Couverture de VST_079

Article de revue

Inquiétante névrose

Pages 12 à 18

Notes

  • [1]
    Selon Jean Gagnepain, la clinique (de l’aphasie, de l’atechnie, de la psychose et de la névrose) nous invite a distinguer quatre principes culturels autonomes chez l’homme : le principe de Signe (capacité logique), le principe d’Outil (capacité technique), le principe de Personne (capacité ethnique), et le principe de Norme (capacité éthique). Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le modèle de Jean Gagnepain, je les invite à se rendre sur le site du LIRL (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur le Langage de L’Université de Haute Bretagne Rennes 2) à l’adresse suivante :
    hhttp:// www. uhb. fr/ sc_humaines/ lirl/ pages/ niveau1/ lirl.html#anchor761993
  • [2]
    Le névrosé phobique est capable d’identifier une précaution précise, il ne peut pondérer celle-ci pour obtenir une marge rassurante. Il doit lutter contre l’envie de se dérober en tenant bon pour faire face à des situations précises. Le névrosé obsessionnel ne peut exclure les précautions pour éviter l’irréparable. Il continue à les enchaîner sans pour autant lever le doute.Le névrosé hystérique de conversion ne s’autorise pas à satisfaire le choix de son élection, sinon dans l’immodération pour ensuite s’accabler de nullité. L’abstinence, pour exemple, est à son comble chez l’anorexique hystérique. Le névrosé hystérique versatile s’il exprime moultes prétentions, ne peut exclure les plus nulles au profit des moins nulles. Il passe le plus clair de son temps à renoncer à satisfaire ses envies.
    Chez le névrosé obsessionnel et le névrosé hystérique versatile, l’humeur est labile : ce qui surprend ce n’est pas la durée du changement d’humeur mais sa grande instabilité… Passages fréquents et rapides d’un état de tristesse à un état de jovialité…
    Tandis que chez le névrosé phobique et le névrosé hystérique de conversion, l’humeur est concentrée : ce qui surprend ce n’est pas l’instabilité de l’humeur mais la durée de ce changement… Longues bouderies, longues colères (furies), fous rires interminables… in Despretz Franck, Un désir sans frein… La loi s’enfreint, Mémoire de DEA en Sciences Humaines, Université de Haute Bretagne, Rennes 2, (2002-58).
  • [3]
    Elisabeth Roudinesco, nous fournit un parfait exemple de confusion trouble-symptôme… « La psychanalyse […] a guéri l’hystérie des années 1880. Les gens au lieu d’être hystériques sont devenus dépressifs, c’est-à-dire, les symptômes changent, les maladies changent au fur et à mesure qu’on invente des techniques pour les guérir. » In le vidéogramme, Sigmund Freud, l’invention de la psychanalyse, écrit par Roudinesco Elisabeth et Kapnitz Elisabeth, produit par Castro Françoise, France 3 production, 1997. Rien d’étonnant que nous découvrions encore de nouvelles maladies, à chaque fois, qu’un trouble présente un nouveau symptôme.
  • [4]
    Si en tant qu’infirmier nous n’établissons pas le diagnostic, c’est de l’ordre de la responsabilité médicale, nous participons cependant à son élaboration en rapportant au médecin nos observations.
  • [5]
    Diatkine Gilbert, Les transformations de la psychopathie, Le Fil rouge, PUF, Paris (1983, 7).
  • [6]
    Si nous ne pouvons écarter aucune de ses possibilités, nous devons cependant tenir compte d’une dialectique nature/culture. Nos capacités culturelles sont certainement contingentes à notre nature mais nous ne pouvons prétendre qu’elles n’aient aucune incidence sur notre nature. Aussi, il n’est toujours pas aisé de déterminer avec certitude si l’hypo ou l’hyperdopaminergie est une conséquence ou l’origine de certaines pathologies mentales. Le trouble peut être la conséquence de la non émergence, de l’absence d’une de nos capacités ; comme elle peut être la conséquence d’une mauvaise sollicitation de cette dernière.
  • [7]
    « Rester soi-même quand le milieu nous cogne et poursuivre, malgré les coups du sort, notre cheminement humain ». In Ces enfants qui tiennent le coup, sous la direction de Cyrulnik Boris, Édition Hommes & Perspectives, Martin Média. Cyrulnik utilise le terme de résilience pour rendre compte de la capacité qu’ont certaines personnes à conserver leur forme malgré les mauvaises fortunes que la vie leur offre.
  • [8]
    Coupable mais pas responsable… Ici nous ne devons pas reproduire l’erreur des juristes et des tribunaux. Lorsqu’un jury prononce à l’encontre d’un délinquant le verdict de culpabilité ou de non-culpabilité à l’issue d’un procès, le jury ne se prononce en fait que sur la responsabilité ou la non-responsabilité de ce dernier. Car si nous pouvons juger qu’un délinquant psychopathe soit responsable de son passage à l’acte, il ne s’en sentira aucunement plus coupable.
  • [9]
    Winnicott D.W, Processus de maturation chez l’enfant, Payot, Paris (1970, 64).
  • [10]
    Id., (1970, 64).
  • [11]
    Winnicott note, par ailleurs, une angoisse brute et non constructive chez l’enfant qui ne ressent pas de culpabilité de perte de l’objet maternant. Chez ce dernier, cette absence de culpabilité peut déjà s’expliquer par une défaillance éducative de son milieu familial. Manquant de manque, il ne peut supporter cette perte, cette frustration pouvant produire à l’occasion des ruptures clastiques chez l’enfant psychopathe lorsque sa figure d’attachement disparaît ou le déçoit. Il reproduira ce mode de relation avec toutes autres personnes… amis, éducateurs, thérapeutes, famille d’accueil, etc., nous laissant toujours l’impression que privé de quelque chose, nous la lui devons.

