Couverture de VSE_179

Article de revue

Le développement durable : des enjeux renouvelés pour le management des ressources humaines

Pages 94 à 110

Notes

  • [1]
    Baechler J. (2002), Les mondialisations alternatives. Revue du MAUSS, no 20, 138- 147.
  • [2]
    Les stratégies de développement humain préconisées par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD 2005) s’appuient sur ces principes. Elles mettent l’accent sur le renforcement des capabilités, personnelles comme collectives, au moyen de politiques sectorielles spécifiques. Elles visent, en tentant de combler les manques de capabilités, à assurer une égalité de capabilités afin de garantir l’équité entre les personnes. .

1Cette communication se veut exploratoire. L’objectif principal est de considérer l’appropriation de certains concepts issus du corpus DDE et RSE par le management des ressources humaines. Ces ressources conceptuelles à approprier recoupent des préoccupations pérennes du management. Dans un premier temps nous dégagerons les éléments d’une analyse éthico-sociale des enjeux du développement durable et de la responsabilité sociale pour le management, particulièrement des ressources humaines. Dans un second temps nous examinerons l’apport de l’approche des capacités à un management des ressources humaines s’inscrivant dans la perspective de durabilité organisationnelle. Dans un troisième temps, on montrera comment le développement durable, à travers sa dimension sociale prise en charge par les pratiques significatives de management des ressources humaines, peut être relié à l’approche de la capabilité et du développement humain.

INTRODUCTION PARTI PRIS DE CETTE COMMUNICATION

2Les mouvements d’idées et de pratiques que sont ceux du développement durable et de la responsabilité sociale posent des thématiques éthico-sociales, des enjeux multiples et des problèmes complexes. À défaut de donner des indications pratiques précises, les débats, confrontations, autour des thèmes de DD et de RSE ont une valeur heuristique. Ils indiquent des pistes de réflexion. On peut faire l’hypothèse que la thématique de la responsabilité sociale et du développement durable avec tous ses prolongements discursifs et pratiques est assez pérenne pour être une occasion de renouveler les pratiques de la gestion des ressources humaines.

3Dans le corpus théorique et doctrinal du développement durable et de la responsabilité sociale, désormais considérable, se trouvent des notions qui viennent à la rencontre du sens commun du management et particulièrement de celui des ressources humaines. Il en est ainsi de l’approche des capabilités promue par A. Sen (1993) et M.Nussbaum (2008) qui nous parait prometteuse. C’est cette approche qu’il nous faut opérationnaliser au management des ressources humaines, en particulier à la gestion des compétences et qualification.

4Toutefois, une analyse préalable s’impose du fait même que les notions du corpus en question, tant dans leur contenu cognitif que normatif, se distribuent selon un universalisme abstrait et un relativisme (C. Renouard, 2007). Ils se disposent donc en premier lieu à une réflexion éthique devant dépasser autant l’universalisme abstrait que le relativisme.

5Dans ce cadre, on peut s’interroger sur les fondements éthiques des pratiques de management en s’inspirant de concepts issus du corpus du développement durable et de la responsabilité sociale qui en est le corollaire. En prenant appui sur les tendances manifestes et latentes de ces thématiques éthico-sociales, il s’agit d’en suivre les implications praxéologiques après avoir approprié les principes discernés -responsabilité, solidarité, équité, participation-, par exemple, à l’univers moral du management, plus particulièrement des ressources humaines.

6L’éthique est ici entendue comme une réflexion rationnelle sur la conduite humaine avec pour finalité de diriger cette conduite selon des voies et moyens appropriés. En ce sens, il faut intégrer le jugement moral ou pratique dans une pensée structurée, intégrant le temps et l’espace, obligeant ainsi à se demander ce qu’il advient aux acteurs concernés si l’on prend telle ou telle initiative. On a dès lors une morale proactive et réfléchie. Cette éthique est un processus de critique, de recherche interne et externe. Mais c’est de l’intérieur que doivent être affrontés les enjeux éthico-sociaux et les obstacles à l’édification de sociétés (entreprises, organisations) mieux ordonnées. Dans cette perspective, l’éthique n’est pas surajoutée au management, elle en est inhérente à son agir. Tout management est un arbitrage entre les objectifs, les moyens et les coûts. La mise en place d’une stratégie de développement implique de choisir entre différentes alternatives et, en conséquence, de prendre des décisions qui se réfèrent, souvent implicitement, à des principes moraux ou éthiques.

7L’appropriation des notions issues du corpus en question passe donc par l’examen de leur contenu et de leur portée pour un management des ressources humaines hic et nunc.

1. ENJEUX, PROBLÈMES ET INCERTITUDES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE

1.1. les ressources conceptuelles et doctrinales du developpement durable

8De par ses promoteurs (institutions internationales, autorités publiques, ONG.), le développement durable se présente comme un projet politique sinon utopique. Projet qui regroupe des mouvements d’idées se diversifiant en mouvements sociaux obéissant à des préoccupations hétérogènes, promouvant des axes doctrinaux et praxéologiques qui sont loin de faire système. Et il serait bien présomptueux de tenter un compte rendu exhaustif de tous ces mouvements. Personne ne peut porter de jugement global sur ces courants, processus et logiques localisés.

