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Article de revue

La socialisation par l’effort

L’exemple du cross-country en France (1907-1924)

Pages 3 à 18

Notes

  • [1]
    Miroir de l’athlétisme, 50, février 1969, dossier spécial « La mort du cross ».
  • [2]
    Jean-Bernard Paillisser et Henri Leglise, « Dossier : l’avenir du cross-country », La revue de l’Association des entraîneurs français d’athlétisme, 229, 2018, p. 24.
  • [3]
    Ibid., p. 24-25.
  • [4]
  • [5]
    Jean-Claude Raufaste, La Passion du cross-country. De 1837 à 2018, Billère, La Biscouette, 2018 ; Bernard Germond, L’Histoire du cross-country en Eure et Loir, Puteaux, Les éditions du Net, 2012.
  • [6]
    Andrew Boyd Hutchinson, The Complete History of Cross-Country Running. From the Nineteenth Century to the Present Day, New York, Carrel Books, 2018
  • [7]
    Le Cross des nations est créé en 1903 dans le but de provoquer une émulation entre les équipes d’Écosse, d’Irlande, du Pays de Galles et d’Angleterre. La France constitue le cinquième pays admis à ce challenge international, ancêtre des championnats du monde.
  • [8]
    Claude Dubar, La Socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 2015, p. 15-16.
  • [9]
    Le concept de « communautés émotionnelles » désigne, selon la médiéviste Barbara Rosenwein, « des groupes sociaux dans lesquels les individus sont animés par des intérêts, des valeurs et des styles émotionnels communs ou similaires ». Barbara H. Rosenwein, « Les communautés émotionnelles et le corps », Médiévales, 61, 2011, p. 55-75, p. 55.
  • [10]
    Maurice Halbwachs, texte présenté et annoté par Christophe Granger, « L’expression des émotions et la société », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 123, 2014, p. 39-48, p. 42.
  • [11]
    William M. Reddy, The Navigation of Feeling. A Framework for the History of Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
  • [12]
    Norbert Élias et Éric Dunning, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Pocket, 1998 [1986].
  • [13]
    M. Halbwachs, « L’expression des émotions… », art. cité, p. 47.
  • [14]
    Voir la rubrique « L’homme sportif du jour » du Miroir des sports, en particulier les numéros suivants : 370, 20 janvier 1921, p. 42 ; 376, 3 mars 1921, p. 138 ; 378, 17 mars 1921, p. 170 ; 471, 28 décembre 1922, p. 407 ; 474, 18 janvier 1923, p. 44.
  • [15]
    Gaston Frémont, « La Fédération française d’athlétisme est entrée dans sa 11e année d’existence », L’Auto, 10976, 3 janvier 1931, p. 1.
  • [16]
    L’Athlétisme, 110, 10 novembre 1923, p. 6.
  • [17]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 811, 4 avril 1914, p. 312.
  • [18]
    Complétant l’analyse des archives audiovisuelles, les actualités cinématographiques du journal Gaumont offrent une plus large visibilité aux athlètes évoluant en pleine nature. 56 % des 92 extraits relatifs à la thématique du cross-country filmés entre 1907 et 1924 présentent au moins une séquence de course en pleine nature, dont 26 % dans les bois. La trame narrative « départ – franchissement d’un obstacle ou course en nature – arrivée – portrait » est privilégiée dans ces extraits compris entre 20 secondes et 2 minutes. Ces chiffres restent relativement bas au regard de la place centrale qu’occupe le milieu naturel dans l’imaginaire et la pratique du crossman.
  • [19]
    Nous faisons référence à Paul Souchon, « Cross-country », in Les Chants du stade, Paris, Éditions du nouveau monde, 1923, p. 96-98 ; Charles Guyot, « Cross-country », in Sports. Poèmes, Paris, Éditions de Montparnasse, 1923, p. 25.
  • [20]
    Jean Bouin, « L’Entraînement pour le cross-country », La Vie au grand air, 655, 8 avril 1911, p. 216.
  • [21]
    Louis Maertens, « Le cross-country », in La Course à pied. Piste, route, cross-country, Paris, Lucien Labeur, 1909, p. 95-96.
  • [22]
    Pierre et Jean Garcet de Vauresmont, « Le cross-country », in Les Sports athlétiques. Football – course à pied – saut – lancement, Paris, Bibliothèque Larousse, 1924 [1912], p. 90.
  • [23]
    Selon Pierre Bourdieu, les rites de consécration ont une fonction sociale essentielle : « séparer ceux qui l’ont subi non de ceux qui ne l’ont pas encore subi, mais de ceux qui ne le subiront en aucune façon et d’instituer ainsi une différence durable entre ceux que ce rite concerne et ceux qu’il ne concerne pas. C’est pourquoi, plutôt que rites de passage, je dirais volontiers rites de consécration, ou rites de légitimation ou, tout simplement, rites d’institution » (Pierre Bourdieu, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, 43, 1982, p. 58).
  • [24]
    Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme. Le mythe du retour à la nature, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.
  • [25]
    Georges Vigarello, Histoire de la fatigue. Du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 2020, p. 247.
  • [26]
    Paul Adam, « Le sport et l’émotion », in La Morale des sports, Paris, La librairie mondiale, 1907, p. 129-134.
  • [27]
    Frantz Reichel et Émile Anthoine, « Les sports athlétiques », in Patronage de l’Académie des sports et du Comité national des sports (COF), Encyclopédie des sports, Paris, Librairie de France, 1924, t. 1, p. 322.
  • [28]
    A. Baubérot, Histoire du naturisme…, op. cit., p. 13.
  • [29]
    Ibid., p. 281-307.
  • [30]
    Gaston Ragueneau et Paul Boucher, Le Cross-country. Conseils techniques d’entraînements aux débutants et aux amateurs, Amiens, Léveillard, 1922 ; Jacques Keyser et Gaston Frémont, Le Cross-country, Paris, Bornemann, 1924.
  • [31]
    Lucien Duquesne, « L’entraînement au cross-country », Très Sport, 22, février 1924, p. 12.
  • [32]
    J. Keyser et G. Frémont, Le Cross-country, op. cit., p. 13.
  • [33]
    Salmson-Creak, Guide du parfait sportif. L’entraînement américain, t. 3 : La course. Le saut. Le lancer, Paris, Brenet, 1924, p. 54.
  • [34]
    Fernand Lagrange, Physiologie des exercices du corps, Paris, Félix Alcan, 1888 ; Philippe Tissié, La Fatigue et l’entraînement physique, Paris, Félix Alcan, 1897.
  • [35]
    Louis Maertens, « Le cross-country périclite en France parce que la province délaisse ce sport », Le Miroir des sports, 419, 29 décembre 1921, p. 402.
  • [36]
    Géo Lefèvre, « Le Coach ? Nous en aurions bien besoin en France », La Vie au grand air, 726, 17 août 1912, p. 641.
  • [37]
    Bernard Maccario, Jean Bouin. Héros du sport, héros de la Grande Guerre, Paris, Chistéra, 2018, p. 117.
  • [38]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 806, 28 février 1914, p. 201-202.
  • [39]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 807, 7 mars 1914, p. 220.
  • [40]
    Jean Lhermit, Les Sports pédestres, Paris, Nilsson, 1911, p. 22 ; voir aussi Émile Anthoine, L’Athlétisme, Paris, Nilsson, 1914, p. 21.
  • [41]
    Michel Renard, « Comment on devient coureur de cross-country », Le Miroir des sports, 361, 18 novembre 1920, p. 314.
  • [42]
    Ernest Weber, Sports athlétiques, Paris, Garnier Frères, 1905, p. 129.
  • [43]
    J. Lhermit, Les Sports pédestres, op. cit., p. 77.
  • [44]
    Jean Bouin et André Glarner, « Le cross-country », in Comment on devient champion de course à pied, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1912, p. 47.
  • [45]
    Walter George, « L’entraînement pour le cross-country », La Vie au grand air, 744, 21 décembre 1912, p. 984.
  • [46]
    Jacques Keyser, « La reprise du sport à l’arrière », La Vie au grand air, 829, 15 juin 1916, p. 43.
  • [47]
    Pour les trois ans du CEP, un article de L’Auto présente un bilan rétrospectif en avançant le chiffre de 12 000 adhérents en 1917, en s’appuyant sur le bulletin quotidien du CEP (« Les trois ans du CEP », L’Auto, 6158, 1er décembre 1917, p. 1). Ces chiffres doivent être considérés avec prudence. Il est tout à fait possible que le bulletin du CEP ait surestimé les effectifs.
  • [48]
    Henri Desgrange, « La leçon de la guerre. Pour l’éducation physique de notre jeunesse », L’Auto, 5040, 1er novembre 1914, p. 2.
  • [49]
    Henri Decoin, « La forme et la guerre », La Vie au grand air, 832, 15 mars 1917, p. 31.
  • [50]
    Christophe Granger, « Les lumières du stade. Football et goût du spectaculaire dans l’entre-deux-guerres », Sociétés & Représentations, 31, 2011, p. 105-124, p. 107.
  • [51]
    Pierre Pelletier, La Religion du record, Paris, Éd. de l’As, 1927.
  • [52]
    Commission technique et d’organisation, Séance du 20 décembre 1921, L’Athlétisme, 12, 24 décembre 1921, p. 1.
  • [53]
    Compte rendu officiel du Conseil du 19 février 1923, L’Athlétisme, 73, 24 février 1923, p. 5.
  • [54]
    Gaston Ragueneau, « Cross-countries d’autrefois et cross-countries d’aujourd’hui », Le Miroir des sports, 428, 2 mars 1922, p. 143. Ce chiffre doit être considéré avec prudence. Gaston Ragueneau est très critique vis-à-vis des tracés « à l’anglaise », et dénombrer avec exactitude les spectateurs éparpillés sur le parcours au début du 20e siècle reste une gageure. Le ressenti personnel prévaut sur le compte rendu objectif.
  • [55]
    L. Duquesne, « L’entraînement au cross… », art. cité, p. 1.
  • [56]
    G. Ragueneau, « Cross-countries… », art. cité, p. 143.
  • [57]
    Ibid., p. 143.
  • [58]
    Géo André, « La grande controverse au sujet des courses à travers champs. Devons-nous adopter les parcours de cross-country anglais ? Mais non. Contentons-nous de tracer des cross à la française », Le Miroir des sports, 572, 17 décembre 1924, p. 442.
  • [59]
    Géo André et Paul Bouchard, « Deux opinions », L’Athlétisme. Bulletin officiel de la Fédération française d’athlétisme, 167, 13 décembre 1924, p. 6.
  • [60]
    Thierry Terret, Les Paris des Jeux olympiques de 1924, Paris, Atlantica, vol. 1, 2008, « Introduction générale », p. 9-28.
  • [61]
    L’Athlétisme, 134, 26 avril 1924, p. 13.
  • [62]
    Comité olympique français, Les Jeux…, op. cit., p. 72-73.
  • [63]
    Ibid., p. 73.
  • [64]
    Ibid., p. 74.
  • [65]
    « Il y a bien un poste de TSF qui doit nous renseigner sur les phases du cross-country, mais les récepteurs ne doivent rien entendre, car longtemps le cross se déroule hors de notre vue ou de nos oreilles. » (« Autour du stade et en quelques lignes », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 4.)
  • [66]
    Pierre Lewden, Un champion à la hauteur. Les souvenirs d’un médaillé olympique, Paris, Polymédias, 1991, p. 171.
  • [67]
    Comité olympique français, Les Jeux de la VIIIe Olympiade (Paris, 1924). Rapport officiel, Paris, Librairie de France, 1924, op. cit., p. 151.
  • [68]
    « Les Jeux olympiques. Journée creuse, l’odieux cross-country », L’Humanité, 7502, 13 juillet 1924, p. 3.
  • [69]
    Géo André, « Un cross dangereux », Le Miroir du sport, 554, 16 juillet 1924, p. 75.
  • [70]
    P. Lewden, Un champion…, op. cit., p. 171.
  • [71]
    Gaston Bénac, « L’imbattable Paavo Nurmi remporte le cross-country et sa troisième victoire », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 1.
  • [72]
    Comité olympique français, Les Jeux…, op. cit., p. 151, 155.
  • [73]
    « Les Jeux olympiques… », art. cité, L’Humanité, p. 3.
  • [74]
    Gaston Frémont, « Est-il possible d’organiser le cross olympique à Colombes ? », L’Auto, 8369, 14 novembre 1923, p. 5.
  • [75]
    Géo Charles, VIIIe Olympiade (1924-1928), Paris, Éd. l’Équerre, 1928, p. 61.
  • [76]
    Gaston Frémont, « Le phénomène Nurmi et l’équipe de Finlande enlèvent le cross-country », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 4.
  • [77]
    Jean-Robert Pitte, Géographie culturelle, Paris, Fayard, 2006, p. 22.