1 Pour certains, la tourmente traduit un principe de précaution excessif. Ils ne peuvent supporter l’incertitude quant à maintenir un « risque zéro »… L’assurance est en crise… Ils sont excessivement soucieux. Pour d’autres, la tourmente prend la forme d’une crise de la prétention. Ils ont peur de ne pas être à la hauteur de leurs ambitions… Ils sont excessivement inquiets. Parmi les soucieux et les inquiets, l’aspect instable ou concentré de la tourmente nous invite à concevoir quatre névroses distinctes [2]. Dans cet article, je propose une réflexion sur les adolescents que je rencontre dans le cadre de l’exercice de mon métier d’infirmier. Des adolescents qui, sur fond de crise existentielle occasionnée par l’émergence à la citoyenneté (avec ses « qui suis-je »… et ses « à quoi je sers ? »), ont peur de ne pas être à la hauteur de ce qu’on attend d’une personne adulte. Aussi, depuis leur entrée au collège, épisode qui les inscrit socialement dans l’adolescence (la puberté en étant l’indicateur physiologique), pour lutter contre l’inquiétude, ils ont tendance à continuer de fonctionner sur un mode infantile. Certains, n’osant pas la crise d’adolescence, paraissent gagner en autonomie, en responsabilité, jusqu’à être qualifié de personnes « hyper responsables », « matures »… Mais il s’agit d’une responsabilité par procuration. Ils font « comme si », comme s’ils étaient responsables, mais finalement, ils continuent à s’étayer sur l’autorité de l’adulte. Responsabilité de l’adulte qui depuis leur enfance pondère leur tempérament. N’osant pas avoir d’emprise sur lui-même, le jeune invite insidieusement l’adulte à prolonger leur enfance. D’autres expriment leur inquiétude tout autrement, ils font montre de beaucoup d’efforts pour nous prouver qu’ils sont à la hauteur du sentiment de nullité qu’ils ressentent. À l’occasion, ils délinquent pour que l’adulte intervienne, les arrête et finalement les infantilise.

2 Pour venir en aide à ces jeunes inquiets, il nous faut déjà tenter d’identifier leur trouble. C’est ici, pour ma part, que je suis fortement inquiet. Nous manquons de méthode, tantôt nous concentrons notre attention sur le symptôme… tantôt nous tentons une explication historique du symptôme avant même d’avoir une idée du trouble en question. Alors que nous devrions toujours garder à l’esprit qu’il ne faut pas confondre le trouble (la capacité endommagée), avec sa cause (l’origine du trouble) et son symptôme (la performance du trouble). Nous devons travailler, de concert, ces trois analyses en prenant garde à ne pas confondre, encore, le lieu du trouble et le lieu de sa manifestation (ou de sa compensation).

Le symptôme est la performance du trouble

3 Depuis le suicide de son paternel dans un contexte de divorce difficile, Émile n’accepte aucune forme d’autorité quel que soit l’adulte qui l’incarne… mère, frère, sœur, professeurs, juge, etc. Émile est déscolarisé depuis plus d’un an. Il consomme et deale du cannabis… Une consommation non-festive souvent associée à des prises d’alcool… Il est impliqué dans des actes de vandalisme qui le conduisent devant le juge pour enfants. Émile refuse systématiquement les aides éducatives et la scolarité. Perdant patience, le juge décide une ordonnance de placement provisoire dans une unité de soins. Il est hostile aux soins que nous lui proposons. Obtenir une rapide sortie est son seul désir. Il ne reconnaît pas être en souffrance et minimise la gravité de sa situation. Révolté, il prétend que ce sont les « autres » qui sont responsables de ses difficultés. Dans ses moments-là, les adultes, le juge et le médecin de l’unité en tête de liste, ont droit à leur lot de noms d’oiseaux. Il se montre moqueur et prétentieux avec les soignants ainsi qu’avec certains jeunes hospitalisés (le mal-être de ses derniers lui rappelant ses propres difficultés). De nombreuses fois, il s’est laissé déborder par la colère, perdant toute mesure, il dégrade du matériel et parfois en vient aux mains avec les soignants. Pour endiguer ses furies, nous devons le médiquer et le confiner dans sa chambre. Et lorsqu’il s’apaise, il s’accable de nullité à « qui mieux mieux ». Il exprime une crainte de ne pas être à la hauteur de ses ambitions, la peur de décevoir, la peur d’être déçu lorsqu’il évoque son retour au collège, peur que sa mère soit malade par sa faute et qu’elle finisse, comme son père, par mettre un terme à son tourment… Il prétend qu’il n’y a pas de problème, son discours laisse transparaître une grande inquiétude. Il lui arrive fréquemment de dire qu’il finira un jour par faire comme son père…

