Notes
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[*]
Pascale Molinier est professeure de psychologie sociale, utrpp ea 4403, université Paris 13 spc.
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[1]
Patricia Paperman, Sandra Laugier (sous la direction de), Le souci des autres. Éthique et politique du care, Paris, Éditions de l’ehess, 2005 ; Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (sous la direction de), Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Paris, Payot, 2009 ; Carol Gilligan, Arlie Hochschild, Joan C. Tronto, Contre l’indifférence des privilégiés. À quoi sert le care (préfacé et édité par Patricia Paperman et Pascale Molinier), Paris, Payot, 2013.
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[2]
Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1999.
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[3]
Carol Gilligan, In a Different Voice, Cambridge, Harvard University Press, 1982, traduction française : Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Champs essais, rééd. 2009.
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[4]
Ici entendu au sens d’un rapport social racisé dans une perspective intersectionnelle. Kimberlé.W. Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politiques de l’identité et violences contre les femmes de couleur », Cahiers du genre, n° 39, 2009, p. 51-82.
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[5]
Anibal Quijano, « Coloniality of power, Eurocentrism and Latin America », Nepantla, View of South, vol. 1, n° 3, 2000, p. 533-590.
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[6]
Dominique Memmi, « Une situation sans issue ? Le difficile face-à-face entre maîtres et domestiques dans le cinéma anglais et français », Les Cahiers du genre, n° 35, 2003, p. 209-235.
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[7]
Jean Oury, « Le travail est-il thérapeutique ? Entretien avec L. Gaignard et P. Molinier à la clinique de la Borde, 2 septembre 2007 », Travailler, n° 19, 2008, p. 15-34.
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[8]
Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
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[9]
Evelyn Nakano Glenn, « Creating a caring society », Contemporary Sociology, n° 29, 2000, p. 84-94.
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[10]
Catherine Teiger, « “Les femmes aussi ont un cerveau !” Le travail des femmes en ergonomie : réflexion sur quelques paradoxes », Travailler, n° 15, 2006, p. 71-130.
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[11]
Danièle Kergoat, Se battre, disent-elles, Paris, La Dispute, 2011.
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[12]
Paola Tabet, La construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps. Paris et Montréal, L’Harmattan, 1998.
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[13]
Marianne Modak, « Entre mesure et démesure : les enjeux sexués de la mise en visibilité du care chez les assistants et assistantes sociales », dans Marie Garrau, Alice Le Goff (sous la direction de), Politiser le care ? Perspectives sociologiques et philosophiques, Lormont, Le Bord de l’eau, 2012.
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[14]
Philippe Svandra (sous la direction de), Faut-il avoir peur de la bientraitance ?, Paris, De Boeck-Estem, 2013.
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[15]
Anne Paillé, Émotions et travail d’assistance aux soins personnels en gérontologie. Se garder du dégoût, mais pas trop, thèse, université de Laval, 2011.
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[16]
Patricia Paperman, Care et sentiments. Paris, Puf, 2013.
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[17]
Pascale Molinier, Le travail du care, Paris, La Dispute, 2013.
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[18]
Sur le traitement différentiel des femmes noires, voir le classique du Black Feminism : Gloria T. Hull, Patricia Bell Scott, Barbara Smith (sous la direction de), All the Women Are White, All the Blacks Are Men, But Some of Us Are Brave. Black Women’s Studies, New York, The Feminist Press at The City University of New York, 1982.
-
[19]
Sidi Mohamed Barka, « Corps et État. Nouvelles notes sur le 17 octobre 1961 », Quasimodo, n° 9, « Corps en guerre. Imaginaires, idéologies, destructions », tome 2, prin-temps 2006, p. 153-162, http://www.revue-quasimodo.org.
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[20]
Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, 2009.
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[21]
Walter Mignolo, « Géopolitique de la connaissance, colonialité du pouvoir et différence coloniale », Multitudes, n° 6, 2001/3, p. 57.
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[22]
« “Todo es importante, es la vida la que es importante, en su globalidad” decía Emma, una de las auxiliares de vida entrevistadas en París », Paloma Moré, La organización social de los cuidados a personas mayores en Madrid y París : de la domesticidad a la profesionalización en la intersección género, clase y etnicidad, thèse européenne, Madrid, 2015, p. 226.
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[23]
Sandra Laugier, « L’Importance de l’importance. Expérience, pragmatisme, transcendantalisme », Multitudes, no 23, 4/2005, p. 153-167, www.cairn.info/revue-multitudes-2005-4-page-153.htm.
1Avec Patricia Paperman et Sandra Laugier, nous avons été en tête de ligne, depuis 2005, pour développer un courant français de recherche dans la perspective du care [1]. Je me suis plus particulièrement consacrée à construire un cadre théorique qui articule travail et éthique du care. Cet article rend compte de la partie de cette réflexion plus spécifiquement dédiée à une critique de la division du travail fondée sur la spécialisation. Critique donc d’une société de services qui s’est construite sur le modèle virilo-centré de la civilisation du travail, en étouffant les voix de ceux et surtout celles qui s’occupent des autres. La perspective du care contient une critique de la notion de service que je n’ai cependant pas cherché à systématiser. J’insiste plutôt sur ce qui est un préalable : écouter la voix des travailleuses du care, c’est prendre le risque de perdre ses privilèges, y compris épistémiques. Perdre ses concepts, en somme. La société du care a ici le statut d’une utopie, un « espace blanc » au service d’une autre théorie du travail.
