Notes
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[1]
Les offres publiques d’acquisition désignent les offres publiques d’achat (OPA), les offres publiques d’échange (OPE), les offres mixtes et les offres publiques alternatives d’achat ou d’échange. Selon la directive 2004/25/CE, une offre publique d’acquisition est « une offre publique faite aux détenteurs des titres d’une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l’offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu’elle suive ou ait pour objectif l’acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national ».
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[2]
L’optimisme « net » du langage est mesuré par différence entre le pourcentage de mots optimistes et le pourcentage de mots pessimistes. Un programme d’analyse textuelle (DICTION) est utilisé par les auteurs pour catégoriser les mots selon le degré d’optimisme/pessimisme.
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[3]
Lorsqu’une attestation d’équité sur les conditions financières de l’offre provenant d’un expert indépendant n’est pas requise (cf. article 261-1 du RG de l’AMF), la note d’informations peut être établie conjointement par les entreprises initiatrices et cibles.
-
[4]
Directives Transparence, Prospectus, OPA : Un nouveau cadre pour la communication financière des sociétés cotées, conférence de l’AMF, 26 septembre 2006.
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[5]
Notamment, la loi n°2006-387 du 31 mars 2006 (loi relative aux OPA), qui est une transposition de la directive européenne 2004/25/CE du 21 avril 2004 (directive OPA), a entraîné une modification du RG de l’AMF publié au Journal Officiel le 28 septembre 2006.
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[6]
Sur les 95 citations, 20 sont des citations du DG de l’acquéreuse (soit 21 %).
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[7]
Analyses lexicales, linguistes, cognitives et thématiques (Fallery et Rodhain 2007).
Introduction
1La diffusion volontaire d’informations constitue un thème récurrent dans les recherches en comptabilité financière (Beyer et al., 2010). Les études portent sur la diffusion d’informations comptables et financières ou encore sur la diffusion d’informations sociétales (ex. Cho et Patten, 2007 ; Déjean et Martinez, 2009). Si de nombreuses études ont pour objectif d’expliquer les différences en termes de niveaux de publication volontaire dans les rapports annuels (ex. Firth, 1979 ; Cooke, 1989 ; Meek et al., 1995 ; Raffournier, 1995 ; Depoers, 2000) ou sur Internet (Ettredge et al., 2002 ; Kammoun et Khrifech, 2013), celles portant sur la diffusion volontaire d’informations en contextes spécifiques sont plus rares et plus récentes (Clarkson et al., 1992 ; Lang et Lundholm, 2000 ; Bukh et al., 2005 ; Cazavan-Jeny et Jeanjean, 2007 ; Brockman et al., 2008). Par contextes spécifiques, il faut entendre des « événements majeurs dans la vie d’une entreprise qui sont généralement associés à une forte asymétrie informationnelle et qui sont susceptibles d’entraîner un effort de communication supplémentaire » (Martinez et Nègre, 2011, p. 3).
2Les offres publiques d’acquisitions [1] font partie de ces événements particuliers. Mais de façon surprenante, la diffusion d’informations dans un tel contexte reste à ce jour un thème peu étudié dans la littérature académique (Sirower et Lipin, 2003). Brennan (1999 ; 2000) montre que lors des OPA/OPE, le comportement des dirigeants en termes de diffusion volontaire d’informations est amené à être différent de leur comportement habituel. L’auteur s’intéresse, dans le cadre du Royaume-Uni, aux prévisions de résultats publiées d’une part par l’entreprise cible et d’autre part par l’entreprise acquéreuse. Si les dirigeants sont en général réticents à diffuser des prévisions de résultats, il apparaît que la diffusion d’une telle information est beaucoup plus fréquente lors d’OPA/OPE. Une autre étude réalisée en France par (Nègre et Martinez, 2013) montre que les stratégies discursives des entreprises impliquées dans des OPA/OPE varient selon le type d’offre et d’émetteur. Ensuite, les études sur le thème s’intéressent aux conséquences de la diffusion d’informations sur l’issue d’opérations hostiles. Cooke et al. (1998) testent l’hypothèse selon laquelle les informations diffusées dans le document de défense impactent le résultat de l’offre. De façon similaire, plusieurs études de cas (Newman, 1983 ; Albouy, 2005 ; Chekkar, 2007 ; Chekkar et Onnée, 2010) cherchent à analyser dans quelle mesure la politique de communication financière mise en œuvre par les cibles d’offres hostiles influence l’issue des opérations. Il apparaît que, dans certains cas, la cible ne cherche pas, par le biais de sa communication de défense, à faire échouer l’opération, mais plutôt à susciter le dépôt d’une offre en surenchère par l’acquéreuse. Le contexte des OPA/OPE semble donc donner lieu à des comportements inhabituels en termes de diffusion d’informations du fait de motivations spécifiques liées aux opérations.
3L’objectif de cette recherche est d’étudier le discours des dirigeants dans les communiqués de presse diffusés entre l’annonce de l’opération et la publication des résultats définitifs de l’offre. Le choix des communiqués de presse se justifie par plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit de se démarquer des études antérieures portant sur la diffusion d’informations lors d’OPA/OPE. Celles-ci se sont en effet principalement intéressées aux campagnes de publicité et aux documents d’offre. Ensuite, les communiqués de presse présentent des caractéristiques intéressantes : (i) ils sont largement repris dans les médias et bénéficient ainsi d’une audience très large (Maat, 2007) ; (ii) ils sont rédigés dans un langage particulièrement expressif (Aerts et Cormier, 2009). Plus précisément, une focalisation est ici opérée sur les citations des dirigeants des entreprises cibles et acquéreuses présentes au sein des communiqués. A la lecture de ces derniers, il est en effet apparu que la présence de telles citations était quasi systématique. Or, plusieurs études ont montré que le discours utilisé par les dirigeants dans ces citations tend à se démarquer de la partie « descriptive » du communiqué, rendant l’étude de ces citations particulièrement intéressante (Maat, 2007 ; Bonsall et al., 2010 ; Rivière, 2010).