9Du point de vue le plus universel, la thématique du développement durable prend appui sur une mondialisation de fait, mais les interprétations sont divergentes. J. Baechler (2002) note que « La rencontre de la pluralité politique et du marché mondial crée une situation inédite, où le marché est l’occasion pour des polities entières de se retrouver en position d’exclusion, quelles que soient les raisons internes pouvant expliquer que l’occasion ait été saisie, et où la prise en charge des victimes par les bénéficiaires du marché pose de problèmes sérieux d’échelle, d’organisation et d’efficacité. » [1]

10Intuitivement, le sens commun du management est réceptif à plusieurs idées-forces du corpus du développement durable et de la responsabilité sociale qui en est le corollaire. Les mots « durable », « développement », « responsabilité » ont une résonance dans la pratique du management autant que dans les discours de et sur le management. On peut en relever les évocations mettant sur la voie de l’appropriation (au sens de particularisation).

11« Durable » suggère que l’entreprise s’inscrit dans la durée et que le management a pour souci de maintenir la coopération entre les différents acteurs. La notion même du développement durable, au-delà de l’environnement, indique un rapport au temps. C’est la question du « temps long ». Il faut juger la performance sur le long terme, prendre en compte les droits des générations futures, par exemple, selon la formule canonique.

12La capacité à se projeter dans l’avenir et à engager des actions d’anticipation varie selon le parcours et la personnalité de chacun. Elle varie aussi pour l’entreprise selon sa raison d’être et son métier. Cette capacité stratégique, prospective, est inhérente à l’objectif premier, par essence, de toute entreprise et qui est d’assurer son développement durable, c’est-à-dire les conditions mêmes de sa pérennité. (A.C.Martinet, 2008).

13« Responsable socialement » suggère l’idée qu’il faut non seulement assumer les conséquences directes et indirectes des actes posés mais aussi les prévenir. Et ultimement donner des gages de sa contribution au bien commun de la société dans laquelle elle se développe. Il est ainsi une question récurrente auquel on s’efforce de répondre : « Qu’est-ce que la société, dans une économie de marché, peut attendre des entreprises au-delà de la simple maximisation de l’avoir des actionnaires ? » (J. Pasquero, 2004).

14On peut penser que la responsabilité sociale ne trouve pas son achèvement uniquement au niveau « Corporate » mais qu’elle peut aussi bien, sinon plus parfaitement s’exprimer à tous les niveaux de la vie professionnelle. On peut le constater en gestion des ressources humaines quand le critère de responsabilité est une dimension de la qualification du travail ou d’un emploi. Responsabilité indissociable de la marge d’autonomie permise par l’organisation.

1.2. l’approche des capabilites

15A. Sen préconise un mode de développement à partir d’une vue anthropologique originale. Une vue et une voie originales pour sortir des ornières de l’homo oeconomicus caractéristique de l’économie néo-classique. Cette vision revient à remettre en question les deux postulats fondateurs de cette approche : d’une part, les ressources et les contraintes ne sont ni parfaitement connues, ni parfaitement maîtrisées par tous les agents ; d’autre part, la finalité de l’action humaine ne consiste pas exclusivement à maximiser le bien-être économique et financier. Jusque là rien de bien nouveau pour la manière admise de considérer le comportement organisationnel sous l’angle de la rationalité limitée (H.Simon, 1983)

16Le mode de développement préconisé s’articule autour de trois concepts que sont les ressources, les fonctionnements et les capabilités.

17Les ressources (commodities) à disposition des individus recouvrent toutes les formes de biens et services marchands à disposition des personnes. En tant que telle, la possession de ressources ne suffit pas à permettre une réelle liberté d’action, car celle-ci dépend également de la présence de facteurs de conversion qui permettent de transformer les ressources en capacités de bien-être ou d’action. Ainsi, pour prendre un exemple triviale, la possession d’une voiture ne suffit pas à garantir une capacité de mobilité à un individu, encore faut-il tenir compte des capacités individuelles de convertir cette possession en capacité de se déplacer (la personne doit savoir conduire une voiture) ainsi que du contexte social et environnemental (normes sociales en vigueur, infrastructures routières, etc.) La possession ou l’existence d’une ressource ne suffit donc pas à garantir la capacité de l’utiliser adéquatement.

18La deuxième composante de l’approche de A. Sen concerne les fonctionnements (functionings), c’est-à dire les accomplissements de la personne, ce qu’elle est et ce qu’elle fait effectivement. La notion de fonctionnement indique une grande marge de manœuvre dans le choix de la manière de se réaliser. En ce sens, elle est respectueuse de la diversité humaine et renforce la responsabilité, dans la mesure où chacun est appelé à réaliser sa capacité d’être, d’agir et de faire suivant la voie qu’il s’est lui-même tracée. La pluralité des motifs de l’action humaine est clairement reconnue. Une telle indétermination des fins est une autre condition sine qua non de la responsabilité. Il ne suffit pas, en, effet de garantir les conditions de la responsabilité (au travers de la mise à disposition de ressources et de facteurs de conversion adéquats), encore faut-il laisser à chacun la possibilité de concrétiser cette responsabilité dans la direction qu’il a lui-même choisie.

