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Pages 153 à 163

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Les disparus de la guerre d’Algérie

1Le 20 septembre 2019, une journée d’étude intitulée « Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises. Vérité et justice ? » s’est tenue à l’Assemblée nationale. Elle s’inscrivait dans le cadre des suites attendues de la déclaration du président de la République du 13 septembre 2018 lors de sa visite à Josette Audin, veuve du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, « disparu » à l’âge de 25 ans à la suite de son arrestation à Alger, le 10 juin 1957, par des parachutistes français. Rompant avec des décennies de mensonges, le chef de l’État a déclaré à cette occasion : « La disparition de Maurice Audin a été rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement : le système appelé “arrestation-détention” à l’époque même, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger “tout suspect dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire” » et affirmant que « ce système s’est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux ». Un communiqué de la présidence de la République du 13 septembre 2018 annonçait la semaine suivante : « Le président de la République souhaite que toutes les archives de l’État qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens. » Plus d’un an après ces déclarations et annonces, la question de l’ouverture des archives reste posée. Elle a été au centre des débats de cette journée, dont l’initiative revient à Jean-Pierre Raoult et aux juristes Catherine Teitgen-Colly, Emmanuel Decaux et Kathia Martin-Chenut. Ceux-ci ont pris contact avec des historiennes et des archivistes comme Caroline Piketty, des Archives nationales, afin de constituer un comité scientifique. Cette journée d’étude a été soutenue par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), par l’Association des archivistes français (AAF), l’Association Maurice Audin et par d’autres associations, notamment celles ayant joué un rôle de défense des droits durant la guerre d’Algérie ou s’intéressant à la question des droits des familles de disparus (Ligue des droits de l’homme, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples [MRAP], Comité inter-mouvements auprès des évacués [CIMADE]).

2Les actes de cette journée, qui a rassemblé autour des organisateurs historiens, juristes et archivistes, paraîtront dans plusieurs publications françaises et anglaises. Ils sont déjà en ligne sur le site histoirecoloniale.net[1]. Le service interministériel des archives de France (SFIAF) avait annoncé, par la voix de Jean-Charles Bédague, pour le 27 mars 2020, une journée d’étude sur le sujet des disparus et la présentation ce même jour d’un guide numérique pour les familles. La journée, programmée sur le site de Pierrefitte des Archives nationales, a été reportée au 4 décembre 2020, en raison du contexte sanitaire. Le guide est paru à la date prévue [2]. Raphaëlle branche en fera une critique dans le prochain numéro de la revue.

3Gilles Morin

Hommage à Brigitte Lainé

4A été rappelée à l’occasion de la journée d’étude du 20 septembre 2019 évoquée ci-dessus la mémoire de Brigitte Laîné, archiviste particulièrement compétente et exemplaire à laquelle de nombreux historiens de la fin du 20e siècle doivent beaucoup. Elle avait été sanctionnée par sa hiérarchie, avec son collègue Philippe Grand, pour avoir facilité les recherches d’historiens sur les disparus du funeste 17 octobre 1961. Cet épisode, qui s’inscrivait dans le cadre du procès intenté par Maurice Papon à Jean-Luc Énaudi, a été largement couvert par la presse de l’époque. Il a déchiré alors le milieu des archivistes. Après des historiens qui ont déjà tenu à saluer sa mémoire de façon parfois polémique[3], la revue 20 & 21 a tenu à publier ici un extrait de la communication prononcée lors de cette journée par une archiviste, Caroline Piketty, qui témoigne des débats que Brigitte Laîné a ouverts dans son milieu.

5Caroline Piketty, conservatrice du patrimoine, a classé des fonds majeurs du 20e siècle et réalisé de très nombreux instruments de recherche, tant au Service historique de la défense (SHD) de Vincennes qu’aux Archives nationales. Elle a travaillé notamment sur les fonds de la guerre d’Algérie et de la Seconde Guerre mondiale et classé des fonds privés importants, comme le fonds Jean Zay et celui de Georgette Elgey. Par ailleurs, à Paris, puis à Pierrefitte, elle a créé le bien nommé « bureau d’aide aux familles », permettant à des citoyens méconnaissant l’usage des archives d’avoir plus facilement accès à la documentation archivée établissant leurs droits ou leur histoire familiale. Enfin, après avoir été l’une des animatrices de l’association « Une Cité pour les archives », elle a joué un rôle essentiel dans la mise en pratique de l’ouverture des archives de la Seconde Guerre mondiale, en animant notamment le comité des usagers créé à cet effet sur sa proposition. Au moment de son départ en retraite, c’est aussi un hommage indirect que lui rendent les animateurs de cette rubrique.

6« Il me revient d’introduire la partie dédiée aux archives en partant d’un événement exceptionnel, la répression de la manifestation parisienne du 17 octobre 1961 : je la présenterai sous l’angle des questions posées il y a vingt ans par deux confrères en poste aux Archives de Paris, Brigitte Laîné et Philippe Grand. Tous deux ont eu l’audace de questionner l’accès aux archives de cette période. À la fin des années 1990, les deux temps noirs de l’histoire française contemporaine – l’Occupation et la guerre d’Algérie – se télescopent, qu’il s’agisse du contexte d’exception qui ont été les leurs ou de l’accès aux documents des décennies plus tard. Les responsabilités de Maurice Papon l’ont placé au centre de deux procès entre 1997 et 1999. C’est précisément à cette période que l’accès aux traces de ces événements a généré des polémiques, au cœur desquelles Brigitte Laîné et Philippe Grand ont soulevé des problèmes déontologiques majeurs tout en payant de leur personne.