4Quelles sont les thématiques abordées par les dirigeants ? Existe-t-il des spécificités lexicales selon le type d’offre (amical ou hostile ; obligatoire ou volontaire) et selon le type de porte-parole (représentant de la cible ou de l’acquéreuse) ? Qui s’exprime dans ces citations, autrement dit qui sont les porte-parole de la cible et de l’acquéreuse ? A qui s’adressent-ils ? Telles sont les questions qui orientent notre recherche. L’objectif est ainsi de mieux cerner les caractéristiques de la communication des entreprises impliquées dans des OPA/OPE.
5Afin de répondre à ces interrogations, 35 offres publiques d’acquisition visées par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) entre décembre 2006 et juin 2011 ont été sélectionnées et une analyse lexicale de 95 citations a été effectuée. Les résultats révèlent l’utilisation par les dirigeants d’un vocabulaire non standardisé. L’accent est mis sur les conséquences des opérations en termes de création de valeur ou de positionnement sur un marché. L’existence de spécificités lexicales selon le type d’offre (amicale ou hostile, obligatoire ou volontaire) et selon le type de porte-parole (dirigeant de la cible ou de l’acquéreuse) est mise en exergue. Ces porte-parole sont dans la très nette majeure partie des cas des « top managers ». Quant au public visé par ces discours, il semble lui aussi différent selon le type d’offre. Lors d’opérations hostiles, il s’avère que les actionnaires sont les principaux destinataires visés alors que lors d’opérations amicales, le discours est plutôt orienté vers les clients.
6L’article est organisé de la manière suivante. La première section est consacrée à une revue de la littérature sur la présence de citations des dirigeants dans les communiqués de presse. La deuxième section décrit le support de diffusion étudié, à savoir les communiqués de presse. L’échantillon et la méthodologie sont détaillés dans une troisième section. Enfin, la quatrième section présente et discute les résultats.
1 – Panorama de la littérature sur les citations des dirigeants dans les communiques de presse
7Les citations des dirigeants semblent être une composante récurrente des communiqués de presse. On parle aussi d’interprétations et/ou de commentaires de la direction pour désigner de telles citations (Gibbins et al., 1990). Ce constat conduit à souligner la multiplicité des narrateurs présents au sein d’un même communiqué (Henry, 2008). Outre la firme elle-même, les communiqués étant la plupart du temps rédigés à la troisième personne, sont présents les dirigeants à qui ces citations sont attribuées.
8Le discours utilisé par les dirigeants dans ces citations est particulièrement intéressant à étudier, dans la mesure où celui-ci semble plus « direct » et moins « standardisé » que celui utilisé dans le reste du communiqué (Bonsall et al., 2010). En ce sens, (Maat, 2007) constate que les citations des dirigeants contiennent plus d’éléments promotionnels qu’il n’y en a dans l’autre partie du communiqué.
9Seront successivement présentées les études portant sur les citations des dirigeants dans les communiqués sur les résultats (1.1) et dans les communiqués émis en contextes spécifiques (1.2).
1.1 – Les citations des dirigeants dans les communiqués sur les résultats
10Dans le cadre de communiqués sur les résultats (trimestriels, semestriels ou annuels), ces citations sont le plus souvent des précisions et/ou explications des dirigeants relatives aux performances actuelles et/ou futures des entreprises concernées.
11Une étude réalisée par (Hoskin et al., 1986) porte sur le contenu informatif d’informations diffusées de façon concomitante aux résultats annuels. Plusieurs catégories d’informations additionnelles sont étudiées parmi lesquelles figurent les commentaires des dirigeants. Ces derniers peuvent être rétrospectifs et/ou prospectifs. Les résultats révèlent un contenu informatif des commentaires prospectifs des dirigeants. Aux yeux des investisseurs, ces commentaires seraient donc crédibles. Ces derniers sont à distinguer des prévisions de résultats de par leur dimension purement qualitative. Les auteurs soulignent qu’il n’est pas dans l’intérêt des dirigeants d’effectuer des commentaires trompeurs dans la mesure où cela peut nuire à leur réputation.
12(Francis et al., 2002) constatent une augmentation de l’utilité des annonces de résultats dans le temps. Parallèlement à cela, il semble que les communiqués sur les résultats soient de plus en plus riches et détaillés. Les auteurs s’intéressent alors aux informations diffusées dans ces communiqués et notamment aux commentaires des dirigeants (concernant la période actuelle ou les périodes futures). Il apparaît que les commentaires des dirigeants concernant la période actuelle sont plus courants que ceux concernant les périodes futures. En outre, ces commentaires sont de plus en plus nombreux. Ils étaient présents dans 50 % des communiqués sur les résultats en 1999 (contre 23 % en 1980). Francis et al. (2002) montrent que l’augmentation de l’utilité des annonces de résultats est liée au fait que ces annonces sont effectuées dans des communiqués qui sont de plus en plus riches en informations. Parmi ces informations, les commentaires prospectifs des dirigeants contenant de mauvaises nouvelles ont un impact particulièrement important.
