Notes
-
[1]
Pour une présentation synthétique : El Mouhoub Mouhoud, Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris, La Découverte, 2006, 4e éd. 2017.
-
[2]
Statistiques empruntées à Cédric Lomba, La Restructuration permanente de la condition ouvrière. De Cockerill à ArcelorMittal, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2018, p. 27.
-
[3]
Arthur J. McIvor, A History of Work in Britain, 1880-1950, Basingstoke, Palgrave, 2001, p. 32.
-
[4]
Jefferson Cowie et Joseph Heathcott (dir.), Beyond the Ruins. The Meanings of Deindustrialization, Ithaca, Cornell University Press, 2003.
-
[5]
Thomas J. Sugrue, The Origins of Urban Crisis. Race and Inequality in Postwar Detroit, Princeton, Princeton University Press, 1996, p. 143.
-
[6]
Jim Phillips, « Deindustrialization and the Moral Economy of the Scottish Coalfields, 1947 to 1991 », International Labor and Working-Class History, 84, 2013, p. 99-115.
-
[7]
Voir aussi Christopher H. Johnson, The Life and Death of Industrial Languedoc, 1700-1920, New York/Oxford, Oxford University Press, 1995.
-
[8]
Anne Dalmasso, « Territoires et désindustrialisations : trajectoires d’entreprises et marginalisation territoriale », in Jean-Claude Daumas, Ivan Kharaba et Philippe Mioche (dir.), La Désindustrialisation : une fatalité ?, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 140.
-
[9]
Steven High, Industrial Sunset. The Making of North America’s Rust Belt, 1969-1984, Toronto, University of Toronto Press, 2003.
-
[10]
Miriam A. Golden, Heroic Defeats. The Politics of Job Loss, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
-
[11]
Trevor Wild et Philip Jones (dir.), De-Industrialisation and New Industrialisation in Britain and Germany, Londres, Anglo-German Foundation for the Study of Industrial Society, 1991.
-
[12]
Corinne Luxembourg, « Les villes moyennes françaises face à la désindustrialisation : les cas de Gennevilliers et du Creusot », Bulletin de l’Association de géographes français, 88 (2), 2011, p. 125-136.
-
[13]
Robert Storey, « Beyond the Body Count ? Injured Workers in the Aftermath of Deindustrialization », in Steven High, Lachlan MacKinnon et Andrew Perchard (dir.), The Deindustrialized World. Confronting Ruination in Postindustrial Places, Vancouver, UBC Press, 2017, p. 61. Voir le compte rendu de l’ouvrage dans ce numéro.
-
[14]
Pascal Raggi, La Désindustrialisation de la Lorraine du fer, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 13 et 18. Voir le compte rendu de l’ouvrage dans ce numéro.
-
[15]
Daniel Bell, The Coming of Post-Industrial Society : A Venture in Social Forecasting, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1973 (trad. fr. : Vers la société post-industrielle, Paris, Robert Laffont, 1973, 1976) ; Alain Touraine, La Société post-industrielle. Naissance d’une société, Paris, Denoël, 1969. Voir aussi, plus récemment, l’ouvrage de Jeremy Rifkin, The End of Work : The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era, New York, Putnam Publishing Group, 1995 (trad. fr. : La Fin du travail, Paris, La Découverte, 1995, 1996) et les débats qui l’ont entouré.
-
[16]
On suit ici l’approche large de la désindustrialisation proposée par exemple par Jefferson Cowie et Joseph Heathcott (dir.), Beyond the Ruins, op. cit., p. 12.
-
[17]
Voir par exemple Sébastien Lechevalier, La Grande Transformation du capitalisme japonais (1980-2010), Paris, Les Presses de Sciences Po, 2011.
-
[18]
Patrice Caro, Olivier Dard et Jean-Claude Daumas (dir.), La Politique d’aménagement du territoire : racines, logiques et résultats, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.