Repérage sémantique
2Commençons par le problème épineux de la terminologie : nous avons choisi de ne pas traduire care, qui est conservé en italiques et sans guillemets. D’une part, en français, la notion de soin englobe aussi bien la dimension curative du soin que sa dimension d’attention ou de souci ; cette dernière étant plus facilement identifiée et rendue explicite par le terme de care. D’autre part, dans le domaine de l’éthique médicale, le soin renvoie au champ de la philosophie du soin, dans la filiation de Georges Canguilhem avant tout centrée sur la relation duale médecin-malade, quand l’éthique du care met au contraire l’accent sur la pluralité des acteurs et actrices impliqués dans une situation de soin ou d’attention et à prendre en compte dans l’identification des besoins. En se centrant sur la dimension non médicalisée du soin et en pensant le care comme un processus collectif, on fait donc porter l’attention sur d’autres acteurs ou actrices que les seuls médecins ou personnels paramédicaux hautement qualifiés. Cette attention est à la fois méthodologique et, comme on le verra plus loin, politique.
3Le terme de sollicitude qui a parfois été candidat à la traduction posait quant à lui le problème de renvoyer plutôt à ce qui serait de l’ordre d’une éthique des vertus, ou encore au paradigme ricœurien de la sollicitude [2], alors que l’éthique du care insiste sur sa dimension pratique au sens où se soucier de quelqu’un signifie faire concrètement quelque chose pour lui. En d’autres termes, le care désigne un travail tangible au moins autant qu’une attitude dont on considèrera qu’elle se développe principalement dans, et grâce à, ce travail. Se préoccuper du care implique ainsi de prendre en compte ses conditions organisationnelles et matérielles, en particulier la division du travail.
4Enfin, s’inscrire dans une perspective de care signifie qu’on accorde à ces activités et à l’éthique qui s’y réalise de façon consubstantielle une valeur propre, autonome, non subordonnée aux éthiques médicales aussi bien qu’à celles qui sont classiquement référées aux éthiques de la justice, ce qui implique de reconnaître une activité éthique émanant des subalternes qui sont les représentant.e.s privilégiés de ce que Carol Gilligan a identifié la première comme une « voix différente » en éthique [3]. Non seulement le travail de care est injustement distribué dans nos sociétés, mais les voix des pourvoyeurs et des pourvoyeuses du care sont moins entendues ou prises au sérieux que celles d’autres acteurs dont les voix sont plus puissantes sur la scène sociale et politique. En regardant le monde sous la perspective du care, on entend remédier à cette asymétrie. Il y a bien un projet de justice sociale portée par une utopie, celle d’une « société du care ». Et quand on dit care, on souligne aussi que ce projet politique se développe à partir du féminisme, ce qui est encore une autre des raisons de ne pas le traduire.
Une nouvelle figure du prolétariat globalisé
5Les recherches sur le care, nées dans les années 1980 aux États-Unis, se développent actuellement dans le monde entier. Ce développement est en lien avec l’augmentation du travail salarié des femmes, aujourd’hui moins disponibles pour réaliser gratuitement le care des enfants, mais aussi celui des vieillards, dont les dépendances posent un problème aigu du fait de l’accroissement de la longévité de la vie. Plus largement, dans la perspective du care, la vulnérabilité humaine est générique et nous sommes tous destinataires de care, que nous soyons des humains dépendants ou des « adultes compétents », ce que nous ne sommes jamais ni complètement ni pour toujours. Les recherches sur le care comportent une critique forte d’un modèle de « l’autonomie », toujours étayée, partielle et surtout provisoire. La question est alors de savoir qui répond à nos besoins ordinaires de propreté, de confort, de tranquillité… et contribue ainsi à préserver une forme de vie humaine.
6Ces recherches rendent de plus en plus visibles de nouvelles catégories de travailleurs qui sont pour la plupart des femmes pauvres, souvent migrantes, parfois illégales et, en France, fréquemment employées en dessous de leur qualification. La perspective du care pose donc une question provocante : comment expliquer que nous confions les personnes fragiles auxquelles nous tenons le plus (nos enfants, nos parents âgés) à des femmes que nous sous-payons et de surcroît que nous méprisons souvent, du seul fait qu’elles viennent de pays économiquement plus faibles et, pour ce qui concerne la France, d’ex-pays colonisés ?
