiation pénale face à la crise de l’Etat social : dépolitisation de la question criminelle et pénalisation du social », in Travail d’intérêt général et médiation sociale, socialisation du pénal ou pénalisation du social ? Bruxelles, Bruylant, 1997.
  • [12]
    Cf. notamment A. A. Vass, A. Weston, « Probation day centres as an alternative to custody », British Journal of Criminology, Vol 30, N° 2, Spring 1990, pp. 189-205.
  • [13]
    F. Tulkens, « Des influences réciproques du droit pénal et du droit des mineurs. De bonnes et de mauvaises influences ? » in Travail d’intérêt général et médiation pénale, op. cit. pp. 215-239, et A. Pirès, « Quelques obstacles à une mutation du droit pénal », Rev. gén. de dr., 1995.
  • [14]
    J. Braithwaite, Crime, Shame and Reintegration, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
  • [15]
    Notamment un débat autour d’un article programmatique de M. Nellis sur les valeurs qui devraient fonder le travail de probation : M. Nellis, « Probation values for the 1990s’ », Howard Journal, Vol 34, N° 1, 20-45, 1995. J. Spencer, « A response to Mike Nellis : Probation values for the 1990s’ », Howard Journal, Vol 34, N° 4, Nov 1995.
  • [16]
    Cf. par exemple le succès des notions de santé communautaire, de travail social communautaire, les débats sur l’espace public vs l’espace communautaire, qui coïncidaient avec les politiques de décentralisation de ces domaines.
  • [17]
    Cf. G. Masters, « Values for probation, Society and Beyond », The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 36, N° 3, Aug 1997, pp. 237-247.
  • [18]
    M. Nellis, « The Third Way for Probation : A Reply to Spencer and James » The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 34, N° 4, Nov 1995, pp. 350-353.
  • [19]
    J. Faget, Justice et travail social, le rhizome pénal, Toulouse, Erès, Trajets, 1990.
  • [20]
    J. Faget, « Médiation pénale et travail d’intérêt général en France », Travail d’intérêt général et médiation pénale, Ph. Mary (ed), Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 67-83.
  • [21]
    N. Boucher, « Le vécu du TIG, observation de trois groupes de jeunes majeurs », Le travail d’intérêt général a dix ans, le résultat en vaut la peine, Etudes et Recherches, Ministère de la Justice, 1994, pp. 123-131.
  • [22]
    C. Lazerges, « Une politique criminelle participative », Archives de Politique Criminelle, N° 10, 1988, pp. 91-106.
  • [23]
    A. Wyvekens, « Justice de proximité et proximité de la justice. Les maisons de justice et du droit », Droit et Société, 33, 1996, pp. 363-388.
  • [24]
    Pour la présentation des trois CPAL étudiés voir l’encadré en fin d’article.
  • [25]
    J. Faget, Permanences d’orientation pénale et enquêtes sociales rapides, GERICO-CLCJ, Ministère de la Justice, mars 1996.
  • [26]
    Depuis la réforme de 1999, le titre est désormais conseiller d’insertion et de probation (CIP).
  • [27]
    J.-L. Le Tocqueux, les condamnations pour délit un an après. La mise à exécution des peines, Infostat Justice, 1990.
  • [28]
    Notre recherche a été réalisée au moment de la première vague de généralisation de la création des SPIP. Celle-ci n’avait pas encore fait ressentir ses pleins effets.
  • [29]
    Mouhanna, C., « L’impossible décloisonnement », in Ackermann, W., Police, Justice, Prisons, L’Harmattan, 1993.
  • [30]
    M. Lipsky, « Toward a Theory of Street-level Bureaucraty », in Theoretical Perspectives on Urban politics, W. Hawley, M. Lipsky (eds), Englewood Cliffs, NJ, Prentice-Hall, 1977, pp. 196-213.

1Les services pénitentiaires d’insertion et de probation [2] constituent traditionnellement la branche la plus silencieuse de la justice pénale, celle qui, en outre, affiche et assume publiquement le moins les choix qui orientent son action. J. Rumgay [3] interprète ce silence à partir de trois arguments. D’une part, les politiques pénales sont depuis plusieurs décennies de plus en plus répressives. Elles insistent sur la nécessité d’une peine proportionnelle à l’importance du délit et sur la fonction dissuasive de cette peine, ce qui a pour effet de reléguer les mesures du « milieu ouvert » au traitement des infractions les plus bénignes, en ne laissant à celui-ci qu’une fonction marginale au sein de la justice pénale et de sa philosophie. D’autre part, dans les années soixante-dix, les politiques pénales alternatives à la prison dans leur ensemble ont été l’objet de critiques sévères et répétées qui concluaient invariablement leurs évaluations sur le thème : « rien ne marche ». J. Rumgay relève enfin la difficulté qu’ont les agents de la probation au sens large à revendiquer et assumer l’objectif de l’insertion ou de la réinsertion. Cette difficulté serait liée au fait que ce qui est attendu du travail de probation, c’est essentiellement un contrôle des condamnés dans un but de sécurité publique plus que de la réinsertion sociale.

2Ces propos qui visent la justice pénale anglaise s’appliquent tout aussi bien à la justice française. Alors qu’un certain nombre de recherches ont été menées en France sur la justice du milieu ouvert, celle-ci demeure très peu connue du public, sinon à travers quelques débats qui ont porté sur la création des TIG, par exemple, ou sur la médiation pénale. Elle est pourtant en plein développement : entre 1994 et 1996 le nombre des peines exécutées en milieu ouvert dépasse celui des peines exécutées en milieu fermé, le pourcentage des peines de prison ferme prononcées diminue tandis qu’augmentent ceux des sursis probatoires, des sursis-TIG et des peines de substitution stricto sensu [4]. Les statistiques pénitentiaires indiquent qu’en 1996, 81 179 mesures alternatives ou aménagées sont entrées dans l’année pour exécution en milieu ouvert dans les comités de probation. Dans le même temps, on dénombre 79 938 entrées en prison [5]. Au premier janvier 1999, 131 367 personnes sont prises en charge en milieu ouvert [6]. Au premier juillet 2000, 140 622 personnes sont suivies par les SPIP au titre d’au moins une mesure [7]. Cette justice reste néanmoins un travail de l’ombre qui n’intéresse au mieux que les politiques locales, notamment grâce aux effets de la décentralisation.

3Par ailleurs les politiques pénales sont souvent l’objet de nombreuses critiques qui – pour résumer – avancent que, quels que soient les dispositifs mis en place, des moins punitifs aux plus répressifs, ils n’ont pas d’effets sur les taux de la récidive [8]. Une certaine critique, d’inspiration néo-foucaldienne, qui a connu du succès aux Etats-Unis il y a une vingtaine d’années s’est diffusée depuis en Europe pour constituer une véritable vulgate dans ce champ. Elle affirme que les peines de probation et les peines dites « communautaires », loin de fonctionner comme de véritables alternatives à la prison, contribuent de fait à élargir le filet du contrôle social, tout en resserrant les mailles de ce filet [9] et à intensifier la surveillance des populations à risques, en établissant un continuum correctionnel entre les contrôles institutionnels et non institutionnels. Cette réflexion a connu ces dernières années de nouveaux développements. Elle établit un lien direct entre les remises en cause de l’Etat Providence et le développement de l’économie de marché, l’élargissement des politiques pénales, le renforcement de la répression et l’extension des politiques sécuritaires [10]. La justice pénale apparaît alors comme l’une des principales institutions de gestion et de contrôle de l’exclusion sociale : « on peut parler de pénalisation du social comme effet de la transformation de l’Etat social et des réponses gestionnaires ou pragmatiques, en tout cas néo-libérales, qui y sont apportées », écrit Ph. Mary [11].