-
[19]
Guy Barbichon et Serge Moscovici, « Modernisation des mines, conversion des mineurs. Étude sur les conséquences psychologiques et sociales de la modernisation dans les charbonnages du Centre-Midi », Revue française du travail, 3, juillet-septembre 1962, p. 3-201 ; Alain Touraine, La Conscience ouvrière, Paris, Seuil, 1966.
-
[20]
Par exemple, Michael Young et Peter Willmott, Family and Kinship in East London, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1957 (trad. fr. : Le Village dans la ville. Famille et parenté dans l’Est londonien, Paris, PUF, 2010).
-
[21]
Pour deux panoramas historiographiques, voir Steven High, « The Wounds of Class’ : A Historiographical Reflection on the Study of Deindustrialization, 1973-2013 », History Compass, 13, 2013, p. 994-1007 ; Roberta Garruccio, « Chiedi alla ruggine. Studi e storiografia della deindustrializzazione », Meridiana. Rivista di storia e scienze sociali, 85, 2016, p. 35-60.
-
[22]
Frank Blackaby (dir.), De-Industrialisation, Londres, Heinemann Educational Books, 1978 ; Barry Bluestone et Bennett Harrison, The Deindustrialization of America, New York, Basic Books, 1982.
-
[23]
Par exemple, David Bensman et Roberta Lynch, Rusted Dreams. Hard Times in a Steel Community, New York, McGraw-Hill, 1987 ; Paul D. Staudohar et Holly E. Brown (dir.), Deindustrialization and Plant Closure, Lexington, Lexington Books, 1987.
-
[24]
Outre les travaux mentionnés tout au long de cette introduction, on peut ajouter par exemple : Jefferson Cowie, Stayin’ Alive. The 1970s and the Last Days of the Working Class, New York/Londres, The New Press, 2010 ; Alice Mah, Industrial Ruination, Community and Place. Landscapes and Legacies of Urban Decline, Toronto, University of Toronto Press, 2012 ; Arthur McIvor, Working Lives. Work in Britain Since 1945, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
-
[25]
Bert Altena et Marcel van der Linden, « De-industrialization : Social, Cultural, and Political Aspects », International Review of Social History, 47, 2002 (numéro spécial) ; S. High, L. MacKinnon et A. Perchard (dir.), The Deindustrialized World, op. cit.
-
[26]
Voir encore Sherry Lee Linkon, The Half-Life of Deindustrialization. Working-Class Writing about Economic Restructuring, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.
-
[27]
Tim Strangleman, James Rhodes et Sherry Linkon, « Introduction to Crumbling Cultures. Deindustrialization, Class, and Memory », International Labor and Working-Class History, 84 (1), 2013 (numéro spécial).
-
[28]
Voir en particulier l’article stimulant de Tim Strangleman, « “Smokestack Nostalgia”, “Ruin Porn” or Working-Class Obituary : The Role and Meaning of Deindustrial Representation », International Labor and Working-Class History, 84 (1), 2013, p. 23-37.
-
[29]
Donald Reid, The Miners of Decazeville. A Genealogy of Deindustrialization, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1985 (il faut attendre… 2009 pour que l’ouvrage soit traduit en français par l’Association de sauvegarde du patrimoine industriel du bassin de Decazeville-Aubin, sous le titre Les Mineurs de Decazeville. Historique de la désindustrialisation, Decazeville, ASPIBD, 2009).
-
[30]
Par exemple, Élie Cohen, L’État brancardier. Politiques du déclin industriel (1974-1984), Paris, Calmann-Lévy, 1989 ; Élie Cohen et Pierre-André Buigues, Le Décrochage industriel, Paris, Fayard, 2014.
-
[31]
Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990.
-
[32]
Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard, 1999.
-
[33]
Nicolas Hatzfeld, Michel Pigenet et Xavier Vigna (dir.), Travail, travailleurs et ouvriers d’Europe au xxe siècle, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2016.