7Cette question montre bien que l’on ne peut pas penser le care en dehors des rapports de domination, d’abord hommes/femmes, bien évidemment, mais aussi d’un point de vue classe/race [4]. En effet, le rapport social de domination qui définit et constitue le travail du care comme un travail subalterne s’inscrit dans les rapports Nord-Sud, indissociable du racisme et des effets prolongés du colonialisme. L’une des critiques que j’adresserai à certains penseurs de la décolonisation comme Anibal Quijano, par exemple, est de rester trop marxistes dans leur approche de la colonialité du pouvoir [5], ce qui les empêche de voir que celle-ci passe d’abord encore et pour l’instant toujours, même si pas seulement, par les formes de domination rapprochée dans l’espace domestique [6]. Et, ce qui est encore plus troublant, au regard des formes de pensée classiques : entre femmes, autour des soins du corps. Précisément, dans ce qui est jugé comme étant le plus privé et le moins politique.
8Pour donner quelques éléments de réponse à la question posée par l’étonnante dévalorisation du travail du care, ce travail « inestimable » fait de sourires et de « petits riens » aurait dit Jean Oury [7], je voudrais tout d’abord montrer comment le care ne pouvait pas apparaître en tant que travail dans l’épistémè du travail telle qu’elle s’est constituée depuis le xixe siècle en Europe comme le fondement de ce que j’appelle la civilisation du travail.
L’épistémè du travail
9J’emprunte le terme d’épistémè à Michel Foucault, pour désigner « l’ensemble des relations pouvant unir, à une époque donnée, les pratiques discursives qui donnent lieu à des figures épistémologiques, à des sciences, éventuellement à des systèmes formalisés » ; autrement dit, « l’ensemble des relations qu’on peut découvrir, pour une époque donnée, entre les sciences quand on les analyse au niveau des régularités discursives [8] ».
10Je voudrais montrer, de façon forcément un peu lapidaire, comment l’épistémè du travail, héritée des siècles passés, empêche de reconnaître le travail et l’éthique du care dans leurs spécificités, ainsi que de respecter ceux et surtout celles qui font ce travail et y développent cette éthique. Je propose donc de changer de paradigme pour ce que j’appelle la société du care, reprenant une proposition d’Evelyn Nakano Glenn [9]. La société du care désigne non seulement une nouvelle théorie du travail, mais une autre façon d’écouter les gens et leurs priorités et de définir nos responsabilités en lien avec ces priorités.
11Jusque dans les années 1980, la catégorie du travail recouvrait celles, rémunérées, de l’emploi ou du métier. Les femmes et les activités domestiques qui leur sont assignées en étaient exclues. Dans Le contrat sexuel, Carol Pateman a montré comment la signification du « travail » dépendait du lien socialement refoulé entre les sphères privées et civiles. Les notions de travail et de travailleurs émergent dans la droite ligne de la construction de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, et appartiennent au même régime de vérité. La première phrase de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en 1789, est « Les hommes naissent libres et égaux en droits ». Cette phrase doit être entendue au pied de la lettre : il s’agit bien des hommes et non des femmes. Une partie du « contrat social » entre les égaux est occultée : celle du « contrat sexuel » qui maintient les femmes à l’extérieur de la vie civile.
12La préservation du lieu de travail comme arène de la solidarité fraternelle (entre les égaux) s’est perpétuée tout au long du xxe siècle avec des effets très puissants sur le concept de travail, ce qu’il inclut ou pas, ainsi que sur la catégorie des « travailleurs » (qui en sont ou qui n’en sont pas). Les activités de care se retrouvent – catégorisées comme non-travail – du côté de l’espace privé. Aujourd’hui encore, dans l’appareil statistique et les catégories socioprofessionnelles, les femmes au foyer font toujours partie de la population dite inactive (comme les jeunes et les retraités). Le « contrat sexuel » se poursuit dans la « double tâche » ou double journée des femmes salariées. Quant à la privatisation des responsabilités en termes de care, elle participe au déni de nos dépendances à l’égard des pourvoyeurs ou pourvoyeuses de care.
13Par choix ou par contrainte, de nombreuses femmes travaillent dans la sphère salariale. Progressivement, c’est devenu toléré puis normal, bien que les femmes continuent d’être considérées comme de moins bons prototypes de travailleurs : souvent jugées moins fiables, moins payées, faisant moins facilement carrière comme en témoigne le « plafond de verre ».
14Dans les sciences du travail qui ont accompagné l’essor des sociétés industrielles, le paradigme dominant a été celui du travail ouvrier, forcément masculin… même quand le travail étudié était pourtant celui de femmes. En France, par exemple, dans les années 1960, la majorité des recherches fondatrices de l’ergonomie de langue française ont eu lieu dans des secteurs d’activité féminisés comme l’électronique, la confection, le renseignement téléphonique. Cependant, dès qu’il s’agissait de monter en généralité, l’ouvrière spécialisée devenait, sous la plume des chercheurs, un travailleur indifférencié. De même, tous les exemples qui critiquaient l’idéologie taylorienne en valorisant l’intelligence des « travailleurs » ont été rédigés au masculin. De telle sorte qu’on pouvait penser qu’il n’y avait pas de femmes intelligentes [10]. Cette neutralisation des ouvrières réelles sous la figure abstraite du travailleur (supposé masculin) a laissé le champ libre à des préjugés tenaces selon lesquels les femmes étaient mieux adaptées aux « travaux ennuyeux et faciles », le travail répétitif et sous cadence étant mis en stricte équivalence de la soi-disant monotonie et simplicité des activités domestiques.