4Certains auteurs, néanmoins, contestent ces scénarios catastrophiques qui conduisent à une impasse, leur reprochant, d’une part, des extrapolations et des généralisations abusives au regard de la faiblesse des moyens mis en œuvre pour étayer leurs affirmations et, d’autre part, de nuire ainsi à l’effort de recherche en vue d’inventer d’autres solutions que la prison comme mode de réponse à la délinquance [12].

5Ces critiques ont dans le même temps favorisé une réflexion intéressante, qui, pour tenter de sortir de cette impasse, vise à refonder la fonction pénale, sinon à s’interroger sur ce que sont le crime et la loi. F. Tulkens, reprenant à son compte les observations d’A. Pirès, remarque que « la pensée philosophique et juridique de l’époque des lumières a créé un nœud gordien tenace autour de l’idée de punir… Elle nous a légué, un peu peut-être malgré elle, une raison punitive. Qu’il s’agisse du courant utilitariste de Beccaria et de Bentham ou rétributiviste de Kant, mais pour des raisons singulièrement différentes, se sont imposées les exigences inéluctables de punir. Le caractère nécessaire de la peine s’est implanté et n’a plus jamais lâché le système pénal ; il lui a trouvé tour à tour différentes fonctions, buts ou usages. Il est urgent, conclut l’auteur, de réinterroger le caractère nécessaire de la punition. N’y a-t-il pas d’autres manières de résoudre les conflits individuels et collectifs ? » [13]

6Le travail d’intérêt général et la médiation pénale ont ainsi été au centre de ces nouvelles interrogations. En Grande Bretagne notamment, il y a plus d’une dizaine d’années s’ouvrait un débat, qui se poursuit toujours, qui vise à inventer de nouveaux fondements à la résolution des conflits. L’intérêt porté à des expériences très éloignées des nôtres en est le signe. Ainsi en est-il du succès durable de l’ouvrage de l’australien J. Braithwaite [14], inspiré des traditions des Aborigènes d’Australie, dont la construction consiste à renverser le point de départ habituel de la philosophie pénale, en partant des liens sociaux concrets entretenus par l’infracteur potentiel, et non du point de vue de la société abstraite lésée par l’infraction. La plupart du temps, dit-il, les individus se soumettent à la loi non parce que celle-ci représente une menace impersonnelle mais parce qu’ils craignent la désapprobation de ceux qui les connaissent bien. Le rôle de la punition serait de provoquer une honte qui ramène le délinquant à la réalité et lui montre les conséquences dommageables de ses actes. La honte est efficace si elle permet au délinquant de réintégrer la société, elle est contre-productive si elle le stigmatise. Elle stigmatise si les liens avec l’infracteur ne sont pas maintenus. La honte a un effet intégrateur si la désapprobation est manifestée à travers une relation continue fondée sur le respect de la personne qui condamne l’offense et non l’offenseur. Puisque la honte ne naît que si l’offenseur a un entourage dont les opinions comptent pour lui, par conséquent, des relations sociales fortes sont la condition de l’apparition de la honte et, par suite, de la réintégration dans la société et de la réduction de la récidive.

7La référence à cet ouvrage a donc alimenté bien des débats [15] visant à fonder la résolution des conflits sur une base communautaire, à une époque où les notions de « communauté » outre Manche et outre Atlantique, de « société civile » en France inspiraient des réflexions dans de nombreux domaines [16]. En matière de justice, domine l’idée d’introduire une approche anti-carcérale, relationnelle et un « modèle restauratif » de la justice à partir de l’idée que c’est le lien social que l’offense a mis à mal qui doit être restauré. Dans cette optique les auteurs font appel à de multiples expériences dans des champs divers connexes ou extérieurs au champ pénal stricto sensu, telles les expériences de résolution des conflits à l’école par des groupes de pairs formés dans ce but, les « conférences du groupe familial », qui incluent des membres de la communauté immédiate de l’offenseur et de la victime, en Australie et en Nouvelle Zélande, les Community Sentencing Circles au Canada [17], etc. M. Nellis résume la troisième voie ouverte par tous ces débats qui doit, selon lui, orienter l’action de la probation ainsi : « ni le travail social ni le « correctionnalism », mais une justice communautaire » [18]. En France, J. Faget développe cette idée que la justice du châtiment, focalisée sur la sanction du coupable, est concomitante de la phase de construction de l’Etat et de l’instauration d’une nouvelle conception de l’ordre public. La justice avait pour mission d’organiser le rapport vertical du citoyen à l’Etat. La médiation pénale et le travail d’intérêt général participent d’une vision « bottom up ». Décentralisation politique et administrative, localisation des actions, produisent un éclatement des pratiques. L’espace de jeu qui en résulte s’inscrit dans la recherche d’une cohésion nouvelle entre des acteurs en interaction et dépendants les uns des autres [19]. J. Faget ajoute que si la médiation pénale et le TIG, ne transforment pas fondamentalement les logiques judiciaires, il pourra au moins en naître l’idée qu’il existe d’autres manières de gérer les dissensions. L’emprise du pénal en sera diminuée [20]. Ainsi un des intérêts que d’aucuns accordent au TIG est le fait qu’il apparaît comme l’illustration d’une transition entre une justice pénale traditionnelle et une justice plus novatrice qui se rapprocherait de la justice civile [21]. Les Maisons de justice et du droit et les politiques de la Ville, à travers la création notamment des Conseils Communaux de Prévention de la Délinquance (CCPD), sont perçues par leurs initiateurs comme un moyen de favoriser une justice de proximité, pour les unes, de constituer « le creuset d’une politique participative pour les autres » [22]. On constate aujourd’hui que ces différentes innovations ont suscité autant de déceptions que d’espoirs. J. Faget, par exemple, à propos du TIG, dit que celui-ci semble « mordre » d’avantage sur le sursis simple ou probatoire que sur l’incarcération. Il observe également un glissement des objectifs initiaux des CCPD du champ strict de la prévention sociale à une véritable déclaration de politique pénale. A. Wyvekens se demande si, tout compte fait, les maisons de Justice, qui ont généralement abandonné leur activité juridique et leur rôle de conseil en la matière auprès de populations qui ont difficilement accès au droit au seul profit d’une fonction judiciaire et pénale, n’ont pas pour fonction essentielle de constituer l’occasion d’un rapprochement entre la justice et les justiciables et de traiter – et traiter rapidement - des affaires qui auparavant auraient fait l’objet d’un classement sans suite [23].

8Au regard de ces réflexions d’un caractère essentiellement spéculatif, théorique, souvent normatif et dont certaines ne sont pas toujours articulées à des recherches et à des résultats empiriques, l’objectif du travail, résumé ci-après était beaucoup plus modeste. Il visait à rendre compte de ce que font concrètement, au jour le jour, les professionnels qui travaillent dans les comités de probation, c’est-à-dire les magistrats mais surtout, beaucoup plus nombreux, les travailleurs sociaux, directement en contact avec les personnes placées sous main de justice.