-
[34]
« Crises et conscience de crise », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 84, 2004.
-
[35]
Outre les collectifs déjà mentionnés, on peut citer : Pierre Lamard et Nicolas Stoskopf (dir.), 1974-1984. Une décennie de désindustrialisation ?, Paris, Picard, 2009 ; Laurent Jalabert et Christophe Patillon (dir.), Mouvements ouvriers et crise industrielle dans les régions de l’Ouest atlantique des années 1960 à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Jean-Luc Deshayes et Cédric Lomba (dir.), « Les désindustrialisations (re)visitées », dossier, Savoir/Agir, 39, 2017 ; Xavier Daumalin et Philippe Mioche (dir.), « La désindustrialisation au regard de l’histoire », Rives méditerranéennes (en ligne), 46, 2013, mis en ligne le 15 octobre 2014.
-
[36]
Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier. Liévin 1974, Paris, Éditions de l’EHESS, 2014 ; Ingrid Hayes, Radio Lorraine cœur d’acier, 1979-1980. Les voix de la crise, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2018 ; Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au xxe siècle, Paris, Perrin, 2012.
-
[37]
C’est l’hypothèse que fait par exemple Jean-Claude Daumas, « Une France sans usines : comment en est-on arrivé là ? (1974-2012) », in J.-C. Daumas et al. (dir.), La Désindustrialisation : une fatalité ?, op. cit., p. 20-24.
-
[38]
Pour un premier panorama des recherches européennes : Michel Hau (dir.), De-Industrialisation in Europe, 19th-20th Centuries, Séville, Fundación Fomento de la Historia Económica, 1998. Voir aussi le colloque qui s’est tenu à Sesto San Giovanni (Italie), les 5 et 6 mars 2015 : « Deindustrialization and Urban Transformation in Europe : A Comparative Perspective ». Voir enfin la synthèse de René Leboutte, Vie et mort des bassins industriels en Europe, 1750-2000, Paris, L’Harmattan, 1997.
-
[39]
Outre son article présenté ici, voir le travail de Nicolas Verschueren, Fermer les mines en construisant l’Europe. Une histoire sociale de l’intégration européenne, Bruxelles, Peter Lang, 2013.
-
[40]
On suit ici l’hypothèse très stimulante présentée par Steven High à propos de la différence Canada/États-Unis, Industrial Sunset, op. cit., p. 13-14.
-
[41]
Norman Dennis, Fernando Henriques et Clifford Slaughter, Coal is Our Life. An Analysis of a Yorkshire Mining Community, Londres, Tavistock Publications, 1956, 1969, p. 9.
-
[42]
Donald Reid, Opening the Gates. The Lip Affair, 1968-1981, Londres, Verso, 2018.
-
[43]
Anni Borzeix et Margaret Maruani, Le Temps des chemises, Paris, Syros, 1982.
-
[44]
Fanny Gallot, En découdre. Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015, et Jackie Clarke, « Closing Time : Deindustrialization and Nostalgia in Contemporary France », History Workshop Journal, 79 (1), 2015, p. 107-125.
-
[45]
John Goodwin, Men’s Work and Male Lives, Aldershot, Ashgate, 1999, p. 50.
-
[46]
A. McIvor, Working Lives, op. cit., p. 258-263. La citation se trouve p. 82.
-
[47]
Discours évoqué par Alessandro Portelli dans ses deux enquêtes sur le comté d’Harlan dans les Appalaches et dans la ville sidérurgique de Terni en Ombrie : Alessandro Portelli, They Say in Harlan County. An Oral History, Oxford/New York, Oxford University Press, 2011, chap. XV, et La città dell’acciaio. Due secoli di storia operaia, Rome, Donzelli, 2017, chap. X.
-
[48]
Anoop Nayak, « Displaced Masculinities : Chavs, Youth and Class in the Post-Industrial City », Sociology, 40 (5), 2006, p. 813-831.
