Notes
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[1]
Mémoire réalisé dans le cadre de la formation du diplôme d’État d’ingénierie sociale au collège coopératif Auvergne Rhône-Alpes, soutenu en décembre 2017.
-
[2]
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
-
[3]
A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998.
-
[4]
G. Bachelard, La poétique de l’espace, Paris, Puf, 1958, p. 35.
-
[5]
Tous les prénoms de ce texte sont des prénoms d’habitants, ils ont été modifiés.
-
[6]
G. Perec, Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974, p. 33.
-
[7]
M.-O. Geraud, O. Leservoisier, R. Pottier, Les notions clés de l’ethnologie, Paris, Armand Colin, 1998, p. 98.
-
[8]
M. de Certeau, L’invention du quotidien, t. 2 : Habiter, cuisiner, Paris, Gallimard, 1990.
-
[9]
B. Zarca, « L’ethos professionnel des mathématiciens », Revue française de sociologie, vol. 50, n° 2, 2009, p. 351-384.
-
[10]
S. Dufour, J.-J. Boutaud, « Extension du domaine du sacré », Questions de communication, n° 23, 2013, p. 7-30.
-
[11]
A. Blanc, Le handicap ou le désordre des apparences, Paris, Armand Colin, 2006, p. 46.
-
[12]
E.T. Hall, La danse de la vie, temps culturel, temps vécu, Paris, Le Seuil, 1984, p. 36.
-
[13]
E. Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Minuit, 1968.
-
[14]
A. Van gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1980.
-
[15]
M. Calvez, « La liminarité comme analyse socioculturelle du handicap », Prévenir, n° 39, 2000, p. 83-89.
-
[16]
C. Gardou et D. Poizat (sous la direction de), Désinsulariser le handicap. Quelles ruptures pour quelles médiations culturelles ?, Toulouse, érès, 2007.
-
[17]
A. Van gennep, op. cit., p. 38.
-
[18]
A. Blanc, op. cit., p. 46.
Éducateur spécialisé dans un foyer hébergeant des personnes travaillant en esat, la rédaction d’un mémoire [1] de recherche-action m’a amené à poser le regard sur la manière dont habitants et professionnels occupaient cet espace. Embarqué depuis de longues années dans cet espace que constitue le foyer d’hébergement et partageant ainsi le quotidien de ses habitants, mon choix épistémologique s’est porté naturellement sur une démarche anthropologique.
1 Plusieurs observations ont permis de mettre au jour un écart entre les philosophies des récents textes [2] de lois en faveur des personnes en situation de handicap, prônant l’égalité des droits et des chances et le respect de la vie privée, et la réalité quotidienne des habitants de foyers d’hébergement. L’heure est à la désinstitutionnalisation, cependant ma conviction est que certaines personnes, du fait de leur déficience, trouveront encore longtemps dans ces habitats collectifs le mode d’habiter le plus épanouissant. J’ai ainsi choisi d’aller regarder de près ce qui se passe dans ces espaces après un détour par une exploration théorique des concepts d’habiter, de culture du quotidien et de culture professionnelle.
2 Le déploiement du concept d’habiter a permis de faire ressortir trois dimensions : ontologique, temporelle et d’appropriation. Le verbe habiter renvoyant à l’usage de l’espace et donc à une dimension pratique, ont été développés les concepts de culture du quotidien et de culture professionnelle, amenant alors à émettre l’hypothèse que la rencontre de ces deux cultures est à l’origine des obstacles qui empêchent les habitants de s’approprier pleinement leur lieu de vie.
3 Sur le terrain, le regard se porte sur les différentes cultures en présence par le biais d’une approche anthropologique de l’espace. La description ethnographique de la vie dans ce foyer d’hébergement fait ressortir plusieurs lignes de force : des espaces sacrés, des lignes de séparation virtuelle ou symbolique, des micro-temps culturels et une vie clandestine à l’ombre des professionnels.