1Aujourd’hui tombé dans une certaine désuétude, le cross-country a connu un âge d’or en France entre 1907 et 1924. Sport d’extérieur, il répond aux aspirations de retour à la nature dans une société en voie d’urbanisation et d’industrialisation, avant d’être partiellement mis au service de l’entraînement des jeunes hommes pendant la Grande Guerre. Le cross-country connaît une institutionnalisation progressive, mais sa mise en spectacle au cours des années 1920 échoue assez largement, tant elle se heurte à l’éthos de communauté et d’authenticité propre à la discipline.

2En 1969, le Miroir de l’athlétisme redoutait « la mort du cross » au regard du faible engouement que suscitait cette discipline athlétique dans les clubs français [1]. Cinquante ans plus tard, les inquiétudes demeurent. Courses sur route, trails ou épreuves en salle, le cross-country n’a plus le monopole du calendrier hivernal. Plus encore, de nombreux entraîneurs ne parviennent plus à « regrouper la famille du demi-fond […] et à faire perdurer les aspects collectifs, festifs et champêtres [2] ». Ils déplorent le délitement progressif d’un lien social singulier, mais aussi la perte des valeurs associées traditionnellement à cette discipline : « on ne peut aussi ignorer le contexte sociétal où l’effort et le dépassement de soi ne sont plus d’actualité [3] ». La Fédération française d’athlétisme (FFA) tente pourtant depuis 2006 de « recréer une sensibilité cross au sein des clubs » en modernisant l’organisation des épreuves, tout en préservant une forme d’héritage culturel [4].

3Ces témoignages laissent transparaître la nostalgie d’un « âge d’or » du cross-country, aujourd’hui révolu. Pour situer cette période, difficile de se fier à l’historiographie française quasi inexistante sur la question, en dehors de quelques initiatives locales, assez descriptives [5]. L’ouvrage d’Andrew Boyd Hutchinson constitue l’une des rares synthèses retraçant le développement international du cross-country [6]. Si le Royaume-Uni et l’Amérique du Nord bénéficient d’une tradition athlétique déjà solide au tournant du 20e siècle, la pratique du cross-country essaime progressivement vers d’autres pays d’Europe comme la Belgique, la Suède ou la Suisse. En France, le premier « National » se dispute en 1889 sur le parcours de Bellevue, deux ans seulement après la création de l’Union des sociétés françaises de course à pied. Organisé sur le modèle anglais, ce championnat met aux prises le Racing Club de France et le Stade français, avant d’inclure les éditions suivantes d’autres équipes parisiennes et de province. Tandis que le calendrier s’enrichit, à l’instar du challenge Ayçaguer à Lyon dès 1900, ou du challenge de la Nézière organisé à Saint-Cloud à partir de 1901, la France intègre le prestigieux Cross des nations en 1907 [7]. Cette discipline athlétique jusqu’alors confidentielle gagne en visibilité dans la presse spécialisée, faisant la part belle aux exploits des champions Jacques Keyser, Jean Bouin et Joseph Guillemot. Épreuve olympique entre 1912 et 1924, la pratique et le spectacle du cross-country bénéficient d’un engouement populaire. Cependant, réduire la popularisation du cross-country à un phénomène de mode ne suffit pas à expliquer par quels mécanismes cette « sensibilité cross » a pu s’exacerber. Il ne s’agit pas, pour l’heure, d’écrire une histoire générale du cross-country, mais plutôt de comprendre comment l’apprentissage d’une sensibilité commune aux crossmen s’est opéré entre 1907 et 1924 en France.