4 17 ans, Marie ne souhaitait pas réellement mourir : « je voulais juste dormir un peu… trouver de l’apaisement… » ou : « je veux vivre, mais pas cette vie-là ». Sa méconnaissance en pharmacologie aurait pu lui être fatale. Marie est lycéenne, c’est une « bosseuse » et, de plus, une bonne élève. Tellement bosseuse que depuis un certain temps, le travail scolaire prend une folle importance. À tel point que nous pouvons parler de surmenage. Elle a tellement peur de l’échec, qu’elle privilégie le travail scolaire au détriment de ses loisirs. Alors qu’elle avait un emploi du temps « surbooké » de ce point de vue (activités sportives et musicales entre autres). Elle ne sort plus avec ses copains-copines, et rompt avec son petit ami… Tout ce petit monde révolté en pleine crise d’adolescence l’exaspère. Elle parle de ses anciens amis non sans une certaine suffisance. Et pourtant, si elle travaille plus et obtient toujours de bonnes notes, elle n’en est pas plus satisfaite. Elle confie un sentiment de nullité important, une peur de ne pas être à la hauteur. La pression devient insupportable et si elle ne peut raisonnablement pas travailler plus, elle ne peut s’y résoudre. Elle s’acharne et ne peut mesurer l’effort qu’elle doit fournir. Elle ne peut que se donner entièrement au travail scolaire, sinon ne plus rien faire. Elle lutte contre un mouvement d’humeur dépressive qui la guette et qui l’invite à ne plus rien faire… À laisser tomber.

5 Chez ces deux jeunes, si les symptômes sont différents, le tourment semble, néanmoins, être le même. La douleur est morale. Émile comme Marie souffre d’un sentiment de nullité excessif. Les sentiments qu’ils expriment sont : la peur de l’échec, la peur d’être déçu et de décevoir, peur de ne pas être à la hauteur… Ils sont gouvernés par l’inquiétude. Celle-ci leur faisant vivre le vertige des extrêmes comme soumis émotionnellement par une politique du « tout ou rien ». Ainsi, ils sont soumis à une alternative : le surmenage ou la dépression. Surmenage scolaire pour Marie, elle ne mesure plus sa quantité de travail pour être à la hauteur d’un idéal démesuré… Course à l’excellence, à la réussite. Surmenage d’allure délictueuse pour le jeune Émile qui ne peut plus mesurer son tempérament… Dans sa tourmente, nous avons l’impression qu’il tente de nous prouver qu’il est vraiment « nul ». Cela ne signifie pas que le jeune Émile n’a pas un idéal démesuré, mais seulement qu’ayant peur d’échouer il préfère ne pas essayer. En échec scolaire depuis quelques années, il préfère adopter une attitude rebelle et prétendre qu’il n’en a rien à faire, qu’il refuse d’apprendre, que ça sert à rien, etc. Plutôt que de tenter une reprise de la scolarité et être confronté à nouveau à l’échec. Nous constatons, encore, qu’ils sont tous deux sujets à de longs mouvements d’humeur… Longues bouderies, longs moments de tristesse, longs moments de jovialité, de longs « fous rires », des colères interminables pour Émile, des colères tout aussi longuement retenues chez Marie (car elle en soupçonne la démesure si elle se laissait déborder). Concentration de l’humeur telle que lorsqu’ils évoquent leur désir d’en finir et de se donner la mort, ils peuvent nous paraître inaffectifs, froids. Nous observons aussi une focalisation des envies. Lorsqu’ils ont une idée en tête, elle ne les quitte plus… S’ils ressassent, ruminent, à l’occasion leur comportement peut être qualifié « d’obsessionnel ». Si l’obsession est ici la manifestation d’une prétention en crise (perfectionnisme excessif), nous serons vigilants à ne pas la confondre avec les symptômes qui peuvent témoigner d’une précaution excessive observable chez le jeune souffrant d’une névrose obsessionnelle ou phobique. Ils peuvent faire montre d’un grand entêtement, de jusqu’au-boutisme… Et inversement, avoir envie de « rien »… Cette perte de la mesure nous donne une indication sur l’incroyable durée du mutisme de ces jeunes lorsqu’ils se murent, lorsqu’ils sont réticents à l’échange.

6 Force est de constater, par exemple, qu’il y a plus fréquemment des suicides par arme à feu dans les familles possédant précisément une arme à feu. Nous pouvons supposer que le symptôme se nourrit de l’histoire de la personne, et qu’un trouble névrotique précis peut prendre diverses allures [3]… Surmenage, dépression, anorexie, boulimie, toxicomanie, alcoolisme, fugue, délinquance, tentatives de suicide… Nous devons garder à l’esprit que le trouble du comportement est atemporel, tout comme il ne tient pas compte, non plus, du milieu social et de l’espace. Si ces paramètres historiques peuvent changer l’allure du trouble, ils n’en changent pas la nature (le principe). De plus, il nous faut aussi garder à l’esprit qu’un trouble, quel que soit son degré de gravité, n’en reste pas moins le même. Les aphasiologues nous ont bien montré qu’une aphasie sémiologique de Broca qu’elle soit grave (stéréotypie), moyenne (agrammatisme) ou récupérée est un même trouble. Nous trouverons donc cette même subtilité pour qualifier les troubles de comportement. Un trouble de comportement n’aura pas la même allure suivant son degré de gravité.

7 « Identifier » le trouble n’est pas toujours l’urgence dans notre métier [4], l’approche symptomatique est souvent vitale. Nous ne devons pas rester pantois devant une personne dont la température ne cesse d’augmenter. De la même façon, si nous en avons l’occasion, nous devons empêcher la pendaison d’une personne quelle que soit la nature de son tourment… Mais si l’urgence nous oblige parfois à privilégier l’approche symptomatique, nous devons ensuite ne pas focaliser sur le ou les symptômes qui se montrent à voir et tenter d’identifier le trouble sous-jacent. D’autant que les symptômes peuvent être présents dans de nombreux troubles. Émile peut partager des symptômes avec un jeune psychopathe, comme Diatkine nous le rappelle : « beaucoup de psychopathes sont des délinquants, mais tous les délinquants ne sont pas psychopathes [5] ». Nous ne devons pas nous contenter de la performance délinquante d’Émile. C’est la présence ou non d’un sentiment de culpabilité qui va nous permettre d’affiner le diagnostic. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas l’empêcher de faire « n’importe quoi ».