4 L’analyse de ces éléments confirme l’existence de barrières privant les habitants d’une partie de leur pouvoir d’agir sur leur espace. Ces obstacles, liés aux représentations des professionnels, assignent les habitants dans une position de liminalité.
Les dimensions de l’habiter
5 L’étymologie du verbe habiter renvoie « au latin habitare, “avoir souvent”, “demeurer”, fréquentatif de habere, “avoir”, au supin habitum, d’où habitudo. Habiter signifie d’abord “rester quelque part, vivre dans un lieu”, spécialement “occuper une demeure” [3] ». Plusieurs idées se dégagent de cette définition. Tout d’abord, le mot est issu du verbe avoir : il est donc question de possession. Le terme se décline ensuite en habitude. Se dégage aussi l’idée de durée, de pérennité et de vivre. S’ajoutent alors des notions de maîtrise, de primauté. Ce verbe comprend donc trois grandes notions : l’une de temps, « demeurer, rester » ; une deuxième de primauté et de « maîtrise » ; et une dernière de répétition, « habitudes ».
6 De cette première approche se dégagent trois dimensions :
7 – ontologique, autour des habitudes, des « manières d’être là » dans les lieux habités ;
8 – temporelle, de pérennité, avec les notions de rester, demeurer ;
9 – d’appropriation des lieux habités.
Dimension ontologique
10 Habiter a à voir avec l’être, qu’il s’agisse de le protéger concrètement ou symboliquement.
11 Sans la fonction unificatrice de la maison, « l’homme serait un être dispersé [4] ». Est-ce pour cette raison que Léopold [5] se retire dans sa chambre « quand il est énervé » ? Habiter, c’est pouvoir s’extraire momentanément de la vie sociale, comme Mathilde qui s’isole dans sa chambre devant « la télé [quand elle n’a] pas trop envie d’être avec les autres ». L’habitat symbolise la vie intérieure, la plus intime. Dans l’habitation, le lit, « espace élémentaire du corps [6] », où Romane se blottit « s’il y a de l’orage [avec] ses peluches qui [la] protègent », est souvent l’ultime refuge.
Dimension temporelle
12 Habiter revêt une dimension temporelle. L’étymologie du verbe renvoie ainsi à des notions de continuité et de durée. La maison représente le lieu du prévisible qui rassure et permet de se retrouver en terre connue après chaque incursion dans la vie sociale. Les habitudes concourent à cette sécurité, comme ce fil toujours enroulé autour du percolateur.
13 Le mode d’habiter est rythmique : les rythmes quotidiens, comme la succession des gestes du matin égrenés par Oscar : « Je déjeune, après je me brosse les dents et après je regarde la télé le temps que ce soit l’heure de descendre », ou hebdomadaires pour Romane et ses « trois tâches : « […] le lundi […] de mise de table, de ménage, de lave-vaisselle […] mercredi matin [vider] la vaisselle ».
Dimension d’appropriation
14 Les gestes quotidiens signent l’appropriation de l’espace par le maître des lieux. Des pièces où rien ne bouge à celles où les meubles changent de place, des vides et froides à celles où le désordre domine, les espaces privés, notamment les chambres, renseignent sur la personnalité de l’habitant par la marque qu’il imprime sur son espace propre. Est-il organisé, méticuleux, désordonné, collectionneur ? Un éducateur compare une chambre à « un musée d’art contemporain ». L’habitat est aussi le monde des objets symboliques.
15 Enfin, être maître des lieux, c’est pouvoir faire preuve d’hospitalité en recevant l’autre dans son espace. Je pense ici à la fierté de cette femme qui m’invita à boire un café dans sa chambre lors de ma première visite du foyer où j’ai mené mon enquête.