7Au soir du 17 octobre 1961, après avoir été roués de coups par des policiers aux ordres de Maurice Papon, des hommes et des femmes d’origine musulmane et algérienne venus protester à Paris contre le couvre-feu qui leur était imposé ont été conduits dans le centre de tri de Vincennes, au Palais des sports ou encore au Parc des expositions. Nombre d’entre eux ont tout simplement disparu, soit qu’ils aient été tabassés à mort et non retrouvés, soit qu’ils aient été balancés dans la Seine et non repêchés. Leur nombre ne sera jamais connu avec précision, pour la simple raison que ces actes n’ont pas été consignés par leurs exécuteurs. Seules restent les traces de ceux pour lesquels des investigations ont été diligentées au moment des événements. Les archives deviennent alors essentielles pour les familles des disparus, comme pour les historiens ou les citoyens que nous sommes.

8Le 8 octobre 1997 s’ouvre à Bordeaux le procès de Maurice Papon devant les assises de la Gironde. Il est poursuivi en raison de son rôle dans la déportation de Juifs sous l’Occupation. À ce moment-là, je viens d’entrer dans la mission sur la spoliation des Juifs de France, présidée par Jean Mattéoli. C’est la raison pour laquelle, le 22 octobre 1997, j’arrive aux Archives de Paris, où le directeur François Gasnault m’a donné rendez-vous. Je sors de ma sacoche le journal Libération acheté en sortant du métro. La une présente un extrait d’un registre d’information du Parquet de la Seine, avec pour titre « 17 octobre 1961, les premiers documents ». On y voit la trace d’individus morts, parfois anonymes, parfois avec leurs noms, avec la mention FMA, « Français musulmans d’Algérie », suivie du nom du magistrat instructeur et de l’indication qu’une information a été ouverte. Pour certains, il est mentionné que le corps a été repêché dans la Seine, à telle ou telle hauteur du fleuve. À peine arrivée dans le bureau du directeur, je lui demande à voir ce registre. Il refuse en me disant : « Tu connais la loi sur les archives ». J’apprendrai peu après que l’article était paru grâce à David Assouline, historien et membre de l’association Au nom de la mémoire, à qui Philippe Grand avait communiqué et reproduit des extraits de ce registre. Philippe Grand s’était appuyé sur la décision que venait de prendre la ministre de la Culture Catherine Trautmann, demandant l’ouverture des archives sur la journée du 17 octobre 1961.

9Cette révélation dans la presse déclenche une série de décisions. Philippe Grand fait l’objet d’une enquête administrative. Quant au ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, il confie au conseiller d’État Dieudonné Mandelkern une mission pour faire l’état des archives de la police sur cette manifestation et sur sa répression. À l’époque et pour la mission Mattéoli, je travaillais souvent aux archives de la préfecture de police, car nous avions accès à tous les documents, y compris ceux entreposés dans la cave de la rue des Carmes. Je me souviens d’un haut fonctionnaire de ce service qui s’est plaint alors devant moi, en me disant : « Après les Juifs, les Arabes ».

10À peine un an plus tard, en février 1999, s’ouvre le procès en diffamation intenté par Maurice Papon contre Jean-Luc Einaudi qui comparaît devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour « complicité de diffamation envers un fonctionnaire public ». Historien militant, Jean-Luc Einaudi, qui avait publié en 1991 La Bataille de Paris. 17 octobre 1961[4], est en effet poursuivi en diffamation au sujet d’une libre opinion publiée dans Le Monde du 20 mai 1998 [5], dans laquelle il met en cause Maurice Papon dans la répression sanglante de cette manifestation. Le 11 février 1999, les témoins cités par Jean-Luc Einaudi se succèdent à la barre. Brigitte Laîné est la dernière à comparaître. Elle témoigne en tant que responsable des fonds judiciaires aux Archives de Paris. Son témoignage est déterminant puisqu’elle affirme avoir accès aux archives dont Jean-Luc Einaudi a besoin pour assurer sa défense et qui lui ont été refusées malgré sa demande de dérogation, alors qu’elles ont été communiquées à d’autres chercheurs. Elle souligne « la disparition inexpliquée d’environ un tiers des dossiers du tribunal d’instance de Paris [6] ». Elle ne cite aucun nom, ni de victimes, ni d’avocats ou de magistrats instructeurs, mais atteste sous serment l’existence de documents confirmant l’importance de la répression. À l’avocat de Maurice Papon, Maître Varaut, qui insinue son manque de professionnalisme, elle rétorque qu’on peut envoyer une estafette pour chercher les registres du Parquet aux Archives de Paris. Parallèlement, Philippe Grand envoie un témoignage de même nature. Leurs interventions sont décisives : Jean-Luc Einaudi est relaxé, Maurice Papon débouté.