9Dans le débat évoqué plus haut sur la « troisième voie » communautaire, M. Nellis récuse la place du travail social. On peut voir là une illustration de la difficulté, déjà mentionnée, pour les travailleurs sociaux à revendiquer et assumer l’objectif d’insertion ou de réinsertion. On peut également interpréter cette récusation comme une critique implicite de leurs pratiques ou de leur fonction. Cette critique n’est pas nouvelle. Elle touche l’ensemble de la profession et pour des raisons contradictoires, les uns lui reprochant d’être au service des dominants, les autres son inefficacité quant à l’objectif d’insertion. Une troisième interprétation peut être proposée relative au statut de leur profession qui demeure incertain, comme en témoignent les multiples dénominations dont celle-ci fait l’objet, d’une réforme à l’autre, dans le champ judiciaire, ceci pour deux raisons. Profession d’interface, elle n’a pas un corpus théorique de connaissances assuré et spécifique dont elle aurait le monopole d’exercice et ne bénéficie pas du prestige associé aux professions protégées par ce monopole. D’autre part, elle paraît plus facilement instrumentalisable que d’autres professions. Dans la mesure, en effet, où les travailleurs sociaux sont des agents de l’Etat et interviennent à partir d’un mandat étatique, leur fonction participe de la raison instrumentale qui définit tout appareil d’Etat. Ses buts, fonctions, orientations lui sont prescrits par le politique dont c’est la vocation propre.

10On peut se demander dans quelle mesure une analyse dont l’objet porte sur ce que font au quotidien les professionnels de l’application des peines en milieu ouvert peut répondre aux questions posées par les différents courants qui animent le débat portant sur les politiques pénales, confirmer ou infirmer les observations faites sur le travail de probation et, plus largement, sur les peines exécutées en milieu ouvert. Notre approche, essentiellement compréhensive et descriptive, tente d’éviter d’imposer, autant que faire se peut, un point de vue normatif.

La probation : une activité sous contrainte légale

11Bien que les travailleurs sociaux – et cela concerne à un moindre degré les juges de l’application des peines – disposent d’une autonomie qui formellement les définit comme des professionnels, leur situation de travail revêt une spécificité au regard de ce qui constitue habituellement la situation de ces derniers : leur activité se définit largement comme une activité d’exécution, l’exécution des peines prononcées par les tribunaux, c’est-à-dire une activité d’administration judiciaire. Celle-ci pose des contraintes lourdes qui déterminent pour une bonne part les tâches des agents, tant du point de vue de leur contenu que des moyens mis en œuvre. Ce sont essentiellement des contraintes de droit, comme la nature de la mesure prononcée, sa durée, et les obligations générales et particulières qui lui sont associées. Elles préforment le cadre spécifique de travail commun à l’ensemble des agents et définissent un espace d’autonomie a priori moindre que celui dont disposent, par exemple, les travailleurs sociaux qui travaillent dans des structures de « droit commun », comme dans les CCAS des municipalités ou les circonscriptions sociales des conseils généraux.

12Outre les contraintes de droit, d’autres, plus variables d’un CPAL à l’autre, cadrent également l’activité des CPAL, qui tiennent aux politiques pénales des différents tribunaux de grande instance (TGI), aux pratiques des juges correctionnels, aux modes d’insertion des CPAL dans les juridictions, aux contraintes organisationnelles, au type de maison d’arrêt du ressort du tribunal ainsi qu’aux liens qui peuvent s’établir entre ces établissements pénitentiaires et les CPAL, aux ressources locales sociales et thérapeutiques mobilisables, au contexte politique, économique et social des circonscriptions, aux profils des condamnés. L’analyse de ces contraintes est d’autant plus nécessaire qu’elles sont fortes et que les travailleurs sociaux sont, plus qu’ailleurs, en situation de dépendance vis-à-vis de toutes ces structures, parce qu’ils ne disposent pas de moyens propres d’intervention. La prise en compte de ces différentes variables doit permettre d’éviter d’imputer, par exemple à des problèmes de formation, d’encadrement ou de « culture professionnelle » des traits de fonctionnement qui relèvent de niveaux institutionnels ou contextuels. En raison de l’importance du poids de ces variables contextuelles et de leur nombre, il ressort que l’étude de trois CPAL [24] ne peut suffire à mesurer le poids relatif de ces variables mais apporte néanmoins, par la comparaison, différents enseignements.

CPAL et TGI : une dépendance structurelle

13La contrainte que constitue le cadre judiciaire ne devrait pas a priori interférer avec ce qui constitue la dimension essentielle de l’autonomie professionnelle à savoir le choix des moyens utilisés dans le travail, en particulier des aides apportées, non plus qu’avec ce qui légitime leur intervention dans le champ judiciaire, ou encore la philosophie pénale et socio-politique qui anime leurs interventions.

14Pourtant l’observation montre une réalité bien différente. Les travailleurs sociaux exercent leur travail dans un contexte qui, à divers titres, tend à remettre en cause cette autonomie, du moins à la limiter, comme il remet en cause les valeurs sociales et la philosophie politique dont ils sont porteurs. Ainsi, l’implication directe des autorités judiciaires dans la sphère politique, qui favorise leur absorption dans la sphère administrative, contribue à faire de celles-ci un expert du contrôle social et, ce faisant, à étendre le domaine d’action de l’exécutif, dans le même temps se produit un élargissement des tâches des travailleurs sociaux à des fonctions directement déléguées, notamment par le parquet. Les magistrats du tribunal, les juges d’instruction et les magistrats du parquet peuvent non seulement orienter la politique qui soutient l’activité des travailleurs sociaux de façon directe ou indirecte, mais aussi par défaut. L’exemple en est le CPAL du Nord, où les magistrats demandent aux travailleurs sociaux d’accroître leurs contrôles, d’inventer des nouvelles formes de suivi plus contraignantes que les sursis avec mise à l’épreuve. Les travailleurs sociaux y sont considérés comme les « délégataires du parquet » en matière d’injonction thérapeutique. Les magistrats peuvent, si les travailleurs sociaux refusent leur coopération, éviter de recourir à leurs services, notamment en matière d’enquêtes rapides, pour se tourner vers d’autres structures comme les associations, plus dépendantes d’eux, tout spécialement sur le plan financier, surtout lorsqu’ils les ont eux-mêmes créées.

15Ces exemples montrent aussi que l’élargissement des tâches des travailleurs sociaux peut conduire à des contradictions entre celles-ci, puisque leurs mandats émanent de plusieurs autorités dont les points de vue peuvent se contredire : le mandat des procureurs qui définissent localement les politiques pénales, celui des juges du siège qui interprètent le droit pénal, celui des juges de l’application des peines qui interprètent l’application des jugements et les modalités de leur mise à exécution.

16Plus largement, le recours ou non aux mesures du milieu ouvert et aux services du CPAL est lié à la perception que ses partenaires judiciaires peuvent avoir de l’efficacité de son travail, au regard de critères relevant de la philosophie et de la politique pénale.

17Autrement dit, une dépendance existe, déjà observée [25] au niveau du pré-sententiel, qui va s’accroissant. Elle tient non seulement à des positions institutionnelles et à la nature des nouvelles tâches incombant aux travailleurs sociaux mais aussi, et sans doute surtout, au fait que les notions d’insertion, d’intégration sociale, objectifs traditionnellement poursuivis par leur profession, sont totalement intégrés voire absorbés par le judiciaire aux différentes étapes du processus pénal. Les signes de l’intégration sociale, comme le fait d’avoir un logement et un emploi, les « garanties de représentation », sont considérés comme un gage de l’intériorisation par le justiciable des lois de la société, et figurent parmi les éléments qui définissent l’infraction ou, plus précisément, l’infracteur réel ou potentiel, dans un système pénal où la notion de risque prend une extension continue. Le fait d’avoir recherché activement un travail et de s’être soumis à une obligation de soins devient une condition du non prononcé d’une sanction pénale ou de son aménagement lors de la réitération d’une infraction, témoignant d’un risque moindre de dangerosité. Cette « colonisation du social par le judiciaire » met en cause des pratiques d’aide, d’assistance ou d’accès aux droits s’exerçant en toute indépendance du judiciaire et à ses côtés. La notion même d’obligation de soins et l’extension continue de son prononcé en sont une illustration. Le social et le thérapeutique sont de facto des enjeux judiciaires et les travailleurs sociaux, comme les institutions médicales partenaires, sont placés en situation de se positionner par rapport à ces enjeux. Il s’agit de défendre, ou non, l’éthique propre au travail thérapeutique ou au travail social et la philosophie socio-politique qui lui est attachée. L’instrumentalisation du social et du thérapeutique par la défense sociale, en retournant la perspective philosophique qui les anime traditionnellement, situe d’emblée leurs agents dans une perspective a priori défensive.

