Notes
-
[1]
Berle et Means (1932) sont souvent présentés comme les pères de la Théorie Managériale, bien que l’on puisse retrouver l’origine de leurs idées dans l’ouvrage de Veblen (1904) Theory of Business Enterprise.
1Le renouvellement des approches de la GRH s’oriente actuellement vers l’intégration du concept de Développement Durable dans les pratiques des entreprises et contribue au développement de la RSE. L’expression « Gestion Durable des Ressources Humaines » est ainsi récemment passée dans le langage courant. Pour autant, il demeure délicat, y compris pour les professionnels des ressources humaines, de définir clairement cette nouvelle expression. De nombreuses questions émergent donc : Quelles sont les pratiques s’inscrivant dans une politique de GDRH ? Comment les mettre en place ? Pour quelles finalités ?
2Afin d’apporter quelques éléments de clarification, nous proposons de revenir sur les origines des évolutions décrites. Nous proposons notamment une analyse du passage de la GRH à la GDRH fondée sur les évolutions récentes de la gouvernance de l’entreprise et de la notion de performance.
INTRODUCTION
3Plusieurs auteurs se sont attachés à mettre en évidence les interfaces existantes entre la gestion des ressources humaines et le contrôle de gestion (Simons, 1995 ; Bourguignon, 2001 ; Langevin et Naro, 2003 ; Naro, 2001, 2004). Dans le même temps, d’autres proposent de remplacer l’expression « contrôle de gestion » par celle de « pilotage de la performance » (Bessire, 1999) ou de « management de la performance » (Malleret, 1994). La notion de performance est fortement porteuse de sens et ses évolutions témoignent de l’évolution des rapports de force dans la société entre les différentes parties prenantes (ou « stakeholders »). Plusieurs d’entre elles ont successivement détenu la capacité à imposer une vision spécifique de la performance comme une norme au sein des entreprises. Les outils mis en place en vue de piloter ces performances contribuent ensuite à créer et légitimer des modes de fonctionnement et des valeurs. Rappelons ici les dimensions subjective et polysémique de la notion de performance qui, comme l’explique Lebas (1995), « n’existe pas de façon intrinsèque » et « est définie par un utilisateur de l’information par rapport à un contexte décisionnel caractérisé par un domaine et un horizon temps ”. La notion de performance évolue donc selon l’époque et le lieu, découlant de la capacité des parties prenantes à faire entendre leurs voix, souvent dissonantes, et partant, à proposer leurs propres conceptions. C’est toute l’histoire de la gouvernance de l’entreprise qui en témoigne (Gomez, 2003). Il apparaît dès lors important d’analyser les évolutions de la notion de performance dans une optique de compréhension des nouvelles pratiques de GRH.
4A une époque où le développement durable entre véritablement dans les pratiques, à mesure qu’il accède au niveau local, le seul véritable niveau de l’action, il n’est pas étonnant d’évoquer une évolution importante dans le domaine de la GRH. Ainsi, l’expression « gestion durable des ressources humaines » apparaît désormais dans tout bon rapport de développement durable ou de responsabilité sociétale de l’entreprise.
5Nous proposons, dans cet article, un éclairage des pratiques de gestion durable des ressources humaines par les évolutions de la notion de performance. Nous reviendrons dans un premier temps sur les évolutions de la gouvernance de l’entreprise (1). Nous montrerons alors en quoi cette conception dominante participe de la définition de nouvelles pratiques de GRH, allant notamment dans le sens d’une gestion durable (2).
1. ÉVOLUTIONS DE LA GOUVERNANCE DE L’ENTREPRISE ET PILOTAGE DES PERFORMANCES
6Indissociables du concept d’entreprise (Pérez, 2003), les pratiques de gouvernance d’entreprise découlent de la dissociation entre des parties prenantes et des mandataires sociaux auxquels la gestion de l’entreprise est confiée. Si cette dissociation n’est pas nouvelle, la gouvernance d’entreprise a connu de profondes mutations au cours du XXe siècle. Les plus importantes sont même peut être en cours.
1.1. la gouvernance de l’entreprise au xxeme siecle
7Dans ce survol de l’évolution de la gouvernance de l’entreprise, nous nous bornerons à présenter les évolutions les plus récentes, ayant eu lieu depuis le début du XXème siècle. Nous retiendrons trois périodes. La première est marquée par l’émergence des grandes théories de la gouvernance de l’entreprise, de la Théorie Managériale à la Théorie de l’Agence et s’étend des années 1930 aux années 1970. En posant le client au centre des préoccupations des entreprises, la crise des années 1970 suscite des évolutions importantes de la gouvernance qui se traduisent par l’émergence d’une nouvelle conception dominante de la performance et de nouveaux outils de gestion associés à cette dernière. Enfin, les années 1990 marquent la reconquête de leur pouvoir par les actionnaires.
1.1.1. De la Théorie Managériale à la Théorie de l’Agence (1930-1970)
8La nécessité de confier la gestion des divisions des grandes entreprises à des managers salariés va rapidement poser le problème de la « discrétionnarité », puis de la souveraineté de ces derniers. La reconnaissance de l’importance du clientdans les années 1970, va contribuer à faire émerger une nouvelle conception de la performance, davantage centrée sur les attentes du consommateur.
L’apparition du manager salarié et la naissance du contrôle de gestion financier
9Au début du XXe siècle, l’augmentation de la taille des entreprises et leur internationalisation (tant en ce qui concerne leurs marchés que leurs approvisionnements) complexifient la gestion de ces entreprises. Ces évolutions contribuent au déclin de l’entreprise familiale (Chandler, 1962, 1977 ; Fligstein, 1990) et appellent un management de plus en plus décentralisé et délégataire. Deux questions très importantes vont alors se poser : à qui déléguer la gestion des entreprises et des nombreuses divisions qui vont les composer ? Comment vérifier que la confiance ainsi placée dans des personnes non propriétaires de l’entreprise soit bien utilisée par ces dernières ?
10Les propriétaires vont répondre à la première question en faisant appel à des managers salariés, considérés à l’origine comme de véritables « ingénieurs de la gestion ”. Ils répondront ensuite très rapidement à la seconde question en développant un système de vérification du bon usage des délégations qui sera à l’origine du contrôle de gestion.