13(Hutton et al., 2003) s’intéressent aux informations diffusées parallèlement aux prévisions de résultats. Plus exactement, il s’agit de voir dans quelle mesure ces informations affectent la crédibilité de prévisions qui peuvent être de bonnes ou mauvaises nouvelles. L’étude porte sur un échantillon de 278 prévisions de résultats effectuées par des entreprises cotées aux Etats-Unis sur la période 1993-1997. Les auteurs montrent qu’il n’y a pas plus de citations de dirigeants accompagnant les prévisions de résultats selon qu’il s’agisse d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Enfin, les résultats ne permettent pas de conclure quant à un impact de ces citations sur le contenu informatif des prévisions de résultats. Les auteurs soulignent que ces citations sont finalement trop vagues pour être crédibles pour les investisseurs. Ces derniers résultats sont contraires à ceux obtenus par (Francis et al., 2002).
14Une étude récente réalisée par (Davis et al., 2012) s’intéresse au langage utilisé dans les communiqués sur les résultats trimestriels diffusés sur la période 1998-2003. Plus précisément, les auteurs cherchent à savoir si les entreprises dont les communiqués sont rédigés dans un langage optimiste [2] sont celles présentant de bonnes performances sur les trimestres suivants. Les résultats valident cette hypothèse et montrent que le langage utilisé constitue un outil permettant aux dirigeants de fournir de l’information pertinente quant aux performances futures attendues. Le marché réagit favorablement à cet optimisme qui semble ainsi être considéré comme crédible par les investisseurs. L’étude du langage utilisé est menée d’une part dans l’ensemble du communiqué, et d’autre part au sein des citations des dirigeants. Les résultats mis en exergue sont valables pour les deux sections des communiqués, confirmant que ces citations constituent une composante importante des communiqués de presse.
15De la même façon, (Bonsall et al., 2010) s’intéressent aux facteurs influençant le contenu informatif du degré d’optimisme des citations de dirigeants présentes dans les communiqués sur les résultats (trimestriels ou annuels). Les citations étudiées sont issues de 542 communiqués sur les résultats diffusés sur la période 2004-2008 par des entreprises cotées sur le marché américain. Les résultats montrent que ce contenu informatif : (i) diminue lorsque des recommandations quantitatives sont présentes au sein des communiqués et lorsque les dirigeants sont perçus par les investisseurs de façon moins favorable (ii) augmente lorsque les risques de litiges perçus par les dirigeants sont importants.
16Ainsi, la plupart des études sur les citations de dirigeants présentes dans les communiqués sur les résultats porte sur le contenu informatif de ces citations. Qu’en est-il des citations de dirigeants présentes dans les communiqués de presse diffusés en contextes spécifiques ?
1.2 – Les citations des dirigeants dans les communiqués mémis en contextes spécifiques
17Des auteurs se sont également intéressés aux citations présentes dans les communiqués de presse diffusés en contextes spécifiques, c’est-à-dire lors d’événements particuliers survenant au cours de la vie d’une entreprise. A notre connaissance, les contextes investigués sont : (i) l’annonce de politiques de réduction des coûts, (ii) l’émission d’actions et (iii) les MBO (« Management Buy-Out »).
18Dans le cadre d’annonce de politiques de réduction des coûts (PRC), Rivière (2010) met en exergue que le vocabulaire utilisé par les dirigeants dans ces citations se distingue de la partie descriptive du texte. En outre, l’auteur s’intéresse à la place accordée à ces citations dans le corps du communiqué. En effet, plus cette place est importante, plus cela témoigne d’une volonté d’influencer la façon dont les utilisateurs comprennent les informations diffusées. L’étude porte sur un échantillon de 51 entreprises cotées appartenant au SBF 250 et ayant annoncé une PRC entre 1999 et 2003 (soit un total de 89 communiqués analysés). Notons que ces annonces peuvent faire l’objet d’un communiqué spécifique ou bien être présentes dans les communiqués sur les résultats (annuels ou semestriels).
19(Lang et Lundholm, 2000) étudient le comportement de diffusion d’informations des entreprises lors d’augmentation de capital. Dans un tel contexte, la diffusion d’informations peut permettre à l’entreprise concernée d’augmenter le produit de l’émission. L’étude porte sur des augmentations de capital réalisées en 1992 sur le marché américain par des entreprises de relative petite taille. Les résultats révèlent que les entreprises émettrices augmentent considérablement leur activité de diffusion d’informations six mois avant l’opération en comparaison au semestre précédent (et en comparaison aux entreprises figurant dans l’échantillon de contrôle, c’est-à-dire celles n’ayant pas effectué d’émissions de titres). Parmi les informations plus fréquentes, figurent les interprétations des dirigeants concernant les performances de l’entreprise.
20Dans le cadre de MBOs, (Hafzalla, 2009) révèle que les dirigeants ont tendance, avant l’annonce de l’opération, à dénigrer leur entreprise par le biais de la diffusion d’informations et de la gestion des résultats. S’agissant de la diffusion d’informations, l’auteur montre que les commentaires des dirigeants concernant les performances actuelles et/ou futures de la firme sont particulièrement pessimistes avant l’annonce de l’opération. L’auteur souligne la marge de manœuvre à disposition des dirigeants concernant le contenu et le ton de ces déclarations, celles-ci étant la plupart du temps non quantifiées et, de ce fait, difficilement vérifiables. L’objectif d’un tel comportement est double : réduire le coût de l’opération et éloigner les concurrents éventuels. L’étude porte sur la période 1990-2003 et sur le marché américain.
21Ainsi, s’agissant des communiqués diffusés lors d’événements particuliers, ces citations semblent être utilisées de façon stratégique par les dirigeants, en fonction d’objectifs liés au contexte spécifique étudié.