18C’est ainsi que, dans ce contexte, l’autonomie des professionnels est au centre d’enjeux multiples et conflictuels et constitue pour eux une question permanente et essentielle. Cette autonomie, non seulement est la condition de la pérennité de leur profession en tant que telle mais, à travers elle, c’est le sens et la finalité du métier et des mesures du milieu ouvert qui sont en jeu. Leur métier peut-il être autre chose que l’alibi social d’une justice de plus en plus répressive ? La question : « le travail social pour quoi faire ? » est la question dominante de ce champ.

19Cette question et les différentes contradictions dans lesquelles doivent se situer les travailleurs sociaux sont au cœur des incertitudes attachées à leur mission même. La revendication – qui d’ailleurs est loin de faire l’unanimité – de l’appellation de travailleur social, alors que cette fonction fait l’objet de dénominations administratives changeantes et variées [26], est l’illustration la plus visible d’une incertitude qui concerne l’identité même de la mission. « Comment se présenter ? », résume un travailleur social : cette question fait apparaître que, aux yeux de leurs partenaires, c’est l’identité professionnelle des travailleurs sociaux qui est mise à mal, tandis que pour eux, c’est l’utilité sociale de la fonction qui est menacée.

L’exécution des peines : une fonction secondaire

20A la dépendance structurelle des comités de probations vis-à-vis des TGI s’ajoute le caractère non-essentiel, secondaire, de l’exécution des peines au regard de la fonction sociale première du prononcé de ces dernières.

21Selon E. Durkheim, la peine ne sert pas ou ne sert que très secondairement à corriger le coupable ou à intimider ses imitateurs possibles. A ce double point de vue, son efficacité est douteuse, en tout cas médiocre, sa vraie fonction étant de conserver intacte la cohésion sociale en maintenant toute sa vitalité à la conscience commune. Le propos n’a rien perdu de son actualité.

22Outre ce caractère socialement secondaire de l’exécution de la peine, comparativement à son prononcé, on observe une disjonction non seulement temporelle entre le moment du jugement et celui de son exécution mais aussi entre les logiques sociales qui les sous-tendent.

23La peine et sa durée sont fixées par le législateur de façon abstraite. Il s’agit d’entités de nature idéelle et atemporelle, abstraites de la réalité sociale, organisationnelle et de leur épaisseur temporelle. La Justice raisonne implicitement dans l’instantané et la peine court dès l’instant où le temps du délai d’appel est passé. C’est le propre du droit pénal dans sa nature même et sa construction que d’ignorer et d’évacuer le temps et les moyens de son exécution. « Jurisdictio », le droit et la loi d’abord se disent et sont affaire de parole. La fonction première de la peine est de l’ordre des symboles, des valeurs et des croyances que les membres d’une société ont en partage.

24De là découle le fait que les services d’exécution des peines, dans leur travail, ne peuvent être que toujours en retard sur la temporalité instantanée de la loi et de son prononcé, que les différentes formes de régulation des flux des peines, par exemple celui des flux qui existent entre la prison et les CPAL, ne peuvent être que des formes d’accommodements, toujours décalés et déclassés au regard des exigences de la dimension idéale que représentent le droit et l’idée de justice.

25A ce décalage inévitable s’ajoutent les multiples conséquences matérielles du caractère secondaire de l’exécution, « des priorités du civil sur le pénal, du jugement sur son exécution », pour reprendre les termes d’un substitut. Les effets de cette relégation au second plan sont clairs : c’est notamment la surcharge de travail endémique de l’un ou de l’autre des services qui participent à l’exécution des peines. Dans le tribunal d’Ile-de-France étudié, on note un manque de greffiers au service de l’exécution des peines, de JAP et de secrétaires au CPAL, au TGI du Sud, une surcharge de travail structurelle des travailleurs sociaux et les mêmes manques en amont qui ont pour effet de réduire la durée effective d’exécution des peines et de vider celles-ci de leur substance. En effet, les interventions des travailleurs sociaux et des JAP du milieu ouvert sont soumis à une autre contrainte forte : la durée de la peine fixée par le tribunal, où fait et droit sont confondus. C’est ainsi que l’analyse des dossiers traité par le CPAL d’Ile de France montre qu’il reste à exécuter, au moment du premier rendez-vous du condamné avec le travailleur social, moins de la moitié de la durée de la peine pour 52 % des décisions de justice arrivées pour exécution, l’essentiel du délai de mise à exécution provenant du temps pris en amont par les greffiers du service de l’exécution des peines rattaché au Parquet. La situation est du même ordre pour le CPAL du Sud ; seul le TGI du Nord peut se féliciter de la rapidité avec laquelle les mesures sont mises à exécution par les travailleurs sociaux. Mais ceci n’est possible que parce que le JAP de ce tribunal, qui exerce également comme juge du siège, régule directement, de concert avec ses collègues des chambres correctionnelles, le flux des entrées au CPAL en fonction des capacités d’absorption de celui-ci. Autrement dit, et c’est une évidence qui mérite d’être rappelée, le volume, l’extension des mesures aménagées ou des mesures alternatives à l’emprisonnement, l’importance relative de ces deux types de sanction sont directement fonction des moyens alloués aux CPAL et, plus globalement, aux services de l’exécution des peines, même si d’autres facteurs multiples interviennent également. La surcharge des différents services concourant à l’exécution des peines et les délais de prise en charge qui en résultent sont une réalité endémique [27] qui non seulement limite le recours aux mesures du milieu ouvert mais, en réduisant le temps du suivi, contribue à faire prévaloir le contrôle sur le travail d’accompagnement et de soutien social, qui obéit à une temporalité plus lente.

Un manque de visibilité tant interne qu’externe

26Ce caractère secondaire de l’exécution des peines se manifeste également dans la difficulté des CPAL à se faire reconnaître comme services à part entière de la Justice, tant au sein même des tribunaux que par les institutions partenaires.

27On verra une illustration de ce relatif isolement dans le fait que les CPAL, situés au bout de la « chaîne pénale », sont organiquement placés à l’extérieur de celle-ci sur le plan de l’information nécessaire à leur travail, notamment au niveau informatique. Par exemple, il faut passer un temps quotidien conséquent dans la lecture des rôles d’audience pour savoir si, quand et pour quels motifs, les personnes suivies repassent devant le tribunal.