19La distinction entre capabilités et fonctionnements est cruciale : deux personnes ayant le même fonctionnement ou la même absence de fonctionnement (par exemple, ne pas se nourrir) peuvent très bien ne pas avoir les mêmes capabilités (le fait de ne pas se nourrir peut résulter de la pénurie alimentaire ou de la volonté de jeûner pour des motifs religieux ou de conviction morale).

20Les capabilités (capabilities) ont deux acceptions. D’une part, elles désignent les libertés réelles des personnes, par opposition aux libertés formelles qui seraient garanties par la seule possession des ressources. D’autre part, c’est l’ensemble des fonctionnements effectifs ou potentiels que la personne est ou serait capable d’accomplir sur la base de ses caractéristiques propres et des opportunités et contraintes socio-économiques rencontrées. Ce n’est que dans la mesure où chacun dispose de cette liberté réelle (c’est-à-dire à la fois des ressources et des facteurs de conversion adéquats) qu’il peut être tenu pour responsable de ses actes. Dans cet esprit, il ne suffit en effet pas de redistribuer les ressources en vue de garantir la capabilité de bien-être (c’est-à-dire la liberté réelle de jouir d’un certain bien-être qui permet par exemple de distinguer une personne qui jeûne de celle qui souffre de la faim), mais il importe aussi d’assurer une réelle capacité d’action qui permet à chacun d’être l’acteur de sa vie professionnelle.

21La capabilité d’une personne exprime donc sa liberté d’agir et d’être à une époque donnée dans une société donnée. Cette liberté se retrouve non seulement dans le choix des fonctionnements que peut accomplir cette personne, mais aussi dans sa “ capacité d’acteur social “. Cette capacité lui permet d’interagir avec les autres pour convertir les ressources disponibles en capabilités afin d’améliorer le bien-être, individuel et/ou collectif. [2]

22Ainsi, pour atteindre un certain niveau de bien-être, il faut effectuer correctement un certain nombre de fonctionnements vitaux comme se déplacer, se loger, être en bonne santé, se nourrir de façon équilibrée, être socialement reconnu et respecté, pouvoir participer aux décisions collectives, etc. Pour cela il faut avoir la capacité de mener à bien de tels fonctionnements.

23Cette “capacité à faire et à être” - ou plus simplement “capabilité” - dépend des potentialités dont on dispose (dotations en biens, liens sociaux, valeurs, etc.), de sa propre capacité à les utiliser et des opportunités sociales qui se présentent.

24La capabilité d’une personne représente ainsi l’ensemble des fonctionnements effectifs ou potentiels qu’elle est capable, ou serait capable, d’accomplir sur la base de ses caractéristiques propres et des opportunités ou contraintes économiques et sociales qu’elle rencontre. Elle résulte de son aptitude à transformer des ressources de toutes sortes (biens durables et de consommation, biens publics, capital, droits et acquis sociaux, etc.) en fonctionnements effectifs (produire de telle façon, consommer certains produits, aller à l’école, chercher un emploi, participer à la vie collective, etc.).

25La notion de capabilité est essentiellement définie en termes génériques à partir de l’articulation entre les fonctionnements de la personne, ses dotations et ses potentialités, sa capacité personnelle de conversion des ressources à disposition et les opportunités sociales rencontrées.

26Un certain flou demeure sur l’éventail des capacités existantes : être capable de vivre longtemps, en bonne santé, de se déplacer, d’être en sécurité, d’être éduqué, de créer, de vivre heureux, en harmonie avec les autres, etc. Certaines de ces capacités sont reliées à des biens premiers (liberté, équité, sécurité...), d’autres sont le résultat de services sociaux (santé, éducation), d’autres d’activités personnelles (artisanat.).

27M. Nussbaum (2008) a proposé une liste de dix capacités fondamentales, sous-divisées en capacités secondaires, pouvant servir de référence universelle. Mais s’il existe un certain nombre de capacités qui peuvent être reconnues universellement en tant que “capacités humaines centrales”, il en existe bien d’autres qui sont propres aux spécificités des sociétés étudiées. L’incomplétude dans l’éventail des capacités existantes nous parait bienvenue car ces capabilités vont être l’objet de particularisation propre à chaque contexte d’activité. Non seulement elle laisse la possibilité à l’individu de devenir une personne, un acteur, même si elle n’est pas explicitement dénommée comme telle mais aussi la possibilité à l’entreprise d’intégrer la personne dotée de capabilités correspondantes à son « métier ”.

28L’approche fait, tout d’abord, du renforcement des capacités personnelles et sociales la finalité du développement. L’accent est mis sur l’individu et sur sa capacité à maîtriser son destin comme agent efficient de développement. La personne apparaît comme un individu rationnel, raisonnable et responsable qui cherche à renforcer ses capacités afin de “faire” ce qu’elle désire afin d’atteindre des “états d’être” auxquels elle aspire. Ce faisant, elle est capable de se mettre à la place de l’autre, présent, éloigné ou à venir, pour dépasser des comportements proprement centrés sur soi. Autrement dit, la personne est sociable.