4Si la socialisation est le processus par lequel l’individu incorpore les normes et les valeurs d’une société [8], nous formulons l’hypothèse que les crossmen forment une « communauté émotionnelle » singulière au sein de laquelle la socialisation sportive n’est possible que par l’effort éprouvé [9]. Soumises à un cadrage collectif, les émotions et les sensations à l’effort occupent une fonction décisive dans la construction du social, garantissant au groupe l’application par chacun des règles implicites de la communauté. Même dans l’intimité du bois, « il y a en nous un homme social qui surveille l’homme passionné [10] ». Néanmoins, tout l’intérêt de l’approche par les communautés émotionnelles est précisément de dépasser les visions englobantes uniformisant les manières d’éprouver le monde sensible, à l’instar du « régime émotionnel » de William M. Reddy [11] ou encore du « processus de civilisation » éliasien [12]. Ce « cadrage collectif » n’est pas tant imposé par une instance sociale surplombante que constamment négocié, partagé et co-construit par les athlètes au sein des clubs : « Il semble que dans l’émotion elle-même ainsi partagée et multipliée il y ait une efficacité et un pouvoir [13] ». Notre article se propose de mettre au jour les rouages de cette communauté émotionnelle en questionnant, d’une part, la nature des sensations et des émotions constitutives d’une « sensibilité cross » ; d’autre part, le rôle des pairs dans l’apprentissage de ces ressentis à l’effort ; enfin, les controverses relatives aux stratégies de mise en spectacle du cross-country, qui écornerait l’expérience authentique de la course.

5Dans la mesure où les ressorts émotionnels de la pratique dépendent pour partie des spécificités d’un territoire et d’un climat, nous limiterons notre étude à la France hexagonale, bien que des ligues régionales existent en Afrique du Nord. Puisqu’il s’agit d’approcher au plus près les corps à l’effort, les hebdomadaires La Vie au grand air (1907-1922), Le Miroir des sports (1920-1924), peu avares en récits d’expérience, le quotidien L’Auto (1907-1924), L’Athlétisme. Bulletin officiel de la FFA (1920-1924), ainsi qu’une vingtaine de manuels d’entraînement ont fait l’objet d’une analyse systématique. Les photographies de presse fournies par l’agence Rol, mais également les actualités filmées du journal Gaumont entre 1907 et 1924 complètent le corpus.

Les plaisirs de la nature comme rite de consécration

6« Course à travers la campagne », « course à travers champs », « course en sous-bois », rien ne saurait mieux caractériser le cross-country que le cadre naturel et bucolique dans lequel évoluent les athlètes. D’octobre à mars, plusieurs milliers d’adeptes abandonnent leurs chaussures à pointes au profit de souliers « bain de mer » en caoutchouc, plus adaptés pour la saison hivernale. Pratique peu onéreuse du fait de sa simplicité, elle attire de jeunes citadins d’origine modeste, partageant cette soif d’air pur : Léon Denys, magasinier-manœuvre, immigré belge à Romainville ; Louis Corlet, fils d’ouvriers parisiens ; Jean Vermeulen, mécanicien à Tourcoing ; Lucien Duquesne, apprenti corroyeur à Rouen ; ou encore Lucien Dolquès, apprenti boucher à Paris. Ces portraits que propose Le Miroir des sports entre 1921 et 1923 soulignent que l’engagement dans la pratique se fait souvent sur le tard, au hasard des rencontres, après avoir goûté à d’autres sports au sein du patronage local, notamment le football [14]. La quantification précise du contingent de crossmen s’avère délicate : jusqu’en 1920, environ 5 000 licences d’athlétisme sont délivrées par l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). Avec la création de la FFA, ce chiffre monte à 14 942 en 1921 ; 22 748 en 1922 ; 23 563 en 1923 ; 21 818 en 1924 [15]. Les quelque 1 500 clubs affiliés forment un maillage particulièrement dense dans les ligues de Paris (168 clubs), du Lyonnais (101 clubs) et de Bretagne (96 clubs) [16]. Cependant, le nombre de licences ne préjuge en rien d’une pratique effective. Le cross-country n’est qu’une spécialité parmi d’autres, appréciée surtout des fondeurs.

7Contrairement aux épreuves sur piste, le tracé de cross long de 7 à 16 kilomètres est parsemé d’obstacles et de variations de pente. À la veille des grandes épreuves du calendrier, les traceurs disposent des confettis de couleur au sol en cherchant volontairement à moduler la nature des difficultés [17]. L’athlète doit alors s’adapter à l’atmosphère des champs, des sous-bois, des prairies, franchir les ruisseaux, les haies, les talus, les montées abruptes, les descentes rocailleuses, la terre labourée, les fourrés, les sentiers, les raidillons, ou encore les pentes en lacets.

8Rares pourtant sont les photographies parvenant à saisir sur le vif l’effort des crossmen dans leur écrin champêtre. Entre 1907 et 1924, 26 % des 247 photographies de presse produites par l’agence Rol relatives au cross-country représentent les athlètes en course au contact de la nature, dont 11 % seulement dans les bois. La plupart des clichés immortalisent le portrait statique du vainqueur (43 %), ou encore les départs et arrivées de course (29 %). Les difficultés liées à l’exposition dans l’obscurité des sous-bois, au choix d’un emplacement idéal permettant les meilleures prises de vue tout en anticipant le passage des coureurs peuvent expliquer cette faible représentation des athlètes aux prises avec la nature dans l’iconographie [18]. Elle n’offre pourtant qu’un reflet tronqué de la pratique, qu’un ersatz de cross-country aux dires des athlètes.

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Passage de la Croix de Berny sur le challenge Pesch 1924

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Passage de la Croix de Berny sur le challenge Pesch 1924

(Source : Agence Rol, photographie, négatif sur verre, 13 x 18 cm, 7 décembre 1924, gallica.bnf.fr.)

9Au-delà d’une simple contrainte réglementaire, le contact direct avec la nature changeante durant l’effort représente pour les crossmen l’essence émotionnelle de la pratique, source de plaisirs. Quelques poèmes de Paul Souchon ou de Géo Charles en 1923 traduisent cette « ivresse de courir », mais ne sauraient constituer un corpus signifiant tant la littérature sportive demeure balbutiante avant 1924 [19]. Plus heuristique s’avère la lecture des conseils d’entraînement prodigués par les athlètes de renom dans les manuels ou la presse sportive. La sécheresse d’un style orienté vers la précision des recommandations et la rationalité des méthodes se laisse soudain submerger dans les articles dédiés au cross-country par le flot des émotions spécifiques que procure cette discipline athlétique. Si la piste est perçue comme ennuyeuse, monotone, « trop méthodique [20] », le pédestrianisme dans les sous-bois offre un cadre autrement plus divertissant, ainsi que l’explique Louis Maertens dans son manuel de 1909 :

10

Qui dira tout le charme de ces balades matinales à travers bois et plaines ? Qui chantera ces parcours si agréablement variés, où le coureur est tour à tour séduit par la majesté des grands bois déserts, et par le calme reposant de la campagne d’hiver [21].

11Pratique « agréable », procurant « joie », « enthousiasme », « bien-être », « distraction », le champ lexical du « plaisir » reste une constante dans tous les manuels. Dès l’entame des chapitres, ces nombreux récits d’expérience ont toute leur place, précédant même l’énonciation des grands principes d’entraînement. Cette structuration singulière suggère que les joies du cross-country constituent un prérequis nécessaire, qui ne s’enseigne nullement par la plume, mais qui s’éprouve par l’effort. Ainsi, les athlètes Jean et Pierre Garcet de Vauresmont soulignent en 1924 le caractère initiatique d’une sortie dominicale :

12

[…] galoper seul, le plus souvent, dans l’eau ou la boue, sous les arbres tout dégoûtants de rosée, dans la neige, sans voir âme qui vive, pendant des kilomètres, est-ce bien attrayant ? Il faut n’avoir jamais goûté l’intense jouissance d’une course à air froid, à peine vêtu d’une culotte légère et d’un maillot, délivré de tous soucis, si ce n’est de celui de la victoire, pour soutenir pareille allégation [22].

13Les plaisirs d’une pratique authentiquement vécue ne sont ni évidents ni immédiats pour le néophyte, et représentent à ce titre un « rite de consécration » essentiel [23]. L’accès à cette communauté des crossmen n’est alors possible que par l’éprouvé au sens anthropologique d’épreuve.