11Si Berle et Means (1932) demeurent les premiers à expliquer le bien-fondé de cette évolution [1], de nombreux auteurs ont poursuivi la construction de la Théorie Managériale (Baumol, 1959 ; Penrose, 1964 ; Marris, 1964). Forts d’une légitimité de plus en plus consensuelle et d’une dilution de l’actionnariat allant de pair avec le développement et le succès populaire des marchés financiers (essentiellement outre-Atlantique), les managers salariés voient leur pouvoir augmenter jusqu’aux années 1970. Ils bénéficient en effet de l’asymétrie informationnelle que leur offre leur statut « d’insider ».
12C’est dans ce contexte qu’apparaît et se développe le contrôle de gestion dont la plupart des auteurs attribuent la paternité au « modèle Sloan-Browm » dans les années 1920. Les premiers outils du contrôle de gestion apparaissent alors : le « consolidated cash control system », dont la vocation était de centraliser les trésoreries des divisions, le « reporting » prévisionnel, les coûts standards et bien sûr le « Return On Investment » (ROI) qui est resté l’outil emblématique de ce contrôle de gestion originel, d’optique résolument financière (Dearden, 1969).
Vers la remise en cause de la souveraineté des managers
13Soucieux de développer leurs entreprises essentiellement en termes de taille, ce qui leur assure à la fois prestige et rémunérations élevées, les managers utilisent la latitude qui leur est laissée pour prendre des décisions de nature à gagner des parts de marché, ou même à se présenter sur de nouveaux marchés (diversification conglomérale). De telles décisions s’avèrent souvent contraires aux intérêts des actionnaires. La Théorie de l’Agence, développée par Jensen et Meckling (1976) va alors s’attacher à définir le cadre dans lequel les délégations doivent fonctionner.
14Bien que les actionnaires prennent conscience des dérives associées au capitalisme managérial et tentent de remettre en cause la « discrétionnarité » des managers, ils demeurent peu capables d’imposer leur conception de la performance aux managers, d’autant que la fin des trente glorieuses va conférer une légitimité nouvelle à la recherche par ces derniers de la création de valeur pour les clients.
Quand la valeur était créée pour le client
15Dans ce contexte, le passage d’une économie de production à une économie de marché, un renouvellement de la pensée stratégique s’opère. Le développement de nouveaux concepts destinés à attirer l’attention sur la création de valeur pour le client (comme la chaîne de valeur de Porter en 1986) vont participer de la reconnaissance de l’expertise des managers. Dans le même temps, de nouveaux outils de contrôle de gestion fondés sur la maîtrise de la relation valeur-coût apparaissent. Le Target Costing et la méthode ABC (Activity Based Costing) trouvent alors un terrain fertile pour leur développement.
1.1.2. Le « retour de l’actionnaire » : vers le capitalisme actionnarial
16Depuis le début des années 1980, avec l’évolution de la société, on assiste au véritable « retour de l’actionnaire » (L’Hélias, 1997). Leur nouveau pouvoir impacte largement la gouvernance.
Les origines de la reconquête de leur pouvoir par les actionnaires
17De nombreux auteurs s’accordent à reconnaître que les pratiques de management sont indissociables du contexte spatio-temporel dans lequel elles apparaissent (Abrahamson, 1991). C’est une grande évolution démographique qui va contribuer au retour d’un actionnaire dont la taille ne cessait depuis les années 1930 de diminuer (développement des marchés financiers et multiplication des petits porteurs obligent). Dans le même temps, face à la crise de la protection sociale et plus particulièrement du système de financement des retraites par répartition dans de nombreux pays, un système alternatif de financement des retraites par capitalisation se développe. L’importance des sommes gérées par les fonds de pension, essentiellement dans les pays anglo-saxons les amènent à devenir des actionnaires très importants dans le capital des sociétés cibles. Ils y gagneront rapidement une capacité accrue à faire entendre leur voix. Ainsi, le « retour de l’actionnaire » réside d’abord dans la simple augmentation de la taille de quelques actionnaires.
Les caractéristiques des nouveaux actionnaires
18Différents types d’investisseurs institutionnels sont observables. Aussi s’agit-il d’une catégorie d’actionnaires bigarrée donnant lieu à des conceptions parfois fort différentes de ce qu’il convient d’appeler un investisseur institutionnel (Gomez, 2001 ; Ryan et Schneider, 2002). Quoi qu’il en soit, le développement de ce « capitalisme zinzin » (Izraelewicz, 1999), auquel d’autres font référence en évoquant un « capitalisme actionnarial » (Plihon, 2004), un « capitalisme financier » (Batsch, 2002) ou encore un « capitalisme d’investisseurs » (Useem, 1996 ; Ryan et Schneider, 2002), implique une redéfinition de la performance au sein des organisations.
Conséquences du « retour de l’actionnaire » en termes de gouvernance et de définition de la performance
19L’entrée dans le capitalisme actionnarial confère aux actionnaires un poids considérable qui va se matérialiser par l’émergence d’instruments de gestion nouveaux, même s’ils sont issus d’outils préexistants. La reconquête du pouvoir par les actionnaires s’accompagne, dans les années 1990, de l’apparition de nouveaux outils de gestion centrés sur une conception financière de la performance. Le contrôle de gestion retrouve alors certaines de ses caractéristiques originelles, essentiellement dans les grands groupes cotés dans lesquels s’impose notamment l’EVA ou Economic Value Added comme critère de mesure de la création de valeur actionnariale.
20Au-delà du succès de l’EVA, qui traduit le retour de la conception financière de la performance, ce sont de nouveaux modèles de contrôle de gestion qui vont apparaître.
21La prégnance de la valeur actionnariale se trouve à l’origine de l’émergence de nouveaux modèles de contrôle de gestion. Naro (2004) montre ainsi en quoi deux modèles de contrôle de gestion coexistent depuis quelques années. Le premier regroupe des méthodes cohérentes avec la volonté de recherche de compétitivité à partir d’une meilleure maîtrise de la relation valeur-coût (méthodes ABC/ABM, target costing, cost kaizen,...). Ces dernières s’inspirent des approches en termes de chaîne de valeur et d’avantage concurrentiel développées par Porter (1986). Le second modèle, davantage observable au niveau des groupes, se caractérise par son caractère financier en cohérence avec la domination du critère de rentabilité associé à la valeur actionnariale. Le tableau 1 résume les principales différences identifiées par l’auteur entre les deux modèles de contrôle de gestion.