29Dans cette perspective, l’objectif du développement est de promouvoir les capacités des individus pour leur permettre de faire ce qu’ils désirent et parvenir ainsi aux “états d’être” souhaités. Le renforcement des capacités accroît les possibilités de choix des individus et leur permet de mieux choisir la vie qu’ils veulent vivre. Autrement dit, il s’agit en priorité d’améliorer la capacité des individus à se prendre en charge et à maîtriser leur destin plutôt que de chercher à uniquement satisfaire des besoins de consommation comme le préconise la vision strictement utilitariste du développement ou la vision économistique.

2. LES DIMENSIONS SPÉCIFIQUES DU MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

2.1. LES APPORTS DE L’APPROCHE DES CAPABILITES AU MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

30Il nous faut nous rappeler le cadre dans lequel se situe le management des ressources humaines, particulièrement la gestion des compétences et des qualifications. Cette gestion, au sens plein, s’inscrit dans une conception du management et de l’organisation.

31Une gestion des ressources humaines cohérente à un sens relativement à l’objectif premier de toute entreprise qui est d’assurer son développement durable, c’est-à-dire, comme nous l’avons noté plus haut, les conditions mêmes de sa pérennité.

32Comme tout management, celui des « ressources humaines » est animé par le souci d’efficience et d’efficacité. L’efficacité répondant à la question de la conformité des résultats aux objectifs fixés (suivi des écarts entre les prévisions et les réalisations.. ) et l’efficience consiste à se poser la question : les résultats obtenus l’ont-ils été au moindre coût ?

33Mais le management des ressources humaines s’inscrit d’emblée dans des dimensions éthico-sociales qui spécifient ses objets que sont, pour parler vite, le travail et la motivation. Ces objets se trouvent en partie résumés dans la nature du contrat de travail qui inclut la subordination.

34Ces dimensions éthico-sociales renvoient à des présupposés anthropologiques que les classiques du management ont mis en relief. Ce qui apparaît comme crucial en la matière c’est la nécessité de se référer à des fondements anthropologiques, à une idée de la nature humaine, si l’on veut. Il suffit de se souvenir, par exemple, de la théorie X et Y de D. McGregor (1974), la pyramide des besoins de Maslow (2004). Cette anthropologie souligne à la fois ce qui concerne la nature de l’homme, sa dignité, puis les perspectives qui en découlent.

35Les thématiques du développement durable, en particulier, supposent de leur côté une anthropologie qui se profile à travers les notions de développement humain, de capital humain et moral, par exemple. Un des apports essentiels de l’approche des capabilités est ainsi d’ordre anthropologique. Elle donne une idée des personnes et des acteurs économico-sociaux qui fonde la « ressource humaine » en la considérant comme celle d’un agent responsable et autonome. Cette approche permet d’articuler la vision du développement humain avec celle du développement organisationnel durable. Elle fait du renforcement des capacités personnelles et sociales la finalité du développement. L’accent est mis sur l’individu et sur sa capacité à maîtriser son destin comme agent efficient du développement. En un sens large, les ressources humaines sont cause et objet du développement.

36Le manager, en la matière, se situerait hors de la réalité s’il regardait les hommes comme ressources applicables à son gré, mais encore il se situerait hors de la réalité s’il pensait en termes de ressources exclusivement. Il lui faut penser en termes de comportements. Ce qui fait l’avenir, ce sont les actions d’agents humains et ces agents ont des comportements. Et ces comportements qui sont régulés en interne, sont l’expression d’une autonomie (capacité de choix) et relèvent de la responsabilité de chacun.

37La notion de responsabilité ici n’est pas uniquement celle qui s’arrête au premier niveau qui est l’obligation de répondre de ses actes devant une autorité qui demande des comptes. Cette obligation (au sens juridique) est accidentelle et ne constitue pas l’essence de la responsabilité, elle en est la conséquence. Au sens plein du mot, une personne responsable, c’est une personne à qui on peut se fier, car elle est en mesure de dominer la situation, de s’en porter garante, parce qu’elle dispose de la maîtrise de ses actes.

38Dans cette ligne, le fondement de la moralité des pratiques de gestion des ressources humaines nous apparaît résider dans le développement humain des personnes. La norme de l’action ou de l’interaction réside dans l’exigence de correspondre aux biens humains les plus compréhensifs et de l’engagement visant à créer des conditions qui permettent à toute personne de se réaliser dans toutes ses dimensions. Un management « responsable », un développement socialement durable vise ainsi à renforcer les capacités des personnes à se prendre en charge. De même que promouvoir, valoriser, le capital humain, c’est prendre les dispositions nécessaires pour que toute personne puisse développer ses potentialités et les exercer.

39Dans la mesure où le concept de capabilité est né d’une réflexion approfondie sur les droits et que cela consiste à reconnaître que chacun est porteur de droits et d’obligations et qu’il est dans un contexte social donné, il parait légitime d’élargir la perspective pour intégrer la notion d’acteur interagissant avec d’autres dans un système d’interaction. Cette notion est plus pertinente pour le management des ressources humaines et éloigne d’un modèle « instrumental » pour aller vers un modèle « interactionniste ».