11Mais Brigitte Laîné et Philippe Grand sont aussitôt sanctionnés par leur administration. S’ensuivent des années durant lesquelles ces deux archivistes seront placardisés et privés de tout travail dans les fonds judiciaires, interdits de tout contact avec le public. Certes, ils seront immédiatement soutenus par des chercheurs anglo-saxons, reconnaissants pour l’aide qu’ils leur ont fournie depuis des années et affirmant dans une pétition qu’ils ont éclairé par leurs témoignages la nuit la plus infâme de la Cinquième République. Ils seront défendus également par le Conseil international des archives, sous la voix de son président Eric Ketelaar, ou encore par la Ligue des droits de l’homme de Toulon. Mais ils seront la cible de nombreux responsables d’archives qui, dans une contre-pétition, se déclarent inquiets « devant le long silence gardé par le gouvernement sur la violation caractérisée […] de la déontologie professionnelle des archivistes commise par deux conservateurs des Archives de Paris [7] ». Ils rappellent que les archivistes sont les gardiens des secrets d’État. Curieusement, le ministère de la Culture ne répond pas aux appels à sanction, et c’est la direction des Archives de Paris qui met en œuvre l’isolement des deux conservateurs, sans que la mairie de Paris ne s’y oppose. S’ensuit une bataille rangée, au cours de laquelle Brigitte Laîné et Philippe Grand tentent de faire valoir leurs droits. C’est seulement en 2004 qu’un jugement du tribunal de Paris rétablit Brigitte Laîné dans les fonctions qu’elle occupait en 1999. Lorsqu’elle décède en 2018, l’École nationale des chartes salue les qualités professionnelles de Brigitte Laîné, mais ne fait aucune allusion au rôle qu’elle joua à la fin des années 1990. Si la direction des Archives de Paris indique que « son esprit d’indépendance et de liberté, sa conscience politique, l’amènent parfois à tenir des positions lourdes de conséquences », elle précise que Brigitte Laîné « l’assume entièrement. Quoi qu’il en soit, après heurs et malheurs, l’héritage qu’elle laisse aux Archives de Paris est colossal et mérite d’être rappelé ».

12Caroline Piketty

Les déclassifications en pratique : restrictions nouvelles et épuration des archives au Service historique de la défense

13Le Service historique de la défense (SHD) met en place, depuis le début de l’année 2020, la politique de déclassification imposée par le secrétariat général du gouvernement et les services de sécurité, en s’appuyant sur l’Instruction générale interministérielle (IGI) n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, déjà évoquée dans les numéros 142 et 143 de 20 & 21. Revue d’histoire. Deux conséquences en découlent : des retards dans les communications, un tri dans les documents classifiés qui conduit à en rendre une partie incommunicable, sans possibilité de recours.

14Le SHD a publié le communiqué suivant :

15

Liste des séries et sous-séries susceptibles de contenir des documents classifiés et soumises à contrôle préalable
Pour toute demande de réservation portant sur des articles contenus dans les séries mentionnées ci-dessous, un délai minimal de dix jours est à prévoir entre la date de réservation et la date de séance souhaitée.
En fonction de l’issue des opérations de contrôle visant à repérer les documents portant des mentions de classification au sein des archives concernées par la demande, la date de réservation sera soit confirmée, soit reportée et soumise à l’aboutissement des procédures de déclassification mises en œuvre.
Les lecteurs seront tenus informés à chaque étape sur la suite donnée à leur réservation. Le SHD est conscient des contraintes ainsi occasionnées et vous remercie pour votre compréhension.

16Suit une longue série de plus de 300 cotes [8], classées par services (armée de terre, de l’air, marine, gendarmerie, etc.), sans oublier des archives privées. Dans la première quinzaine de janvier 2020, des centaines de cartons demandés par des lecteurs ont déjà été bloquées. Ils portent surtout sur les périodes suivantes : guerre d’Indochine, guerre d’Algérie et Seconde Guerre mondiale. Alors que le service manquait jusqu’alors de personnel pour établir de nouveaux inventaires, une trentaine de personnes auraient été recrutées pour cette tâche [9].

1720 & 21. Revue d’histoire commence une enquête sur les pratiques des différents services d’archives en matière de déclassification. Nous en rendrons compte dans les numéros à venir. Signalons que diverses initiatives sont d’ores et déjà en cours pour contester la supériorité juridique de l’IGI 1300 envers la loi sur les archives de 2008. Une question parlementaire (n° 25022 posée à ce sujet par un député LREM, Jacques Marilossian) n’a pas encore reçu de réponse. On peut y lire notamment : « Ces dispositions réglementaires apparaissent disproportionnées et contre-productives concernant l’accès de plein de droit [sic] des archives publiques. Elles sont même contraires à la loi qui est supposée supérieure à la réglementation [10] ».

18Gilles Morin

Instruments de recherche

Nouveaux fonds du ministère de l’Intérieur accessibles aux Archives nationales

19Le site informatique, dit « salle des inventaires virtuelle », des Archives nationales s’est enrichi fin 2019 de plusieurs instruments de recherche donnant accès à des fonds versés par le ministère de l’Intérieur. Ils viennent compléter les fonds susceptibles d’être conservés en archives départementales.