Tableau 1 : Les différences entre les deux grands modèles de contrôle de gestion (d’après Naro, 2004)
1er modèle | 2ème modèle | |
Finalité du contrôle | Maîtrise de la compétitivité | Maîtrise de la rentabilité |
Fondements théoriques | Approches en termes de chaîne de valeur et d’avantage concurrentiel | Théorie de l’agence |
Stakeholder pour lequel la création de valeur est recherchée | Le client | L’actionnaire |
Indicateur privilégié | La différence valeur-coût | MVA ou EVA |
Horizon temporel | Long terme | Court terme |
Tableau 1 : Les différences entre les deux grands modèles de contrôle de gestion (d’après Naro, 2004)
22Ces développements témoignent du lien existant entre la prégnance de la valeur actionnariale et les pratiques de contrôle associées.
1.2. l’enrichissement en cours de la gouvernance : vers une conception elargie de la performance
23La période récente est marquée par l’entrée progressive de la société dans l’entreprise par le biais d’acteurs se faisant les relais des attentes des citoyens. Cette évolution en cours constitue une réponse à la grande domination des actionnaires et à ses dérives.
1.2.1. Le regain d’intérêt pour la Théorie des Parties Prenantes
24Apparue dès la fin des années 1970 et développée par les travaux de Freeman (1984) qui définit le concept de partie prenante comme « tout groupe ou individu qui peut influencer ou être influencé par la réalisation des objectifs de la firme », la Théorie des Parties Prenantes suscite depuis 1995 un regain d’intérêt important. Cette théorie repose sur une vision contractuelle de la firme qui peut être présentée comme un nœud de contrats entre le dirigeant et les parties prenantes (Hill & Jones, 1992 ; Jones, 1995). En légitimant les intérêts des parties prenantes (Donaldson & Preston, 1995 ; Etzioni, 1998), elle a contribué à faire prendre
25conscience aux entreprises de l’intérêt qu’elles pouvaient avoir à dépasser la simple recherche de satisfaction des actionnaires pour intégrer celle d’autres acteurs tels que les salariés, les clients ou les fournisseurs (Preston, 1999). Le cadre d’analyse que fournit cette approche repose sur une conception élargie de la gouvernance de l’entreprise, intégrant la prise en compte des parties prenantes les plus diverses.
1.2.2. La nouvelle gouvernance de l’entreprise : enrichissement plutôt qu’appauvrissement
26Face à l’arrivée de nouveaux acteurs capables d’infléchir les décisions stratégiques des dirigeants, l’étude de la gouvernance de l’entreprise appelle aujourd’hui de nouveaux développements théoriques.
Les nouveaux acteurs qui s’invitent dans la gouvernance de l’entreprise
27La relative perte de contrôle des gouvernements face au développement du commerce mondial (Brender, 2002) et l’affaiblissement des syndicats en tant qu’instruments de régulation sont souvent présentés comme étant à l’origine de dérives concernant les conditions de travail des ouvriers. Dans un tel contexte, la dimension internationale et la flexibilité d’action des ONG contribuent à faire de ces dernières les remparts les plus efficaces contre les dérives sociales évoquées. Mintzberg (1983, 1986), dans son analyse du pouvoir dans les organisations, reconnaissait d’ailleurs déjà le rôle central des groupes de pression, ces derniers usant des campagnes d’opinion comme d’une arme bien plus efficace que les règlements.
28Wiedemann-Goiran et al. (2003) évoquent « une sorte de révolution culturelle au sein du monde associatif militant ”. A l’initiative d’associations, on assiste à des rapprochements entre ONG et entreprises pour infléchir leurs pratiques notamment en matière du « contenu éthique » des produits.
29Il est désormais possible de rendre compte des évolutions récentes dans le domaine de la gouvernance en soulignant d’une part le renforcement des attentes des actionnaires et [tx]d’autre part l’émergence de pressions sociétales nouvelles prenant corps sous la forme d’ONG internationales.
Vers un renouvellement théorique des approches de la gouvernance d’entreprise
30Un tel contexte appelle un renouvellement théorique important. Plusieurs auteurs témoignent ainsi de l’incapacité de la Théorie de l’Agence à proposer un mode de raisonnement adapté à l’évolution des pratiques de gouvernance. Gomez (2003) estime ainsi que « les réponses théoriques extrêmement intéressantes qu’elle a apportées au capitalisme managérialiste ne sont pas facilement adaptables au capitalisme de masse », soulignant la bipolarité de la Théorie de l’Agence (étude de la répartition des rôles et du pouvoir entre actionnaires et dirigeants) comme une limite essentielle au moment de tenir compte de l’éclatement de l’actionnariat et de ses attentes d’une part, et de la diversité des parties prenantes d’autre part.
31D’un point de vue plus opérationnel, les évolutions en cours de la gouvernance d’entreprise apparaissent actuellement au travers des nouveaux outils de pilotage des performances.
1.2.3. Vers de nouveaux outils de pilotage des performances
32Ces nouveaux outils, sont créateurs de valeurs et de normes et renforcent une conception nouvelle, plus partenariale, de la performance.
Le développement du concept de performance globale
33A côté de la valeur pour le client et de la valeur actionnariale, s’est développée une notion de valeur créée pour la société dans son ensemble. Cette dernière, qui intègre les attentes de multiples parties prenantes et découle du concept de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), trouve des éléments de résonance avec la notion de valeur partenariale développée il y a quelques années par Charreaux et Desbrières (1998). Les auteurs témoignent de la relativité de la pertinence de la valeur actionnariale en tant que critère de pilotage des performances. Ils définissent alors la valeur partenariale comme la rente organisationnelle sécrétée par une organisation. Celle-ci peut être calculée comme la différence entre ce que les clients sont disposés à payer pour acquérir la production de l’entreprise et le prix minimum que les apporteurs de facteurs de production acceptent pour participer à ladite production.