Pratiques culturelles
16 Selon Claude Lévi-Strauss, la culture permet à l’homme de donner un sens au monde via un système de significations et de symboles. Elle caractérise chaque groupe humain et varie avec le temps : « Une culture peut être présentée comme un ensemble de représentations et de pratiques agencées en ordre symbolique (un ensemble de systèmes symboliques, dit Lévi-Strauss) qui organise et donne sens au monde dans une configuration singulière, propre à un groupe social et à une époque déterminée [7]. »
Culture du quotidien
17 S’intéressant aux pratiques de l’espace, Michel de Certeau [8] définit la culture du quotidien comme l’assemblage des petits gestes de la vie de tous les jours. Pour le philosophe, ces créations quotidiennes constituent autant de « ruses » qui forgent les individus, inscrivant leur empreinte dans l’espace et le temps. Il discerne trois dimensions dans cette forme de culture : une première dimension de nature esthétique où la pratique inventive quotidienne permet à l’individu de s’approprier l’espace à la manière dont le poète fait sienne la langue. La description ethnographique du foyer d’hébergement montre le rangement savant des voitures miniatures de Gustave, la juxtaposition des toiles de Linda sur son bureau, le tapissage des murs de la chambre d’Alex de plaques minéralogiques américaines…
18 Une deuxième dimension qu’il qualifie de polémique, où la pratique quotidienne par ses petits gestes journaliers crée une brèche dans l’ordre établi, telles les affichettes accolées par les habitants sur les portes à côté du numéro de chambre ou ce canapé qui retrouve sa place après que l’infirmière l’a déplacé pour des raisons posturales.
19 Enfin, l’auteur évoque la dimension éthique de la pratique quotidienne s’exprimant dans l’intervalle de liberté grappillé par les habitants pour résister au fonctionnement institutionnel. Ce qui se traduit dans la vie du foyer par la vie nocturne dans les couloirs, la cigarette fumée sur la terrasse après 21 heures, le Coca Cola bu en cachette le soir dans la chambre avec son ami…
Culture professionnelle
20 Des auteurs se sont penchés sur la culture professionnelle et la culture d’entreprise. Leurs études ont montré qu’il existait des attitudes, langages communs, signes de reconnaissance propres à chaque métier. Ils ont aussi décrit des micro-cultures au niveau des entreprises : constructions collectives qui déterminent l’usage de l’espace, l’organisation des relations ou encore les rythmes de l’activité professionnelle. Elles ont pour dénominateur commun l’ethos professionnel, signe de reconnaissance qui confère à tous les membres d’une profession un sentiment d’appartenance. Principe organisateur de pratiques, base d’échanges et de jugement, il renvoie chaque professionnel aux « règles non écrites de son art [9] ».
21 Là où la culture professionnelle pourvoit des habitus, la culture du quotidien se fonde sur l’habitude.
Ethnographie de foyers d’hébergement
22 D’une observation participante au fil du temps, doublée d’une enquête ethnographique auprès d’habitants et de profes-sionnels de deux foyers d’hébergement, émergent plusieurs lignes de force quant à l’usage croisé de ces espaces.
Des espaces sacrés
23 Ce travail d’investigation met en lumière l’existence au sein des deux foyers d’hébergement de lieux où l’entrée est soit limitée à certaines personnes, soit conditionnée par sa finalité. La chambre des habitants et le bureau des éducateurs répondent à ces critères. L’entrée dans les chambres se limite au « besoin » tant dans le discours des habitants que dans celui des professionnels. Oscar précise que les éducateurs n’entrent dans sa chambre que pour exercer leur métier, comme vérifier qu’il lui reste encore du shampooing par exemple. Pareillement, les habitants ne peuvent pénétrer dans le bureau « comme dans un moulin », précise une éducatrice, mais pour des choses sérieuses.
24 Cette séparation des lieux et des personnes selon leur appartenance renvoie à la notion de sacré représentant « une logique de mise à l’écart, de coupure spatiale et symbolique comme le signifie l’une des origines étymologiques de sacré, sacer, ce qui est séparé, qui s’applique aux lieux, mais aussi aux êtres [10]. » Ainsi, chacun doit rester à sa place ou dans son rôle, celui d’habitant ou celui de professionnel.