20Évoquons tout d’abord des archives produites par la direction de la Surveillance du territoire (DST). En application de l’arrêté du 24 décembre 2015, 32 cartons de la série 20180773, comprenant 3 000 nouveaux dossiers produits par la DST entre 1945 et 1948, ont été versés en 2019 par la mission des Archives de France auprès du ministère de l’Intérieur. Ils sont dorénavant librement communicables aux chercheurs après leur déclassification. Ces dossiers individuels prennent directement la suite des versements effectués entre 1999 et 2016, et portent à près de 21 000 dossiers cet ensemble. Le fonds couvre l’ensemble du territoire. La direction parisienne avait en effet pour mission de centraliser les informations transmises par ses brigades (de surveillance du territoire) dans les départements, dans le but de coordonner et d’orienter les interrogatoires des suspects de collaboration.

21Pour faciliter la consultation des descriptions, l’instrument de recherche méthodique existant a été scindé en deux volumes. Conformément à la réglementation, les données à caractère personnel ne sont pas diffusées sur internet ; l’intégralité de ces deux instruments de recherche n’est disponible que sur le réseau des Archives nationales (dit « SIA interne ») consultable sur place à Pierrefitte ou à Paris.

22Deuxième fonds, celui des dossiers d’enquêtes judiciaires datant de 1940 aux années 1960 conservés au sein des séries thématiques du fichier dit « des 15 000 ». Les travaux de description se poursuivent. Ces dossiers concernent des faits commis sur l’ensemble du territoire, signalés par les services régionaux de police judiciaire à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Ils complètent les archives des services régionaux de police judiciaire (SRPJ) disponibles en archives départementales.

23Six nouveaux instruments de recherche sont accessibles en salle des inventaires virtuelle :

  • 19880016/31-19880016/52 ; FRAN_IR_057775 ; Intérieur ; Direction générale de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire concernant des meurtres et assassinats entre 1950 et 1959 (série 15205)
  • 19880181/1-19880181/2 ; FRAN_IR_057787 : Intérieur ; Direction de la Sûreté nationale. Fichier de la police judiciaire : affaires relatives à des évasions (série 15219)
  • 19890151/11-19890151/13 ; FRAN_IR_058200 : Intérieur ; Direction de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire concernant des grèves et manifestations (série 15225)
  • 19890151/6-19890151/11 ; FRAN_IR_057823 : Intérieur ; Direction de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire concernant des individus suspects (série 15227)
  • 19890151/13 ; FRAN_IR_058286 : Intérieur ; Direction de la sûreté nationale. Fichier de police judiciaire concernant la traite des blanches (série 15259)
  • 19890151/13-19890151/14 ; FRAN_IR_058287 : Intérieur ; Direction de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire concernant des plaintes diverses (série 15260)

24La description complète des dossiers comprenant des données à caractère personnel n’est accessible qu’en salle des inventaires locale. Les dossiers relatifs à des faits liés à la Seconde Guerre mondiale sont librement communicables en application de l’arrêté du 24 décembre 2015. Ces instruments de recherche viennent compléter l’ensemble des inventaires portant sur certaines séries de ce fichier de police judiciaire déjà disponibles [11].

Les archives de Bernard Poignant

25Bernard Poignant, agrégé d’histoire, professeur à l’Université de Bretagne occidentale, s’est engagé à la section socialiste de Quimper en 1975. Il a occupé de nombreux mandats partisans et électifs, comme premier secrétaire de la fédération du Finistère, membre du comité directeur du PS, président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR), député du Finistère, maire de Quimper, conseiller régional de Bretagne et député européen. Proche de Michel Rocard, il a ensuite été conseiller de Lionel Jospin, puis de François Hollande, dont il a été chargé de mission bénévole à l’Élysée.

26Selon cet inventaire,

27

[…] le classement de ces archives a été réalisé de manière chronologique afin de respecter le fonds. La première partie contient des éléments sur son parcours personnel et notamment une revue de presse. La deuxième est consacrée à ses activités au sein du Parti socialiste, aussi bien au niveau national qu’au niveau local. Puis les troisième, quatrième et cinquième parties réunissent respectivement les documents liés à ses actions auprès de Michel Rocard, Lionel Jospin et François Hollande.

28Ce fonds comprend des archives privées, soumises à autorisation de consultation du donateur, et des archives publiques, soumises aux délais légaux de consultation. Conformément à la convention du 26 juin 2014 liant la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) aux Archives nationales, un protocole de remise de fonds d’archives publiques a été signé avec les Archives nationales le 16 avril 2019. Il prévoit que les archives publiques leur soient confiées dans un délai de quinze ans. L’inventaire a été établi par Émeline Grolleau, archiviste des Archives d’histoire contemporaine (AHC), sous la direction d’Odile Gaultier-Voituriez, responsable de la coordination archivistique et documentaire du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et du Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP) [12].