15Pourtant, la seconde vague du féminisme a mis en visibilité et valorisé le travail féminin, salarié et/ou domestique. Il s’est alors opéré une première rupture culturelle avec les images de la femme-mère-épouse aimante et dévouée. Les féministes matérialistes ont mis au jour l’exploitation des femmes au service des membres de la famille. « Faire le ménage, c’est travailler », est le titre du numéro 2 d’une des premières revues féministes de langue française, Les Cahiers du Griff, paru en Belgique en 1974. Avec une vraie tentative de chiffrer le coût du travail domestique en comparant avec le coût d’un travail de service comme la blanchisserie, par exemple. Hélas, ces premières estimations économiques ont été immédiatement compromises par le risque du « salaire maternel » vs la progression des femmes sur le marché de l’emploi.
16Certaines sociologues ont proposé un concept de travail élargi ou extensif qui inclut le travail domestique et l’élevage des enfants, insistant sur la « production du vivre [11] ». Certaines, à l’instar de Paola Tabet, sont même allées jusqu’à considérer la sexualité conjugale comme participant du travail reproductif des femmes. Les activités assignées en priorité aux femmes ont acquis ainsi – en théorie – la dignité que confère la catégorie du travail, tout en faisant imploser la définition de celui-ci. Et notamment son lien avec le travail rémunéré (recouvrement du travail par l’emploi).
17Une partie de ce qui était jusqu’alors confondu avec l’amour conjugal, l’amour filial, l’amour pour les enfants, a pris la consistance d’un travail (non rémunéré, non comptabilisé dans les richesses des pays et pourtant indispensable à la préservation de la vie). Ce travail pouvait se partager. L’échec du partage conjugal des tâches est crucial pour comprendre la suite des événements, c’est-à-dire l’actuelle division du travail du care entre femmes.
18Cependant, en l’absence d’une transformation significative entre hommes et femmes de la division du travail domestique, hors des frontières de la sociologie du genre, de ses séminaires ou de ses colloques, on a continué de parler du travail (presque) comme avant. Et notamment, comme si tout ce qui se passe dans la sphère privée n’avait aucun impact sur la performance, l’autonomie, la capacité de réactivité ou d’adaptation des salariés. Le mythe glorificateur du travail comme promesse de bonheur, d’accomplissement moral, et même de santé mentale, a continué de reposer sur la négation ou l’occultation de ce que le travailleur performant du néolibéralisme doit au travail domestique réalisé à son profit.
19La « civilisation du travail » a fondé un modèle de société où la division du travail joue un rôle central dans l’attribution des richesses, la hiérarchisation sociale et la reconnaissance des personnes. Or la division du travail est étroitement associée à l’idée de spécialisation, généralement liée à l’usage des techniques, monopole masculin par excellence [12]. La chirurgie, par exemple, se découpe en multiples spécialités, orthopédie, vasculaire, plastique, etc., ce qui nous semble une évidence tant la spécialisation nous paraît la meilleure garantie de qualité et d’efficacité du travail ; et d’ailleurs, dans le cas de la chirurgie, c’est vrai. Mais ce n’est pas toujours le cas, la disqualification des activités non techniques et non spécialisées est disproportionnée.
La démesure du care
20Nous disposons à ce stade d’un ensemble d’éléments essentiels (même si non exhaustifs) pour comprendre pourquoi le travail du care, alors qu’il prend en charge la santé et les besoins des personnes qui nous sont les plus chères, fait partie des professions les moins rémunérées et respectées. Il s’agit en effet d’un travail féminisé, pour partie réalisé gratuitement et dans l’espace privé où il est confondu avec l’amour et la solidarité, souvent confié à des personnes migrantes stigmatisées, non technique et non spécialisé, ensemble de « petits riens » sans guère de mesure objective possible.
21Le care relève, selon l’heureuse expression de Marianne Modak, de la démesure [13]. L’impossibilité de mesurer le travail du care, toujours contextuel et contingent, situe ce dernier dans un autre paradigme culturel que celui de la gestion, dont les outils s’inscrivent de plain-pied dans l’épistémè du travail. Mais le care répond lui à une autre grammaire, non pas celle de la mesure mais de la narrativité perplexe. Si on ne le raconte pas, tout se passe comme si le travail du care ne s’était pas produit. Si on ne le raconte pas, les dilemmes moraux n’apparaissent pas. La « voix » du care ne parle pas seulement dans une voix différente (polyphonie), comme l’a montré Carol Gilligan, elle parle un langage différent (polyglossie), ce qui renforce les risques de malentendus. Le langage de la gestion n’est pas celui du care. Et le langage du care ne peut pas se traduire dans les mots de la gestion. Par exemple, la bientraitance (qui est un élément de langage important dans l’évaluation des soins) ne signifie pas la même chose que le care : l’un appartient à l’ensemble des dispositifs qui prescrivent, contrôlent et évaluent « la qualité constante » du travail. On parlera de « trousse de bientraitance », par exemple, contenant des préconisations comme « frapper à la porte avant d’entrer ». Alors que, dans une perspective de care, on déploiera une approche qui n’est ni prescriptive ou normative, mais compréhensive. On se demandera donc plutôt avec les acteurs et actrices concernés : pourquoi ne frappent-ils pas à la porte ? Ce qui conduira directement à une analyse du travail et de ses contraintes.