Des lignes de partage
25 L’évocation de lignes imaginaires ou symboliques est redondante dans l’analyse du discours et des observations, avec pour fonction manifeste de séparer les catégories de personnes : d’un côté, les habitants, et de l’autre, les professionnels.
26 Un éducateur imagine « une forme de ligne jaune un peu invisible » qui limite l’entrée des habitants dans le bureau. Pour ma part, un jour de réception j’observe un grand buffet froid avec salades, charcuteries, viandes froides, disposées sur un alignement de tables. Les professionnels sont derrière la rangée de tables, les résidents et leurs invités ainsi que quelques éducateurs sont assis aux tables installées sur l’esplanade devant le foyer. Nous participons au service et tout à coup nous nous demandons pourquoi, s’il s’agit de la fête des personnes, elles n’y prennent pas part (notes de terrain).
27 Pour Alain Blanc, ce besoin de séparer les personnes déficientes du reste de la société répond à une peur symbolique de la contamination. Ainsi, « la relégation des personnes déficientes au sein d’espaces, où, isolées du commun, elles sont regroupées à des fins de protection, réelle et symbolique, [limite] la contagion qu’elles portent et représentent [11] ».
Des micro-temps culturels
28 Selon l’anthropologue Edward T. Hall, chaque groupe humain produit un système temporel qui lui est propre constitué de « micro-temps […] fondements essentiels de la culture [12] ». La vie des habitants des foyers est rythmée par les tâches et activités de la vie quotidienne. Le temps des professionnels se coule dans celui des habitants, formant comme une « synchronie », notion essentielle de la vie sociale.
29 Néanmoins, à plusieurs reprises, il ressort des entretiens et des observations que les personnes ont été dérangées dans leurs habitudes et en ont été très contrariées, voire blessées. Or, habiter et habitudes vont de pair. Les deux mots sont d’ailleurs issus de la même racine latine « habitum ».
Une vie clandestine à l’ombre des professionnels
30 À la surprise des professionnels interrogés, de nombreux moments évoquant une vie parallèle, buissonnière, ont été relatés par les habitants et les professionnels (veilleurs de nuit notamment). Les habitants ont décrit, non sans une certaine gourmandise, ces parenthèses de vie échappant au regard des professionnels.
31 Erving Goffman, sociologue américain, a mené une étude à partir d’une immersion dans une institution psychiatrique dans les années 1960 [13]. Il a relevé deux formes d’adaptation chez les pensionnaires qu’il qualifie de « désintégrantes » ou « d’intégrées ». Les premières visent à attaquer frontalement l’institution tandis que les secondes « font avec », pour reprendre les mots d’un habitant. Pour l’auteur, la vie clandestine signe la manifestation d’une adaptation intégrée.
La liminalité, obstacle à l’habiter
32 La liminalité est un concept issu des travaux de Van Gennep sur les rites de passage [14]. Ces derniers comportent trois phases : la séparation (préliminaire), la marginalisation (liminaire) et l’agrégation (post-liminaire). Des auteurs en sociologie (Alain Blanc, Marcel Calvez [15]) ou en anthropologie (Charles Gardou [16]) ont relevé des similitudes entre la période liminaire des rites de passage et la situation sociale des personnes vivant une déficience. De leurs travaux ressortent plusieurs thématiques quant aux représentations sociales du handicap : des personnes représentant l’étrangeté ; une crainte de la contagion ; une disqualification personnelle et sociale.
33 Ces thèmes émergent de l’enquête de terrain. Les représentations des professionnels conduisent à des attitudes assignant les habitants dans une position liminale, les empêchant d’exercer pleinement leur pouvoir d’agir sur leur espace de vie.