14La sensibilité pour la nature que partagent les athlètes tire son origine des spécificités du cadre dans lequel ils évoluent (à travers la campagne), mais prend plus largement sens dans un contexte d’urbanisation et d’industrialisation croissantes. Dès la fin du 19e siècle en France, le retour à la nature devient une préoccupation majeure ; il est censé catalyser la régénération des forces vitales émoussées par la société moderne [24]. Les dangers de l’agitation permanente et la sursollicitation des sens en milieu urbain font l’objet d’une attention particulière par les médecins craignant la « neurasthénie [25] ». Le sport est alors perçu comme un remède tonique pour affermir le caractère, une compensation par le corps induisant des « émotions exhaussantes [26] ». D’après Frantz Reichel et Émile Anthoine dans l’Encyclopédie des sports de 1924, les efforts naturels du cross sont tout particulièrement indiqués pour échapper aux excitations urbaines :

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[…] l’on est davantage attiré par le bien-être éprouvé, en allant trotter assez loin de la ville dans la diversité des bois ou de la petite campagne que l’on retrouve avec joie le dimanche [27].

16Que ce soit dans un objectif de performance ou, plus modestement, de renaissance physique, le plaisir de pratiquer en plein air se fonde sur cet esprit hygiéniste, opposant les miasmes des villes aux saines exhalaisons campagnardes. Aux fêtes du corps se conjugue le repos de l’esprit.

17En fin de compte, les crossmen forment une communauté singulière au sein de laquelle les joies de la nature constituent un rite de consécration. Le rejet des grandes villes modernes industrialisées représente une condition favorable à la genèse de cette sociabilité : « le mythe du retour à la nature institue du social [28] ». Dans la mesure où le mouvement naturiste se décline en une multitude de pratiques sociales hétéroclites avant la Grande Guerre, le cross-country n’en incarnerait qu’une sous-culture, l’une des premières activités de loisir se détachant de la simple promotion hygiéniste [29].

S’entraîner en cross-country : la force du groupe

Les limites de l’entraînement rationnel

18Avec l’intégration de la France au Cross des nations en 1907 ainsi que l’inscription du cross-country au programme olympique dès 1912, le souci de préparer les athlètes avec sérieux se fait plus impérieux, augurant de la portée symbolique et politique des podiums. Les manuels d’entraînement se multiplient, dont certains consacrés exclusivement au pédestrianisme champêtre [30]. Cette abondante littérature se justifie : « Plus que tous les autres, le cross demande un entraînement méthodique et suivi », rappelle Lucien Duquesne en 1924 afin, non seulement, d’arriver en forme au moment des grandes épreuves, mais aussi et surtout d’éviter le surentraînement [31]. En effet, la valorisation des joies du cross-country n’exclut pas la vigilance face aux efforts excessifs. Comme pour la piste, Jacques Keyser et Gaston Frémont conseillent en 1924 de ne pas donner la pleine mesure de ses moyens physiques et de rester « en dedans de son action [32] ». L’entraînement doit être « sagement gradué et mené sans lassitude [33] » selon Salmson-Creak, la même année. Ces préconisations athlétiques prennent appui sur une toile de fond scientifique tissée dès la fin du 19e siècle par les médecins hygiénistes, en particulier Fernand Lagrange et Philippe Tissié [34]. Sans toujours faire explicitement référence à leurs travaux pionniers, les manuels se nourrissent des grands principes d’une physiologie des exercices du corps, dont dépendent pour partie le réglage des rythmes cardiorespiratoires, la gestion de l’intensité des efforts et, plus généralement, l’entretien de l’hygiène. La lente incorporation de cet habitus apparaît consubstantielle à l’apprentissage raisonné du cross-country.

19Cependant, les velléités scientifiques et rationalistes de ces méthodes peinent à transformer les pratiques. Pour l’ensemble des disciplines athlétiques, un entraînement rigoureux semble précisément faire défaut aux pedestrians français dans le concert international. Cette antienne est largement partagée, notamment par les chroniqueurs sportifs André Glarner et Géo Lefevre, qui fustigent les échecs répétés des Tricolores lors des grandes compétitions. Seuls les crossmen obtiennent de bons résultats, à l’instar de Jean Bouin, triple vainqueur du Cross des nations de 1911 à 1913, Joseph Guillemot, vainqueur en 1922 et participant à la première victoire de l’équipe de France, tandis que Jean Vermeulen enlève le cross interallié en 1919. Paradoxalement, ces exploits ne sont pas perçus comme le signe d’une évidente vitalité nationale, mais plutôt comme l’arbre qui cache la forêt. Les quelques individualités de classe ne peuvent masquer le piètre niveau général constaté dans les clubs de l’Hexagone, surtout en province [35]. Les hypothèses sont nombreuses. En premier lieu, le manque d’entraîneurs compétents et d’infrastructures pour les former ne permet d’envisager une préparation sérieuse que pour une minorité d’athlètes au sein des grands clubs parisiens ou à Joinville [36]. Ensuite, la prudence face aux excès imposés à l’organisme, l’attachement au modèle de l’athlète complet et le refus de tout professionnalisme au sein des clubs de l’USFSA entretiennent une conception de l’effort profondément ancrée en France, peu compatible avec la volonté de briller sur le plan international. Les manuels d’entraînement cristallisent cette difficile conciliation entre une culture française hygiéniste et une culture anglo-saxonne tournée vers la performance [37].

20À cette dichotomie s’ajoute l’imprécision des outils qu’offrent les manuels aux athlètes pour contrôler les paramètres de leurs efforts. Sous le vernis discursif des grands principes rationnels, les tableaux d’entraînement détaillés se font rares. Les indications concernant l’intensité de course à privilégier lors d’une séance restent lacunaires et floues, usant de formules allusives comme « en foulée », « au train », « vite », « sprint », « aisé », « à bonne allure régulière », « pas à fond », « sans pousser » et autres métaphores. On note les mêmes approximations lorsque Lucien Duquesne propose une planification annuelle, entre « travail léger », « travail modéré » et « travail intensif ».

21Ces imprécisions sémantiques laissent libre cours à l’interprétation personnelle. L’athlète est alors incité à s’appuyer sur son « regard interne » pour moduler l’intensité de l’effort. Même Jean Bouin, le coureur rationnel, le « muscle pensant [38] », préconise une forme d’introspection durant l’effort pour adapter son allure et ne jamais forcer ses muscles ou ses poumons. Le crossman peut modifier le programme d’entraînement préalablement défini « s’il ressent de la fatigue ou s’il constate la venue trop rapide de sa forme [39] ». Tous les manuels et récits d’expérience partagent cette ambivalence entre, d’une part, la valorisation d’un contrôle externe de l’effort rendu possible par les tableaux d’entraînement, le chronomètre, l’entraîneur et, d’autre part, la certitude qu’« il n’y a pas de “secrets d’entraînement”. Tout au plus y a-t-il l’adaptation, de façon à mieux suivre le tempérament de l’athlète [40] ». Le recours aux sensations et impressions internes du coureur semble ainsi davantage préconisé par manque d’outils rationnels précis que par conviction scientifique. À cela s’ajoutent les variations de terrains et de reliefs propres au cross-country, peu propices au respect des allures et des distances imposées. Enfin, il serait hasardeux d’affirmer que tous les crossmen lisent les manuels d’entraînement et suivent consciencieusement les tableaux indicatifs. Les sensations demeurent le guide le plus sûr. Socialement, ce mode de fonctionnement permet d’allier la représentation collective de l’activité – auréolée d’une sensibilité partagée pour la nature – avec une adaptation propre à chaque individu. L’expérience acquise et sa transmission aux membres de la communauté fraîchement cooptés deviennent alors essentielles pour limiter les jaillissements d’une norme plurielle, donc affaiblie.

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Planification annuelle de l’entraînement du crossman

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Planification annuelle de l’entraînement du crossman

(Source : Lucien Duquesne, « L’entraînement au cross… », art. cité, p. 12.)