2 – Le support de diffusion étudie : les communiques de presse
22Les principaux documents obligatoires en cas d’OPA/OPE sont : (i) la note d’informations de l’acquéreuse et la note en réponse de la cible [3] et (ii) les documents « autres informations » relatifs aux caractéristiques notamment juridiques, financières et comptables des sociétés concernées. Le contenu de la note d’informations et de la note en réponse a été précisé dans l’instruction n°2006-07 de l’AMF relative aux offres publiques d’acquisition. Les principaux éléments qui doivent figurer dans la note d’informations sont : (i) l’identité de l’initiateur ; (ii) la teneur de son offre (ex. prix ou parité proposé(e)) ; (iii) ses intentions pour les douze mois à venir ; (iv) les accords relatifs à l’offre et (v) l’avis du Conseil d’Administration (CA) ou Conseil de Surveillance (CS) sur les conséquences de l’offre pour l’initiateur, ses actionnaires et salariés. La note en réponse de la cible doit notamment mentionner les points suivants : (i) une actualisation des éléments susceptibles d’avoir des conséquences en cas d’offre publique ; (ii) le rapport de l’expert indépendant ; (iii) l’avis motivé du CA ou CS concernant l’intérêt ou le risque que présente l’offre pour la société visée, ses actionnaires et salariés ; (iv) les observations du comité d’entreprise et (v) les intentions des membres des organes sociaux.
23(Newman, 1983) constate que les actionnaires individuels semblent se tourner vers d’autres supports de diffusion que les notes d’informations, comme par exemple les communiqués de presse, lorsqu’il s’agit d’accepter ou non l’offre proposée. La principale raison mentionnée par l’auteur est liée à la longueur et à la complexité des documents obligatoires. Au cours de ces dernières années, les régulateurs se sont en effet prononcés, à plusieurs reprises, en faveur d’un recentrage de la note d’informations et de la note en réponse autour de la description des termes de l’offre [4], accentuant ainsi le côté « technique » de ces documents. Cela nous a incités à procéder à l’analyse des communiqués de presse diffusés lors d’OPA/OPE, une telle analyse a d’ailleurs été recommandée par (Brennan et al., 2010) étant donnée la fréquence de leur diffusion dans ce contexte.
24En outre, le choix des communiqués de presse se justifie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils sont largement repris dans les médias et bénéficient ainsi d’une audience très large (Maat, 2007). Dans le contexte des prises de contrôle hostiles, (Ohl et al., 1995) montrent que c’est plus particulièrement les communiqués des cibles et leur point de vue sur l’offre qui sont relayés par la presse. Pour (García Osma et Guillamón-Saorín, 2011), les communiqués de presse présentent l’avantage de faciliter une diffusion rapide de l’information à un public large. Autrement dit, ils constituent un support de communication permettant aux entreprises de communiquer en temps opportun des informations à une cible donnée (Files et al., 2009). Dans le contexte des OPA/OPE, il s’agit ainsi pour les entreprises émettrices de réagir rapidement à des événements qui surviennent en cours d’offre (ex. dépôt d’une offre en surenchère ou concurrente). Les avancées technologiques récentes font qu’ils sont aujourd’hui facilement accessibles par les investisseurs (Guillamón-Saorín et Sousa, 2010). Ils peuvent notamment figurer au sein de canaux de diffusion (Lang et Lundholm, 2000) ou encore sur les sites Web des entreprises. Ensuite, les communiqués sont rédigés dans un langage particulièrement expressif (Aerts et Cormier, 2009), ce qui devrait renforcer le caractère persuasif du message envoyé aux actionnaires, ou plus généralement aux parties prenantes. Enfin, ils restent encore trop peu étudiés notamment dans le contexte européen (Brennan et al., 2009).
25Enfin, (Nègre et Martinez, 2013) distinguent, dans le cadre des OPA/OPE, les communiqués obligatoires, diffusés en vertu de la loi, des communiqués volontaires diffusés suite à des recommandations de l’AMF ou facultativement par les entreprises concernées.
3 – Échantillon et démarche d’analyse
26Après avoir décrit l’échantillon des citations de dirigeants étudiées (3.1), la démarche d’analyse est présentée (3.2).
3.1 – L’échantillon de citations de dirigeants
27En premier lieu, les communiqués de presse diffusés dans le cadre de l’ensemble des offres publiques d’acquisition visées par l’AMF sur la période allant de décembre 2006 à juin 2011 (soit un total de 35 opérations) ont été manuellement collectés. Le choix de cette période d’étude résulte d’une modification de la règlementation relative aux offres publiques d’acquisition en 2006 [5]. Ces communiqués ont été obtenus sur le site Internet des sociétés ou, le cas échéant, sur la base de données Factiva.
28Parmi l’ensemble de ces opérations (annexe 1), plus de 83 % sont amicales (29 offres amicales et 6 offres hostiles). Une offre a été considérée comme hostile dès lors qu’elle n’a pas été recommandée par le CA ou CS de la cible (Powell ,1997) et que l’entreprise visée a mis en œuvre une ou plusieurs stratégies défensives (Sudarsanam, 1995). Ensuite, 69 % des offres publiques d’acquisition sont volontaires (24 opérations) et 31 % des offres (11 opérations) sont obligatoires, suite au franchissement par l’acquéreuse du seuil du tiers du capital ou des droits de vote de la cible (30 % depuis février 2011). Enfin, on note 28 OPA, 3 OPE, 3 offres publiques mixtes et 1 offre publique alternative d’achat ou d’échange.