Division du travail de care et spécialisation des fonctions
22Je vais donc maintenant déplacer mon propos vers l’analyse du travail du care. Une fois que l’on a identifié, dans les années 1980, en pleine crise de l’emploi industriel, ce que l’on a appelé en France les « nouveaux gisements d’emplois », c’est-à-dire les activités dites « de services à la personne », on a fait entrer celles-ci dans le système des formations, des compétences, de la professionnalisation. Cela a donné lieu à des organisations du travail fondées sur une spécialisation croissante dont je voudrais montrer qu’elle est inadéquate dans le domaine du care.
23Il y a encore une vingtaine d’années, dans un service de gériatrie, les mêmes personnes réalisaient une série de tâches variées comprenant du ménage, du service de table, du soin de nursing, des changes, de l’animation, voire des sorties. On avait une approche généraliste, ou plus exactement globale, non spécialisée de la prise en charge. Aujourd’hui, dans la plupart des établissements de soins pour vieillards dépendants, on constate l’instauration d’une division du travail entre femmes de ménage, hôtelières, soignantes, animatrices… J’utiliserai désormais un féminin générique pour désigner une population de salariées qui sont majoritairement des femmes.
24Pour le dire vite : le care fait l’objet d’une division :
- les femmes de ménage nettoient les espaces communs ;
- les soignantes nettoient l’entourage du résident (sa table de nuit, son lit, son fauteuil…) ;
- les hôtelières souvent rangent son linge ;
- la distribution des repas est confiée aux hôtelières ainsi que le remplissage des carafes et la vaisselle ; mais ce sont les soignantes qui font manger ou boire ; le terme de soignante regroupe différentes formations : les auxiliaires de vie, les aides médico-psychologiques ou les aides-soignantes ;
- les aides-soignantes et les aides médico-psychologiques font généralement le même travail de nursing et de change, mais elles peuvent parfois avoir des fonctions spécialisées selon leur formation, plus tournée vers le soin pour les premières, vers l’animation pour les secondes.
25Ce qui apparaît comme un émiettement de la prise en charge a cependant été promu, du point de vue du management et de l’organisation du travail, comme un progrès à différents niveaux. D’abord, cette division du travail répond mieux aux nouvelles formes de contrôle ou de traçabilité. Qu’est-ce que c’est que la traçabilité ? Je pense que nous sommes tous et toutes, au moins une fois dans notre vie, entrés dans les toilettes d’une entreprise ou d’une institution où figurait sur la porte un tableau indiquant le nom de la personne ayant nettoyé, l’heure à laquelle elle l’avait fait, avec sa signature dans la dernière colonne. En gériatrie, on « tracera » les carafes remplies, les verres d’eau donnés ou le nombre de changes, par exemple.
26Ensuite, cette division participe du mouvement de « professionnalisation » du secteur : elle crée des métiers, des filières (la filière hôtelière, par exemple), donc des besoins en formation ; créant de ce fait « un marché » pour différents formateurs ou consultants – ce qui n’est pas négligeable pour comprendre le succès de cette rationalisation et le rôle moteur joué par le dispositif managérial de la « bientraitance [14] ».
27Une telle division du travail génère des conflits récurrents entre les personnels, estimant que « ce n’est pas à eux » de faire telle ou telle chose, et avec les familles ou les résidents, qui considèrent pouvoir s’adresser à n’importe qui, y compris une personne de l’encadrement, pour réaliser un geste qui réclame aussi peu de « compétences » que fournir du papier hygiénique. C’est principalement l’absurdité d’une telle division du travail – en quoi remplir une carafe serait-il un geste spécialisé ? – et les conflits qu’elle génère de façon ordinaire ont attiré mon attention sur les pièges que recèlent, pour le travail du care, les notions de professionnalisation et de compétences telles qu’elles existent actuellement.
L’éthique du care et le sale boulot
28Une approche en termes de spécialisation ou de professionnalisation écrase et rend inaudible l’éthique du care. Comme je l’ai introduit plus haut, on ne peut pas dissocier une analyse du travail du care d’une analyse de l’éthique du care. Cette éthique, en effet, ne se manifeste pas sous la forme de valeurs universelles ou humanistes qui flotteraient, pour ainsi dire, au-dessus des pratiques. L’éthique du care est incrustée dans le travail, mobilisée par les aléas de celui-ci et c’est son explicitation par les soignantes qui permet de comprendre pourquoi elles font comme elles font (travail réel), même si ce n’est pas comme on leur a dit de faire (travail prescrit).