28Des études sociologiques aux divers rapports de l’Inspection générale des services judiciaires, les constats sur le thème du désintérêt des magistrats pour la phase après jugement restent globalement constants. Une question se pose pourtant ici, qui concerne l’objet de ce désintérêt : il faut sur ce point distinguer ce qui relève d’un désintérêt réel pour l’après jugement, d’un désintérêt lié aux inégalités de statut et, enfin, d’un désintérêt lié au contenu des philosophies et des politiques pénales en présence. L’attrait récurrent des magistrats du Parquet pour l’injonction thérapeutique témoigne indirectement de la nécessité de cette distinction. Cet attrait recouvre, au CPAL du Nord comme aujourd’hui au CPAL d’Ile-de-France des attentes de suivis plus stricts et plus contraignants pour les personnes concernées. Autrement dit, ce sont les idéologies professionnelles identifiées à des positions « d’avocats bis » des justiciables qui sont ici récusées. Certes, on observe une exception relative dans le CPAL du Nord où, bien que fragile, cette place est acquise au prix d’une dépendance du social au judiciaire plus grande que dans les deux autres CPAL étudiés. On peut donc plutôt conclure ici que l’intérêt des magistrats pour le pré-sententiel ou le post-sententiel n’existe que pour autant que les CPAL favorisent des suivis plus rigoureux et qu’à l’inverse les juges se désintéressent des CPAL s’ils défendent une philosophie autonome qu’ils ne partagent pas. Maintes situations montrent également que les peines de milieu ouvert, quelles que soient leurs modalités d’exécution, constituent pour les magistrats une réponse « pratique », un bon compromis entre, d’une part les peines fermes qui conduisent en prison avec toutes les conséquences négatives que cela implique pour le condamné et, d’autre part, la simple relaxe que l’opinion publique accepte mal.

29La place des CPAL au sein de leur environnement partenarial souffre toujours d’un certain manque de visibilité publique. Ici le caractère non essentiel de l’exécution des peines prend la forme du « principe » de less eligibility, ou de la réaction sociale qui, dans un contexte de ressources des plus limitées, accordera la priorité à ceux de ses clients, à situation sociale ou sanitaire égale, qui n’ont pas d’affaire avec la justice. La collaboration des partenaires doit donc se gagner de haute lutte. Cette réaction se conjugue à un manque de visibilité publique des services de l’exécution des peines imputable à plusieurs facteurs. Il y a la difficulté, pour les travailleurs sociaux, d’affirmer une politique d’exécution des peines certaine et autonome. Les attentes sécuritaires pour plus de contrôle, l’éventuelle concurrence des JAP et des procureurs, l’autorité bicéphale des CPAL qui peut faire obstacle à la défense d’un point de vue commun et surtout la dépendance croissante des conseillers d’insertion et de probation vis-à-vis de leurs mandants affaiblissent considérablement la possibilité d’affirmer un langage propre qui puisse être entendu. A cela s’ajoute la faiblesse du statut social de conseiller d’insertion et de probation. Une politique de recrutement favorisant les agents disposant d’une formation maison plus que les assistantes sociales notamment, introduit une nouvelle forme de dépendance et entraîne des conflits de loyauté entre l’appartenance au judiciaire et au pénitentiaire, peu propices à la liberté d’expression.

30Il faut enfin dire que la faiblesse de la visibilité des travailleurs sociaux de la justice est renforcée par la nature du travail d’exécution des peines et par les difficultés de son évaluation. La visibilité de la justice pénale est une composante déterminante de son efficacité. Le travail socio-éducatif de prévention de la récidive n’a rien de visible et s’inscrit dans une temporalité au long cours alors que les procédures de traitement rapide et les demandes de contrôle qui vont se multipliant se situent-elles, à l’inverse, dans une perspective de quasi-démonstration publique. Le manque de crédibilité attribuée par le public aux mesures de milieu ouvert condamne ainsi les CPAL à travailler dans la discrétion, quand la Justice tend à multiplier les interventions médiatiques.

Une dyarchie ambiguë

31A la dépendance et à la faible visibilité qui caractérisent la situation professionnelle des travailleurs sociaux s’ajoutent des difficultés de nature organisationnelle.

32Leur activité prend place dans un système organisationnel et institutionnel particulier, dans lequel l’autorité du commandement – le JAP ou le juge d’instruction – et l’autorité hiérarchique – le directeur du CPAL, aujourd’hui le DSPIP – sont en principe dissociées, tant au niveau local où s’exécute le travail qu’au niveau des administrations dont relèvent les professions du judiciaire. Mais cette dissociation, destinée sans doute à préserver une certaine autonomie professionnelle et les valeurs d’un métier, se traduit davantage par une confusion des rôles et des retournements d’alliances nés de la dyarchie qui en résulte, que par l’organisation d’une division des pouvoirs véritable, garante de l’existence d’un débat contradictoire au sein du champ de l’exécution des peines, où les travailleurs sociaux, les mieux placés pour connaître la situation sociale des condamnés et leurs besoins auraient une place à part entière. Cette dissociation n’est que de principe puisqu’une dépendance hiérarchique est introduite de fait. En effet, les juges de l’application des peines disputent à des directeurs de services plus ou moins offensifs la faculté de décider des « orientations » du service, de l’affectation ou non des dossiers aux travailleurs sociaux, et interviennent – ou intervenaient [28] – dans l’appréciation de leur travail. Ils peuvent par ailleurs retirer à un travailleur social un dossier qui lui aura été auparavant confié.

33De ce point de vue, la réforme de 1999 initiée par la direction de l’Administration pénitentiaire qui visait à séparer physiquement les différents corps professionnels, sans doute dans le but de dégager les travailleurs sociaux de l’emprise du judiciaire, non seulement ne diminue pas celle-ci sur le fond, mais contribue à l’inverse, en tout cas aujourd’hui. Elle fragilise la situation des CPAL au sein des juridictions tout en participant à leur isolement. Elle alourdit les relations fonctionnelles nécessaires entre les travailleurs sociaux et les JAP. En divisant la fonction de direction, elle affaiblit celle-ci localement et coupe le nouveau corps départemental du terrain. Elle suscite aussi localement la concurrence au sein de l’autorité bicéphale sur la question de l’attribution des moyens de travail.

34A cette ambiguïté structurelle, la hiérarchie pénitentiaire est tentée de répondre par une rationalisation du travail social qui passe notamment par l’imposition de formats et de méthodologies standardisés d’intervention. Outre que ces tentatives méconnaissent la réalité de situations trop complexes pour être réduites à de tels formats, ignorent la dimension professionnelle réelle du métier et en récusent le principe même, elles provoquent l’aggravation des positions de repli défensif sans avoir d’influence sur les facteurs qui, au fond, peuvent rendre compte de cette ambiguïté, comme des tensions et des incertitudes qui en résultent.

Déculturation et repli individuel

35Ces positions de repli défensif sont une des constantes importantes relevées. Elles se manifestent surtout par la faiblesse des débats professionnels à l’intérieur des trois CPAL étudiés. Les travailleurs sociaux abordent très peu les références techniques et théoriques, la formation, les lectures, l’éthique qui guident leur pratique. Par ailleurs, les tentatives de mise en place de groupes de réflexion sur les cas, ou sur d’autres sujets, celui par exemple des questions posées par la relation entre services de Justice et psychiatrie et sur l’obligation de soins, avec ou sans la présence de tiers extérieurs n’aboutissent pas, ou bien les groupes mis en place n’existent plus. Ou bien encore, ils n’attirent que quelques membres de l’équipe. Pourtant, tous les travailleurs sociaux interrogés déplorent cette situation considérant comme indispensable et fondamental le débat. C’est pourquoi ils vont chercher ailleurs, à l’extérieur de l’institution, les lieux de formation, de réflexion critique, de supervision ou de contrôle de l’éthique de leur pratique. Dans les trois CPAL, les collègues apparaissent comme les derniers interlocuteurs avec lesquels discuter, échanger sur la pratique. Demeurent les échanges interindividuels sur la base des relations de confiance et des affinités personnelles. Il apparaît donc clairement que l’institution ne peut aujourd’hui fonctionner comme un lieu de débat et n’est plus un lieu d’apprentissage collectif. On verra, là, un phénomène de déprofessionnalisation collective, ou de déculturation institutionnelle. Celui-ci est d’autant plus aigu que la dépendance, la colonisation, la subordination voire l’instrumentalisation des travailleurs sociaux par le tribunal sont plus élevées, ce que montre la comparaison. Dans le CPAL du Nord apparaît une véritable imperméabilité des pratiques des uns au regard des autres et se développe entre travailleurs sociaux une norme implicite qui impose le respect de « l’autonomie » de chacun.