Iconographie

29Paris Musées diffuse gratuitement et sans restriction plus de 100 000 reproductions numériques des œuvres des collections des musées de la Ville de Paris. Ces images sont accessibles gratuitement depuis le portail des collections de Paris Musées [13]. Elles représentent des œuvres appartenant au domaine public sous licence Creative Commons Zero. Elles sont téléchargeables en haute définition (300 dpi – 3 000 pixels) à l’exception des œuvres encore soumises à des droits : celles-ci ne sont disponibles qu’en basse définition. « Cette ouverture des données garantit le libre accès et la réutilisation par tous de fichiers numériques, sans restriction technique, juridique ou financière, pour un usage commercial ou non », précise Paris Musées.

30Au-delà du fichier image, l’internaute télécharge une notice de l’œuvre et une charte des bonnes pratiques qui l’invite à citer la source et les informations sur l’œuvre. À terme, des expositions virtuelles seront organisées avec ce corpus documentaire numérisé en haute définition.

31Ces 100 000 images sont également mises à disposition des internautes sur Wikimédia Commons, qui a été choisi par Paris Musées comme partenaire en raison de son engagement « dans le libre partage de la connaissance » [14].

Bases de données : fichier Insee des 24 millions de personnes décédées en France depuis 1970

32L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) met à disposition de tous la liste des personnes décédées à partir des informations reçues de la part des communes. N’y figurent que les décès dont l’Insee a eu connaissance. Le site du Premier ministre précise tout d’abord le cadre juridique de cette opération :

33

Selon l’avis de la CADA du 17 mai 2019 : le fichier des personnes décédées étant établi par l’Insee dans le cadre de ses missions de service public, il constitue, à ce titre, un document administratif. Ne contenant pas de mentions relatives à la vie privée, il est communicable à toute personne qui en fait la demande et publiable en ligne en application des dispositions des articles L. 311-9 et L. 312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration, sans occultation puisqu’il ne comporte pas de données personnelles. Il est également réutilisable dans les conditions prévues par le titre II de ce livre, les finalités d’un traitement ne faisant pas obstacle à la réutilisation des informations publiques dans les conditions prévues par le Code des relations entre le public et l’administration.

34Puis, il précise les modalités de cet outil :

35

Les fichiers des personnes décédées sont disponibles depuis 1970. Pour les années 1970 à l’année précédant l’année en cours, les fichiers sont annuels. Pour l’année en cours, les fichiers sont mensuels et trimestriels. Chaque fichier mensuel comprend tous les décès portés à la connaissance de l’Insee sur la période ; il peut contenir des données relatives à un décès survenu antérieurement si l’information est parvenue tardivement à l’Insee. Les fichiers trimestriels concatènent les trois fichiers mensuels et les fichiers annuels l’ensemble des fichiers de l’année.
L’Insee ne peut garantir que les fichiers des personnes décédées sont exempts d’omissions ou d’erreurs ; il ne saurait encourir aucune responsabilité quant à l’utilisation faite des informations contenues dans ces fichiers. En particulier, les informations contenues dans ces fichiers ne peuvent en aucun cas être utilisées dans un but de certification du statut vital des personnes.

36Chaque enregistrement est relatif à une personne décédée. Une fiche comprend le nom de famille, les prénoms, le sexe, le lieu et la date de naissance en clair (pour les personnes nées en France ou dans les DOM/TOM/COM ou le libellé de pays de naissance en clair pour les personnes nées à l’étranger), le lieu et la date de décès, ainsi que le numéro de l’acte. Le fichier est fourni au format tx.

37Les sites de généalogie observent judicieusement que chercher un nom reste une opération fastidieuse : la liste est publiée sous forme de fichiers téléchargeables, découpés au choix par tranches de mois, de trimestres ou d’années. Aussi, les sites ont simplifié la procédure de recherche en ajoutant cette liste à leurs bases de données et en indexant l’intégralité des noms, soit près de 25 millions de personnes ! Pour Geneanet, cette option est réservée aux membres Premium [15] et pour Filae.com aux abonnés.

L’ouverture des Archives du Vatican sur la période 1939-1958

38« J’ai décidé que l’ouverture des archives du Vatican pour le pontificat de Pie XII aurait lieu le 2 mars 2020 », soit au 81e anniversaire de l’élection d’Eugenio Pacelli à la papauté, a déclaré le pape François en recevant les archivistes du Saint-Siège en mars 2020 [16]. Déjà, en octobre 2017, Jean-Louis Bruguès, archiviste et bibliothécaire de l’Église romaine, avait annoncé que le classement des archives du pontificat de Pie XII était achevé.

39Des chercheurs reviendront dans les numéros à venir de cette rubrique sur ces fonds nouveaux. La nouvelle a été largement reprise par la presse, car ces archives renseignent l’attitude de Pie XII face à la Shoah. Par-delà l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et l’histoire des religions (avec, par exemple, la crise des prêtres-ouvriers et les prémisses de la théologie de la Libération), cette ouverture devrait apporter des éclairages à la connaissance d’autres événements de la période, notamment concernant la guerre froide et la décolonisation.