Des personnes étranges
34 La pratique systématique de périodes d’essai ou de stages compliquant l’entrée en foyer fait penser à la description -d’Arnold Van Gennep : « Les étrangers ne peuvent pénétrer de suite sur le territoire de la tribu ou dans le village ; ils doivent prouver de loin leurs intentions et subir un stage dont la forme connue est le fastidieux palabre africain. C’est le stade préliminaire, qui dure plus ou moins longtemps [17]. »
35 Oscar explique qu’il a « fait plein de stages ». Mathilde précise qu’elle a fait « un essai pendant un mois ». Par ailleurs, les mots employés pour parler de cette arrivée nous ont intrigués. Oscar explique que l’assistante sociale « l’a engagé ». Romane, cite le nom d’une personne qui lui a dit « je vous engage » (notes de terrain).
Une peur de la contagion
36 Le discours des professionnels et des faits observés montrent que les habitants sont écartés de la nourriture (ne plus aller chercher le pain, ne pas servir au buffet de fête d’été) avec pour effet de les priver du pouvoir d’être hôte, pourtant essentiel dans la construction du sentiment d’habiter. Pour Alain Blanc, ce besoin de séparer les personnes déficientes du reste de la société répond à une peur symbolique de la contamination. Ainsi, « la relégation des personnes déficientes au sein d’espaces, où, isolées du commun, elles sont regroupées à des fins de protection, réelle et symbolique, [limite] la contagion qu’elles portent et représentent [18] ».
37 Flora explique ainsi qu’elle « n’a pas forcément envie de manger du pain qui a été touché par les doigts de Mathilde qui ont été suçotés avant » (notes de terrain).
Un processus de disqualification
38 Les représentations des professionnels se traduisant dans les termes employés pour parler des habitants et dans une non-reconnaissance de leur capacité d’adulte concourent à un processus de disqualification.
39 De nombreux propos des professionnels ont des connotations infantiles. Ainsi, Arnaud est surpris que des résidents réagissent « comme des enfants qui vont se faire gronder » quand il va « les chercher dans leur chambre [et] leur demande de venir dans le bureau ». Natalia parle de « copains, copines », lorsque que nous lui demandons si les résidents invitent des personnes au foyer. Pour parler des hommes habitant le foyer, elle dit « les garçons ». Elle ne connaît qu’un seul couple au foyer, « plus histoire de dire ». Arnaud se demande s’ils sont sensibles à la décoration : « pour eux, c’est abstrait […] Est-ce que ça leur parle eux, un tableau sur un mur ? » (notes de terrain).
Perspectives et conclusion
40 La description ethnographique de la vie dans un foyer d’hébergement confirme l’existence de barrières privant ses habitants d’une partie de leur pouvoir d’agir sur leur espace. Ces obstacles, liés aux représentations des professionnels, assignent les habitants dans une position de liminalité.
41 Ces conclusions vont à l’encontre de la philosophie des derniers textes de lois en faveur des personnes en situation de handicap prônant l’égalité des droits et des chances et le respect de la vie privée. C’est pourquoi, à la lumière de ces résultats, il est proposé des actions en direction des deux catégories d’acteurs visant à infléchir les représentations des professionnels et à donner aux habitants le pouvoir d’agir sur leur espace en développant leur créativité quotidienne.