36On ne peut être que frappé, ici, par la similitude des situations institutionnelles des travailleurs sociaux et des surveillants de prisons, où cette norme, là, est explicite. Mais en prison cette norme est destinée à définir, construire et imposer un minimum d’espace de liberté dans le travail, condition de l’accès à un certain professionnalisme informel dénié a priori par l’institution et les règlements. Chez les travailleurs sociaux, cette dimension de l’autonomie est nettement plus défensive qu’offensive, destinée à préserver ce qui définit le professionnel comme tel, c’est-à-dire une autonomie fondée sur des savoirs et savoir faire guidés par une déontologie établie, destinés à prendre en charge une valeur centrale de la société, ici les actions de réinsertion. Pourtant cette posture défensive apparaît contre-productive dans la mesure où elle contribue à affaiblir plus encore la position professionnelle, dont le débat permanent entre pairs est un élément constitutif. Elle provoque en outre des phénomènes « d’ignorance multiple » ou « de malentendu partagé » dans lesquels chacun croît défendre une position minoritaire et isolée, alors qu’elle est largement majoritaire, ce qui conduit à isoler davantage les professionnels les uns des autres et à interdire le débat.

Des pratiques en évolution

37L’évolution des pratiques des travailleurs sociaux traduit l’importance prise par la notion de « rappel à la loi ». Dans un contexte où le discours public lie la question du chômage, « la crise des valeurs » et la « croissance de la délinquance », cette notion de rappel à la loi, parée d’une symbolique forte, apparaît comme le versant acceptable, légitime et consensuel de la montée, puis de l’installation des idéologies sécuritaires répressives. Des contrats locaux de sécurité aux politiques de la Ville, en passant par l’obligation de soins et les injonctions thérapeutiques, la notion pénètre et mobilise aujourd’hui nombre de services publics, non seulement ceux qui ont une vocation répressive mais aussi bien ceux qui en semblaient le plus éloignés.

38Chez les travailleurs sociaux, on constate les effets et l’influence de ce discours à deux niveaux. Les trois monographies montrent que les oppositions qui faisaient débat, il y a encore une dizaine d’années, parmi les professionnels entre partisans de l’aide et partisans du contrôle, se sont largement émoussées depuis [29]. Du moins, ne se présentent-elles plus sous cette forme et ne sont-elles plus affichées comme telles. On constate que le « cadre » judiciaire est accepté de façon générale. C’est à l’intérieur même de ce cadre que se situent maintenant ces deux dimensions contradictoires de la fonction.

39Un autre effet de l’influence de la notion de rappel à la loi apparaît dans l’importance accordée au principe de responsabilité individuelle du condamné. Celle-ci est le plus souvent intégrée à la pratique comme relevant du mandat de justice. Il convient néanmoins d’introduire ici des distinctions, notamment entre la fonction idéologique de la notion de rappel à la loi et sa fonction d’outil de travail, au sens où la loi s’est toujours vue reconnaître une valeur éducative. De même, il importe de distinguer la responsabilité, comme mesure de la liberté, de la responsabilité individuelle comme objet d’un déplacement, au niveau des idéologies, de ce qui antérieurement était politiquement perçu comme relevant des responsabilités collectives, du domaine public et de la solidarité sociale.

40Autrement dit, à l’ambiguïté fondamentale de la mission correspond pour les professionnels une situation de choix permanent entre de multiples frontières, de multiples valeurs contradictoires, de multiples écueils qui apparaissent comme autant d’oppositions et de contradictions. Il y a les écueils de la toute puissance et de l’impuissance, ceux de l’interprétation très formelle de la loi et de son évitement, de l’interventionnisme intrusif et de la démobilisation personnelle. Il y a d’un coté la nécessité de respecter le cadre judiciaire, de l’autre l’obstacle que celui-ci constitue pour établir des relations de confiance, l’écueil d’une trop grande confiance, quand la confiance fonde la relation de travail social et d’une trop grande méfiance qui lui fait obstacle, celui de trop aider jusqu’à se substituer à autrui et celui de trop s’abstenir au motif que l’on veut faire appel à la responsabilité de la personne et ainsi favoriser son autonomie, le rappel de la loi en tant que moyen socio-éducatif et la loi réduite à ses dimensions de contrôle et de répression, l’écueil qui consiste à réduire l’intégration sociale à des catégories formelles participant aux critères pénaux de dangerosité et celui qui consiste à ignorer, en raison du contexte social, la liberté individuelle. C’est, en fait, à l’occasion de chaque prise en charge que se jouent l’éthique et la philosophie politique de la pratique.

41Ainsi comme le disent M. Foucault ou M. Lipsky [30], en des termes différents, malgré tout le pouvoir vient toujours d’en bas. Ce sont les employés de la base qui décident et imposent ce qu’il en est des politiques des gouvernements, en vertu précisément de ces multiples choix. Ceux-ci définissent des outils communs aux travailleurs sociaux, varient alors les circonstances de leur mise en œuvre. Le contexte et la pression judiciaire, le niveau des ressources locales et les orientations individuelles peuvent faire pencher la pratique constamment d’un côté ou de l’autre de chacune de ces multiples alternatives.

42On constate également que l’évolution du contexte judiciaire et social de la pratique du milieu ouvert conduit les travailleurs sociaux à des ajustements et à des recompositions dont l’un des objectifs est de maintenir l’orientation philosophique et politique fondatrice de la profession. En particulier la valorisation, plus insistante que jamais, de la relation de face à face ne se réduit pas seulement à une position de repli qui résulte de la faiblesse des ressources locales et, notamment, de l’importance du chômage. Elle refonde, sur une base qui participe de la démarche thérapeutique et de son éthique, l’aide qui peut être apportée. La fréquence du prononcé de l’obligation de soin y contribue largement. Celle-ci mobilise beaucoup les travailleurs sociaux, tant par l’approche du condamné qu’elle induit, quand le but est de préparer le relais vers l’institution de soins et de favoriser « l’appropriation » par le condamné de la démarche de soins, que par le temps qu’ils lui consacrent. L’importance de sa fréquence dans les prononcés et les problèmes de santé que rencontrent – au-delà de l’obligation – les condamnés, contribuent à orienter aujourd’hui l’ensemble de l’approche socio-éducative, dont le but est de mobiliser à la fois les partenaires et la personne concernée à sa propre cause, vers un dépassement du cadre judiciaire dans lequel la relation de confiance et la mobilisation personnelle du travailleur social sont des ressorts essentiels.

43Lorsque se conjuguent un nombre considérable de dossiers (jusqu’à 130 dossiers par travailleur social dans l’un des trois CPAL) qui rend illusoire la notion de suivi, une situation de chômage très importante, comme dans le CPAL du Nord, région sinistrée, l’insuffisance de structures d’hébergement et une crédibilité auprès du tribunal de grande instance qui passe, pour les travailleurs sociaux, par l’intériorisation des normes pénales définies notamment par les procureurs, c’est la possibilité de défendre cette tentative de recomposition et, par conséquent, l’exercice même de la profession de travailleur social qui est en cause.