29Au total, 234 communiqués de presse ont été obtenus, dont 129 sont des communiqués volontairement diffusés par les entreprises cible et/ou acquéreuse. Dans le cadre des offres publiques d’acquisitions, il apparaît que la présence de citations des dirigeants est spécifique aux communiqués de presse volontaires. En effet, les communiqués obligatoires, qui sont principalement des résumés de notes d’informations, semblent suivre scrupuleusement la structure de ces notes. Sur les 129 communiqués de presse volontaires identifiés, un total de 95 citations a été comptabilisé.
30Le tableau 1 donne le nombre de citations par type d’offre et type d’émetteur. Il apparait que la présence de citations des dirigeants est plutôt caractéristique des communiqués émis conjointement par la cible et l’acquéreuse dans le cadre d’offres amicales et volontaires. En effet, dans les communiqués diffusés lors d’opérations amicales, on note une moyenne de 0,84 citation par communiqué contre 0,58 citation s’agissant des communiqués diffusés lors d’opérations hostiles. Lorsque l’offre est hostile, l’accent est mis, au sein des communiqués, sur l’avis du CA ou CS, ce qui peut expliquer le nombre réduit de prises de parole par les dirigeants au niveau individuel. Enfin, dans le cadre d’offres obligatoires, l’acquéreuse détient une part significative du capital de la cible, rendant moindre le besoin de convaincre du bien-fondé de l’opération, d’où la différence en termes de nombre de citations par communiqué selon le type obligatoire ou volontaire de l’offre.
Caractéristiques des citations par type d’offre et d’émetteur
Caractéristiques des citations par type d’offre et d’émetteur
31S’agissant du type de porte-parole, deux principales remarques peuvent être effectuées. Lorsque le communiqué est commun aux deux entreprises impliquées, les citations émanent soit d’un dirigeant de l’acquéreuse (53 %) soit d’un dirigeant de la cible (40 %), avec une majorité de citations attribuées aux dirigeants de l’acquéreuse (tableau 2). Les citations ne sont que très rarement communes aux deux entreprises. En revanche, les dirigeants de l’acquéreuse ne semblent pas prendre part aux communiqués de la cible (et inversement). Ainsi, lorsque le communiqué a pour but de fournir une double perspective cible/acquéreuse, on privilégie la diffusion d’un communiqué commun. Un examen plus attentif du type de porte-parole (non reporté ici) a permis de mettre en évidence que, dans la majorité des cas, le porte-parole de l’acquéreuse est le Directeur Général (DG) (21 % [6]) ou le PDG (Président Directeur Général (PDG) (16 %). Quant au porte-parole de la cible, il s’agit principalement du PDG (14 %) ou du DG (8,5 %). Les autres porte-parole identifiés sont : le président du CA (ou du CS), le président du directoire, les membres du CA (ou du CS) ou encore les membres du directoire. Ainsi, dans un tel contexte, les porte-parole des entreprises impliquées sont, dans la majeure partie, des cas les « Directeurs généraux ».
Exemples de citations des dirigeants
Exemples de citations des dirigeants
32Lorsque des citations sont présentes dans les communiqués de presse, celles-ci représentent environ 20 % du communiqué. Par ailleurs, l’étude de la longueur de ces citations par rapport à la longueur du communiqué (en nombre de mots) révèle qu’en moyenne ces citations sont plus longues lorsqu’il s’agit de commenter : (i) une opération hostile (20,33 %) par rapport à une opération amicale (19,92 %) ; (ii) une offre obligatoire (22,65 %) par rapport à une offre volontaire (19,26 %).
33Enfin, dans la majeure partie des cas, ces citations se situent à la fin du communiqué. L’effet de l’ordre des informations n’est pas anodin. Au contraire, il peut influencer la perception des investisseurs puisque les dernières informations lues sont celles restant principalement en mémoire (Baird et Zelin, 2000). Des exemples de citations des dirigeants pour chaque type d’offre sont donnés dans le tableau 2.
3.2 – Démarche d’analyse
34Afin d’observer plus « objectivement » et plus « rigoureusement » le contenu des citations (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2008, p. 265), nous avons fait le choix d’une analyse de données textuelles automatisée. L’analyse de données textuelles regroupe différentes méthodes [7] qui visent à découvrir l’information essentielle contenue dans un texte. Parmi ces méthodes, figure l’analyse lexicale qui va permettre de répondre à la question : De quoi parle-t-on ? (Fallery et Rodhain, 2007). Pour Gavard-Perret et Moscarola (1998), l’idée de base de l’analyse lexicale est de « substituer à l’étude d’un texte celle de l’ensemble des mots qui le composent » (p.34). L’analyse lexicale se fonde sur un ensemble de statistiques textuelles (Lebart et Salem, 1994), plus ou moins élaborées, faisant le lien entre statistiques descriptives, texte et utilisation de l’ordinateur (Duyck, 2001). L’analyse lexicale des 95 citations a été réalisée à l’aide du logiciel Sphinx Lexica. Le choix de ce logiciel se justifie par la taille du fichier regroupant l’ensemble des citations (légèrement inférieure à 100 Ko). En effet, dans une telle configuration, l’utilisation du logiciel Alceste ne peut pas permettre d’obtenir des résultats intéressants (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2004 ; Trébucq, 2006). Par ailleurs, le logiciel Sphinx Lexica a déjà été utilisé dans plusieurs études en comptabilité, notamment celles relatives à l’analyse de discours dans les rapports des dirigeants sur le contrôle interne (Gumb et Noël, 2007) et dans les communiqués de presse (Rivière 2010). Enfin, trois variables ont été associées à la variable lexicale choisie. Deux correspondent au type d’offre : amical ou hostile ; obligatoire ou volontaire. Une autre concerne le type de porte-parole, à savoir pour la majorité : un dirigeant de l’entreprise acquéreuse et/ou un dirigeant de l’entreprise cible. Le choix de ces variables s’explique par le fait que la diffusion d’informations en contexte d’OPA/OPE semble liée à la fois aux caractéristiques de l’offre et à l’émetteur (Brennan, 1999 ; 2000 ; Nègre et Martinez, 2013)
4 – Présentation et discussion des résultats
35Le travail d’analyse lexicale a été effectué en deux étapes. La première consiste en une analyse lexicale globale du corpus (4.1) afin de mettre en évidence ses principales caractéristiques et d’en effectuer une description générale. Cette première analyse est complétée par une analyse lexicale détaillée (4.2) ayant pour objectif de voir s’il existe des spécificités lexicales propres à chaque type d’offre (amical/hostile ; obligatoire/volontaire) et type de porte-parole (dirigeant de la cible ou dirigeants de l’acquéreuse).