34Cette conception de la valeur partenariale repose donc largement sur la représentation de l’organisation comme un « nœud de contrat ». Elle attire l’attention sur les parties prenantes à la création de valeur. Le développement du concept de RSE élargit les préoccupations à l’ensemble de la société. C’est dans ce cadre que s’est développée la notion de performance globale. Carrol (1970) en définit trois grandes dimensions : le respect des responsabilités économiques et légales, l’adoption d’un comportement éthique vis-à-vis des partenaires commerciaux et financiers et enfin le développement d’actions philanthropiques (soutien à des associations,...). Aujourd’hui, il est généralement admis que la performance globale intègre les trois grandes dimensions qui, depuis ont été définies comme celles de la RSE : économique, sociale et environnementale. Cette reconnaissance est d’ailleurs autant valable dans le monde académique (Capron et Quairel, 2004) que chez les praticiens (triple bottom line en vigueur depuis de nombreuses années chez Danone, pionnier en la matière, par exemple).
35Il est toutefois intéressant de noter que les outils de pilotage de performances qui témoignent de la volonté des entreprises d’intégrer le développement durable à l’intérieur même de leur stratégie et de leur fonctionnement sont peu étudiés dans la littérature (Quairel, 2006) et peu implantés en entreprise.
36Si elle est retenue comme une mesure pertinente de la performance d’une organisation, la création de valeur pour la société dans son ensemble doit pourtant pouvoir être intégrée dans les outils de pilotage de la performance.
Le Balanced Scorecard : un outil s’inscrivant dans la shareholder theory
37Le Balanced Scorecard ou « tableau de bord équilibré ou TBE » en français fut développé avec l’objectif d’exprimer la vocation et la stratégie de l’organisation auquel il s’applique par un ensemble complet d’indicateurs de performance (Kaplan et Norton, 1996a, 1996b).
38Une des originalités du TBE est de proposer, de manière structurée, à côté des traditionnels indicateurs financiers de la performance, des indicateurs non-financiers. Ainsi, il mesure la performance de l’organisation sur quatre dimensions : l’apprentissage organisationnel, les processus internes, la satisfaction des clients et la satisfaction des actionnaires.
39Il tire son nom de la recherche d’un équilibre entre les indicateurs financiers et non-financiers pour évaluer la performance avec une perspective temporelle élargie puisque les facteurs de performance envisagés le sont aussi bien sur le long terme que sur le court terme.
40Les origines du TBE sont donc à trouver dans une réaction contre les pratiques américaines du début des années 1990 qui consistaient à évaluer les performances très largement sur la base d’indicateurs financiers privilégiant le court terme.
41A côté de la création de valeur financière à court terme, l’outil propose d’évaluer un potentiel de création de valeur à plus long terme. Le rôle du Balanced Scorecard est donc de mettre en garde les dirigeants contre les choix non-optimaux qu’ils pourraient faire s’ils ne tenaient pas compte de toutes les conditions opérationnelles et financières de la performance.
42Novateur dans l’identification claire de quatre dimensions contribuant à la performance, le TBE l’est beaucoup moins concernant les indicateurs eux-mêmes que l’on pouvait pour la plupart trouver dans les anciens (et toujours largement utilisés) tableaux de bord (Bourguignon et al., 2002). Il a toutefois le mérite d’insister sur le rôle de l’apprentissage organisationnel, dimension particulièrement importante de la performance future et sur laquelle le contrôleur de gestion dispose de leviers d’action (Bollecker, 2002).
43Les nouvelles exigences réglementaires exprimées envers les entreprises en termes de développement durable ou de responsabilité sociétale, ainsi que les évolutions des attentes des clients et des actionnaires socialement responsables, supposent davantage que les évolutions apportées par le TBE. Plus récemment sont apparus de nouveaux outils de pilotage des performances dont le Prisme de Performance nous semble emblématique.
Vers de nouveaux outils créateurs de sens et susceptibles de contribuer aux évolutions de la GE : l’exemple du Prisme de Performance
44Le Prisme de Performance (Neely et al., 2002) est basé sur la conviction que les organisations qui aspirent à la réussite à long terme doivent avoir une image claire de la nature de leurs partenaires et de ce qu’ils attendent de l’organisation. A partir de là, il convient pour ces entreprises de définir des stratégies compatibles avec les attentes des parties prenantes.
45Le Prisme de Performance se fonde donc sur l’étude des relations de l’organisation avec ses partenaires. Il est constitué de cinq facettes : la satisfaction du partenaire, la contribution de ce dernier, les stratégies, les processus et les aptitudes (figure 1).
Figure 1:
Figure 1:
les cinq facettes du Prisme de Performance46La stratégie de l’organisation est définie en fonction de l’étude des interactions voulues avec les partenaires (qui intègrent la société, les fournisseurs, les clients,.). C’est donc la performance en termes de valeur à créer pour les partenaires qui détermine la stratégie et non pas la stratégie qui permet de construire le système de mesure des performances. Cette recherche de légitimité vis-à-vis des parties prenantes les plus diverses s’inscrit en cohérence avec la Théorie de la Dépendance des Ressources développée par Pfeffer et Salancik (1978) et repose sur la reconnaissance de la possibilité de manager cette légitimité (Suchman, 1995).
47Nous avons montré, dans cette première partie, en quoi la conception dominante de la performance a grandement évolué tout au long du XXème siècle. Les évolutions de la gouvernance de l’entreprise traduisent la capacité des différentes parties prenantes à faire entendre leur voix. Elles ont constitué d’importants déterminants de l’émergence de conceptions nouvelles de la performance et partant, de nouvelles pratiques de GRH. En effet, les ressources humaines constituent une partie prenante (au sens de Freeman, 1984) dont les contributions sont essentielles pour toute organisation. Plusieurs auteurs ont, par ailleurs, montré les effets pervers d’un turn-over élevé (Isenman, 1986), confirmant la nécessité de développer une véritable gestion durable des ressources humaines (GDRH). Les développements récents et actuels de nouveaux outils de pilotage des performances permettent d’enraciner cette GDRH dans les pratiques (Naro, 2005). L’axe apprentissage organisationnel du tableau de bord équilibré ou la dimension satisfaction des salariés du prisme de performance en sont des exemples que nous avons rapidement présentés. Voyons maintenant, d’un point de vue opérationnel, la manière dont les nouvelles pratiques de GDRH sont implantées dans les entreprises.