44L’analyse du CPAL d’Ile-de-France montre, à l’inverse, que lorsque les travailleurs sociaux ont en charge un nombre de suivis raisonnable, que le marché du travail est sensiblement plus ouvert, et l’indépendance du CPAL au regard du TGI est relativement grande, les travailleurs sociaux peuvent encore prétendre se définir comme tels.

Les activités concrètes d’un CPAL

45La pratique professionnelle de probation vise deux objectifs : d’une part veiller à l’exécution de la peine prononcée et au respect par le condamné de ses différentes obligations, d’autre part favoriser l’insertion ou la réinsertion de celui-ci.

46Une analyse des dossiers des condamnés effectuée dans un des CPAL montre que l’activité des travailleurs sociaux est loin d’être vaine alors même que les difficultés des condamnés et certains aspects de leur situation sociale dépassent la structure et les moyens du CPAL.

47On note d’abord que près de 41 % des personnes dont les dossiers ont été archivés sur une année, l’année 1997, ont fait l’objet de mesures d’obligation de soins dont 36 % ont été prononcées par les tribunaux, les autres par les JAP essentiellement pour des problèmes d’alcool (58 % des obligations). En réalité, les problèmes de santé de la population suivie débordent largement ce qu’en révèle la présence de l’obligation de soins, pour autant que les deux notions se recouvrent. Indépendamment des obligations prononcées et en estimant que ces données sont sous-évaluées, il ressort que 13 % des personnes ont fréquenté antérieurement des institutions psychiatriques ou consultent actuellement, et 3 % de la population a été hospitalisée en hôpital psychiatrique pendant la mesure. S’ajoutent les cas de maladies somatiques que les travailleurs sociaux doivent, de surcroît, prendre en charge (12 % de la population suivie). Les jeunes qui ont entre 25 et 30 ans sont les plus touchés.

48Nombreux sont ceux qui connaissent des problèmes d’hébergement aigu (14 % de la population étudiée) et un jeune de 18 à 21 ans sur dix arrive au CPAL comme SDF. Un des problèmes majeurs est naturellement l’importance du chômage chez les condamnés. Alors que la population étudiée est domiciliée dans un département où le taux de chômage est inférieur à celui de la moyenne nationale, on observe que le chômage, parmi les condamnés, touche 40 % d’entre eux, les moins de trente ans surtout. Plus frappante encore est la situation familiale qu’ont connue les moins de 30 ans, puisqu’un jeune sur cinq a vécu des événements familiaux violents (décès précoce de l’un ou des deux parents, abandon ou violences). Les femmes, peu nombreuses en proportion (8 % de l’effectif), sont plus touchées que les hommes quant à la plupart de ces aspects.

49Il ressort donc de ce bref résumé que les travailleurs sociaux et leurs partenaires sont bien souvent face à des situations qui débordent de toutes parts les différents moyens et ressources sur lesquels ils peuvent compter.

50Malgré toutes les difficultés et les incertitudes du métier, malgré aussi un environnement en ressources sociales et sanitaires trop limitées au regard de ce qui est demandé aux travailleurs sociaux et aux condamnés en période de chômage très élevé, lesquels peuvent parfois se trouver placés en situation de double contrainte (l’obligation de travail pour les jeunes chômeurs, l’obligation de soins pour ceux qui, adressés aux CMP doivent attendre plusieurs mois avant d’être reçus), malgré des situations personnelles dont magistrats du siège, du Parquet, de l’application des peines, psychiatres, médecins, travailleurs sociaux, partenaires constatent la dégradation, l’activité déployée par les travailleurs sociaux des CPAL, articulée à celle de leurs partenaires apparaît comme loin d’être dérisoire. Si l’évaluation directe des effets de celle-ci est impossible, l’analyse des dossiers de condamnés permet au moins de connaître quels types d’action sont entrepris par les travailleurs sociaux ainsi que quelques aspects de l’évolution de la situation sociale des condamnés entre le début et la fin de la prise en charge.

51C’est ainsi que les travailleurs sociaux ont un rôle de conseil juridique auprès des condamnés sur de multiples aspects de leur existence. Ils interviennent sur le plan pénal, en premier lieu, en informant, conseillant sur les voies de recours, en aidant aux démarches de demande d’exclusion des condamnations du casier judiciaire. Ils conseillent en matière de droit de la famille, de révision de pension alimentaire, en matière de contentieux relatif au droit du travail, en matière de prud’hommes. Ils interviennent en matière d’endettement et de surendettement, ainsi que pour régulariser une situation administrative. Parmi les personnes qui étaient dépourvues de pièces d’identité ou de protection sociale en début de mesure, la moitié d’entre elles ont réglé le problème en fin de mesure, grâce, le plus souvent, à l’intervention des travailleurs sociaux auprès des administrations concernées.

52Un des domaines d’intervention les plus importants et les plus systématiques des CIP concerne la recherche d’un emploi, en particulier pour les jeunes condamnés. En ce domaine, les travailleurs sociaux travaillent avec l’ensemble des associations et structures publiques de droit commun – ou spécialisées quand les condamnés ont un lourd passé judiciaire – de la région, auxquelles ils adressent les personnes qu’ils suivent. On constate ainsi qu’en fin de mesure, il y a globalement près de 15 % de moins de chômeurs qu’il n’y en avait en début de mesure. On notera que ces résultats concernent presque toujours les mesures de sursis avec mise à l’épreuve et, à un moindre degré, les libérations conditionnelles (de loin beaucoup moins fréquentes). Ceci invite à reconsidérer les critiques qui portent sur la mesure du SME, jugée obsolète ou relevant d’une conception bureaucratique du travail socio-éducatif.

53Par ailleurs, l’étude montre que les condamnés se soumettent, dans leur grande majorité, à leurs obligations générales. En ce qui concerne le respect des obligations particulières, il ressort que, malgré des situations financières souvent désastreuses, 60 % des personnes qui ont une obligation de réparation pécuniaire se sont, en fin de mesure, acquittées en totalité ou en partie de leur dette. Pour 12 % d’entre elles, les travailleurs sociaux estiment que cette obligation est inexécutable en raison de la situation sociale ou médicale de la personne. Les autres se dérobent à leur obligation, soit qu’ils échappent à la justice, les plus nombreux d’entre eux, soit que les travailleurs sociaux ne parviennent pas à obtenir d’eux un engagement.

54Pour conclure nous dirons que l’ambiguïté qui caractérise la fonction des travailleurs sociaux en matière d’exécution des peines en milieu ouvert reflète les enjeux fondamentaux qui traversent ces mesures alternatives et aménagées : être un outil d’insertion, d’une part et, d’autre part, participer à un processus d’extension du contrôle social et de gestion de l’exclusion sociale par le judiciaire.

55La recherche a porté sur l’activité de trois CPAL bien différenciés tant par leur taille et le territoire de leur compétence que par leur environnement économique.

56Le premier CPAL étudié, celui d’Ile-de-France, a une compétence départementale pour une population de plus d’un million d’habitants regroupant des communes fortement urbanisées, plusieurs villes moyennes et une région rurale. Ce département, qui a connu un important développement économique, affiche un taux de chômage inférieur à celui de la moyenne nationale et a une population active jeune. L’équipe du CPAL, un des plus importants de France, compte vingt et un travailleurs sociaux souvent jeunes, une direction de deux personnes et cinq juges de l’application des peines. Ces derniers interviennent aussi dans une grosse maison d’arrêt ayant la particularité de détenir des personnes provenant de plusieurs départements de la région et d’être située loin du tribunal ainsi que dans un centre de semi-liberté qui reçoit des personnes domiciliées dans la région. A la différence des deux autres CPAL étudiés, les fonctions des travailleurs sociaux entre milieu ouvert et fermé sont séparées.