4.1 – Analyse lexicale globale du corpus
36Le corpus est formé de 95 citations de dirigeants, 7229 mots qui se décomposent après réduction du vocabulaire en 3199 mots. La réduction lexicale consiste à regrouper sous une même appellation les mots ayant une signification commune et à retirer les mots-outils du langage. Il s’agit d’une étape cruciale de l’analyse lexicale. Le choix a ainsi été fait de procéder manuellement, les regroupements proposés par le logiciel n’étant pas toujours pertinents.
37La première étape de l’analyse lexicale globale du corpus consiste en l’étude des lexiques catégorisés les plus fréquents (tableau 3). Même s’il est difficile de donner un sens précis à ces différents lexiques catégorisés, étant donné que leur contexte d’utilisation n’est pas donné, les lectures du corpus effectuées permettent de formuler un certain nombre de constats.
Lexiques catégorisés les plus occurrents
Lexiques catégorisés les plus occurrents
38Tout d’abord, l’étude du lexique des 10 noms communs les plus occurrents semble faire ressortir différents groupes. Le premier concerne le vocabulaire lié au contexte spécifique étudié, c’est-à-dire les OPA/OPE (« offre » ; « opération » ; « marché »). Le deuxième est plutôt un vocabulaire stratégique mettant l’accent sur les conséquences des opérations (« développement » ; « croissance » ; « stratégie »). Enfin, un dernier groupe se focalise sur les personnes concernées par l’opération (« actionnaire » ; « client ») et/ou impliquées dans son déroulement (« conseil »).
39Le lexique des 10 adjectifs les plus fréquents est le plus difficile à interpréter. En effet, par nature, l’adjectif se rapporte à un nom commun et en l’absence de ce dernier, le sens de l’adjectif peut devenir ambigu (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2008). Cependant, les adjectifs « nouveau » et « nouvel » évoquent clairement l’idée de changement. D’autres semblent renvoyer au positionnement des entreprises sur leur marché que cela soit au niveau « européen » ou « mondial ». Enfin, certains adjectifs sont des qualificatifs qui ont à première vue pour but de renforcer l’idée exprimée (« grand » ; « significatif »). Il s’agit d’une stratégie de renforcement, à l’instar de celle définie par Brennan et al., (2009 ; 2010).
40L’idée de changement et de nouveauté ressort également de l’étude du lexique des 10 verbes les plus cités (« créer »). Enfin, plusieurs verbes semblent faire référence à l’opportunité que représente l’offre (« donner » ; « offrir » ; « apporter »).
41La deuxième étape de l’analyse lexicale globale du corpus consiste en l’étude des 15 segments répétés les plus fréquents (tableau 4). Une telle étude va nous permettre de cerner rapidement les principales idées du corpus ainsi que de lever certaines ambiguïtés inhérentes à l’étude des lexiques catégorisés les plus occurents (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2008).
Les 15 segments répétés les plus fréquents du corpus
Les 15 segments répétés les plus fréquents du corpus
42Plusieurs remarques peuvent être effectuées à l’issue de cette seconde étape d’analyse. Tout d’abord, le vocabulaire utilisé par les dirigeants est assez fort (ex. « être convaincu » ; « leader mondial »). L’accent semble être mis sur les conséquences des opérations en termes de création de valeur, de croissance ou encore de positionnement sur le marché concerné. En outre, il apparaît que les dirigeants cherchent effectivement à renforcer, au sein de leurs communications, certains de leurs propos en ajoutant des qualificatifs (« très », « forte ») à des mots clefs (« satisfaits », « heureux », « croissance »). Une telle stratégie de gestion des impressions a déjà été observée par (Brennan et al., 2010) dans le cadre d’opérations hostiles. Ensuite, une certaine implication des dirigeants peut être constatée. Ils livrent leurs ressentis (ex. « être (très) heureux » ; « être (très) satisfaits ») et n’hésitent pas à s’adresser directement aux actionnaires (ex. « remercier actionnaire »). Dans la lignée de Newman (1983), il apparaît que les actionnaires sont les principaux destinataires visés par ces discours. C’est en effet à eux à qui revient la décision ultime d’accepter ou de rejeter l’opération. Ainsi, le lexique des segments répétés les plus occurrents témoigne d’un vocabulaire non standardisé, voire personnalisé.