8 En polarisant notre attention sur le symptôme, sans comprendre le trouble qui s’exprime nous risquons de nous trouver dans des situations où l’incompréhension engendre « bras de fer » ou « surenchère » avec un jeune qui veut nous signaler sa souffrance sans oser nous le dire autrement. Ceci pour qu’on reconnaisse son mal-être… Culturellement, nous sommes plus enclins à accueillir les « pleurnicheries » d’une jeune fille que celle d’un jeune homme (l’homme doit être fort). Du coup, l’homme, est invité à choisir des symptômes d’allure belliqueuse… Actuellement, nous pouvons observer qu’il est encore difficile de concevoir la névrose hystérique chez l’homme… Aussi, nous les taxons rapidement de « borderline », de « paranoïaque » ou de « schizophrène », voire de « psychopathe ». Ce constat peut-il expliquer la plus grande réussite des suicides chez les hommes ? Les hommes souffrant de névrose hystérique ne sont-ils pas culturellement invités à mettre la barre plus haute pour que nous reconnaissions l’importance de leur tourment.

9 Une minimisation du passage à l’acte peut inciter l’adolescent à surajouter. Tandis qu’une dramatisation génère encore de l’inquiétude, surtout si le tourment n’est pas reconnu… Dans les deux cas, l’adolescent peut ressentir un sentiment de « toute puissance », le symptôme mobilisant l’adulte autour de sa personne. Si Émile et Marie sont moralement en panne, ils nous surprennent par la « toute puissance » qu’ils exercent sur leur environnement pour tenter de calmer leurs angoisses. Ainsi, nous avons le sentiment qu’ils gardent une grande maîtrise des situations. Maîtrise que nous pouvons qualifier de tyrannique à l’occasion. Nous avons l’impression qu’ils manipulent leur entourage, qu’ils calculent… Émile mobilise sa mère, les éducateurs, les directeurs de collège pour donner le change à un juge devenant une menace à ses yeux. Mais, lorsqu’il faut réellement s’engager et soutenir un véritable effort, il se dérobe, invitant une nouvelle fois les adultes à intervenir. Intervention qu’il vit comme persécutrice, et qui génère chez Émile un discours paranoïde et de furieuses colères. Il ne supporte pas qu’on puisse avoir autorité sur lui. Même si par ailleurs, calmé, il peut reconnaître ne pas être capable d’un véritable pouvoir sur lui-même. Et notons, que contrairement à ce que nous pouvons observer chez la personne paranoïaque, les convictions du jeune Émile ne sont pas inattaquables… Ici, Jean Gagnepain nous invite à distinguer le lieu du trouble et le lieu de sa manifestation ou de sa compensation… Chez Marie, le comportement a une tout autre allure, mais la dépendance à l’adulte est aussi importante. Bonne élève, elle se révèle être une bonne malade, une patiente « patiente » au tout début de l’hospitalisation. Soulagée, elle se laisse porter par les adultes qui l’entourent. Mais lorsque nous évoquons le projet de sortie, l’inquiétude se manifeste à nouveau. Elle se montre très exigeante, se plaint du service que nous lui rendons et réclame des solutions pour éteindre radicalement son inquiétude. C’est une invitation à ce que l’adulte continue à exercer son autorité sur elle. Elle explique qu’elle ne sent pas encore capable de réguler seule son comportement. Rien n’a changé ; si elle rentre chez elle, elle sent qu’elle va continuer à travailler jusqu’au surmenage si personne ne vient la freiner. Faisant montre d’une grande suffisance, elle nous presse pour que nous changions nos méthodes de travail, propose des pistes de travail, etc. Elle tente, comme notre jeune Émile, de retrouver une certaine maîtrise de la situation. Si bien que, pour finir, nous avons le sentiment qu’ils se dominent, qu’ils sont capables de se contrôler, même si par ailleurs cette emprise nous paraît excessive. De quel pouvoir s’agit-il ici ? Se dominent-ils vraiment ? Si nous pouvons parler de « toute puissance », pouvons-nous parler de « responsabilité » ? Marie et Émile sont décrits par leurs proches comme des enfants devenus très tôt autonomes. Mais enfants, ne faisaient-ils pas « comme si » ? En quelque sorte, ils étaient responsables par procuration et contrairement à ce que pouvait penser leur entourage, ils n’étaient pas dupe de la chose… Ils étaient conscients d’être encore sous la responsabilité de leurs parents, « c’était pour de faux » même s’ils rendaient de réels services.