57Le deuxième, le CPAL du Sud, à dominante rurale, a également une compétence départementale pour une population deux fois moins élevée que celle du département d’Ile-de-France. Il est situé dans une ville centre qui représente 58 % de la population du département. Par ailleurs plus de 95 % des résidents actifs occupés travaillent dans sa zone d’emploi. Le taux de chômage croissant ces dernières années représente 12,4 % de la population active à la fin de l’année 1998. Cette ville qui est, dans la région, celle qui a connu la plus forte progression du nombre d’allocataires du RMI est également amenée à exercer un rôle de solidarité générale en accueillant de nombreuses populations en difficulté.

58L’équipe du CPAL est composée de cinq travailleurs sociaux, l’un d’entre eux travaillant à mi-temps dans la petite maison d’arrêt située à proximité, d’un directeur de probation, d’une secrétaire et d’un JAP qui travaille un tiers de son temps au tribunal correctionnel.

59Le troisième CPAL, celui du Nord, à la différence des deux autres, se trouve dans un département partagé entre trois ressorts de TGI ; il a compétence pour une population près de trois fois moindre que celle du premier CPAL. Ce territoire a été très durement frappé par la crise économique des années 70-80, la ville principale de ce ressort connaissant un taux de chômage supérieur à 17 %, tandis que, parallèlement, la ville centre connaissait un solde migratoire déficitaire entre 1990 et 1999. Son équipe est composée de onze travailleurs sociaux, en réalité un peu plus de six personnes équivalent plein temps, d’un directeur de probation et d’un JAP. Deux travailleurs sociaux partagent leur temps entre le CPAL et la maison d’arrêt située à proximité du service. Presque tous ont dépassé la quarantaine.


Date de mise en ligne : 01/03/2009.

https://doi.org/10.3917/apc.023.0071

Notes

  • [1]
    Antoinette Chauvenet et Françoise Orlic, CEMS/EHESS-CNRS, Christian Mouhanna, CSO-CNRS, Catherine Gorgeon, Acadie.
  • [2]
    Les SPIP regroupent, depuis la réforme de 1999, les comités de probation et d’aide aux libérés (CPAL) et les services sociaux des établissements pénitentiaires. Notre recherche ayant été réalisée avant la mise en œuvre définitive de la réforme, nous employons encore dans cet article l’appellation CPAL alors même que ceux-ci ont actuellement disparu.
  • [3]
    Judith Rumgay, « Talking tough : empty threats in probation practice », The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 28, n° 3, Aug. 1989, p. 177-186.
  • [4]
    Cf. A. Kensey, Détenus en nombre, Concepts & Méthodes, Ministère de la Justice, N° 20, mars 1998.
  • [5]
    P. Tournier, « Analyse conjoncturelle de la population détenue », Cahiers de démographie pénitentiaire, 03, mai 1997.
  • [6]
    Les chiffres-clés de la Justice, Ministère de la Justice, octobre 1999.
  • [7]
    Les chiffres-clés de la Justice, Ministère de la Justice, décembre 2000.
  • [8]
    Cf. notamment la littérature produite par le Conseil de l’Europe sur ce sujet.
  • [9]
    S. Cohen, « The Punitive City : Notes on the Dispersal of Social Control », Contemporary Crises, Vol 3, n° 4, pp. 339-364, 1979.
  • [10]
    Cf. par exemple le sous-titre évocateur de l’ouvrage collectif : Travail d’intérêt général et médiation pénale, socialisation du pénal ou pénalisation du social ? Ph. Mary (éd.), Bruylant, Bruxelles 1997, ou de l’article de L. Wacquant, « De l’Etat charitable à l’Etat pénal, notes sur le traitement politique de la misère en Amérique », Regards sociologiques, 1996, 11, pp. 30-38 ou plus récemment du même auteur.
  • [11]
    Ph. Mary, « Le travail d’intérêt général et la médiation pénale face à la crise de l’Etat social : dépolitisation de la question criminelle et pénalisation du social », in Travail d’intérêt général et médiation sociale, socialisation du pénal ou pénalisation du social ? Bruxelles, Bruylant, 1997.
  • [12]
    Cf. notamment A. A. Vass, A. Weston, « Probation day centres as an alternative to custody », British Journal of Criminology, Vol 30, N° 2, Spring 1990, pp. 189-205.
  • [13]
    F. Tulkens, « Des influences réciproques du droit pénal et du droit des mineurs. De bonnes et de mauvaises influences ? » in Travail d’intérêt général et médiation pénale, op. cit. pp. 215-239, et A. Pirès, « Quelques obstacles à une mutation du droit pénal », Rev. gén. de dr., 1995.
  • [14]
    J. Braithwaite, Crime, Shame and Reintegration, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
  • [15]
    Notamment un débat autour d’un article programmatique de M. Nellis sur les valeurs qui devraient fonder le travail de probation : M. Nellis, « Probation values for the 1990s’ », Howard Journal, Vol 34, N° 1, 20-45, 1995. J. Spencer, « A response to Mike Nellis : Probation values for the 1990s’ », Howard Journal, Vol 34, N° 4, Nov 1995.
  • [16]
    Cf. par exemple le succès des notions de santé communautaire, de travail social communautaire, les débats sur l’espace public vs l’espace communautaire, qui coïncidaient avec les politiques de décentralisation de ces domaines.
  • [17]
    Cf. G. Masters, « Values for probation, Society and Beyond », The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 36, N° 3, Aug 1997, pp. 237-247.
  • [18]
    M. Nellis, « The Third Way for Probation : A Reply to Spencer and James » The Howard Journal of Criminal Justice, Vol 34, N° 4, Nov 1995, pp. 350-353.
  • [19]
    J. Faget, Justice et travail social, le rhizome pénal, Toulouse, Erès, Trajets, 1990.
  • [20]
    J. Faget, « Médiation pénale et travail d’intérêt général en France », Travail d’intérêt général et médiation pénale, Ph. Mary (ed), Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 67-83.
  • [21]
    N. Boucher, « Le vécu du TIG, observation de trois groupes de jeunes majeurs », Le travail d’intérêt général a dix ans, le résultat en vaut la peine, Etudes et Recherches, Ministère de la Justice, 1994, pp. 123-131.
  • [22]
    C. Lazerges, « Une politique criminelle participative », Archives de Politique Criminelle, N° 10, 1988, pp. 91-106.
  • [23]
    A. Wyvekens, « Justice de proximité et proximité de la justice. Les maisons de justice et du droit », Droit et Société, 33, 1996, pp. 363-388.
  • [24]
    Pour la présentation des trois CPAL étudiés voir l’encadré en fin d’article.
  • [25]
    J. Faget, Permanences d’orientation pénale et enquêtes sociales rapides, GERICO-CLCJ, Ministère de la Justice, mars 1996.
  • [26]
    Depuis la réforme de 1999, le titre est désormais conseiller d’insertion et de probation (CIP).
  • [27]
    J.-L. Le Tocqueux, les condamnations pour délit un an après. La mise à exécution des peines, Infostat Justice, 1990.
  • [28]
    Notre recherche a été réalisée au moment de la première vague de généralisation de la création des SPIP. Celle-ci n’avait pas encore fait ressentir ses pleins effets.
  • [29]
    Mouhanna, C., « L’impossible décloisonnement », in Ackermann, W., Police, Justice, Prisons, L’Harmattan, 1993.
  • [30]
    M. Lipsky, « Toward a Theory of Street-level Bureaucraty », in Theoretical Perspectives on Urban politics, W. Hawley, M. Lipsky (eds), Englewood Cliffs, NJ, Prentice-Hall, 1977, pp. 196-213.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.91

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions