Je suis redevable à Mathieu Triclot à proportion du triple effort qu’il a consenti : sa lecture attentive de mon livre Une histoire de la cybernétique en France, sa rédaction d’une longue recension pour Zilsel, et son questionnement en prise avec un matériau pourtant difficile à synthétiser. Je me concentre ici sur la partie critique de sa recension. Triclot considère in fine que, ayant structuré ma lecture à partir d’une définition simondonienne de la cybernétique, je me suis condamné à écrire l’histoire d’une cybernétique imaginaire, jamais réalisée, toujours en décalage avec les visions des acteurs, définition m’amenant ainsi à les « déjuger » et croire savoir mieux qu’eux-mêmes – et que tous les commentateurs contemporains – ce que serait la « vraie » cybernétique ; puisque celle-ci serait restée « introuvable », il en résulte implicitement que j’aurais écrit l’histoire d’une chimère, j’aurais pris mon rêve simondonien pour la réalité, et je n’aurais en conséquence pas fait œuvre d’historien. Si je m’étais effectivement fourvoyé de la sorte, la critique de Triclot serait un retour de boomerang aussi ironique que mérité, puisque, cherchant à construire la cybernétique comme objet d’histoire des sciences, j’avais au passage adressé des critiques aux préjugés philosophiques structurant les contributions des philosophes (Dupuy, Triclot) à cette historiographie. Je crois néanmoins que mes quinze années de travail sur le sujet vont échapper au cruel destin de subir un tel boomerang…