1L’incendie ravageait la colline. Le vent, pris de folie, devenait enfin visible, il prenait forme en fantôme de feu, s’agenouillant pour consommer quelques brindilles, puis en tourbillon pour envelopper les arbres.
2De ce ballet en torche tout était en proie aux flammes. Certains s’échappaient en sauve-qui-peut, d’autres se calfeutraient en d’inutiles cavernes.
3Les papillons, si prompts à virevolter, tombaient comme des mouches, carbonisés.
4L’œil fauve guette cette proie qu’il meurt d’envie d’enserrer. Qu’il mourra même de ne pas avoir étouffée de sa caresse meurtrière.
5Agile, gracile, si vive en son inconscience suicidaire, l’innocence est une prise offerte au prédateur.
6Le désir crible l’assassin de mille fourmillements et bourdonne à ses tempes béantes. Mais comment trahirait-il sa nature, comment concilierait-il la faim qui le tenaille et le repentir des représailles entrevues ? Il y va de sa survie.
7Seul le temps qui égrène l’impatience corrode son attente infaillible. Ah, fouailler au tendre de la chair, lacérer ce corps intact qui nargue sa fébrilité ! Le pouls s’accélère et martèle de son battement les muscles bridés. Affolés par cet incoercible frémissement, ils boiront à longs traits le sang de la griserie. Jusqu’à la prochaine aridité.
8Il n’est de proie que vivante, surtout si c’est dans les serres ardentes du feu. Hérétique qui clame la permanence de sa foi, livres qui se tordent dans l’hallali de la culture meurtrie, rire démoniaque de la foule, terrifiée et fascinée, en transes complices.
9Toute proie clame pourtant la défaite de son perfide vainqueur. Unanime, la commisération se portera sur la victime de cette inévitable chaîne du vivant, jusqu’à l’insecte bourdonnant, fastidieux hôte de nos nuits, qui se voit presque décerner les galons du malheur quand son bourreau le happe d’un bec goulu.
10À Jupiter Prédateur, ainsi dénommé pour son droit imprescriptible au partage de toutes dépouilles guerrières, revient sans conteste la gloire du brigand pilleur de virginités pâmées. Être la proie de la flamme olympienne, quelle nymphette n’en aurait pas rêvé ?
La proieElle attend, hésiteSe guettePour sentir le dangerSe figePour écouter la sentenceSe glacePour savourer la cruautéSe livreSans amertume, ni remordsSe jetteLes yeux ouvertsDans l’impatience de l’autre.
Bibliographie
Bibliographie d’Annick Drogou
- – Dico des Sectes, Milan, collection « Essentiels », 1998.
- – À quoi sert la grammaire ?, Milan, collection « Essentiels », n° 168, 2000.
Bibliographie de Vincent Pachès