22En effet, le rôle majeur des impressions personnelles dans la gestion de l’effort ne signifie pas que l’athlète soit livré à lui-même durant l’entraînement. Bien au contraire, lorsqu’un jeune intègre un club, les séances de groupe deviennent « une nécessité absolue [41] ». Cette règle fait consensus. Dès le début de la saison hivernale, le premier travail consiste à rassembler les coureurs de valeur sensiblement égale au sein d’équipes, confiées à des chefs de groupe. En l’absence d’entraîneurs capables de gérer la meute lâchée dans les sous-bois touffus, ce sont ces « vieux pleins de sagesse » qui règlent l’allure [42]. Leur tâche consiste à réfréner leurs ardeurs juvéniles tout en prodiguant conseils et encouragements. Sur un même parcours, les pelotons plus rapides partent en premier, permettant aux coureurs ne parvenant plus à suivre le rythme d’être récupérés par les formations plus lentes. La régulation s’opère ainsi. Durant l’effort, la vigilance face aux contraintes du milieu naturel s’aiguise. Les athlètes cultivent progressivement un « style élastique » par des foulées souples, afin de s’adapter aux terrains divers, tantôt durs, tantôt mous, glissants ou pentus, et d’éviter la chute « tous muscles tendus [43] ». Les plus aguerris montrent l’exemple en raccourcissant leurs foulées dans les côtes, buste penché en avant, sur la pointe des pieds, franchissant les obstacles avec le minimum d’énergie. À l’instar du coureur cycliste, le crossman apprend à gérer l’allure en diminuant ou en augmentant son propre développement [44]. Il doit posséder la science du train, c’est-à-dire la connaissance intrinsèque de sa vitesse de course, à chaque instant, et ce, malgré les incessantes variations de terrain [45]. Pour les compétiteurs, la force du groupe se fait plus décisive encore. En sus des apprentissages techniques, l’élaboration de stratégies collectives pour la compétition du dimanche assigne à chaque athlète un rôle précis. Étant donné que le nombre de partants autorisés reste supérieur au nombre d’hommes comptant au classement par équipes, certains coéquipiers peuvent se « sacrifier » au service de la performance du club. En fonction des péripéties de course et de l’état de forme des leaders, ils mènent le train le plus adéquat, relançant, attaquant, ou au contraire freinant, temporisant. L’important est de rester bien groupé jusqu’à l’emballage final.

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L’importance du peloton en compétition

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L’importance du peloton en compétition

(Source : Lucien Duquesne, « L’entraînement au cross… », art. cité, p. 13.)

23La socialisation des athlètes ne s’impose nullement par un cadre normatif ou contractuel, mais se construit durant l’effort par une prise de rôle spontanée des différents membres du groupe. Au regard des tribulations institutionnelles et de l’absence de cadres nationaux régissant la pratique, la structure de référence pour les crossmen reste le club, véritable famille au sein de laquelle les membres partagent et incorporent une expérience athlétique singulière.

De la socialisation sportive à la socialisation guerrière

24La Grande Guerre bouleverse inévitablement l’organisation et la pratique du cross-country en France, mais n’interrompt pas pour autant toute forme de sociabilité sportive. Malgré la suspension de nombreuses rencontres nationales, l’USFSA tente de mettre sur pied des compétitions « de guerre » dès les premiers mois du conflit : une « coupe nationale » et un « cross des alliés ». Elles se déroulent sur plusieurs épreuves mensuelles avec un classement établi par addition de points pour encourager la pratique régulière [46]. Compte tenu de la mobilisation, la catégorie « jeunes » de moins de 18 ans préparant la relève représente le contingent le plus large. L’encadrement attentif de ces jeunes est assuré par des comités locaux rassemblant les bonnes volontés et les quelques licenciés des clubs exsangues de la région. C’est le cas du très actif Comité d’éducation physique de la région de Paris (CEP) créé en novembre 1914 à l’initiative d’Henri Desgrange. Pour 0,50 franc par mois, les adhérents ont accès à de nombreuses activités physiques et sportives quotidiennes, des réunions athlétiques dominicales et des conférences [47]. L’Auto, dès 1914, relaye systématiquement sa programmation, notamment les multiples cross-countries :

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Le Comité de la région parisienne a tenu à faire quelque chose pour ses futurs adhérents et il a décidé d’organiser ce matin, dans les bois de Saint-Cloud, à 9 h 1/2, un cross-country sur 6 kilomètres. Sont instamment priés d’y participer tous les jeunes gens que cette œuvre intéresse, surtout ceux des classes 1916 et 1917 et ceux encore ajournés des classes 1914 et 1915 pour insuffisance corporelle [48].

26Cet appel montre la porosité entre l’entraînement sportif et la préparation militaire dans l’esprit du CEP. Les aspects hygiénistes, correctifs et utilitaires du cross-country y sont prépondérants. Mêmes préoccupations dans les 14 articles d’Henri Desgrange, « Conseils d’un vieux à des jeunes. Comment on court le cross-country », parus dans L’Auto entre le 10 janvier 1915 et le 4 février 1915, éludant les questions d’ordres techniques au profit de considérations morales et hygiénistes. Si le même mode de socialisation est à l’œuvre avec un meneur d’allure expérimentée se chargeant de guider les novices, un changement d’échelle s’opère. Il ne s’agit plus de pratiquer pour les plaisirs de la nature dans l’entre-soi du club local, mais de former par l’effort viril les futurs soldats de la nation.

27Le cross-country occupe une place centrale dans la préparation du conscrit en raison de son adéquation supposée avec les exigences du combat. Le courage, la camaraderie, la solidarité dans l’effort, le sens du sacrifice que développe le crossman à l’entraînement sont autant de qualités utiles au futur soldat. Le champ de bataille lui-même est investi d’une métaphore sportive dans la presse, assimilé à un cross-country géant avec ses équipes concurrentes, ses obstacles, ses trous d’obus, ses variations de pente et de terrain [49]. Au final, si la pratique du cross-country ne connaît pas de temps d’arrêt entre 1914 et 1918, les enjeux hygiénistes et utilitaires prennent le pas dans la préparation du soldat. Les athlètes sont alors sommés de dépasser les consciences de clubs pour intégrer le grand cross-country des nations. La socialisation, transfigurée, demeure. Ce n’est qu’en 1920 que la communauté émotionnelle des crossmen retrouve l’élan d’avant-guerre, sous l’égide de la FFA. L’entraînement se détache de la simple propédeutique militaire et les athlètes renouent avec les plaisirs désintéressés de la course à travers champs et forêts.

Défendre la communauté émotionnelle face aux dangers d’une mise en spectacle

Tracés « à la française » ou tracés « à l’anglaise » ?

28Au sortir de la Grande Guerre, la pratique du cross-country peine à répondre au « moderne appétit de spectaculaire » qui s’exacerbe durant les années 1920 en France [50]. Contrairement aux autres disciplines athlétiques, la grande variabilité des parcours prive la foule de records, véritable « religion » chronométrique qui gouverne les passions collectives [51]. À cette absence de repères chiffrés s’ajoute la difficulté pour les spectateurs curieux de suivre de bout en bout le déroulement d’une course à travers campagnes, plaines et forêts. Encouragements épars, badauds et suiveurs se mêlent aux coureurs dans une joyeuse cohue. Face à ce constat, dès sa création en novembre 1920 après l’éclatement de l’USFSA, la FFA s’implique dans une dynamique de mise en spectacle du cross-country. Ce volontarisme institutionnel se traduit par la conception de tracés standardisés, « à l’anglaise », avec peu d’obstacles naturels et de variations de terrain. Installés dans la proche banlieue de Paris, les parcours possèdent de nombreuses boucles, qui permettent aux crossmen de passer plusieurs fois devant les spectateurs parqués dans des gradins, à l’abri des intempéries. Les photographes bénéficient d’une belle exposition, d’un sol stable pour installer leurs trépieds et évitent les déplacements laborieux. Les hippodromes représentent alors des écrins de choix. Pour les éditions du National 1921, 1922 et 1923, l’hippodrome de la Courneuve est retenu par la Commission technique et d’organisation de la FFA [52].

295 000 à 6 000 spectateurs suivent chaque année cette épreuve pour 10 francs en tribune réservée, 5 francs en tribune ou 3 francs en pesage [53]. Ces chiffres d’affluence communiqués par la fédération et quelques envoyés spéciaux stagnent au début des années 1920. La mise en spectacle du cross-country par la FFA n’engendre donc pas mécaniquement une hausse du nombre de spectateurs. Au contraire, Gaston Ragueneau estime que ces tribunes payantes découragent de nombreux supporters, autrefois près de 20 000 pour les Nationaux [54]. L’ambition est ailleurs. Il s’agit bien davantage de rendre lisible la dramaturgie de l’épreuve par une subtile pédagogie du spectacle. Les annonces du speaker orientent le regard, soulignent les belles luttes ou les cruelles défaillances, rappellent le classement provisoire, créent une « sympathie musculaire » avec les coureurs. Autrefois passifs, les spectateurs plus avertis deviennent acteurs de l’événement, vibrant à l’unisson, coordonnant les applaudissements et les encouragements au passage des pelotons successifs, concentrant les effets de spectacle. Le public partage l’expérience somatique du crossman à l’effort et accède ainsi à une communauté émotionnelle jusqu’alors réservée aux seuls pratiquants. Cette mise en visibilité cristallise le déplacement d’une sociabilité de l’entre-soi à une sociabilité sportive élargie, réconciliant à première vue athlètes et spectateurs. La norme se déplace en intégrant une attente extérieure à ce qui, originellement, faisait la solidité du groupe.