40L’optique de développement social ou des ressources humaines conduit inévitablement à reconnaître le salarié comme un véritable acteur autonome et responsable. Mais comment fixer des limites à l’autonomie toujours génératrice de désordre et d’incertitude ? La nécessité de canaliser cette autonomie pose à la fonction ressources humaines un redoutable problème d’intégration et de régulation collective. Cette régulation passe, d’une manière ou d’une autre, par la voie participative. (J. D. Reynaud, 1997).

41On a suggéré plus haut l’élargissement de la détermination des capacités pour intégrer la notion d’acteur. Cette notion, avec celle de rôle qui lui est associé, désigne un individu porteur de droits et d’obligation. Et en cela on sort des ornières de la vision atomistique de l’individu pour aller vers un individu en contexte, agissant dans une situation comportant des contraintes et des opportunités. Un de ses enjeux est l’acquisition de qualifications.

42La notion d’acteur souligne la responsabilité à la fois vis-à-vis de tiers et dans la conduite de ses propres affaires. L’acteur est celui qui dispose de ressources à convertir en fonctionnements, d’aptitudes de conversion (méta-ressources) de ces ressources en capabilités dans un contexte organisationnel. Contexte fait d’opportunité et de contraintes à la recherche d’équilibre.

43Comme cet équilibre n’est pas stationnaire, il vaut mieux parler d’équilibration pour souligner sa dimension dynamique. C’est toute l’action du management sur le contexte organisationnel du travail. On sait, par exemple, qu’il n’existe pas de lien mécanique entre la complexité du travail et l’autonomie accordée pour sa réalisation. Cette dernière dépendant avant tout de choix organisationnels et de politiques de gestion du personnel. C’est en ce sens que l’on parle d’organisation qualifiante. (Amadieu, Cadin, 1996).

44La notion de capabilité inclut et élargit la notion de compétence en usage dans le management des ressources humaines. Une partie des ressources sont acquises, reçues (capital social, moral, humain), d’autres sont à développer au sein de l’organisation dont on est membre. Se posent ainsi les questions relatives à la constitution des capacités personnelles et sociales dans un contexte organisé. En tout cas, le maintien et le déploiement des compétences nécessitent des conditions organisationnelles et le modelage/remodelage du contexte organisationnel.

2.2. les concepts de base du management des ressources humaines « revisites »

45Les considérations précédentes nous amènent à indiquer les axes pouvant réorienter la conception et la mise en œuvre des pratiques de management des ressources humaines dont on sait que l’efficacité et l’efficience vont dépendre essentiellement de la pertinence de chacune et de la cohérence entre elles.

46Ce qui se donne immédiatement à l’analyse ce sont les pratiques de management des ressources humaines. (F. Pichaut et J. Nizet, 2000). Ces pratiques (recruter, développer les compétences, donner une qualification, évaluer les performances, rémunérer les efforts et le mérite...) sont au cœur du management. On reconnaît leur importance comme leviers du changement ou plus simplement dans le développement et la persistance de comportements productifs. Elles sont les outils autant du développement personnel, professionnel que du développement de l’unité organisationnelle.

47Nous entendons par pratique un exercice réglé de certaines activités comportant un agir, un faire et une connaissance. Ce sont des manières de reconnaît, d’agir et de faire ; elles actualisent des passions, intérêts et croyances, qui leur donnent consistance et sens (finalité et direction).

48Les pratiques de management des ressources humaines sont contextuelles, en situation. Elles sont sous le signe de la contingence et de la cohérence, dans la mesure même où elles sont bordées par un contexte organisationnel qui est celui de l’unité active qu’est l’entreprise. En ce sens, elles s’inscrivent dans une durée organisationnelle et institutionnalisent les manières dont les personnes pensent et se comportent, et partant, régulent leurs interactions.

49La gestion des compétences et des qualifications suppose des donnés de base qui sont la nature spécifique de la relation d’emploi et le statut des personnes parmi les stakeholders.

50[tx]D’une manière ou d’une autre, proposer un emploi et une carrière (une succession d’emplois) et verser le salaire correspondant, c’est nouer une relation durable avec un salarié. Si la relation d’emploi se borne à une journée de travail, il n’y a guère lieu de mettre sur pied tous les dispositifs de gestion de ressources humaines standard. Il est beaucoup plus fréquent que la relation s’étende sur une large partie de la vie active du salarié et même à la retraite si l’on tient compte de la contribution de l’employeur à cette période.

51Plus profondément, les personnes par le travail participent à la production du bien commun. Chacun apporte une contribution personnelle et originale au maintien de l’entreprise, et celle-ci se doit d’aider les personnes à l’exercice de ce droit. C’est à la lumière de ce droit et de ce devoir qu’il faut comprendre la notion de capital humain et le rôle décisif de la formation initiale et continue dans la constitution de celui-ci, par exemple.

52Le salarié n’est pas un « consommateur » de l’entreprise, il en est partie-prenante, il en est constitutif. Il s’ensuit que le recrutement d’un salarié est moins l’acquisition d’une force de travail ayant un prix sur le marché du travail que la recherche d’un salarié qui s’engagera durablement et loyalement dans son emploi.