-
[49]
Owen Jones, Chavs. The Demonization of the Working Class, Londres, Verso, 2011.
-
[50]
John Kirk, Class, Culture and Social Change. On the Trail of the Working Class, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007, p. 4.
-
[51]
Xavier Vigna, L’Espoir et l’effroi. Luttes d’écritures et luttes de classes en France au xxe siècle, Paris, La Découverte, 2016, chap. V.
-
[52]
Seymour Martin Lipset, « “L’autoritarisme” de la classe ouvrière », in L’Homme et la politique, Paris, Seuil, 1960, 1963, p. 110-146, et son utilisation par exemple chez Nonna Mayer, Ces Français qui votent FN, Paris, Flammarion, 1999.
-
[53]
Judith Rainhorn et Coralie Dumontier, « Faire l’histoire d’un conflit manqué. Pollution environnementale et risques sanitaires autour de Metaleurop-Nord (1970-2003) », in Thomas Le Roux et Michel Letté (dir.), Débordements industriels. Environnement, territoire et conflit (xviiie-xxie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 377-397.
-
[54]
François Jarrige et Thomas Le Roux, La Contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Seuil, 2017.
-
[55]
Richard Newman, « From Love’s Canal to Love Canal. Reckoning with the Environmental Legacy of an Industrial Dream », in J. Cowie et J. Heathcott (dir.), Beyond the Ruins, op. cit., p. 112-135. Cette affaire est aussi évoquée dans le roman de Joyce Carol Oates, Les Chutes, Paris, Points-Seuil, 2011 (édition originale : 2004).
-
[56]
Jefferson Cowie, Capital Moves. RCA’s Seventy-Year Quest of Cheap Labor, Ithaca, Cornell University Press, 1999, et Paul Jobin, « Les cobayes portent plainte. Usages de l’épidémiologie dans deux affaires de maladies industrielles à Taiwan », Politix, 91 (3), 2010, p. 53-75.
-
[57]
Andrew Hurley, Environmental Inequalities. Class, Race, and Industrial Pollution in Gary, Indiana, 1945-1980, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1995 ; Stefania Barca, « Sur l’écologie de la classe ouvrière : un aperçu historique et transnational », Écologie et Politique, 50 (1), 2015, p. 23-40 ; Renaud Bécot, « Syndicalisme et environnement en France de 1944 aux années quatre-vingt », thèse d’histoire sous la direction de Geneviève Massard-Guilbaud, EHESS, 2015, 2e partie.
-
[58]
Edward P. Thompson, The Making of the English Working Class, Londres, Victor Gollancz Ltd, 1963 (trad. fr. : La Formation de la classe ouvrière anglaise, trad. de l’angl. par Gilles Dauvé, Mireille Golaszewski et Marie-Noëlle Thibault, Paris, Seuil, 1988) et Customs in Common : Studies in Traditional Popular Culture, Londres, Merlin Press, 1991 (trad. fr. : Les Usages de la coutume. Traditions et résistances populaires en Angleterre, xviie-xixe siècle, trad. de l’angl. par Jean Boutier et Arundhati Virmani, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 2015).
-
[59]
Didier Fassin, « Les économies morales revisitées », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 6, 2009, p. 1237-1266.
-
[60]
On peut retrouver cette idée, que le concept d’économie morale soit ou non employé, par exemple dans les articles suivants : Jim Phillips, « Deindustrialization and the Moral Economy of the Scottish Coalfields, 1947 to 1991 », art. cité ; David Byrne, « Industrial Culture in a Post-Industrial World : The Case of the North East of England », City, 6 (3), 2002, p. 279-291. L’historien Steven High y fait aussi allusion pour expliquer la différence des réactions des États-Unis et du Canada face à la désindustrialisation : Steven High, Industrial Sunset, op. cit., p. 17, p. 131-166.