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Tracé « à l’anglaise » sur l’hippodrome de la Courneuve, lors du National 1923

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Tracé « à l’anglaise » sur l’hippodrome de la Courneuve, lors du National 1923

(Source : Lucien Duquesne, « L’entraînement au cross… », art. cité, p. 9.)

30Les tracés « à l’anglaise » sont toutefois loin de faire l’unanimité. Certains crossmen de renom comme Louis de Fleurac, Gaston Ragueneau, ou encore Jacques Keyser regrettent les parcours d’antan « à la française », escarpés, boisés, avec de nombreux obstacles naturels : « c’est dans ce genre de pratique qu’est la vérité du cross [55] » estime Lucien Duquesne en 1924. Sur les tracés conçus par la fédération, « plats comme un billard », les athlètes ne retrouvent plus les plaisirs d’une course aux allures variées : « le site n’est plus enchanteur [56] ». C’est l’essence émotionnelle de la pratique qui s’érode peu à peu à mesure que s’organise le spectacle du cross-country. L’enjeu est de taille y compris pour le public. S’ils peuvent admirer confortablement les passages successifs des coureurs, leur relégation en tribunes met fin à toute prise d’initiative et limite leur liberté d’action. L’excitation de se placer aux meilleurs points d’observation, de grimper quelquefois aux arbres pour prendre de la hauteur ou encore de rejoindre précipitamment un autre point de passage en contrebas ne sont plus que lointains souvenirs [57]. Au cœur de la polémique, Géo André apporte quelques nuances. Comme beaucoup de crossmen, il estime que chaque parcours doit être adapté aux spécificités locales et doit prendre en compte les obstacles naturels qui émaillent le pays. Il serait alors vain d’imposer en France des tracés à l’anglaise, comme il ne peut être question de proposer dans le Dauphiné les mêmes parcours que dans la Beauce [58]. Pour autant, le choix d’un itinéraire plat et rapide pour l’entraînement et la compétition peut s’avérer judicieux au regard des rencontres internationales privilégiant les tracés à l’anglaise. Le parcours du National 1925 sur l’hippodrome de Maisons-Laffitte représenterait à ce titre un heureux compromis, salué par Géo André et Paul Boucher dans L’Athlétisme, le bulletin officiel de la FFA [59]. L’équilibre reste néanmoins fragile entre, d’une part, l’attachement des crossmen aux charmes des campagnes françaises et, d’autre part, les exigences de la fédération privilégiant les tambours du spectacle athlétique. La soudaine valorisation du spectateur, identifié comme un membre essentiel de la communauté, reste perçue par le cercle restreint des initiés comme une intrusion pernicieuse. Non seulement ces nouveaux impétrants dérogent au rite de consécration commun en ignorant les joies de l’effort au contact de la nature, mais ils modifient en outre le cadre dans lequel évoluent les pratiquants pour le simple plaisir des yeux.

La débâcle du cross olympique de 1924

31Comme nul autre, le parcours de cross olympique pour les Jeux de 1924 à Paris est l’objet de toutes les attentions. L’enjeu est de taille. Cette fête du muscle rassemble entre le 15 mars et le 27 juillet 3 092 athlètes de 45 pays différents, s’affrontant pour la victoire dans près de 120 épreuves [60]. Dès octobre 1923, les échanges réguliers qu’entretient la Commission technique et d’organisation de la FFA avec le Comité olympique français (COF) doivent permettre d’élaborer un projet d’itinéraire à proximité du stade de Colombes, théâtre des épreuves athlétiques. Après plusieurs reconnaissance du terrain, le tracé définitif est adopté le 15 avril 1924 lors d’une réunion au siège du COF, pour une épreuve programmée le 12 juillet [61].

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Parcours du cross olympique de 1924 à proximité du stade de Colombes

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Parcours du cross olympique de 1924 à proximité du stade de Colombes

(Source : Comité olympique français, Les Jeux de la VIIIe Olympiade (Paris, 1924). Rapport officiel, Paris, Librairie de France, 1924, p. 152.)

32L’unique priorité des organisateurs est de proposer un spectacle à la hauteur de l’événement, point d’orgue athlétique pour tous les amateurs de cross. Pour ce faire, le stade de Colombes se dote d’un imposant tableau d’affichage fonctionnant « avec célérité » grâce aux liaisons téléphoniques [62]. Doublé d’un système de haut-parleurs, le speaker peut « s’arrêter plus longuement sur les détails, sur les péripéties d’une épreuve. Il permet le commentaire qui corrige l’aridité des chiffres [63] ». Enfin, la téléphonie sans fil facilite le suivi des épreuves mobiles comme le cross-country au moyen d’une voiture-poste d’émission. Le rapport officiel des Jeux de 1924 y voit une appréciable plus-value :

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Ainsi, le public du Stade vivait la course dans ses moindres détails, suivant la progression ou la défaillance de tel ou tel autre coureur [64].

34Malgré les déboires d’une transmission parfois chaotique [65], la technologie s’invite dans l’enceinte sportive afin de rendre plus lisible le spectacle du cross olympique auprès des spectateurs.

35Tous les éléments sont réunis pour offrir la meilleure promotion possible de cross-country le 12 juillet 1924. Mais, lorsque les athlètes se pressent sur la ligne de départ aux alentours de 15 h 30, l’implacable thermomètre affiche 45° C. Le parcours qui paraissait jusqu’alors si judicieux se transforme en étuve surchauffée, où l’ombre se fait rare. Le long de la Seine, le passage en cuvette se trouve particulièrement exposé. Cloaque brûlant, dépôt d’immondices, cette « porcherie » sécrète « une atmosphère suffocante, putride, dégagée par la fermentation des ordures en faisant le réceptacle asphyxiant et malsain d’odeurs pestilentielles » [66]. De nombreux accidents, abandons, malaises et insolations sont à déplorer dans ces conditions extrêmes. Sur les 55 coureurs inscrits, 38 prennent le départ et seulement 15 parviennent à terminer cette danse du feu [67]. La presse spécialisée et la presse généraliste condamnent unanimement cet « odieux cross-country [68] », ce « cross dangereux [69] », ce « massacross [70] », « disputé par une chaleur sénégalienne [71] ». Même le rapport officiel des Jeux, pourtant assez élogieux et complaisant vis-à-vis de l’organisation olympique, reconnaît le caractère « tragique » de l’épreuve [72]. La victoire du Finlandais Paavo Nurmi passe au second plan, éclipsée par les circonstances exceptionnelles de la course.

36À l’heure du bilan, athlètes et journalistes tirent deux enseignements majeurs de ce fiasco. En premier lieu, tous s’accordent pour en imputer la responsabilité aux instances fédérales, condamnant « le je m’enfichisme technique des dirigeants officiels » incapables d’annuler ou de reporter l’épreuve [73]. Le choix du parcours sans reliefs ni sous-bois est également critiqué, en particulier par Gaston Frémont, l’un des seuls à avoir émis des réserves dès 1923 [74]. Le second point, soulevé entre autres par le poète Géo Charles en 1928, s’exprime sous la forme d’un cri du cœur : « Officiels ! Qu’on nous rende l’hiver [75] ». Il apparaît évident que le cross-country, sport saisonnier, doit rester pratiqué exclusivement d’octobre à mars. Outre les dangers qu’occasionne une épreuve disputée sous un soleil brûlant, la programmation estivale du cross olympique n’est pas sans conséquences sur la préparation des athlètes. Avec ce calendrier étiré, les crossmen ne sont pas en mesure de conserver leur forme jusqu’à l’été. C’est finalement avec beaucoup d’amertume que Gaston Frémont, crossman invétéré, souhaite mettre un terme à ce triste spectacle : « j’espère qu’aux prochains Jeux le cross-country sera supprimé [76] ». Face à l’émoi provoqué, la fédération internationale retire l’épreuve du programme olympique, illustrant les difficultés à concilier de manière satisfaisante les logiques de spectacularisation avec les normes et rites de la communauté émotionnelle.

