1 A peine le mot prononcé, le cœur chavire, au bord des lèvres. L’étourdissement menace, angoisse de la chute vers le vide sans fond. Décidément, ce corps humain tout en courbes ne supporte pas le détour, la démarche mouvante et chaloupée, l’échappée belle hors des sentiers rectilignes. Le vertige, c’est aussi le caprice, cette fantaisie salutaire du tournoiement. Étourdissement de fin de valse, alanguissement fugitif dans la résonance du tempo ultime. Mais, bien vite, le raide reprendra ses droits.

2 Tout ce qui est tordu, détourné, lui est cousin. De la cuiller grecque, *ratana, dont l’évolution phonétique a faussé la parenté étymologique, jusqu’au divorce. Quel champ immense ! Qui penserait que la vertèbre qui s’appuie sur le dossier, pour soulager le dos – divorsum -, préserve ainsi la verticalité ?

3 La conversion serait, à ce titre, le détournement volontaire loin de son erreur première, -ou vérité, qui sait ? Grande controverse qui suscita tant d’aversion et un déluge, que dis-je une averse !, de protestations dans l’univers religieux, à l’encontre du pécheur versatile.

4 Piètre diversion qui ne saurait abuser le farouche adversaire.

5 Décidément, le divertissement n’est pas au programme, comment en supporter la trop grande subversion ?

6 Ce qu’on sait moins, c’est la complicité du vers et de la prose dans la tournure d’une phrase. Alors qu’on serait enclin à les opposer, ils participent tous deux du même mouvement de tour et détour. Le vers est, au sens propre, le retour de la charrue au bout du sillon, d’où le tour d’une ligne d’écriture selon les canons poétiques. Le Poète est bien le laboureur des mots…

7 La prose, quant à elle, pro versa, prorsa, est ce qui est « tourné en ligne droite ». Bel oxymore…

8 Pourquoi le vertige serait-il immanquablement nauséeux, associé au vide ? Alors qu’il fait échapper au rectiligne, au saturé, puisque cette béance entrevue ne demande qu’à s’offrir à la plénitude à venir.

9 Traversée des apparences, appétit sainement boulimique de la diversité du monde.