29La situation qui, me semble-t-il, permet le mieux de saisir cette intrication du travail et de l’éthique est celle du dirty work, (ou sale boulot) pour le dire dans les termes du sociologue états-unien Everett Hughes. Par exemple, comment font les soignantes pour continuer de se soucier d’une personne dont elles sont en train de laver les fesses souillées ? Ici le péril éthique, c’est le dégoût. Or, selon les soignantes, il s’avère qu’une personne avec qui on peut mobiliser une relation affective, même superficielle, que l’on peut taquiner, que l’on peut appeler avec des noms tendres, comme par exemple ma chérie, eh bien cette personne devient plus proche et moins dégoûtante. Pour la personne âgée aussi, se faire laver les fesses par quelqu’un avec qui on entretient ce type de relations est moins impudique. Pourtant, l’utilisation de « petits noms » est interdite par le management et la familiarité est souvent considérée comme un manque de respect. Une faute éthique. Or la prouesse, encore une fois, c’est de pouvoir conjurer le dégoût. Cette relation affective ne relève pas d’un manque de distance professionnelle, mais il s’agit au contraire d’une condition psychologique adéquate pour réaliser ce type de soin impliquant un corps à corps [15].
30On ne peut pas faire une généralité de ce que je viens d’énoncer. On peut imaginer qu’il existe des stratégies différentes selon les cultures. Mais, ce que révèle l’éthique du care, à travers les récits des soignantes, c’est l’existence d’un domaine d’expériences morales alliant le tact, la sensibilité, l’intuition, la présence d’esprit, la capacité à anticiper sur les besoins des autres ou la discrétion. Ce domaine sensible est exclu des versions cognitives ou idéalisées de l’éthique qui marginalisent le réel et l’expérience concrète ; il est également exclu de ce qui est valorisé par le management en termes de « professionnalisation », de « bientraitance » et de « bonne distance ».
31Les décideurs, les formateurs ou les cadres, pour la plupart, se méfient des affects qu’ils jugent incontrôlables. Quand on les écoute, on se rend compte que cette méfiance envers les affects est encore renforcée par leur manque de confiance à l’encontre des soignantes ; ce qui témoigne d’une psychologie péjorative significative d’un rapport antagoniste de classe et de genre souvent racialisé. Les soignantes sont a priori jugées frustes, versatiles, sujettes à des emportements, des préférences, des animosités, etc. Cette psychologie péjorative a des fonctions défensives et participe de la possibilité de payer mal le travail du care et de ne pas trouver cela choquant.
32Priées de bien vouloir m’expliquer pourquoi des soignantes s’accordaient à dire d’une de leurs collègues qu’elle travaillait bien, celles-ci me répondirent sans hésiter une seconde qu’elle travaillait « avec son cœur ». Les travailleuses du care formulent leur éthique en termes affectifs. Or, dans les sciences du travail comme dans les études de genre, l’affect est dévalorisé et l’amour opposé au travail. Le discours sur « l’amour des malades » est doublement suspect. D’une part, il est jugé non « professionnel » par le management qui prône une « bonne distance » ; d’autre part, il est suspect de « naturaliser » les compétences des soignantes, c’est-à-dire de renouer avec le discours sur la « nature » des femmes. Or, les études de genre ont largement montré que les dispositions psychologiques altruistes se développaient de préférence chez les femmes plus souvent que chez les hommes, en raison de leur assignation sociale à s’occuper des autres et à travers l’expérience de le faire. Le pas supplémentaire serait une revalorisation des affects. Et c’est précisément ce que permet la perspective du care [16].
La société du care : une décolonisation des points de vue
33Dans une société du care, l’épicentre, ce n’est pas le travail mais le souci des autres. Des activités qui étaient restées à la périphérie du concept de travail, soit parce que non rémunérées, comme le travail domestique ou celui des aidants familiaux, soit parce que peu professionnalisées car non spécialisées et confondues avec des qualités féminines dites « naturelles », sont requalifiées comme étant les plus importantes : celles dont on ne peut tout simplement pas se passer. Sans care, pas de vie humaine qui soit possible. Les pourvoyeuses du care deviennent des personnes importantes et respectables, dont on doit se soucier : le bien-être des uns ne peut pas reposer sur la corvéabilité des autres. Toutefois, ce renversement de la valeur travail implique également un gros travail de décolonisation des savoirs et des positions sachantes ; ce n’est pas facile, car le racisme est lui aussi incrusté dans la vie ordinaire.