53L’important, pour l’employeur, est donc le plus souvent, de gérer des emplois sur le moyen et le long terme. Lors du recrutement, du classement des emplois ou de la fixation du salaire, on ne considérera pas seulement la situation du marché du travail - c’est un raisonnement de court terme - mais aussi la meilleure manière d’inciter les salariés qui occupent les emplois à fournir des efforts au-delà du minimum requis.

54Du côté de l’employé, le travail se situe dans une dynamique de l’action humaine, dans un « parcours professionnel », et cela invite à prendre en compte l’aptitude de l’être humain à s’adapter aux « choses nouvelles ”. Mais aussi la précarité qui se trouve naturellement associée à la flexibilité. Le parcours professionnel des personnes doit trouver de nouvelles formes de soutien, à commencer par la formation, de sorte qu’il soit moins difficile de traverser des phases de changement, d’incertitude et de précarité.

3. FAIRE FACE AUX ENJEUX DU MANAGEMENT DES COMPÉTENCES ET DES QUALIFICATIONS

3.1. competence, qualification et durabilite

55L’enjeu central nous parait être la prise en compte de l’employabilité et de la sécurité de l’emploi dans les modes de gestion et les méthodes d’analyse et d’évaluation de cet emploi.

56Pour tenir compte de la fragilité, de la vulnérabilité, autant du « construit social » qu’est l’entreprise, que des compétences et capabilités des acteurs, un management « durable » des ressources humaines, des compétences et des qualifications, inclut la préoccupation de l’employabilité (interne et externe) et de la sécurité d’emploi. Cette inclusion consiste à examiner les concepts structurants de l’emploi en usage sous l’angle de leur sensibilité ou « réceptivité » aux thématiques ainsi esquissées. Parmi ces notions il s’agit de déterminer celle ou celles qui sont les plus compréhensives et sensibles aux apports de l’approche des capabilités.

57Ces notions sont toutes celles qui contribuent à caractériser les rôles impartis dans le fonctionnement de l’organisation. En premier lieu, il y a les notions qui s’appliquent au travail prescrit : Tâche, Poste, Fonction, Mission, attribution. En second lieu, les notions s’appliquant au travail effectif : activité, compétence, aptitude, potentiel. Enfin, les notions s’appliquant au travail dans un contexte donné : emploi, emploi-type, répertoire d’emploi, famille professionnelle, espace professionnel, Métier, Profession, Qualification, classification

58Le lieu commun est de constater que la notion de compétence s’est substituée largement à celle de qualification dans l’analyse et l’évaluation des emplois. Il reste à vérifier s’il en est vraiment ainsi dans la pratique des entreprises.

59Le tableau suivant récapitule les caractéristiques respectives de chacune des notions fondant cette prise de position.

Tableau 1 : Caractéristiques respectives de la qualification et de la compétence relativement à la compréhension des enjeux de l’employabilité

QualificationCompétence
NatureEst la double évaluation de l’emploi et celle du titulaire de l’emploi.
Jugement porté sur le niveau et le degré de compétence d’un individu compte tenu de l’emploi occupé.
Est l’évaluation du titulaire de l’emploi.
AmplitudeCentrée sur l’individu et le contexte d’exercice. Evoque un processus d’acquisition continue de connaissances et de savoir-faire.Centrée en premier lieu sur l’individu et désigne sans ambiguïté une caractérisation du salarié et non de l’emploi. Elle n’évoque pas un processus.
ViséeAnalytique et normative (classification, rémunération)Analytique et normative. Les compétences sont envisagées du point de vue de leur évaluation indépendamment du contexte d’exercice ou de formation.
Composants-Compétence technique
- Position dans une échelle de prestige
- Fréquence relative des qualités requises
- Responsabilité dans la production
- Savoir
- Savoir-faire
- Savoir être ou comportements et attitudes spécifiques
RéférentielRapporté à des règles communes à une unité de régulation (entreprise, branche...). Se raccroche à la notion de métier et même de profession.Référentiel propre à chaque entreprise mis en rapport avec les cartes métiers
ValorisationValorisation relative reconnue dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise (branche.)Les démarches insistent sur la capacité d’adaptation d’un salarié qui doit conserver et valoriser son capital de savoir, de savoir-faire et de savoir être dans un environnement instable.
Sensibilité aux enjeux de la transférabilité et de la sécurité de l’emploiForte.
Visibilité et lisibilité des qualifications et classifications.
Faible.
La faiblesse des démarches
compétences est le manque de lisibilité extérieure des compétences et des acquis.

Tableau 1 : Caractéristiques respectives de la qualification et de la compétence relativement à la compréhension des enjeux de l’employabilité

60Ce tableau nécessite quelques remarques additionnelles.