4.2 – Analyse lexicale détaillée
43Il s’agit à présent de voir s’il existe des spécificités lexicales propres à chaque type d’offre (amical ou hostile ; obligatoire ou volontaire) et type de porte-parole (dirigeant de la cible et/ou dirigeant de l’acquéreuse). L’objectif de cette analyse est, plus précisément, d’examiner quels sont les mots sur- et sous- représentés pour certaines modalités d’une variable (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2007).
44Seules les formes graphiques spécifiques au sens du Khi2 figurent dans le tableau 5. Le signe positif ou négatif indique s’il s’agit d’une spécificité positive ou négative. Lorsque le type de porte-parole n’est ni un dirigeant de l’acquéreuse ni un dirigeant de la cible, les résultats ne sont pas reportés, un tel cas étant extrêmement rare.
Spécificités lexicales positives et négatives
Spécificités lexicales positives et négatives
45Les mots dont la spécificité est inférieure au seuil de 1,20 n’apparaissent pas, ainsi que les mots dont la fréquence est inférieure à 5.
46A l’instar de (Nègre et Martinez, 2013), l’étude des spécificités lexicales positives et négatives révèle une différence essentielle selon le type amical ou inamical de l’offre. Pour preuve, 4 termes sous-représentés dans les citations relatives aux offres amicales (« offre », « actionnaires », « valeur », « conseil ») sont a contrario surreprésentés dans les citations relatives aux offres hostiles (tableau 5). Même s’il est délicat de déduire le principal public visé par ces discours de la mention directe des parties prenantes par les dirigeants, il est intéressant de souligner que ce public semble être différent selon le type d’offre. Les opérations amicales visent principalement l’atteinte d’une position de leader, résultant de différentes complémentarités, notamment au niveau des « produits ». La logique qui sous-tend ces opérations est donc plutôt sectorielle, justifiant un discours essentiellement tourné vers les « clients ». Les dirigeants, à propos de l’opération, ne parlent plus d’offre, mais de « rapprochement », ce qui souligne d’autant plus le caractère amical de l’opération et témoigne de l’entente régnant entre les deux entreprises impliquées.
47Lors d’opérations hostiles, il s’agit au contraire de convaincre les « actionnaires » que l’offre n’est, en l’état, pas considérée comme suffisamment créatrice de valeur, conformément à l’avis sur l’offre rendu par le « conseil d’administration ». A première vue, on se situe assez loin du vocabulaire « guerrier » ou « chevaleresque » (Lamendour, 2010) auquel on aurait pu s’attendre lors de ce type d’opérations.
48L’étude des spécificités lexicales selon le type obligatoire ou volontaire de l’offre ne permet pas de conclure quant à un vocabulaire spécifique aux offres obligatoires. Tout d’abord, aucune spécificité lexicale négative et significative n’est mise en évidence (tableau 5). Ensuite, le vocabulaire constituant les spécificités lexicales positives semble relativement neutre (« groupe », « capital », « société »). Les propos restent assez généraux et l’on parle au mieux de mise en œuvre d’une stratégie de développement. Dans le cadre d’offres volontaires, on note une certaine volonté de convaincre du bien-fondé de l’opération. Pour preuve, les dirigeants dans leurs discours mettent en avant l’impact de l’offre en termes de création de valeur pour les actionnaires. Comment expliquer cette différence lexicale entre offres obligatoires et volontaires ? Il est possible que l’offre obligatoire résulte d’un processus de rapprochement antérieur au cours duquel des informations plus précises concernant la logique et les intérêts de l’opération ont déjà été diffusées. Une autre explication possible est liée à l’incertitude moindre quant à l’issue de l’opération, l’entreprise acquéreuse détenant d’ores et déjà une part significative du capital de la cible.
49S’agissant du type de porte-parole, il apparaît que le vocabulaire utilisé par les dirigeants de l’acquéreuse (ex. « opération » ; « acquisition » ; « publique ») est plus neutre que celui utilisé par les dirigeants de la cible (ex. « développement » ; « leader »). De plus, deux termes sous-représentés (surreprésentés) dans les citations de dirigeants de l’acquéreuse sont a contrario surreprésentés (sous-représentés) dans les citations de dirigeants de la cible. Il s’agit des termes « développement » et « leader » (« croissance » ; « opération »). Cela témoigne d’une différence lexicale selon le type de porte-parole. Enfin, les dirigeants de la cible semblent s’adresser particulièrement à leurs actionnaires.
50Une analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) est ensuite réalisée (schéma 1). La représentation graphique de cette dernière montre qu’il y a relativement peu de mots au centre. La majorité des mots est en effet située en périphérie, ce qui témoigne de leurs spécificités par rapport au type d’offre et de porte-parole.
Analyse factorielle des correspondances multiples
Analyse factorielle des correspondances multiples
51Les 2 axes représentés expliquent 5.57 % de la variance, ce qui est relativement faible(schéma 1). Mais comme souligné par (Lebart et Salem, 1994), de faibles pourcentages peuvent très bien correspondre à des représentations rendant compte de façon satisfaisante de la structure des données. En effet, selon ces auteurs, ces pourcentages sont souvent une « mesure pessimiste de la part d’information représentée » (p.91). La taille des points est fonction du nombre de citations présentant chaque modalité. La caractérisation des axes incombe au chercheur et peut s’avérer être une tâche difficile (Gumb et Noël, 2007). Ici, l’axe horizontal semble faire référence à la résistance (élevée ou moindre) à l’offre, alors que l’axe verticale témoigne du besoin (élevé ou moindre) de convaincre du bien-fondé de l’opération.