-
[61]
T. Strangleman, J. Rhodes et S. Linkon, « Introduction to Crumbling Cultures. Deindustrialization, Class, and Memory », op. cit., p. 20.
-
[62]
Philipp Meyer, American Rust, New York, Spiegel & Grau, 2009 (trad. fr. : Un arrière-goût de rouille, trad. de l’américain par Sarah Gurcel, Paris, Denoël, 2010 [sur la vallée en amont de Pittsburgh]) ; Silvia Avallone, Acciaio, Milan, Rizzoli, 2010 (trad. fr. : D’acier, trad. de l’ital. par Françoise Brun, Paris, Liana Levi, 2011 [sur la ville de Piombino]) ; Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Paris, Actes Sud, 2018 (sur une vallée lorraine).
1Une transformation s’opère, parfois à bas bruit, parfois avec fracas, depuis un large demi-siècle déstabilisant en profondeur des sociétés occidentales qui s’étaient organisées autour d’une civilisation industrielle et avaient construit progressivement des États sociaux : la désindustrialisation. Cette mutation, qui continue de marquer notre présent, doit être mise en lumière tant ses déclinaisons et ses facettes sont nombreuses. C’est parce que la désindustrialisation constitue une piste particulièrement féconde pour comprendre les sociétés contemporaines que ce numéro montre quelques saisies historiennes de ce phénomène.
2Par désindustrialisation, on peut tout d’abord entendre, sur le strict plan social et économique, la conjonction de plusieurs phénomènes : la désindustrialisation se mesure au recul de la part de l’industrie dans la production de la valeur ajoutée ou du produit intérieur brut, recul qui tient aussi à l’externalisation de certaines activités. Mais elle désigne principalement la régression, parfois la disparition, d’activités industrielles et la diminution, drastique dans certains secteurs, des emplois afférents. Celles-ci ont partie liée tantôt avec l’obsolescence de certaines activités, tantôt avec des évolutions technologiques qui favorisent de spectaculaires gains de productivité, mais rendent aussi superflues certaines tâches : l’automatisation et la robotisation ont ainsi contribué à supprimer de nombreux emplois dans la manutention ou des postes d’ouvriers non qualifiés ; tantôt avec des délocalisations des entreprises vers des zones et des marchés plus attractifs [1].
3Quelques éléments statistiques rendent compte de cette chute brutale de l’emploi industriel, qui continue de se prolonger [2].
Part de la valeur ajoutée de l’industrie dans le PIB (%) | Part de l’emploi industriel dans l’emploi total (%) | |||
---|---|---|---|---|
1970 | 2016 | 1970 | 2016 | |
France | 35 | 18 | 39 | 18 |
Allemagne | 48 | 30 | 50 | 27 |
Italie | 39 | 24 | 44 | 23 |
Royaume-Uni | 42 | 19 | 46 | 17 |
Belgique | 42 | 22 | 45 | 19 |
États-Unis | 35 | 20 | 31 | 17 |
Japon | 44 | 29 | 34 | 24 |
4La décrue est aussi massive que générale. Mais les statistiques construites ici proposent un point de départ, en l’occurrence le début des années 1970, qui, pour être le mieux connu – il marque la fin des fameuses « Trente Glorieuses » –, n’en est pas moins trompeur. Pour certaines activités insérées sur certains territoires en effet, la déprise est antérieure. Ainsi la Grande-Bretagne comptait 1,4 million de mineurs en 1921, 847 000 en 1951, juste avant une décrue brutale qui fait chuter le nombre de mineurs à 256 000 en 1971 [3]. Ce déclin minier, entamé bien avant les années 1970 comme le montre l’article de Marion Fontaine, n’est pas propre à la Grande-Bretagne, mais concerne aussi l’Europe continentale et les États-Unis. Dans ce dernier pays, il s’avère qu’au-delà du seul cas du secteur minier, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les villes de la Manufacturing Belt connaissent des difficultés, perdent des habitants mais aussi des emplois : c’est le cas de Camden, Newark, Pittsburgh ou Philadelphie [4], tandis que la capitale de l’automobile, Détroit, perd près de 130 000 emplois entre 1948 et 1967 [5].