10 Par conséquent, lorsque nous constatons cette « toute puissance », par exemple chez un jeune souffrant d’un syndrome anorexique, il faut nous garder de croire qu’il s’agit de l’emprise sur elle-même que peut avoir une personne entrant dans une grève de la faim. Si nous supposons chez le patient anorexique un pouvoir sur soi-même important pour obtenir une telle abstinence alimentaire, pour contrôler ses émotions au point que nous pouvons le croire sans affect, c’est ne pas comprendre ce qu’il veut nous signifier lorsqu’il nous confie sa crainte d’un virage boulimique, ou la peur de se laisser déborder par ses émotions (effondrement, flot interminable de larmes, colère sans fin…). Nous prétendons qu’il se domine de trop. Alors comment expliquer qu’il redoute ce genre de revirement, sinon déduire qu’il ne contrôle rien ? C’est son tempérament, qu’aucun pouvoir ne pondère, qui finit par le gouverner et lui faire vivre le vertige des extrêmes. Il est sous l’emprise du « tout ou rien ». Il est sous l’emprise de son symptôme. Nous comprenons mieux que son inquiétude redouble lorsque nous l’invitons à se relâcher, comme s’il était responsable de ses actes. Il peut de surcroît avoir le sentiment qu’on n’a rien compris, qu’on le suspecte de faire exprès et qu’on ne reconnaît pas le trouble dont il est victime… « Il fait du cinéma… Il nous manipule… Il en rajoute… C’est de la comédie… » Comme nous le suspectons chez bon nombre de personnes que nous qualifions sommairement de « H »… C’est alors que nous devons nous interroger sur « qui maîtrise, qui manipule… » Le trouble de ces jeunes doit se rappeler à nous ; c’est l’inquiétude qui gouverne la vie de ses jeunes. Une tourmente qui inviterait le jeune adolescent à se maintenir dans l’enfance … Continuer à faire « comme si » les adultes étaient les vrais responsables, les vrais décideurs. L’adulte apaiserait son tourment, comme lorsqu’il était enfant. Et si, effectivement, nous observons une grande puissance chez ses jeunes, elle ne doit pas être confondue avec le pouvoir que nous exerçons sur nous-mêmes lorsque nous parlons de « se dominer », « avoir emprise sur soi-même », « être responsable ». Il s’agit, sans doute ici, d’une maîtrise, d’une toute puissance de type infantile. Le pouvoir d’un enfant qui, je le rappelle, ne s’exerce que sur autrui et non pas sur lui-même. Tandis que devenir un adulte c’est dominer l’enfant qui est en nous. Nous devenons autonomes et nous nous émancipons de l’emprise de l’adulte. C’est gagner en pouvoir et être capable de partager ce pouvoir. Avoir emprise sur soi-même, accepter l’emprise de l’autre et exercer de l’emprise sur l’autre… Il ne s’agit jamais d’un pouvoir absolu mais d’un pouvoir relatif… Un pouvoir partagé, un pouvoir citoyen. Ici, l’inquiet nous invite fortement à ce que nous décidions pour lui, que nous lui imposions un cadre parfois très rigide, contenant, qui aurait la vocation d’endiguer ses excès comportementaux. L’anorexique nous demande par exemple de l’empêcher de virer à la boulimie. Et si par ailleurs, le jeune tient tout aussi tyranniquement à son symptôme, c’est que seul ce dernier parvient à l’apaiser temporairement. Lorsqu’un jeune se scarifie les avant-bras, il n’est pas rare de l’entendre dire « ça m’a soulagé ». Nous retrouvons ce même discours chez l’anorexique lorsqu’il s’abstient de manger. Les drogues légales ou illégales (alcool, anti-dépresseur, cannabis…) se substituent à l’autorité parentale. Alors que le jeune est invité à dominer l’enfant qu’il porte en lui, l’emprise d’un produit vient se substituer à l’emprise parentale et vient calmer son inquiétude. Le moment redouté du toxicomane névrosé, c’est la « descente ». L’effet du produit s’amenuise et laisse, à nouveau, place à l’inquiétude. Vous comprenez la prudence que nous devons adopter lorsque nous avons recours aux médicaments pour aider ces personnes (et ceci quel que soit leur âge). Car nous devons avoir comme objectif que la personne puisse retrouver confiance, devenir ou redevenir responsable, avoir emprise sur elle-même, dominer cette inquiétude. Le recours au médicament doit être de courte durée. Si nous perdons l’objectif de la responsabilisation, la personne risque de rester sous l’emprise d’un produit (quel que soit le caractère licite de ce dernier), voire d’une personne malveillante et heureuse de rencontrer une personne qui se soumettrait à son pouvoir. Nous les invitons donc a avoir plus d’emprise sur eux-mêmes et non pas à la relâche ou la maîtrise infantile…

Un même trouble… des histoires singulières

11 De prime abord, nous observons chez nos jeunes inquiets une grande réticence à confier leur histoire lorsque nous souhaitons comprendre le contexte de l’émergence de leur trouble. Si nous écoutons leur explication, elle se résume en un « tout est de ma faute… Je suis nul ». S’ils s’accablent excessivement de culpabilité, ils nous invitent à deviner la vérité. Une vérité qu’ils n’osent pas révéler car ne mesurant pas leurs émotions, ils se savent capable de rejeter la faute sur l’autre tout aussi excessivement. Non sans, encore une fois, générer de la culpabilité, car l’autre est souvent quelqu’un de très proche et d’aimé…