61Dans un sens général, la qualification traduit l’aptitude d’un individu à prendre en charge des responsabilités professionnelles, notamment en raison de sa compétence, de sa formation, de son expérience. Comme processus, la qualification désigne celui d’acquisition continue de connaissances et de savoir-faire par lequel il y’a participation à la transformation des modes de production (J.D.Reynaud 1997).La notion de compétence, à l’inverse de celle de qualification, désigne sans ambiguïté une caractérisation du salarié et non de l’emploi. On parle d’un poste ou d’un emploi qualifié et non d’un poste ou d’un emploi compétent.

62La qualification peut se décomposer ainsi entre deux grandes composantes : d’une part, la qualification prise au sens étroit du terme (skill ou capacité) qui intègre le niveau de qualification exigé pour l’accès au poste de travail, la durée de formation nécessaire pour l’adaptation au poste et enfin le temps d’adaptation nécessaire à la maîtrise du travail exigé, d’une part, et l’autonomie dans le travail d’autre part. (J.D.Reynaud 2001)

63Tous ces critères se retrouvent dans les méthodes d’évaluation des emplois et dans les conventions collectives. On notera que si l’on considère les méthodes d’évaluation des emplois, la notion de qualification englobe celle de compétence. La qualification désignera l’attribut d’un individu ayant accumulé un savoir et un savoir-faire susceptibles d’être valorisés, par exemple en termes de rémunération ou de promotion.

64La notion de qualification désigne d’emblée à la fois une évaluation de l’individu (jugement porté sur le niveau et degré de compétence d’un individu dans un emploi donné) et le contexte d’acquisition et d’exercice. Une valorisation reconnue dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise (branche.).

65Le processus de qualification désigne aussi un résultat celui de la classification par lequel les emplois sont identifiés, évalués et classés, notamment dans une perspective d’élaboration de l’échelle des salaires applicables à une entreprise ou à une branche d’activité. En ce sens, elle désigne la hiérarchie établie entre les individus selon leur capacité prouvée. (G.Donnadieu, P Denimal, 1994).

66Outre la question de l’échelle des salaires, la classification fait appel à un référentiel commun à des entreprises de même secteur, ce qui rend les compétences autant que les emplois lisibles. La faiblesse des démarches compétences est le manque de lisibilité extérieure des compétences et des acquis. Ce que la qualification fait ou faisait. Ce qui est en jeu c’est autant la lisibilité que la transférabilité d’une qualification (i.e. son contenu). On pourra remarquer que les classifications en usage n’ont jamais désigné l’ensemble des qualités d’un salarié reconnues utiles dans une branche professionnelle au point d’annihiler le pouvoir de l’entreprise de classer elle-même les salariés.

67La question des compétences est rarement envisagée du point de vue du contexte : lieu où se construisent et s’actualisent les compétences. Les compétences sont davantage envisagées du point de vue de leur détermination et évaluation, indépendamment du contexte. Les démarches « compétences » insistent sur la capacité d’adaptation d’un salarié qui doit conserver et valoriser son capital de savoir, de savoir-faire et de savoir être dans un environnement instable. Cette capacité n’est qu’un potentiel qui ne devient réalité qu’en situation, elle a besoin d’être éprouvée dans l’entreprise pour se construire et être identifiée. (Amadieu J.F. Cadin L. 1996)

68La notion de compétence malgré son apport qui est de reconnaître le travail comme source de formation aussi bien que comme expression de compétences, qui sont loin d’être toutes associées à la qualification formelle du poste, ne permet pas de donner une vue compréhensive d’un emploi.

3.2. le defi de l’employabilite

69Avec l’employabilité, ce qui est en jeu, c’est l’ensemble des compétences et des expériences qui permettent à une personne de toujours être en état de trouver et occuper un emploi, dans l’entreprise ou plus largement dans le marché du travail, notamment local. Le défi ici est double. Il est celui de la capacité au reclassement, par la rupture évitée du contrat de travail par exemple ; il est celui du retour facilité à l’emploi, sans dégradation de statut, de niveau de rémunération et de perspective de carrière.

70En général, les plus exposés aux défis de l’employabilité sont aussi ceux qui sont le moins bien équipés pour la gérer ; en effet, si l’employabilité a une dimension technique, elle a aussi une dimension comportementale liée au caractère sociable de la personne et à ses qualités personnelles. En ce sens, le défi de l’employabilité concerne spécialement la catégorie du personnel caractérisé par une formation initiale modeste et des responsabilités peu élevées dans l’entreprise. On estime raisonnablement que c’est sur cette population vulnérable qu’il faut concentrer les moyens (de détection, prévention, formation, actions qualifiantes... ) En veillant au double aspect technique et comportemental de l’employabilité.

71Les personnes faiblement qualifiées s’appuient plus fortement sur certaines capacités (liens sociaux horizontaux, immédiats.), puisqu’elles ne possèdent pas forcément les autres (capital financier, liens sociaux verticaux). Leur structure de capacités est souvent fortement concentrée autour d’un petit nombre de capacités (qualifications génériques) ce qui ne permet pas beaucoup de substitution. Ou, en tout cas nécessite des aptitudes de conversion qui ne s’improvisent pas.

72L’employabilité et la sécurité de l’emploi, dans la ligne des capabilités, nécessite la prise en compte autant de la vulnérabilité des personnes que de la fragilité de leurs capacités (obsolescence...).