34Si les soignantes ne sont pas prises au sérieux quand elles parlent de l’amour, ce n’est pas en raison de leur couleur de peau, mais parce que leur savoir et leurs pratiques sont « populaires » et méprisés par l’idéologie du « professionnalisme », qui est également un point de vue de classe. En revanche, dans cette maison de retraite lambda où j’ai fait le terrain relaté dans Le travail du care, une panne d’ascenseur a duré plus de cinq semaines, « pour des raisons assurantielles » (sic), sans que l’encadrement s’émeuve de la charge de travail supplémentaire (la directrice croyait d’ailleurs que la panne n’avait duré que 15 jours). « On n’est quand même pas des esclaves » disaient les soignantes épuisées [17]. Se pourrait-il que la pénibilité du travail soit euphémisée par l’encadrement du fait que celles qui assument les corvées sont des femmes noires ? C’est-à-dire des femmes susceptibles d’être jugées selon les circonstances soit comme étant plus fortes physiquement que les femmes blanches, soit comme plus promptes à se plaindre [18]. Quoi qu’il en soit, des femmes non identifiables aux critères de la féminité hégémonique, véritable « corps d’exception » au sens que Barka donne à ce terme [19].
35Le classisme fait taire les femmes subalternes en délégitimant leur « voix différente » comme non professionnelle. Le racisme est souvent l’expression en négatif d’une indifférence à leur vie. Il n’est pas forcément mis en mots, mais en actes. Du côté des chercheurs, le racisme n’est alors une réalité que s’ils osent en formuler le soupçon à partir d’une sémiologie du négatif : le racisme est fréquemment ce qui manque comme explication ou chaînon symbolique pour comprendre une situation. Les subalternes, en général, ne sont pas dupes. Ce qui compte alors, c’est d’être attentif à la façon dont les soignantes racisées perçoivent ou interprètent « quand même » cette indifférence. En l’occurrence, si on les suit, ce qui était indifférent à l’encadrement au moment de cette panne d’ascenseur était précisément que les soignantes ne le sont pas, esclaves.
36J’insiste ici sur l’importance méthodologique de s’en tenir à ce qui est dit afin d’identifier les mondes moraux différents dans lesquels vivent les encadrant.e.s du soin et les soignantes racisées – celles-ci vivent dans un monde où le racisme est une hypothèse banale pour expliquer un ensemble de conduites de la hiérarchie. À l’inverse, il faut entendre aussi que les encadrant.e.s puissent se sentir blessé.e.s d’être jugé.e.s racistes par leurs subordonné.e.s, alors qu’ils et elles ne perçoivent pas toujours leurs dires et gestes en ces termes. En ce sens, sortir de « l’indifférence des privilégiés [20] » peut s’avérer une expérience douloureuse pour les personnes concernées. Cette problématique ouvre ainsi à une perspective polytopique « non pas au sens d’un pluralisme néolibéral de points de vue parallèles qui s’ignorent, mais au sens d’une véritable confrontation et mise en commun de visions et d’expériences susceptibles de produire de nouveaux modes de connaissance du “monde” : un savoir qui, sans privilégier une seule perspective, une région particulière du monde, une expérience de la domination, fait appel à une “épistémè de la frontière”, “du bord” [21] ». Polytopie, polyglossie : pour être pris en compte, le care nécessite de ne pas s’affranchir de la difficulté à s’entendre ou de vouloir unifier le propos par un consensus trop vite conclu (et sûrement depuis la position haute).
Perdre ses concepts
37Promouvoir une société du care est un renversement dans l’ordre des savoirs comme dans celui des priorités humaines, donc politiques. La société du care, comme utopie prospective, ne peut se déployer qu’en suspendant les schèmes et les pratiques sociales actuels. Il ne s’agit pas d’intégrer de nouvelles activités dans le concept générique de travail tel qu’il s’est élaboré tout au long des xixe et xxe siècle. Il s’agit de reconceptualiser le travail à partir de sa périphérie, de ce qui a été rendu invisible ou indigne. Ainsi, pour penser à partir du care, c’est-à-dire à partir du souci des autres comme épicentre ou point névralgique de la société, il est nécessaire de créer ce que Michel Foucault aurait désigné comme « un espace blanc » qui serait situé en dehors du faisceau de discours et de pratiques hiérarchisés et différenciés qui constituent ce que l’on nomme « travail » et « sciences du travail » aujourd’hui. Cet espace blanc est utopique, car il n’y a pas un lieu extérieur au savoir. Mignolo a raison de parler de frontière ou de bords. Si l’espace blanc n’est pas du tout évident à penser, l’effort conceptuel qu’il désigne suppose, me semble-t-il, un scepticisme par rapport au langage de la science, il faut accepter de perdre ses concepts.
38Prendre au sérieux l’utopie d’un espace blanc implique d’en passer par une attention soutenue au langage, à ce qui se dit, d’abandonner les abstractions universalisantes et de descendre vers l’ordinaire, vers les pratiques qui sont indissociablement langagières et matérielles. Cet « espace blanc », écartant le discours et la position haute des experts, devrait être le lieu dédié à la parole des travailleuses du care. À Emma, auxiliaire à domicile travaillant avec les personnes âgées, la sociologue Paloma Moré demande de hiérarchiser ses tâches. « Tout est important, répond celle-ci, c’est la vie qui est importante [22]. » Si l’éthique est référée à « ce qui compte [23] », on ne peut pas dissocier l’importance des tâches et celle de la vie, c’est ce qu’elle dit.