37Le cross-country ne peut être qu’un greffon incompatible avec les Jeux olympiques estivaux, tant la mise en spectacle dénature l’essence émotionnelle de la pratique. La communauté des crossmen n’est pas prête à renoncer aux joies de l’hiver, aux surprises d’un parcours varié, à la fraîcheur d’une brume matinale, aux bruissements des sous-bois. Elle reste profondément attachée à l’authenticité du « paysage » selon l’acception donnée par Jean-Robert Pitte : une nature ou un pays appréhendé par les sens, comme un filtre culturel propre au groupe [77]. La débâcle de 1924 n’en serait que l’étincelle révélatrice, choc mémoriel tenace décourageant toute velléité olympique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’après 1924 marque ainsi le déclin non de la pratique du cross-country, mais bien de sa mise en spectacle. Tandis que cette discipline athlétique tentée par les sirènes de l’Olympe finit par brûler sous le feu des projecteurs, les crossmen retrouvent l’intimité du bois.

38***

39Que ce soit en compétition, à l’entraînement au sein des clubs ou lors de réunions dominicales plus informelles, l’effort éprouvé en pleine nature par les crossmen constitue le plus petit dénominateur commun de l’expérience du cross-country. Les plaisirs de la pratique l’hiver dans le froid mordant, entre bois et prairies, entre pluie et éclaircies, entre talus et raidillons, font office de rite de consécration, intronisant les néophytes dans la famille des crossmen. Dans ce mode de socialisation singulier, essentiellement masculin, les initiés partagent leurs expériences de course avec les novices, leur apprennent à ressentir, reconnaître et exprimer les différents ébranlements corporels propres à leur sport. De retour au foyer, les témoignages de champions fameux dans la presse ainsi que les manuels d’entraînement viennent cristalliser un système d’appréciation déjà éprouvé sur le terrain. Le succès du cross-country en France entre 1907 et 1924 tient finalement à l’émergence d’une communauté émotionnelle cultivant une sociabilité par l’effort éprouvé qui, sous l’apparence d’un entre-soi, entre en résonance avec des enjeux sociaux plus larges : le retour à la nature, l’hygiénisme, la fraternelle camaraderie. Cette discipline athlétique sort progressivement de l’ombre en intégrant de prestigieuses compétitions internationales comme le Cross des nations ou les Jeux olympiques. Elle participe de la formation physique du soldat durant la Grande Guerre. Enfin, le volontarisme institutionnel impulsé par la FFA pendant les années 1920 parachève la mue du cross-country, prenant désormais toute la lumière. Cependant, une trop forte exposition ébranle le modèle communautaire initial. En privilégiant les tracés « à l’anglaise », sur hippodromes, sans reliefs, abandonnant le manteau blanc de l’hiver, la mise en spectacle des épreuves implique nombre de concessions que les athlètes rechignent à accepter. Les déboires du cross olympique de 1924 – provoquant un vif émoi – représentent à ce titre une bascule décisive. Tandis que s’affirme un goût pour les spectacles sportifs de masse lors des années 1920 et plus encore lors des années 1930, le cross-country se détourne de ce sillon. Les joies d’une pratique authentique ne s’accordent que difficilement avec les exigences d’une scénographie sportive.