40Gilles Morin

Droit de réponse

Nous publions sous la forme d’un droit de réponse, tel qu’il nous a été transmis, conformément à la loi, le texte suivant que nous a adressé Mme Annie Lacroix-Riz

41L’article « Du mésusage des archives et de l’histoire » signé de M. Gilles Morin (ci-après l’« Article ») n’a rien d’une critique objective de mon travail d’historienne et de mon dernier livre « La NON-épuration en France de 1943 aux années 1950 ». Dès les premières lignes, l’ambition est en effet clairement affichée : faire cesser sa « résonance » dans les « les réseaux sociaux », laquelle « ne peut être négligée éternellement » ! Selon M. Morin en effet, mon livre serait assimilable à un « réquisitoire implacable […] contre l’historiographie française de la Seconde Guerre mondiale ». Le mobile ainsi clairement annoncé, la finalité de l’Article est affichée sans détour : incliner mon « éditeur, Armand Colin, une maison d’édition longtemps de référence dans le monde universitaire », à me congédier. C’est, en bon français, un appel à la censure.

42Pour y parvenir, tout l’arsenal idéologique de la bien-pensance est convoqué. L’Article compile ainsi contre ma personne les griefs de « complotisme », « manichéisme », « simplification idéologique », « populisme », falsification et, cerise sur le gâteau, « négationnisme ». Rien moins.

43Le volume contraint d’un droit de réponse m’oblige à ramasser ma réponse, alors que la charge occupe 10 pages. Je me bornerai donc aux attaques personnelles les plus virulentes, mettant en cause non seulement mon travail d’historienne, mais aussi mon honnêteté intellectuelle, que je vais ici réfuter une à une, dans le sens de leur présentation dans l’Article.

44D’emblée, M. Morin veut m’apprendre le métier d’historienne. Après l’ENS (1967), l’agrégation (1970), la thèse d’État (1981), 13 ans d’enseignement secondaire, 26 ans de professorat d’université, et 17 libres publiés sous ma seule signature, il était temps.

45L’Article disqualifie « l’accumulation de sources surplombantes » par une historienne ignorant « le B.A.-BA du métier », sur « plus de 100 pages de notes [excessif ?] en petits caractères » (selon l’usage). Il assène que « [c]et appareil critique prolifique mériterait à lui seul un long développement », mais s’en abstient… Quant à mes notes infrapaginales, décrétées inutilisables « par [m]es lecteurs » et transgressives des « normes du métier d’historien », elles me permettent – étant à contre-courant de la pensée dominantes – de justifier de tout. Je m’inscris encore en faux relativement à la prétendue accumulation de « sigles […] livres, etc. », sans « aucune table [fournie] pour les décrypter » : toutes mes sources sont identifiées : nature, date, auteur et destinataire du courrier (sauf anonyme ou « sans date ») ; sous-dossier ; « carton » de la série.

46J’ai dépouillé pendant plus de trente ans des archives militaires et diplomatiques françaises, américaines, anglaises, allemandes, italiennes, en vue des 7 ouvrages publiés chez Armand Colin. Pour ne pas faire du neuf avec du vieux, je renvoie aux pages correspondantes des 6 précédents, toujours sourcées, ou aux index. Ce n’est donc pas de « l’autoréférencement ». Pour ce qui est des références Wikipédia (42 notes sur 1882, soit 2%…), elles renvoient encore à des archives, signalent des bibliographies, souvent étrangères et non traduites, et critiquent ou complètent des fiches malhonnêtes (littérature dont témoigne ma propre fiche).

47Mes « fameuses sources » (listées dans La Non-épuration, p. 625-631) seraient aussi défectueuses par leur « nature […] et leur utilisation », et insuffisantes. Mais l’Article oublie les américaines (Foreign Relations of the United States, FRUS, et omet l’aspect local des fonds F1a (rapports départementaux et des commissaires régionaux), F1cIII (préfets régionaux d’Occupation ; préfets d’après-Libération), et BB18 et 30 (cas surtout individuels et locaux). Pour étudier les pratiques de l’appareil d’État, du niveau décisionnel aux grands exécutants, j’ai bien entendu légitimement privilégié « les archives du commet de l’État », qui sont, sans preuve, qualifiées de « miroir déformant ».

48J’ai croisé l’ensemble de ces sources. J’ai consulté pendant plus de trois ans les fonds BB18 et BB30, transformés ici en maigres « résumés », pas les fonds Z/5 et Z/6. Un article d’Anne Simonin (https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2009-3-page-96.htm#no88), à la « lecture bien différente du rôle des femmes collaboratrices », offrirait le contre-modèle de généralisation : sur 111 notes, il compte 8 références d’archives Z/5, dont deux pour un même document ; tout le reste se réfère à l’imprimé. Sur la Collaboration, j’use de sources originales, m’abstiens d’interprétations psychologiques et m’efforce d’établir des faits, décrétés trompeurs. Une collaborationniste peut vouloir « faire libérer son mari », être milicienne et dénoncer des « juifs, communistes ou résistants ».