52En outre, l’analyse factorielle des correspondances permet de confirmer les spécificités du discours utilisé par les dirigeants dans les citations en fonction du type de porte-parole et d’offre. En effet, des oppositions plus ou moins fortes sont à noter dans les discours selon que l’offre est amicale ou hostile, obligatoire ou volontaire. Enfin, un même constat peut être effectué entre discours des dirigeants de la cible et discours des dirigeants de l’acquéreuse.
Conclusion
53La présente recherche avait pour objectif d’analyser lexicalement les citations de dirigeants présentes dans les communiqués de presse diffusés lors d’OPA/OPE. Nous nous sommes plus précisément intéressés aux communiqués de presse émis par les entreprises cibles et/ou acquéreuses sur la période allant de l’annonce de l’opération à la publication des résultats définitifs de l’offre. 35 offres publiques d’acquisitions visées par l’AMF entre décembre 2006 et juin 2011 ont été étudiées et une analyse lexicale de 95 citations a été effectuée à l’aide du logiciel Sphinx Lexica.
54Les résultats montrent que ces citations sont essentiellement présentes dans les communiqués volontaires. Elles font ainsi partie intégrante d’une stratégie de diffusion d’informations mise en œuvre par les entreprises acquéreuses et cibles. L’analyse lexicale globale du corpus a révélé l’utilisation d’un vocabulaire non standardisé, personnalisé. L’accent est mis sur les conséquences des opérations, notamment en termes de création de valeur et de positionnement sur le marché concerné. L’analyse lexicale détaillée a permis de montrer qu’il existe des spécificités lexicales selon le type d’offre (amical ou hostile, obligatoire ou volontaire) ainsi que selon le type de porte-parole (dirigeant de la cible et/ou de l’acquéreuse). Dans un tel contexte, il s’avère que les porte-parole des entreprises sont dans la majeure partie des cas les « top managers ». Une discussion a aussi été opérée autour du public visé par ces discours. Lors d’opérations hostiles, les actionnaires semblent être les principaux destinataires visés alors que lors d’opérations amicales, le discours est plutôt orienté vers les clients.
55L’intérêt de cette recherche réside dans le contexte étudié : celui des OPA/OPE. Si plusieurs études se sont intéressées aux citations de dirigeants incluses dans les communiqués sur les résultats, aucune ne traite, à notre connaissance, des communiqués émis lors de telles opérations. De plus, la diffusion d’informations lors des OPA/OPE a majoritairement été appréhendée du point de vue de l’une ou l’autre des entreprises impliquées (Brennan, 1999 ; 2000). Ici, nous adoptons une double perspective cible/acquéreuse.
56Les limites de ce travail sont liées à la réalisation d’une analyse automatisée de données textuelles sur un corpus de petite taille. En effet, ce type d’analyse est plutôt utilisé dans le cadre de corpus de grande taille afin de faciliter le traitement des données. Ce choix a été opéré dans une volonté de regarder plus « objectivement » et plus « rigoureusement » le contenu des citations (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2008, p. 265). Il sera sans doute utile de compléter cette analyse par une analyse de contenu manuelle.
57A l’issue de cette recherche, deux prolongements possibles sont envisagés. Tout d’abord, il pourrait être intéressant d’examiner, toujours dans le contexte des OPA/OPE, d’autres supports de diffusion d’informations (ex. les campagnes de publicité, les lettres aux actionnaires). Le choix des communiqués de presse s’explique par le fait qu’il s’agit d’un des supports les plus utilisés lors de telles opérations. Une autre voie de recherche possible consiste en l’étude de ces citations à la lumière de la gestion des impressions. L’analyse des segments répétés les plus fréquents a montré que les dirigeants cherchaient à renforcer leurs propos en ajoutant des qualificatifs à des mots-clés. D’autres stratégies de gestion des impressions sont ainsi susceptibles d’être mises en œuvre par les dirigeants.
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Mots-clés éditeurs : citations, communiqués de presse, OPA/OPE, analyse lexicale
Date de mise en ligne : 03/01/2017
https://doi.org/10.3917/vse.201.0091Notes
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[1]
Les offres publiques d’acquisition désignent les offres publiques d’achat (OPA), les offres publiques d’échange (OPE), les offres mixtes et les offres publiques alternatives d’achat ou d’échange. Selon la directive 2004/25/CE, une offre publique d’acquisition est « une offre publique faite aux détenteurs des titres d’une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l’offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu’elle suive ou ait pour objectif l’acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national ».
-
[2]
L’optimisme « net » du langage est mesuré par différence entre le pourcentage de mots optimistes et le pourcentage de mots pessimistes. Un programme d’analyse textuelle (DICTION) est utilisé par les auteurs pour catégoriser les mots selon le degré d’optimisme/pessimisme.
-
[3]
Lorsqu’une attestation d’équité sur les conditions financières de l’offre provenant d’un expert indépendant n’est pas requise (cf. article 261-1 du RG de l’AMF), la note d’informations peut être établie conjointement par les entreprises initiatrices et cibles.
-
[4]
Directives Transparence, Prospectus, OPA : Un nouveau cadre pour la communication financière des sociétés cotées, conférence de l’AMF, 26 septembre 2006.
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[5]
Notamment, la loi n°2006-387 du 31 mars 2006 (loi relative aux OPA), qui est une transposition de la directive européenne 2004/25/CE du 21 avril 2004 (directive OPA), a entraîné une modification du RG de l’AMF publié au Journal Officiel le 28 septembre 2006.
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[6]
Sur les 95 citations, 20 sont des citations du DG de l’acquéreuse (soit 21 %).
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[7]
Analyses lexicales, linguistes, cognitives et thématiques (Fallery et Rodhain 2007).