12 Pourtant nous devons accompagner le jeune dans cette quête de l’origine de son trouble. Nous devons l’aider à construire une sorte de mythe personnel, sa vérité. L’explication historique du trouble est une démarche qui consiste à remonter l’histoire de la personne pour trouver la cause (organogénétique ou psychogénétique [6]), l’origine du trouble. Cette démarche nous permet d’imaginer des mesures préventives et curatives. Les deux vignettes cliniques précédentes témoignent que de nombreuses histoires peuvent expliquer la survenue d’un même trouble du comportement. Dans ce travail d’anamnèse, il est incertain que nous puissions déterminer un événement précis, un trauma originel (sauf peut-être dans le cadre de traumatisme ayant causé des lésions organiques). Marie ne rattache pas son mal-être à un épisode précis de son enfance ou de son adolescence. Pour Émile, nous pourrions être tenté de relier son mal-être avec un traumatisme causé par la mort brutale et tragique de son père. Cependant, si nous pouvions repérer une acmé de son trouble depuis cet événement, Émile était déjà bien tourmenté. Finalement, ce sont des moments de bonheur et des épisodes traumatiques qui constituent l’histoire de la personne. Effectivement, certains épisodes sont préjudiciables et peuvent parfois relever de mesures judiciaires. Il faut parfois protéger l’enfant de son environnement. Mais, nous ne devons pas être dupes et trop pressés de trouver une origine précise. Le traumatisme, aussi terrible soit-il, est rarement originel. Souvent, il ne fait que révéler un tempérament, il éprouve la capacité de chacun à être résilient [7]. C’est ce qui explique que certaines personnes victimes de maltraitance, d’agressions sexuelles ou autres, guérissent rapidement de blessures pourtant profondes, tandis que pour d’autres la tâche est plus difficile et plus longue. Certains types d’agresseurs l’ont très bien compris, il n’est point la peine d’attendre le trauma pour former le caractère de leurs victimes et ils ne se privent pas ensuite de provoquer la situation traumatisante… Ils choisissent, de préférence, des victimes vulnérables. Ils traquent chez l’autre la « culpattitude »… Il n’est pas rare qu’une victime de maltraitance se sente coupable, comme si elle méritait son sort… « Si mon père me maltraitait, c’est que j’étais mauvaise, j’étais nulle, on ne pouvait pas m’aimer… » Sentiment que nous pouvons rencontrer chez l’enfant abandonné à la naissance, ou séparé de sa famille durant l’enfance. Comme cette jeune adolescente qui avait subi des attouchements sexuels de la part de son père lorsqu’elle était enfant. Avec une mère en colère qui ne s’est pas privée de la culpabiliser en l’accusant d’avoir séduit son père. La jeune fille pour finir avait le sentiment d’avoir tout perdu. Elle fut écartée de ceux qu’elle aimait ne pouvant s’empêcher de penser que c’était de sa faute. Or si dans le feu de l’œdipe, il n’est pas anormal qu’une jeune fille tente de séduire son père, c’est toutefois l’adulte responsable qui est supposé ne pas y succomber en signifiant clairement l’interdit. Si nous ne pouvons pas empêcher la jeune fille de ressentir de la culpabilité, nous pouvons cependant lui signifier qu’elle n’est pas responsable [8]. Donc plus qu’un trauma originel, nous devons débusquer, avec le jeune, l’ambiance dans laquelle son tempérament s’est construit. Comme Winnicott le pressentait : « […] L’éducation morale suit naturellement l’apparition de la moralité chez l’enfant [9] ». Pour Winnicott, la capacité morale permettant d’éprouver un sentiment de culpabilité et la construction d’un idéal, est une capacité innée chez l’enfant. Innée et indépendante de sa capacité à faire du « self » ; reste aux éducateurs le souci d’apporter des soins suffisamment bons pour cultiver cette capacité. L’enfant peut posséder la capacité de signe (la capacité de langage), faut-il encore que son environnement la sollicite. Nous savons qu’un enfant privé, écarté de tout contact humain, ne pourra accéder à la langue. Il en est de même pour la capacité morale innée chez Winnicott, si elle n’est pas mise en valeur par une éducation morale, l’enfant ne pourra pas s’auto-rationner correctement. À partir de là, nous devons réfléchir à l’importance de la dimension éducative dans les soins que doivent apporter les parents auprès de leurs enfants ; l’amour, à lui seul, ne suffisant pas. Ici, nous nous distinguons de Winnicott, l’amour signifiant, chez lui, « la totalité des soins donnés au nourrisson et à l’enfant qui favorisent les processus de maturation [10]… » Pour nous, l’amour et l’éducation morale constituent deux dimensions distinctes des soins apportés à l’enfant. Mais nous restons conscients que l’exercice du métier de parent est largement conditionné à la capacité du parent de pouvoir se remettre en question quels que soient les avatars qu’il ait pu vivre.

13 L’amour, la dimension affective qu’on apporte à l’enfant crée du lien, de l’attachement. Tandis que l’éducation que nous apportons à l’enfant sollicite sa capacité morale. Capacité qui valorisera cet attachement. L’attachement est-il bon ou mauvais aux yeux de l’enfant ? Et ceci seulement de son point de vue et non d’un point de vue extérieur. Winnicott, ébauchant cette distinction, remarquait qu’à partir du moment où la capacité morale de l’enfant est à maturation, l’enfant ayant bénéficié d’une éducation morale peut culpabiliser lorsque sa figure d’attachement s’absente ou tragiquement disparaît. À l’idée d’avoir endommagé sa figure d’attachement, l’enfant fait montre d’une angoisse constructive, la culpabilité. Sa capacité à éprouver de la culpabilité [11], lui permettant de réguler précautions et envies pour éviter d’endommager et maintenir ou réparer la relation à l’autre.