Mots-clés éditeurs : socialisation, émotions, cross-country, effort, France

Date de mise en ligne : 31/05/2021

https://doi.org/10.3917/vin.149.0003

Notes

  • [1]
    Miroir de l’athlétisme, 50, février 1969, dossier spécial « La mort du cross ».
  • [2]
    Jean-Bernard Paillisser et Henri Leglise, « Dossier : l’avenir du cross-country », La revue de l’Association des entraîneurs français d’athlétisme, 229, 2018, p. 24.
  • [3]
    Ibid., p. 24-25.
  • [4]
  • [5]
    Jean-Claude Raufaste, La Passion du cross-country. De 1837 à 2018, Billère, La Biscouette, 2018 ; Bernard Germond, L’Histoire du cross-country en Eure et Loir, Puteaux, Les éditions du Net, 2012.
  • [6]
    Andrew Boyd Hutchinson, The Complete History of Cross-Country Running. From the Nineteenth Century to the Present Day, New York, Carrel Books, 2018
  • [7]
    Le Cross des nations est créé en 1903 dans le but de provoquer une émulation entre les équipes d’Écosse, d’Irlande, du Pays de Galles et d’Angleterre. La France constitue le cinquième pays admis à ce challenge international, ancêtre des championnats du monde.
  • [8]
    Claude Dubar, La Socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 2015, p. 15-16.
  • [9]
    Le concept de « communautés émotionnelles » désigne, selon la médiéviste Barbara Rosenwein, « des groupes sociaux dans lesquels les individus sont animés par des intérêts, des valeurs et des styles émotionnels communs ou similaires ». Barbara H. Rosenwein, « Les communautés émotionnelles et le corps », Médiévales, 61, 2011, p. 55-75, p. 55.
  • [10]
    Maurice Halbwachs, texte présenté et annoté par Christophe Granger, « L’expression des émotions et la société », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 123, 2014, p. 39-48, p. 42.
  • [11]
    William M. Reddy, The Navigation of Feeling. A Framework for the History of Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
  • [12]
    Norbert Élias et Éric Dunning, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Pocket, 1998 [1986].
  • [13]
    M. Halbwachs, « L’expression des émotions… », art. cité, p. 47.
  • [14]
    Voir la rubrique « L’homme sportif du jour » du Miroir des sports, en particulier les numéros suivants : 370, 20 janvier 1921, p. 42 ; 376, 3 mars 1921, p. 138 ; 378, 17 mars 1921, p. 170 ; 471, 28 décembre 1922, p. 407 ; 474, 18 janvier 1923, p. 44.
  • [15]
    Gaston Frémont, « La Fédération française d’athlétisme est entrée dans sa 11e année d’existence », L’Auto, 10976, 3 janvier 1931, p. 1.
  • [16]
    L’Athlétisme, 110, 10 novembre 1923, p. 6.
  • [17]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 811, 4 avril 1914, p. 312.
  • [18]
    Complétant l’analyse des archives audiovisuelles, les actualités cinématographiques du journal Gaumont offrent une plus large visibilité aux athlètes évoluant en pleine nature. 56 % des 92 extraits relatifs à la thématique du cross-country filmés entre 1907 et 1924 présentent au moins une séquence de course en pleine nature, dont 26 % dans les bois. La trame narrative « départ – franchissement d’un obstacle ou course en nature – arrivée – portrait » est privilégiée dans ces extraits compris entre 20 secondes et 2 minutes. Ces chiffres restent relativement bas au regard de la place centrale qu’occupe le milieu naturel dans l’imaginaire et la pratique du crossman.
  • [19]
    Nous faisons référence à Paul Souchon, « Cross-country », in Les Chants du stade, Paris, Éditions du nouveau monde, 1923, p. 96-98 ; Charles Guyot, « Cross-country », in Sports. Poèmes, Paris, Éditions de Montparnasse, 1923, p. 25.
  • [20]
    Jean Bouin, « L’Entraînement pour le cross-country », La Vie au grand air, 655, 8 avril 1911, p. 216.
  • [21]
    Louis Maertens, « Le cross-country », in La Course à pied. Piste, route, cross-country, Paris, Lucien Labeur, 1909, p. 95-96.
  • [22]
    Pierre et Jean Garcet de Vauresmont, « Le cross-country », in Les Sports athlétiques. Football – course à pied – saut – lancement, Paris, Bibliothèque Larousse, 1924 [1912], p. 90.
  • [23]
    Selon Pierre Bourdieu, les rites de consécration ont une fonction sociale essentielle : « séparer ceux qui l’ont subi non de ceux qui ne l’ont pas encore subi, mais de ceux qui ne le subiront en aucune façon et d’instituer ainsi une différence durable entre ceux que ce rite concerne et ceux qu’il ne concerne pas. C’est pourquoi, plutôt que rites de passage, je dirais volontiers rites de consécration, ou rites de légitimation ou, tout simplement, rites d’institution » (Pierre Bourdieu, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, 43, 1982, p. 58).
  • [24]
    Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme. Le mythe du retour à la nature, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.
  • [25]
    Georges Vigarello, Histoire de la fatigue. Du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 2020, p. 247.
  • [26]
    Paul Adam, « Le sport et l’émotion », in La Morale des sports, Paris, La librairie mondiale, 1907, p. 129-134.
  • [27]
    Frantz Reichel et Émile Anthoine, « Les sports athlétiques », in Patronage de l’Académie des sports et du Comité national des sports (COF), Encyclopédie des sports, Paris, Librairie de France, 1924, t. 1, p. 322.
  • [28]
    A. Baubérot, Histoire du naturisme…, op. cit., p. 13.
  • [29]
    Ibid., p. 281-307.
  • [30]
    Gaston Ragueneau et Paul Boucher, Le Cross-country. Conseils techniques d’entraînements aux débutants et aux amateurs, Amiens, Léveillard, 1922 ; Jacques Keyser et Gaston Frémont, Le Cross-country, Paris, Bornemann, 1924.
  • [31]
    Lucien Duquesne, « L’entraînement au cross-country », Très Sport, 22, février 1924, p. 12.
  • [32]
    J. Keyser et G. Frémont, Le Cross-country, op. cit., p. 13.
  • [33]
    Salmson-Creak, Guide du parfait sportif. L’entraînement américain, t. 3 : La course. Le saut. Le lancer, Paris, Brenet, 1924, p. 54.
  • [34]
    Fernand Lagrange, Physiologie des exercices du corps, Paris, Félix Alcan, 1888 ; Philippe Tissié, La Fatigue et l’entraînement physique, Paris, Félix Alcan, 1897.
  • [35]
    Louis Maertens, « Le cross-country périclite en France parce que la province délaisse ce sport », Le Miroir des sports, 419, 29 décembre 1921, p. 402.
  • [36]
    Géo Lefèvre, « Le Coach ? Nous en aurions bien besoin en France », La Vie au grand air, 726, 17 août 1912, p. 641.
  • [37]
    Bernard Maccario, Jean Bouin. Héros du sport, héros de la Grande Guerre, Paris, Chistéra, 2018, p. 117.
  • [38]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 806, 28 février 1914, p. 201-202.
  • [39]
    Jean Bouin, « Les secrets de la course à pied », La Vie au grand air, 807, 7 mars 1914, p. 220.
  • [40]
    Jean Lhermit, Les Sports pédestres, Paris, Nilsson, 1911, p. 22 ; voir aussi Émile Anthoine, L’Athlétisme, Paris, Nilsson, 1914, p. 21.
  • [41]
    Michel Renard, « Comment on devient coureur de cross-country », Le Miroir des sports, 361, 18 novembre 1920, p. 314.
  • [42]
    Ernest Weber, Sports athlétiques, Paris, Garnier Frères, 1905, p. 129.
  • [43]
    J. Lhermit, Les Sports pédestres, op. cit., p. 77.
  • [44]
    Jean Bouin et André Glarner, « Le cross-country », in Comment on devient champion de course à pied, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1912, p. 47.
  • [45]
    Walter George, « L’entraînement pour le cross-country », La Vie au grand air, 744, 21 décembre 1912, p. 984.
  • [46]
    Jacques Keyser, « La reprise du sport à l’arrière », La Vie au grand air, 829, 15 juin 1916, p. 43.
  • [47]
    Pour les trois ans du CEP, un article de L’Auto présente un bilan rétrospectif en avançant le chiffre de 12 000 adhérents en 1917, en s’appuyant sur le bulletin quotidien du CEP (« Les trois ans du CEP », L’Auto, 6158, 1er décembre 1917, p. 1). Ces chiffres doivent être considérés avec prudence. Il est tout à fait possible que le bulletin du CEP ait surestimé les effectifs.
  • [48]
    Henri Desgrange, « La leçon de la guerre. Pour l’éducation physique de notre jeunesse », L’Auto, 5040, 1er novembre 1914, p. 2.
  • [49]
    Henri Decoin, « La forme et la guerre », La Vie au grand air, 832, 15 mars 1917, p. 31.
  • [50]
    Christophe Granger, « Les lumières du stade. Football et goût du spectaculaire dans l’entre-deux-guerres », Sociétés & Représentations, 31, 2011, p. 105-124, p. 107.
  • [51]
    Pierre Pelletier, La Religion du record, Paris, Éd. de l’As, 1927.
  • [52]
    Commission technique et d’organisation, Séance du 20 décembre 1921, L’Athlétisme, 12, 24 décembre 1921, p. 1.
  • [53]
    Compte rendu officiel du Conseil du 19 février 1923, L’Athlétisme, 73, 24 février 1923, p. 5.
  • [54]
    Gaston Ragueneau, « Cross-countries d’autrefois et cross-countries d’aujourd’hui », Le Miroir des sports, 428, 2 mars 1922, p. 143. Ce chiffre doit être considéré avec prudence. Gaston Ragueneau est très critique vis-à-vis des tracés « à l’anglaise », et dénombrer avec exactitude les spectateurs éparpillés sur le parcours au début du 20e siècle reste une gageure. Le ressenti personnel prévaut sur le compte rendu objectif.
  • [55]
    L. Duquesne, « L’entraînement au cross… », art. cité, p. 1.
  • [56]
    G. Ragueneau, « Cross-countries… », art. cité, p. 143.
  • [57]
    Ibid., p. 143.
  • [58]
    Géo André, « La grande controverse au sujet des courses à travers champs. Devons-nous adopter les parcours de cross-country anglais ? Mais non. Contentons-nous de tracer des cross à la française », Le Miroir des sports, 572, 17 décembre 1924, p. 442.
  • [59]
    Géo André et Paul Bouchard, « Deux opinions », L’Athlétisme. Bulletin officiel de la Fédération française d’athlétisme, 167, 13 décembre 1924, p. 6.
  • [60]
    Thierry Terret, Les Paris des Jeux olympiques de 1924, Paris, Atlantica, vol. 1, 2008, « Introduction générale », p. 9-28.
  • [61]
    L’Athlétisme, 134, 26 avril 1924, p. 13.
  • [62]
    Comité olympique français, Les Jeux…, op. cit., p. 72-73.
  • [63]
    Ibid., p. 73.
  • [64]
    Ibid., p. 74.
  • [65]
    « Il y a bien un poste de TSF qui doit nous renseigner sur les phases du cross-country, mais les récepteurs ne doivent rien entendre, car longtemps le cross se déroule hors de notre vue ou de nos oreilles. » (« Autour du stade et en quelques lignes », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 4.)
  • [66]
    Pierre Lewden, Un champion à la hauteur. Les souvenirs d’un médaillé olympique, Paris, Polymédias, 1991, p. 171.
  • [67]
    Comité olympique français, Les Jeux de la VIIIe Olympiade (Paris, 1924). Rapport officiel, Paris, Librairie de France, 1924, op. cit., p. 151.
  • [68]
    « Les Jeux olympiques. Journée creuse, l’odieux cross-country », L’Humanité, 7502, 13 juillet 1924, p. 3.
  • [69]
    Géo André, « Un cross dangereux », Le Miroir du sport, 554, 16 juillet 1924, p. 75.
  • [70]
    P. Lewden, Un champion…, op. cit., p. 171.
  • [71]
    Gaston Bénac, « L’imbattable Paavo Nurmi remporte le cross-country et sa troisième victoire », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 1.
  • [72]
    Comité olympique français, Les Jeux…, op. cit., p. 151, 155.
  • [73]
    « Les Jeux olympiques… », art. cité, L’Humanité, p. 3.
  • [74]
    Gaston Frémont, « Est-il possible d’organiser le cross olympique à Colombes ? », L’Auto, 8369, 14 novembre 1923, p. 5.
  • [75]
    Géo Charles, VIIIe Olympiade (1924-1928), Paris, Éd. l’Équerre, 1928, p. 61.
  • [76]
    Gaston Frémont, « Le phénomène Nurmi et l’équipe de Finlande enlèvent le cross-country », L’Auto, 8611, 13 juillet 1924, p. 4.
  • [77]
    Jean-Robert Pitte, Géographie culturelle, Paris, Fayard, 2006, p. 22.

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