2. D’UNE CONCEPTION ÉLARGIE DE LA PERFORMANCE A LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES HUMAINES
48Les salariés sont de plus en plus reconnus comme une partie prenante essentielle et les exemples d’entreprises mettant en œuvre une véritable gestion durable des ressources humaines se multiplient.
2.1. les salaries : des parties prenantes essentielles
49Les salariés contribuent en premier chef à la performance durable de l’entreprise. En retour, ils attendent, de manière on ne peut plus légitime, des contreparties à leurs efforts pouvant prendre des formes diverses.
50Les approches par les ressources rappellent bien que les compétences clés (Hamel et Prahalad, 1991, 1994) ou les capacités dynamiques (Teece et al. 1997) reposent largement sur l’implication des ressources humaines (l’expression étant alors pleinement justifiée). Il n’est dès lors pas étonnant de constater la présence renforcée des indicateurs se référant directement aux ressources humaines dans les outils de pilotage des performances organisationnelles.
2.1.1. Contributions et attentes des ressources humaines
La contribution des salariés à la performance durable de l’entreprise
51Les travaux qui s’inscrivent dans le courant de la « Resource Based View ou théorie de la Firme Basée sur les Ressources » ont en commun d’accorder une place essentielle aux ressources mobilisées par l’entreprise en vue de développer un avantage concurrentiel soutenable. La Théorie des Compétences Clés (Hamel et Prahalad, 1991), puis la Théorie des Capacités Dynamiques (Teece et al., 1997) sont en effet fondées sur cette reconnaissance du rôle des ressources internes, dont les salariés, dans le succès de toute organisation. Ils ont bien évidemment un rôle actif dans la création de valeur d’une organisation. Pour Charreaux (1998), l’entreprise ne peut créer de valeurs sans des savoir-faire et des compétences clés qui constituent le capital humain de toute Organisation. Les compétences des salariés, la qualité de leur engagement, leur productivité, seront à la base de la réussite de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Il en va aussi du management et des RH de favoriser ou non leur efficacité et leur développement. Le climat de travail, les relations sociales, la possibilité de faire évoluer ses compétences ou d’en acquérir de nouvelles via la formation ou la mobilité, permettront directement à l’organisation d’affronter plus sereinement la compétition dans un marché globalisé. Morin et Savoie (2002) proposent un modèle à quatre dimensions, douze critères et une batterie d’indicateurs pour la mesure de la performance organisationnelle (tableau 2). Souvent ces paramètres posent de véritables défis au management. Comment en effet concilier la réduction des coûts, tout en améliorant la qualité, et en prenant en compte le risque que certaines décisions pourraient altérer le climat social ? Du fait de la diversité des objectifs des parties prenantes (internes et externes à l’entreprise), et particulièrement des attentes des salariés, la performance devient plus difficile à cerner et donc à mesurer.
Tableau 2 : Le modèle de mesure de la performance organisationnelle
Ressources Humaines | Efficience Economique |
• Engagement des salariés • Rendement • Compétences • GPEC • Climat de travail | |
• Utilisation des ressources • Productivité | |
Légitimité de l’Organisation | Pérennité de l’Organisation |
• Respect de la réglementation • Responsabilité sociale • Responsabilité environnementale | |
• Compétitivité • Qualité des produits et/ou du service • Satisfaction des partenaires |
Tableau 2 : Le modèle de mesure de la performance organisationnelle
52L’une des attributions essentielles des RH et de garantir que l’entreprise puisse disposer en permanence des compétences (dans le sens le plus large du terme) en quantité et en qualité suffisantes pour réaliser ses objectifs et assurer sa pérennité. Au fil du temps, nous sommes passés progressivement d’une gestion quantitative des effectifs, vers une gestion qualitative des compétences (Lacono, 2002 ; Retour, 2005).
53Cette fonction essentielle de la gestion des effectifs, reste toujours une des priorités des services RH. Cependant, pour répondre aux évolutions du marché, à ses contraintes et à la diversification des attentes des salariés, les RH vont devoir multiplier leurs actions comme, apprendre à gérer les changements, en particulier sur le management d’équipes multiculturelles, détecter, évaluer et développer les hauts potentiels (ou les talents), transformer l’entreprise en une organisation apprenante, prendre en compte la volonté des salariés afin qu’ils puissent respecter l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée,
54Dans un communiqué de presse de l’entreprise Rhodia en novembre 2006, B. Chambon, Directeur Général Adjoint Ressources Humaines déclarait : « Nos équipes RH vont ainsi pouvoir se concentrer sur leurs missions clés, telles que la conduite du changement, le développement des compétences et l’évolution des carrières, les relations sociales, et accompagner la croissance de nos activités. » A contrario, de plus en plus d’entreprises font appels à des ressources externes (outsourcing) pour traiter un certain nombre de leurs activités, jugées moins stratégiques, la paye notamment.
Les attentes des salariés à prendre en compte pour une GRH durable
55L’attention portée par toute organisation à ses parties prenantes constitue-t-elle un facteur de réussite ? L’exemple de la compagnie aérienne Southwest Airlines tendrait à en témoigner. Ce qu’elle veut pour ses clients, elle commence par l’appliquer en interne dans la façon dont elle traite ses salariés. Elle s’attache à créer un état d’esprit de convivialité et de service, tout le monde doit participer. Les pilotes donnent un coup de main pour préparer les avions à chaque escale. Malgré la grave crise du transport aérien générée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, elle n’a pas procédé à un seul licenciement, ni à des réductions de salaire. Pourtant, elle aura traversé pendant plus de trente ans des tempêtes économiques et elle a su mieux résister que ses concurrentes dans ce secteur. Sa valeur boursière est proche de celles des huit plus grandes compagnies aériennes américaines.
56Une étude américaine menée par Sisodia et al. (2007) réalisée sur 28 entreprises qualifiées « d’enthousiastes » montre que les performances économiques sont nettement supérieures à la moyenne sur 5 ans. Ces enquêtes portaient sur des données quantitatives et qualitatives recueillies durant la période 2001-2006. Bien que les auteurs ne proposent pas de définition claire de l’ « entreprise enthousiasmante », il est possible de présenter plusieurs caractéristiques de cette dernière. L’entreprise « enthousiasmante » serait une organisation où les parties prenantes apprécient le fait d’être associées à son projet.