14 Si nous formulons l’hypothèse que le tempérament se forge dans une ambiance familiale, nous comprenons encore la réticence de nos jeunes inquiets pour en parler. Surtout qu’enfant, Marie par exemple, a le sentiment d’avoir participé à cette ambiance sans douleur, cela ne lui coûtait pas vraiment, elle le faisait de bon cœur et trouvait beaucoup de plaisir à faire plaisir, pour être à la hauteur des attentes parentales. Elle avait le sentiment ainsi de préserver l’attachement à ses éducateurs. Attentes parentales qui n’ont d’ailleurs pas besoin d’être explicites, elles sont parfois induites à l’insu même des parents. Et nous ne serons pas étonnés, non plus, de rencontrer des enfants qui devancent ces attentes… N’y a-t-il pas plus gratifiant pour des parents que de constater que l’enfant répond à leur désir sans même qu’on le lui demande… Si le père d’Émile n’est plus de ce monde, il est cruellement vivant dans le cœur du jeune Émile. Mais Émile est colère, il ne peut concevoir que la douleur s’amenuise et devienne supportable… Ce serait trahir le souvenir de son père. Émile, vainement, veut coïncider avec les attentes de son paternel. Il tente de reproduire le modèle que représente idéalement son père… Un papa autodidacte, ingénieux, perfectionniste et passionné dans tout ce qu’il entreprenait, que ce soit à l’usine, dans ses loisirs… Mais aussi excessivement inquiet, alcoolique et suicidaire pour finir. Et quoique très attaché à sa mère, ce petit homme tentera d’imposer son autorité tyranniquement auprès de celle-ci. Marie elle aussi accepte difficilement ne pas pouvoir coïncider avec l’enfant idéal de ses parents. Elle n’est pas la jeune fille « forte », confiante qu’aurait souhaitée être sa mère. Et sa course à la réussite scolaire est aussi une tentative de répondre aux attentes de son père… Elle s’en défend ; pourtant lorsqu’elle évoque son père, c’est pour lui reprocher qu’il ne s’intéresse qu’aux résultats scolaires.

15 Dénoncer l’ambiance, c’est attaquer père et mère. Ils ne peuvent s’y résoudre, ils ont peur de perdre leurs figures d’attachement. Ils le craignent parfois à juste titre… Le déni de certains parents est à la hauteur de leur grande inquiétude ou de leur incapacité à culpabiliser. Ne pouvant se remettre en question, ils ne sont guère mobilisables, ils sont « colère » et rejettent la faute sur leur enfant. Ils renforcent ainsi le sentiment de culpabilité de leur jeune. Toutefois, si nous observons une certaine mal mesure éducative, nous ne pouvons tout de même pas parler de maltraitance… Si effectivement nous pouvons supposer que les parents ont transmis, à leur insu la plupart du temps, un caractère inquiet à leur progéniture, l’adolescent, lui aussi, doit se rendre compte qu’il est victime d’une ambiance (comme nous pouvons le supposer pour ses parents), mais nous devons veiller à ne pas le maintenir dans ce statut et qu’il se contente de rejeter la faute sur ses éducateurs… Il doit se responsabiliser, il doit oser avoir emprise sur cette inquiétude. Si finalement dans les situations les plus faciles nous les amenons à concevoir que la culpabilité (comme sentiment) est partagée au sein de leur famille, nous devons leur rappeler que durant l’enfance seuls les parents sont responsables. Dans les situations les plus difficiles, lorsque les parents ne peuvent se remettre en question, nous devons aider le jeune à faire le deuil de ses éducateurs…

Perspectives…

16 À partir de l’exemple de ces deux jeunes tourmentés par l’inquiétude, je me suis limité à définir une manière d’envisager le trouble sans donner des pistes, des recettes pour les soigner. Si nous pouvons supposer plusieurs chemins pour devenir malade, nous pouvons supposer cette même diversité pour en sortir… Et je reste convaincu qu’il est préférable de comprendre l’enjeu et le processus de la capacité endommagée que d’apprendre des recettes. Tout comme, faute de tenter une modélisation de l’humain en identifiant ses différentes capacités, nous nous contentons d’échafauder des classifications qui ne sont finalement que des compilations, statistiques à l’appui (pour faire scientifique les chiffres sont toujours bienvenus), de pseudo troubles classés en fonction de leurs hypothétiques causes ou en fonction de leurs symptomatologies. Aussi, nous parlons à l’envi de carence éducative et/ou affective, de dépression, troubles lié au cannabis, aux opiacés, d’anorexie mentale, de personnalité évitante, de phobie sociale, de phobie scolaire, d’hyperactivité, d’hétéro agressivité… Nous en parlons comme s’il s’agissait de troubles. Autant de troubles qu’il y a de causes différentes… Mais aussi, autant de troubles qu’il y a de symptômes différents. Le trouble est amalgamé avec sa cause ou avec son symptôme. Alors que nous devons travailler de concert à identifier le trouble (capacité endommagée), sa cause et sa manifestation (symptôme ou syndrome).

17 À partir de là, il reste à chacun de trouver ses « trucs ». Des « trucs » bien à soi, le fruit d’un véritable travail d’appropriation pour venir en aide à ces jeunes inquiets, dans un contexte social où l’on tend à considérer abusivement les adolescents tantôt comme malades, tantôt comme délinquants. Alors que ces jeunes qui nous préoccupent ne représentent finalement qu’une frange minoritaire de la population adolescente. Mais une minorité, peut-être grandissante, qui éprouve fortement la citoyenneté de leurs aînés.