49L’Article décrète ensuite « contestables » mes « statistiques », qui violeraient la « méthode, voire [la] déontologie ». Je le réfute purement et simplement. Ainsi le « chiffre de plus de “plus de 100 000 noms » est-il étayé par des sources policières « “recoup[ées]” soigneusement », affirme le directeur général de la Sûreté nationale (lettre de Pélabon au garde des Sceaux de Menthon, 12 avril 1945, BB18, 7115, 8BL, 495, Répression des faits de collaboration, AN, p. 31 et note 66, p. 519). Il correspond à celui du juge Pierre Béteille, chef, de 1936 à 1939, des instructions sur toutes les ligues et la Cagoule puis chargé en 1944-1945 des instructions sur les ministres de Vichy. Ce n’est pas davantage « l’auteure [qui] brandit […] le chiffre de 120 000 cagoulards » : c’est le rapport de synthèse d’avril-juillet 1945 de Béteille pour l’avocat général Mornet de la Haute Cour de Justice sur le CSAR ou Cagoule d’avant-1940 (p. 31 et note 67, source fonds Mornet, BDIC, p. 519). Je conteste encore formellement « la multitude de doublons », que l’Article ne documente au demeurant pas. Quant au « vieux mythe des 75 000 fusillés communistes », absent de mon ouvrage, il est invoqué sans motif, sauf à verser dans la caricature. Les effectifs d’« exécutés et massacrés » compilés à cette date n’en sont pas moins partiels. Selon Les Fusillés (Pennetier et al., p. 17-20), il y aurait « entre 15 000 et 20 000 […] morts par balles dans une volonté de répression, sans compter les autres morts en camp de concentration et au combat ». Ils seraient même « bien plus nombreux » : deux fois plus que les 20 000 condamnés. (Non-épuration, p. 28-29). J’ai relevé de nombreux noms de résistants fusillés, absents dudit dictionnaire.

50M’enjoignant de « vérifier les faits et de croiser les sources, mais aussi de les contextualiser » (avec des documents postérieurs à la Libération ?), M. Morin postule, sans preuve, que les occupants « gonflaient leurs bilans [répressifs] pour mieux satisfaire leurs maîtres à Berlin ». Je pratique les archives allemandes depuis la décennie 1990. Des dépouillements systématiques m’ont amenée à constater que leurs rapports, œuvre de rédacteurs inchangés de la République de Weimar à la RFA, sont au contraire d’une extrême précision, comme ceux des forces de répression françaises. Bien en peine de démontrer ce gonflement des chiffres, M. Morin recourt alors à l’équation entre « États totalitaires » allemand et soviétique – affirmation non pas historique mais idéologique, alignée sur la résolution du Parlement européen du 17 septembre 2019…

51Pour ma part, j’ai avancé des exemples précis, par chapitres entiers (6 sur 9), de protection des élites par le sommet de l’État : par les magistrats non épurés, et ce, en complète adéquation avec l’étude administrative exhaustive de Jean-Claude Farcy ; par les forces policières et les préfets, sauvés d’emblée, dès l’automne 1944, par AdrienTixier et François de Menthon. Récusant mes sources « surplombantes », M. Morin prend la partie pour le tout : il invoque l’exemple du Nord-Pas-de-Calais (1974) et l’étude des chambres civiques – instance précisément créée pour épargner la cour de justice aux « couches supérieures » – dont Anne Simonin conclut en 2008, pour la Seine, à une épuration socialement égalitaire.

52Mes considérables sources préfectorales et policières françaises et allemandes seraient non fiables car « datées » ! Cette nouvelle définition des « sources originales », bornées aux dernières déclassifiées, est strictement irrecevable : mes « sources », françaises et allemandes, de 1944-1945, sont bien « originales », c’est-à-dire « datées » de l’époque étudiée et non destinées à la publication. Je n’ai ainsi pas eu d’« intuition », j’ai démontré. Et je ne reproche pas à Bénédicte Vergez-Chaignon d’avoir négligé des sources fermées avant 2010, mais d’avoir, en écartant des sources alors disponibles, transformées cette « nouvelle “Cinquième Colonne” » en fausses « “rumeurs” communistes » (L’épuration, « Ils sont partout », p. 321-324 ; Non-épuration, p. 105-109). Je lui impute aussi d’autres gravissimes distorsions de sources, notamment celle transformant en martyre d’une foule sauvage l’agente tarifée de la Gestapo Jeanne Devineau, responsable de la mort de nombreux résistants. (Épuration, p. 339 ; index Non-épuration).

53Il échet encore de rectifier que les élites financières constituent une partie seulement de mon ouvrage, mais significative : en témoigne la décision du 8 janvier 1945 de René Pleven, ministre des Finances, de confier aux banques elles-mêmes le rapport sur leur activité sous l’Occupation, à remettre dans la semaine suivante (note 26, p. 576). J’ai annoncé (p. 514) un second volume consacré aux élites stricto sensu, capital financier compris.

54Le colloque sur Adrien Tixier, typique des sessions hagiographiques à parrainage officiel (http://www.lours.org/archives/default3d8c.html?pid=650), ne prime pas sur les sources directes. Me reprocher de « ne retenir que ce que l’on veut de bibliographie » est une assertion gratuite voire infamante. J’ai abondamment confronté à mes sources, partie intégrante des « sources majeures disponibles », L’épuration de MM. Rouquet et Virgili qui, d’une bibliographie postulée exhaustive, ont éliminé mes propres travaux (mesquinerie d’autant plus piquante que j’ai dirigé la thèse sur l’épuration du premier…). J’ai motif à en critiquer le mutisme sur le sauvetage anglo-américain immédiat de Barbie et sur la bibliographie anglophone, accablante sur le sauvetage-recyclage des criminels de guerre décidé en pleine guerre, et non « en 1947 ».