57Descarpentries et Korda (2007) soulignent que les résultats d’une entreprise passent par le fait de réconcilier l’entreprise avec ceux qui l’animent et notamment en donnant du sens à l’action de chaque salarié.
58Le modèle de réussite de ces entreprises est finalement assez simple : leur projet consiste à satisfaire le plus possible les différentes parties prenantes. Ce qui a comme conséquence de consolider leur réussite économique. Le tableau 3 propose un comparatif avec un modèle classique.
Tableau 3 : Entreprises classiques et entreprises enthousiasmantes
Entreprises classiques | Entreprises enthousiasmantes | |
Objectif prioritaire | Générer un certain pourcentage de retour sur le capital investi | Apporter des produits et services qui rendent la vie plus agréable |
Priorités de gestion | *Maximiser le chiffre d’affaires *Minimiser les coûts ... tout en cherchant à satisfaire autant que possible les clients et les collaborateurs | Ravir les clients *Avoir des collaborateurs motivés *Instaurer des relations gagnant/gagnant avec des fournisseurs de qualité *Entretenir de bonnes relations avec la communauté tout en évitant les coûts superflus |
Moyens privilégiés | *Agressivité marketing et commerciale *Recherche de productivité et de maîtrise des coûts de main d’œuvre *Pression sur les prix des fournisseurs | Qualité de service aux clients *Management exigeant mais Respectueux *Partenariat avec les fournisseurs clés |
Conséquences | *Clients versatiles Kollaborateurs et fournisseurs désabusés *Réputation médiocre *Profitabilité variable | *Clients enthousiastes et fidèles *Collaborateurs et fournisseurs motivés *Bonne réputation *Profitabilité durable |
Tableau 3 : Entreprises classiques et entreprises enthousiasmantes
59Lorsque des salariés tirent une réelle satisfaction de leur travail, leur engagement est meilleur et la performance de l’entreprise devrait en être accrue. Les salariés plus attachés à leur entreprise trouvent plus facilement des gisements d’économie et de productivité. Par exemple, un turnover plus faible réduit le coût du recrutement pour remplacer les départs. Il y a de ce fait moins de pertes de temps dues à l’intégration d’un nouveau salarié. De plus, l’entreprise attirera davantage de bons candidats lorsqu’elle recrutera uniquement pour se développer.
60Une étude que nous avions menée il y a quelques années (1990-1993) au sein de PME situées dans l’Ouest de la France, montrait clairement que les salariés attendent une progression de leur revenu (plus exactement de leur pouvoir d’achat) et de leurs missions ou de leur responsabilité au sein de l’entreprise. C’est pour cela qu’ils s’engagent. La difficulté, pour une organisation, vient de la diversité des attentes des acteurs. Aussi, de nouveaux outils de pilotage sont apparus en vue d’y répondre.
2.1.2. L’intégration de la dimension ressources humaines dans les outils de pilotage des performances
61Présents de manière diffuse dans les tableaux de bord, les indicateurs centrés sur les ressources humaines ont d’abord trouvé dans le balanced scorecard une dimension dédiée : l’apprentissage organisationnel qui comme son nom l’indique concentre des indicateurs orientés vers le développement des compétences des ressources humaines (mais aussi celui des SI). La place des ressources humaines apparaît plus présente encore au sein du Prisme de Performance. Le tableau 4 présente les indicateurs orientés RH les plus fréquents sur les différentes facettes du Prisme de Performance (Neely et al., 2002).
Tableau 4 : Principaux indicateurs orientés RH dans le Prisme de Performance
Mesures de satisfaction des employés | Mesures de contribution des employés |
Que veulent nos employés et de quoi ont-ils besoin ? | Quels sont nos souhaits vis-à-vis de nos employés ? |
• Niveau de satisfaction des employés (étude des perceptions) | • Ventes/valeur ajoutée par employés |
• Turnover | • Résultat (output) par employés (productivité) |
• Raisons des départs | • Durée moyenne de service |
• Niveau de plaintes des employés | • Taux d’absentéisme |
• Pertinence/Qualité des formations proposées | • Retours sur les formations offertes (pertinence,...) |
• Suggestions d’amélioration des performances | |
• Volonté des employés de développer de nouvelles compétences | |
• Volonté des employés à conseiller l’entreprise en tant qu’employeur. | |
Mesures de la dimension « stratégie » liée aux employés | Mesures de la dimension « process » liée aux employés |
Quelles sont nos stratégies pour satisfaire ces souhaits et besoins ? | Parmi nos différents process, lesquels vont-ils permettre de délivrer les stratégies retenues ? |
• Nombre d’employés par rapport aux prévisions (+ part de travailleurs permanents et temporaires) | • Niveau de connaissance par les employés de la stratégie de l’entreprise |
• Recrutements par rapport aux prévisions | • Niveau de connaissance par les employés des politiques de l’entreprise |
• Inventaire des compétences par rapport aux prévisions | • Taux d’acceptation des offres d’emplois |
• Part de salaire variable | • Niveau d’évaluations remplies par les salariés |
• Coûts générés par les employés par rapport aux prévisions | • Retours internes sur l’efficacité et l’efficience des services fournis par les RH |
• Résultats de la politique de diversité (sexe et origines) par rapport aux objectifs | • RH par employés (par comparaison à d’autres entreprises) |
Mesures de la dimension « compétences » liée aux employés | |
Quelles sont les compétences dont nous avons besoin pour mettre en œuvre ces « process » ? | |
• Qualité des recrutements par rapport aux objectifs | |
• Benchmark des meilleures pratiques RH | |
• Niveau d’accident et nombre de jours perdus en raison des accidents |
Tableau 4 : Principaux indicateurs orientés RH dans le Prisme de Performance
2.2. les defis poses a une grh « durable »
62Aux attentes des salariés concernant une GRH « durable », s’ajoutent les attentes de la société qui viennent renforcer les défis à relever. Gond (2006) présente ainsi des exemples de problèmes de société qui posent des défis à une GRH durable (tableau 5).