73La vulnérabilité d’une personne dépend de son ensemble de capacités. Plus précisément, c’est la façon dont elle combine ces capacités au sein d’une structure personnalisée qui lui permet de faire face aux risques encourus. Face à l’intensité des chocs la fragilité des capacités personnelles est aussi importante que la vulnérabilité des personnes. Afin d’être le moins vulnérable possible aux chocs extérieurs, les personnes aménagent la configuration de leurs capacités qui se combinent au sein d’un « portefeuille » personnalisé. Toute perturbation excessive, résultant de stratégies délibérées ou de contingences extérieures, oblige à un réaménagement interne du portefeuille. A moins que des réaménagements particuliers, sous la forme de substitution entre capacités au sein d’un même portefeuille, ne permettent de résorber les chocs, ces substitutions ne sont pas spontanées. D’où l’intérêt de la notion de résilience qui met en jeu la résilience personnelle et la résilience organisationnelle. (Bournois, Rojot, 2004).

74La prise en compte de ces fragilités relève à la fois de la structure d’organisation,( Harvey, 2000) conçue comme de crédibilité et de soutien, et des modes de gestion intégrant ces fragilités (détection, prévention, aménagement de parcours .).Il s’agit de détecter, par exemple, les qualifications spécifiques et génériques présentant la plus forte vulnérabilité. Ainsi, les qualifications pouvant être spécifiques ou génériques, les très spécifiques, liées à une technologie précise, voire à une entreprise particulière, sont facilement remises en cause par les circonstances, alors que des qualifications plus génériques demeurent utilisables en toutes circonstances. Ainsi, il devient essentiel de pouvoir évaluer le degré de vulnérabilité des personnes et leur possibilité de résistance aux chocs internes et externes ou, autrement dit, leur capacité de résilience.

CONCLUSION

75L’enjeu central est donc la prise en compte de l’employabilité et de la sécurité de l’emploi dans les modes de gestion et les méthodes d’analyse et d’évaluation des emplois en particulier. Du point de vue du management de l’entreprise, il s’agit de se doter d’outils intégrant toutes les dimensions du travail ou de l’emploi (spécification et évaluation) et de veiller à la mise en cohérence des pratiques de management de ressources humaines.

76Les différentes méthodes d’évaluation des emplois se distinguent par la place qu’elles font à l’analyse préalable à l’opération de classement. Analyse qui n’est pas purement inductive puisqu’elle procède de découpages du réel à observer et d’une intention. D’où la vigilance vis-à-vis des présupposés.

77Au niveau de l’analyse du travail préalable à l’évaluation on peut penser que le cadre de référence se doit d’intégrer toutes les dimensions pertinentes qui donnent au travail sa profondeur et sa hauteur. Et c’est la notion et les problématiques de qualification qui en rendent le mieux compte. Pour faciliter l’estimation de la transférabilité (du contenu) et de l’employabilité, il s’agit de donner une idée de l’emploi la plus extensible possible et la plus lisible de l’extérieur.

78C’est à ces conditions que la qualification devient la ressource la mieux adaptée à la flexibilité recherchée par l’organisation et à la sécurité recherchée par le salarié (son employabilité), puisqu’elle comporte la lisibilité à l’extérieur et la transférabilité de son contenu (les compétences). La gestion de ces qualifications ne se résumant plus à la seule élaboration de référentiels de compétences codifiés et mis en ligne.

79Il s’agit donc de se doter d’outils intégrant toutes les dimensions du travail ou de l’emploi (spécification et évaluation) et de veiller à la mise en cohérence des pratiques de management de ressources humaines. On peut penser aux pratiques de formation à mettre en cohérence avec la gestion des qualifications et des compétences. La formation s’entend ici aussi bien de la formation initiale que de la formation continue, ou apprentissage, et de l’expérience acquise dans l’exercice.

80Le type de management des ressources humaines qui se profile est réellement prudentiel en ce qu’il fait intervenir des dispositifs de gestion des emplois et des qualifications/compétences qui s’enracinent dans un contexte comportant des ressources et des contraintes, certes, mais qui les oriente prospectivement et s’interroge sur la capacité future à faire face aux contingences et événements inconnaissables.

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Mots-clés éditeurs : DEVELOPPEMENT DURABLE, ETHICS, RESSOURCES HUMAINES, RESPONSABILITE SOCIALE, SUSTAINABLE DEVELOPMENT, HUMAN RESOURCES, CORPORATE SOCIAL RESPONSIBILITY, MANAGEMENT, ETHIQUE

Date de mise en ligne : 01/01/2011

https://doi.org/10.3917/vse.179.0094

Notes

  • [1]
    Baechler J. (2002), Les mondialisations alternatives. Revue du MAUSS, no 20, 138- 147.
  • [2]
    Les stratégies de développement humain préconisées par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD 2005) s’appuient sur ces principes. Elles mettent l’accent sur le renforcement des capabilités, personnelles comme collectives, au moyen de politiques sectorielles spécifiques. Elles visent, en tentant de combler les manques de capabilités, à assurer une égalité de capabilités afin de garantir l’équité entre les personnes. .

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