Le pouvoir d’être hôte
42 Comment passer du statut de « personne accueillie » assignant à une position d’assisté à celui d’acteur de cet accueil redonnant le pouvoir d’être hôte ? Ces différents éléments m’ont amené à envisager plusieurs pistes d’action, avec comme fin de redonner aux habitants ce pouvoir d’agir sur leur espace :
43 – des actions en direction des personnes accompagnées : construire le projet de la personne autour de ses habitudes, utiliser des outils adaptés à la compréhension de la personne quant au repérage temporel, permettre aux habitants d’être hôtes par l’implication dans l’organisation des fêtes et par la création d’une véritable culture de l’invitation. Aller chercher le pain livré par le boulanger tous les matins, servir au bar lors des soirées dansantes, distribuer des assiettes en plastique à la fête d’été, tenir le stand d’accueil de la journée portes ouvertes, répondre au téléphone. Ce sont autant de petits gestes pouvant paraître anodins, mais qui inscrivent les habitants non plus dans un statut d’assistés, mais de personnes en capacité d’accueillir dans l’espace qu’elles habitent. La manière dont les personnes prennent à cœur leur mission m’étonne toujours, à l’image de cet homme incapable de tenir en place habituellement, qui restera tout un après-midi au stand d’accueil de la journée portes ouvertes ;
44 – des actions en direction des professionnels visant à agir sur leurs représentations en multipliant les rencontres, les formations et la participation à des conférences.
Bibliographie
Bibliographie
- Certau (de), M. 1980. La culture au pluriel, Paris, Christian Bourgois éditeur.
- Cuche, D. 2010. La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, coll. « Repères ».
- Dufoulon, S. 1998. Les gars de la marine, ethnographie d’un navire de guerre, Paris, Métailié.
- Jodelet, D. 2004. Folies et représentations sociales, Paris, Puf.
- Maffesoli, M. 1979. La conquête du présent. Pour une sociologie de la vie quotidienne, Paris, Puf.
- Proust, M. 1913. À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard.
- Serfaty-Garzon, P. 2003. « Le chez-soi : habitat et intimité », dans M. Segaud, J. Brun, J.-C. Driant (sous la direction de), Dictionnaire critique de l’habitat et du logement, Paris, Armand Colin.
- Sibony, D. 1991. Entre-deux : l’origine en partage, Paris, Le Seuil.
Mots-clés éditeurs : pouvoir d’agir, liminalité, culture du quotidien, déficience intellectuelle, obstacle, Habiter
Mise en ligne 06/11/2018
https://doi.org/10.3917/vst.140.0096Notes
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[1]
Mémoire réalisé dans le cadre de la formation du diplôme d’État d’ingénierie sociale au collège coopératif Auvergne Rhône-Alpes, soutenu en décembre 2017.
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[2]
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
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[3]
A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998.
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[4]
G. Bachelard, La poétique de l’espace, Paris, Puf, 1958, p. 35.
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[5]
Tous les prénoms de ce texte sont des prénoms d’habitants, ils ont été modifiés.
-
[6]
G. Perec, Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974, p. 33.
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[7]
M.-O. Geraud, O. Leservoisier, R. Pottier, Les notions clés de l’ethnologie, Paris, Armand Colin, 1998, p. 98.
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[8]
M. de Certeau, L’invention du quotidien, t. 2 : Habiter, cuisiner, Paris, Gallimard, 1990.
-
[9]
B. Zarca, « L’ethos professionnel des mathématiciens », Revue française de sociologie, vol. 50, n° 2, 2009, p. 351-384.
-
[10]
S. Dufour, J.-J. Boutaud, « Extension du domaine du sacré », Questions de communication, n° 23, 2013, p. 7-30.
-
[11]
A. Blanc, Le handicap ou le désordre des apparences, Paris, Armand Colin, 2006, p. 46.
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[12]
E.T. Hall, La danse de la vie, temps culturel, temps vécu, Paris, Le Seuil, 1984, p. 36.
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[13]
E. Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Minuit, 1968.
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[14]
A. Van gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1980.
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[15]
M. Calvez, « La liminarité comme analyse socioculturelle du handicap », Prévenir, n° 39, 2000, p. 83-89.
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[16]
C. Gardou et D. Poizat (sous la direction de), Désinsulariser le handicap. Quelles ruptures pour quelles médiations culturelles ?, Toulouse, érès, 2007.
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[17]
A. Van gennep, op. cit., p. 38.
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[18]
A. Blanc, op. cit., p. 46.