Tableau 5 : Problèmes de société constituant des défis à une GRH soutenable
Problèmes de société | Traduction au niveau des Ressources Humaines | Défis pour une GRH « durable » |
Vieillissement de la population | Déséquilibre des effectifs (pyramide des âges) Pertes de connaissances et de compétences avec les départs à la retraite des papy-boomers | Mettre en place une politique de rétention des employés plus jeunes et renforcer la fidélité. Renforcer l’attractivité de l’entreprise en tant qu’employeur auprès d’employés potentiels grâce à la politique de développement durable. Mettre en place des moyens de capitaliser les connaissances des seniors |
Chômage des jeunes, chômage de longue durée | Fortes attentes et demandes sociales envers les entreprises pour l’emploi et la formation des jeunes | Développer des programmes favorisant l’intégration de chômeurs de longue durée Développer des politiques de recrutement en faveur de l’insertion des jeunes |
Problèmes de discriminations raciales, « crise des banlieues » | Discriminations à l’embauche des jeunes issus de l’immigration nord-africaine Discriminations dans l’allocation des postes | Mettre en place des systèmes d’alerte pour repérer les dérives. Réévaluer les procédures de recrutement (anonymat des CV, systèmes de quotas) |
Tableau 5 : Problèmes de société constituant des défis à une GRH soutenable
63Mettant en exergue les défis qui sont posés pour une GRH « durable », le tableau 5 constitue une source d’inspiration pour les indicateurs qu’il sera sans doute pertinent de faire figurer dans les tableaux de bord (au sens large) utilisés par les entreprises soucieuses de développer des pratiques de GDRH. Ces défis sont d’ailleurs clairement identifiés par le nouveau groupe GDF-Suez, et le sont depuis plusieurs années par GDF (voir encadré « Un cas d’entreprise(s) : la GDRH au sein du groupe GDF-Suez »). Lacono (2002) évoque par ailleurs le défi de la responsabilité comme l’un des grands défis de demain concernant la GRH
Un cas d’entreprise(s) : la GDRH au sein du groupe GDF-Suez
CONCLUSION
64L’intégration par l’entreprise des attentes des parties prenantes les plus diverses en termes de Développement Durable a contribué à la spécification du concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise qui trouve ses origines dans des travaux relativement anciens (Bowen, 1953). Bien que son contenu fasse toujours l’objet de débats animés, tant au sein de la communauté scientifique que chez les praticiens, une relative homogénéité caractérise les préconisations dans le domaine social. Le développement des pratiques de GDRH en témoigne.
65Afin de mieux comprendre les évolutions en cours, nous avons cherché à remonter à ses origines qui nous semblent les plus profondes. La reconnaissance par l’entreprise de ses responsabilités sociétales témoigne d’évolutions importantes de la conception dominante de la performance. Cette dernière ne saurait désormais être appréciée au regard de son exclusive dimension financière. Ce changement profond découle de bouleversements récents ayant affecté la gouvernance de l’entreprise. Suite à la reconquête de leur pouvoir par les actionnaires dans les années 1990, notre thèse est que nous assistons aujourd’hui davantage à un enrichissement plutôt qu’à un appauvrissement de la gouvernance. Cet enrichissement découle de la diversité des attentes manifestées à l’égard des entreprises, tant d’ailleurs par les actionnaires eux-mêmes (nous pensons au développement de l’investissement socialement responsable) que par la société (via les ONG, associations de consommateurs, ...).
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
- Abrahamson E. (1991), Managerial fads and fashions: the diffusion and rejection of innovations, Academy of Management Review, vol. 16, p. 586-612.
- Arnaud E., Berger A. & de Pertuis C. (2005), Le Développement Durable, Repères pratiques, Nathan.
- Batsch L. (2002), Le capitalisme financier, La Découverte.
- Baumol W. J. (1959), Business Behavior, Value and Growth, New York, Mac Millan.
- Berle A. & Means G. (1932), The modern corporation and private property, New York, Macmillan.
- Bessire D. (1999), Définir la performance, Comptabilité Contrôle Audit, Tome 5, vol. 2, Septembre, p. 127-150.
- Bollecker M. (2002), Le rôle des contrôleurs de gestion dans l’apprentissage organisationnel : une analyse de la phase de suivi des réalisations, Comptabilité Contrôle Audit, Tome 8, vol. 2, novembre, p. 109-126.
- Bourguignon A., Malleret V. & Norreklit H. (2002), L’irréductible dimension culturelle des instruments de gestion : l’exemple du tableau de bord et du balanced scorecard, Comptabilité Contrôle Audit, numéro spécial, mai, p. 7-32.
- Bourguignon A. (2001), Evaluer les performances : comment penser ensemble GRH et contrôle de gestion, Management et conjoncture sociale, n° 604, p. 1619.
- Bowen H. (1953), Social responsibilities of the business, Harper and Row.
- Brender A. (2002), Face aux Marchés, la Politique, Editions La Découverte et Syros.
- Capron M. & Quairel F. (2004), Mythes et réalités de l’entreprise responsable, La Découverte.
- Carrol A. (1970), A three dimensional conceptual model of corporate social performance, Academy of Management Review, vol. 4, p. 497-505.
- Chandler A. D. (1977), The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Belknap Press.
- Chandler A. D. (1962), Strategy and Structure, Cambridge, MA: MIT Press.
- Charreaux G. & Desbrières P. (1998), Gouvernance des entreprises: valeur partenariale contre valeur actionnariale, Finance Contrôle Stratégie, vol 1, n°2, Juin 1998, p. 57-88.
- Charreaux G., (1998), La mesure de performance des entreprises, Banque & Marchés, n° 34, mai-juin.
- Dearden J. (1969), The case against ROI control, Harvard Business Review, may-june, p. 124-134.
- Descarpentries J. M. et Korda P., (2007) L’entreprise réconciliée, Albin Michel,
- Donaldson T. & Preston L. E. (1995), The Stakeholder Theory of the Corporation: Concepts, Evidence and Implications, Academy of Management Review, vol. 20, n°1, p. 65-91.
- Etzioni A. (1998), A Communitarian Note on Stakeholder Theory, Business Ethics Quarterly, vol. 8, n° 4, p. 679-691.
- Fligstein N. (1990), The Transformation of Corporate Control, Harvard University Press.
- Freeman R. E. (1984), Strategic management: a stakeholder approach, Marshall, M.A. Pitman.