55S’agissant de l’ouvrage de Peter Novick, The Holocaust in American Life de 1999, il repose sur des sources remarquables. Celui de 1969 sur l’épuration date d’une époque où les sources françaises étaient verrouillées : Robert Paxton a dû rédiger sa France de Vichy (1973) sans une archive française. André Philip, qui fut dès 1943, les Foreign Relations of the United States l’attestent, plus pro-américain que gaulliste (Les élites) ne soutint l’épuration que jusqu’à sa promotion ministérielle. Je l’ai décrit, depuis ma thèse d’État (1981) à l’aide de sources, dont celles de la SFIO. M. Morin manque ainsi à prouver ma malhonnêteté sur Tixier et Philip, héros de ses contributions, comme sur le reste.

56Quant à Hauck, je n’ai ainsi rien insinué le concernant. Il fut « néo », courant socialiste dirigé par Marcel Déat, séduit par le modèle fasciste et nazi et financé par le grand patronat synarchie pour la vigueur de son anticommunisme de « gauche » (Le choix, passim). Il fut un des rarissimes hommes de cette catégorie précocement ralliés à de Gaulle. C’est son anticommunisme qui lui valut séjour à Londres, contrairement à Pierre Cot, jugé trop procommuniste et prosoviétique. Hauck n’accusait l’extrême droite (de Passy-Dewavrin), très majoritaire là-bas, que d’affaiblir de Gaulle en renforçant l’influence du PCF sur le camp résistant. C’est la hantise de sa correspondance (Londres-Alger 1939-1945, 304, archives du Qui d’Orsay, et index Hauck, avec sources). Je relève enfin que la flatteuse notice de Hauck publiée dans Le Maitron, œuvre de l’auteur de l’Article, est vide d’archive originale, ce qui lui permet sans doute d’échapper au grief de « mésusage des archives »…

57Nonobstant la référence pavlovienne aux « procès de Moscou », je revendique les termes de « clique » et d’« obligés ». Abetz, « pourrisseur » des élites et de la presse françaises dans les années 1930, puis « ambassadeur » d’Hitler à Paris, est longuement décrit, avec ses féaux, dans mes ouvrages sur les années 1930-1940. Je tiens en effet pour « obligés » du grand financeur Dulles, installé par Roosevelt à Brene, des hommes qui, de « gauche » ou de droite, en touchaient depuis 1943 « 25 millions de francs par mois » (Robert Belot, Gilbert Karpman, L’affaire suisse. La Résistance a-t-elle trahi de Gaulle ? Paris, Amand Colin, 2009, p. 197-198 et 157, cité in Les élites, note 152, p. 457). Ces moyens énormes devaient abattre de Gaulle au moins autant que le PCF.

58Le paragraphe de l’Article dédié à la « drôle d’histoire du communisme » aligne les obsessions politiques de son auteur, mais sans lien avec le sujet. Je ne « déplore [ainsi pas] un retour à l’État de droit », je démontre que l’État présumé nouveau bafoua, avec un appareil d’État intact, tous les principes clamés à Londres et Alger. Quant à la question des communistes et des grèves, effectivement absente de La Non-épuration, elle est amplement traitée dans ma thèse d’État, ainsi que dans mes deux livres qui en sont issus (La CGT de la Libération à la scission (1944-1947), Paris, Éditions Sociales, 1983, et Le choix de Marianne : les relations franco-américaines de 1944 à 1948, Paris, Éditions Sociales, 1986). Le reste de l’Article m’impute encore des « portes ouvertes […] enfoncées » et fausses « révélations », que je réfute catégoriquement.

59J’en viens alors à la conclusion de l’Article, qui est toute politique. Elle est calquée sur ma malveillante fiche Wikipédia et s’inspire des tombereaux d’injures à mon égard échangées, via les réseaux sociaux, entre collègues. Il s’agit de fustiger tous ceux qui osent faire « une critique positive de [m]on livre » pour m’interdire l’édition, chez Armand Colin et tous autres éditeurs et la présence sur Internet, support ciblé par des projets gouvernementaux insistants.

60Le procédé est méprisable. Il confine à l’abject lorsque mes travaux sont taxés « de négationnisme ». Mais lorsque je suis assimilée, en invoquant Vidal-Naquet, aux « falsificateurs de l’histoire » niant le « génocide des juifs », il devient carrément obscène pour la petite-fille de quatre grands-parents juifs étrangers, dont l’un déporté et assassiné à Auschwitz.

61Définitivement, les archives et la situation actuelle avèrent le jugement de 1948 du philosophe Vladimir Jankélévitch dans Les Temps Modernes sur la farce de l’épuration : « ils encombrent les devantures des librairies de leurs publications ; les revoici au grand complet, atteints d’un furieux prurit d’accuser, de disserter, de pontifier ; ils sont déjà revenus les bien-pensants ; demain la Résistance devra se justifier pour avoir résisté ».

62Annie Lacroix-Riz

Notes

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