Mots-clés éditeurs : care, travail, colonialité du pouvoir, gériatrie, domination rapprochée, genre
Mise en ligne 01/06/2016
https://doi.org/10.3917/vsoc.162.0127Notes
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[*]
Pascale Molinier est professeure de psychologie sociale, utrpp ea 4403, université Paris 13 spc.
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[1]
Patricia Paperman, Sandra Laugier (sous la direction de), Le souci des autres. Éthique et politique du care, Paris, Éditions de l’ehess, 2005 ; Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (sous la direction de), Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Paris, Payot, 2009 ; Carol Gilligan, Arlie Hochschild, Joan C. Tronto, Contre l’indifférence des privilégiés. À quoi sert le care (préfacé et édité par Patricia Paperman et Pascale Molinier), Paris, Payot, 2013.
-
[2]
Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1999.
-
[3]
Carol Gilligan, In a Different Voice, Cambridge, Harvard University Press, 1982, traduction française : Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Champs essais, rééd. 2009.
-
[4]
Ici entendu au sens d’un rapport social racisé dans une perspective intersectionnelle. Kimberlé.W. Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politiques de l’identité et violences contre les femmes de couleur », Cahiers du genre, n° 39, 2009, p. 51-82.
-
[5]
Anibal Quijano, « Coloniality of power, Eurocentrism and Latin America », Nepantla, View of South, vol. 1, n° 3, 2000, p. 533-590.
-
[6]
Dominique Memmi, « Une situation sans issue ? Le difficile face-à-face entre maîtres et domestiques dans le cinéma anglais et français », Les Cahiers du genre, n° 35, 2003, p. 209-235.
-
[7]
Jean Oury, « Le travail est-il thérapeutique ? Entretien avec L. Gaignard et P. Molinier à la clinique de la Borde, 2 septembre 2007 », Travailler, n° 19, 2008, p. 15-34.
-
[8]
Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
-
[9]
Evelyn Nakano Glenn, « Creating a caring society », Contemporary Sociology, n° 29, 2000, p. 84-94.
-
[10]
Catherine Teiger, « “Les femmes aussi ont un cerveau !” Le travail des femmes en ergonomie : réflexion sur quelques paradoxes », Travailler, n° 15, 2006, p. 71-130.
-
[11]
Danièle Kergoat, Se battre, disent-elles, Paris, La Dispute, 2011.
-
[12]
Paola Tabet, La construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps. Paris et Montréal, L’Harmattan, 1998.
-
[13]
Marianne Modak, « Entre mesure et démesure : les enjeux sexués de la mise en visibilité du care chez les assistants et assistantes sociales », dans Marie Garrau, Alice Le Goff (sous la direction de), Politiser le care ? Perspectives sociologiques et philosophiques, Lormont, Le Bord de l’eau, 2012.
-
[14]
Philippe Svandra (sous la direction de), Faut-il avoir peur de la bientraitance ?, Paris, De Boeck-Estem, 2013.
-
[15]
Anne Paillé, Émotions et travail d’assistance aux soins personnels en gérontologie. Se garder du dégoût, mais pas trop, thèse, université de Laval, 2011.
-
[16]
Patricia Paperman, Care et sentiments. Paris, Puf, 2013.
-
[17]
Pascale Molinier, Le travail du care, Paris, La Dispute, 2013.
-
[18]
Sur le traitement différentiel des femmes noires, voir le classique du Black Feminism : Gloria T. Hull, Patricia Bell Scott, Barbara Smith (sous la direction de), All the Women Are White, All the Blacks Are Men, But Some of Us Are Brave. Black Women’s Studies, New York, The Feminist Press at The City University of New York, 1982.
-
[19]
Sidi Mohamed Barka, « Corps et État. Nouvelles notes sur le 17 octobre 1961 », Quasimodo, n° 9, « Corps en guerre. Imaginaires, idéologies, destructions », tome 2, prin-temps 2006, p. 153-162, http://www.revue-quasimodo.org.
-
[20]
Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, 2009.
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[21]
Walter Mignolo, « Géopolitique de la connaissance, colonialité du pouvoir et différence coloniale », Multitudes, n° 6, 2001/3, p. 57.
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[22]
« “Todo es importante, es la vida la que es importante, en su globalidad” decía Emma, una de las auxiliares de vida entrevistadas en París », Paloma Moré, La organización social de los cuidados a personas mayores en Madrid y París : de la domesticidad a la profesionalización en la intersección género, clase y etnicidad, thèse européenne, Madrid, 2015, p. 226.
-
[23]
Sandra Laugier, « L’Importance de l’importance. Expérience, pragmatisme, transcendantalisme », Multitudes, no 23, 4/2005, p. 153-167, www.cairn.info/revue-multitudes-2005-4-page-153.htm.