- Gomez P.-Y. (2003), Jalons pour une histoire des théories du gouvernement des entreprises, Finance Contrôle Stratégie, vol. 6, n° 4, décembre, p. 183208.
- Gomez P.-Y. (2001 ), La République des Actionnaires, Syros.
- Gond J.-P. (2006), Gestion des ressources humaines et développement durable, in Le développement durable au cœur de l’entreprise, coord. Reynaud E., Dunod, p. 83-105.
- Hamel G. & Prahalad C. K. (1994), Competing for the future, Harvard Business Review, vol. 72, n°4.
- Hamel G. & Prahalad C. K. (1991), The core competences of the corporation, in Cynthia A. Montgomery & Michael E. Porter (eds.) Strategy: seeking and securing a competitive advantage, Boston, Harvard Business School Press, p. 277-299.
- L’Hélias S. (1997), Le retour de l’actionnaire, Gualino éditeur, Paris. Hill C. W. L. & Jones T. M. (1992), Stakeholder-Agency Theory, Journal of Management Studies, vol. 29, n° 2, p. 131-154.
- Isenman A. W. (1986), Managing suppliers: the strategic implications, Strategic Planning Management, vol. 4, p. 89-91.
- Izraelewicz E. (1999), Le capitalisme Zinzin, Editions Grasset et Fasquelle.
- Jensen M. C. & Meckling W. H. (1976), Theory of the firm: managerial behavior, agency costs and ownership structure, Journal of Financial Economics, 3, 4, p. 305-360.
- Jones T. M. (1995), Instrumental Stakeholder Theory : a Synthesis of Ethics and Economics, Academy of Management Review, vol. 20, n° 2, p. 404-437.
- Kaplan R. S. & Norton D. (1996a), The Balanced Scorecard, Harvard Business Scholl Press, Boston.
- Kaplan R. S. & Norton D. (1996b), Using the Balanced Scorecard as a strategic management system, Harvard Business Review, janvier-février.
- Kaplan R. S. & Norton D. (1992), The Balanced Scorecard - measures that drive performance, Harvard Business Review, janvier-février.
- Lacono G. (2002), Gestion des Ressources Humaines, Gualino Montchrétien.
- Langevin P. & Naro G. (2003), Contrôle et comportements : une revue de la littérature anglo-saxonne, Congrès de l’AFC : Louvain la Neuve.
- Lebas M. (1995), Le concept de performance, in Compter le travail, Travail, n° 34, printemps/été, p. 137-149.
- Malleret V. (1994), Du contrôle de gestion au management de la performance, in Les Professeurs du Groupe HEC, L’Ecole des managers de demain, Economica, p. 121-143.
- Marris R. (1964), The Economic Theory of Managerial Capitalism, New York, Mac Millan.
- Mintzberg H. (1986), Le pouvoir dans les organisations, Paris, Editions d’Organisation, Traduction de Mintzberg (1983), Power in and around organization, N-J, Prentice Hall, Englewood Cliffs.
- Morin E. & Savoie M., (2002), Les représentations de l’efficacité Organisationnelle : développements récents, Revue Internationale de Gestion, Montréal, VIII, pp 206-354.
- Naro G. (2005), Responsabilité sociale de l’entreprise et pilotage des performances, dans Le Roy Frédéric & Marchesnay Michel, La responsabilité sociale de l’entreprise, Editions EMS.
- Naro G. (2004), Contrôle de gestion et structuration des politiques sociales des entreprises, dans Pérez Roland, Brabet Julienne et Yami Said, Management de la Compétitivité et Emploi, L’Harmattan Economiques.
- Naro G. (2001), L’articulation entre contrôle de gestion et GRH dans les organisations qualifiantes, Management et Conjoncture Sociale, n° 604, mai 2001.
- Neely A., Adams C. & Kennerley M. (2002), The Performance Prism - The Scorecard for Measuring and Managing Business Success, Prentice Hall.
- Penrose E. T. (1959), The Theory of the Growth of the Firm, Oxford University Press.
- Pérez R. (2003), La gouvernance de l’entreprise, Repères, La découverte.
- Plihon D. (2004), Le nouveau capitalisme, La Découverte, coll. Repères.
- Porter M. (1986), L’avantage concurrentiel, InterEditions, Paris.
- Preston L. E. (1999), Stakeholder Management and Organizational Wealth, Academy of Management Review, vol. 24, n° 4, p. 619-620.
- Quairel F. (2006), Contrôle de la performance globale et RSE, actes du Congrès de l’Association Francophone de Comptabilité, Tunis.
- Retour D. (2005), Le DRH de demain face au dossier Compétences, Revue Management et Avenir, n° 4, avril, p. 187-200.
- Ryan V. L. & Schneider M. (2002), The Antecedents of Institutionnal Investor Activism, Academy of Management Review, vol. 27, n° 4, Octobre 2002, p. 554-573.
- Simons R. (1995), Control in an age of empowerment, Harvard Business Review, mars-avril, p. 80-98.
- Sisodia R. S., Wolfe D. B. & Sheth J. N. (2007), Firms of Endearment, Wharton School Publishing.
- Suchman M. C. (1995), Managing legitimacy: strategic and institutional approaches, Academy of Management Review, vol. 20, n° 3, p. 571-610.
- Teece D. J., Pisano G. & Shuen A. (1997), Dynamic capabilities and strategic management, Strategic Management Journal, vol. 18:7, p. 509-533.
- Useem M. (1996), Investor Capitalism, BasicBooks.
- Wiedemann-Goiran T., Perier F. & Lépineux F. (2003), Développement durable et gouvernement d’entreprise, Un dialogue prometteur, Editions d’Organisation.
Mots-clés éditeurs : DEVELOPPEMENT DURABLE, RH, MANAGEMENT DE LA PERFORMANCE, PERFORMANCE MANAGEMENT, SUSTAINABLE DEVELOPMENT, HUMAN RESOURCES MANAGEMENT, GOVERNANCE, GOUVERNANCE
Mise en ligne 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/vse.179.0022Notes
-
[1]
Berle et Means (1932) sont souvent présentés comme les pères de la Théorie Managériale, bien que l’on puisse retrouver l’origine de leurs idées dans l’ouvrage de Veblen (1904) Theory of Business Enterprise.