Notes

  • [1]
    Selon Jean Gagnepain, la clinique (de l’aphasie, de l’atechnie, de la psychose et de la névrose) nous invite a distinguer quatre principes culturels autonomes chez l’homme : le principe de Signe (capacité logique), le principe d’Outil (capacité technique), le principe de Personne (capacité ethnique), et le principe de Norme (capacité éthique). Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le modèle de Jean Gagnepain, je les invite à se rendre sur le site du LIRL (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur le Langage de L’Université de Haute Bretagne Rennes 2) à l’adresse suivante :
    hhttp:// www. uhb. fr/ sc_humaines/ lirl/ pages/ niveau1/ lirl.html#anchor761993
  • [2]
    Le névrosé phobique est capable d’identifier une précaution précise, il ne peut pondérer celle-ci pour obtenir une marge rassurante. Il doit lutter contre l’envie de se dérober en tenant bon pour faire face à des situations précises. Le névrosé obsessionnel ne peut exclure les précautions pour éviter l’irréparable. Il continue à les enchaîner sans pour autant lever le doute.Le névrosé hystérique de conversion ne s’autorise pas à satisfaire le choix de son élection, sinon dans l’immodération pour ensuite s’accabler de nullité. L’abstinence, pour exemple, est à son comble chez l’anorexique hystérique. Le névrosé hystérique versatile s’il exprime moultes prétentions, ne peut exclure les plus nulles au profit des moins nulles. Il passe le plus clair de son temps à renoncer à satisfaire ses envies.
    Chez le névrosé obsessionnel et le névrosé hystérique versatile, l’humeur est labile : ce qui surprend ce n’est pas la durée du changement d’humeur mais sa grande instabilité… Passages fréquents et rapides d’un état de tristesse à un état de jovialité…
    Tandis que chez le névrosé phobique et le névrosé hystérique de conversion, l’humeur est concentrée : ce qui surprend ce n’est pas l’instabilité de l’humeur mais la durée de ce changement… Longues bouderies, longues colères (furies), fous rires interminables… in Despretz Franck, Un désir sans frein… La loi s’enfreint, Mémoire de DEA en Sciences Humaines, Université de Haute Bretagne, Rennes 2, (2002-58).
  • [3]
    Elisabeth Roudinesco, nous fournit un parfait exemple de confusion trouble-symptôme… « La psychanalyse […] a guéri l’hystérie des années 1880. Les gens au lieu d’être hystériques sont devenus dépressifs, c’est-à-dire, les symptômes changent, les maladies changent au fur et à mesure qu’on invente des techniques pour les guérir. » In le vidéogramme, Sigmund Freud, l’invention de la psychanalyse, écrit par Roudinesco Elisabeth et Kapnitz Elisabeth, produit par Castro Françoise, France 3 production, 1997. Rien d’étonnant que nous découvrions encore de nouvelles maladies, à chaque fois, qu’un trouble présente un nouveau symptôme.
  • [4]
    Si en tant qu’infirmier nous n’établissons pas le diagnostic, c’est de l’ordre de la responsabilité médicale, nous participons cependant à son élaboration en rapportant au médecin nos observations.
  • [5]
    Diatkine Gilbert, Les transformations de la psychopathie, Le Fil rouge, PUF, Paris (1983, 7).
  • [6]
    Si nous ne pouvons écarter aucune de ses possibilités, nous devons cependant tenir compte d’une dialectique nature/culture. Nos capacités culturelles sont certainement contingentes à notre nature mais nous ne pouvons prétendre qu’elles n’aient aucune incidence sur notre nature. Aussi, il n’est toujours pas aisé de déterminer avec certitude si l’hypo ou l’hyperdopaminergie est une conséquence ou l’origine de certaines pathologies mentales. Le trouble peut être la conséquence de la non émergence, de l’absence d’une de nos capacités ; comme elle peut être la conséquence d’une mauvaise sollicitation de cette dernière.
  • [7]
    « Rester soi-même quand le milieu nous cogne et poursuivre, malgré les coups du sort, notre cheminement humain ». In Ces enfants qui tiennent le coup, sous la direction de Cyrulnik Boris, Édition Hommes & Perspectives, Martin Média. Cyrulnik utilise le terme de résilience pour rendre compte de la capacité qu’ont certaines personnes à conserver leur forme malgré les mauvaises fortunes que la vie leur offre.
  • [8]
    Coupable mais pas responsable… Ici nous ne devons pas reproduire l’erreur des juristes et des tribunaux. Lorsqu’un jury prononce à l’encontre d’un délinquant le verdict de culpabilité ou de non-culpabilité à l’issue d’un procès, le jury ne se prononce en fait que sur la responsabilité ou la non-responsabilité de ce dernier. Car si nous pouvons juger qu’un délinquant psychopathe soit responsable de son passage à l’acte, il ne s’en sentira aucunement plus coupable.
  • [9]
    Winnicott D.W, Processus de maturation chez l’enfant, Payot, Paris (1970, 64).
  • [10]
    Id., (1970, 64).
  • [11]
    Winnicott note, par ailleurs, une angoisse brute et non constructive chez l’enfant qui ne ressent pas de culpabilité de perte de l’objet maternant. Chez ce dernier, cette absence de culpabilité peut déjà s’expliquer par une défaillance éducative de son milieu familial. Manquant de manque, il ne peut supporter cette perte, cette frustration pouvant produire à l’occasion des ruptures clastiques chez l’enfant psychopathe lorsque sa figure d’attachement disparaît ou le déçoit. Il reproduira ce mode de relation avec toutes autres personnes… amis, éducateurs, thérapeutes, famille d’accueil, etc., nous laissant toujours l’impression que privé de quelque chose, nous la lui devons.
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