5Ces exemples invitent donc à complexifier les chronologies selon les territoires. À cet égard, il est possible d’envisager que, jusqu’à la fin des années 1960, la désindustrialisation concentrée dans quelques branches est compensée par des reconversions industrielles sur des portions limitées, comme l’atteste l’exemple écossais [6]. De même, Jean-Michel Minovez montre dans sa contribution que le déclin textile dans le Sud-Ouest du pays commence dès l’époque moderne, mais qu’il n’affecte qu’une partie du Languedoc et coexiste avec de beaux succès, notamment dans le Pays d’Olmes jusqu’à une période récente [7]. On pourrait même arguer, de manière plus générale, que la désindustrialisation, au sens de déstructuration de branches ou de territoires industriels, n’est pas, pour ces deux exemples, comme pour bien d’autres, synonyme de disparition, mais de réorganisation d’ensemble de systèmes productifs, qui produit de nouveaux territoires industriels et en désindustrialise d’autres [8]. D’une certaine façon, la phase de mondialisation actuelle ne montre rien d’autre, puisque la désindustrialisation des « vieux » pays industrialisés coexiste avec l’industrialisation ou la réorganisation de la production dans d’autres parties du monde (Asie orientale, Afrique).
6Reste qu’une rupture a bel et bien eu lieu. À l’échelle occidentale, il est clair qu’une bascule s’opère entre les années 1970 et les années 1980, quand les possibilités de reconversion s’estompent, quand la diminution de la part de l’industrie se fait beaucoup plus nette, et surtout quand les effets sociaux, culturels, politiques de ce phénomène deviennent de plus en plus tangibles. La saignée est alors aussi brutale que rapide : la sidérurgie américaine perd 40 % de ses emplois entre 1979 et 1984 et l’industrie automobile 300 000 postes entre 1978 et 1982 [9]. L’article de Matthieu Tracol démontre à quel point le phénomène est omniprésent et interroge les acteurs politiques à la recherche de stratégies pour y faire face. Bien évidemment, cette saignée, qui correspond aussi à une offensive patronale contre un certain nombre de bastions, réels ou supposés, de la classe ouvrière, aboutit à des conflits sociaux particulièrement âpres que plusieurs des contributions réunies ici (Pascal Raggi, Nicolas Verschueren en particulier) évoquent : la sidérurgie en Lorraine et en Wallonie, la longue grève de la Fiat à Turin à l’automne 1980, ou encore celle des mineurs anglais qui dure un an en 1984-1985. Autant de combats que les syndicats mènent en essayant de préserver à tout prix leurs organisations, autant de défaites [10]. Le phénomène s’est poursuivi avec des différences sensibles suivant les secteurs et les pays [11] et il est encore d’actualité, on l’a dit, pour les premières décennies du 21e siècle. La crise financière de la fin des années 2000 s’est ainsi accompagnée d’une nouvelle phase de désindustrialisation : en France, plus de 530 000 emplois directs sont perdus entre 2000 et 2009, dont 148 000 pour la seule période allant de décembre 2007 à décembre 2008 [12].
7Il faut cependant là encore prendre garde. Même après plus de quatre décennies d’accélération du processus, la désindustrialisation ne signifie pas la disparition de toutes les activités industrielles et de leurs agents. En dépit d’un déclin massif et brutal, il reste dans le monde occidental des entreprises industrielles où continuent de travailler des hommes et des femmes. Et ce « reste » précisément subit aussi la désindustrialisation, c’est-à-dire qu’il vit avec cette menace ou ce sentiment de déclin, mais aussi et souvent travaille à des cadences accélérées dans des conditions dégradées [13]. La désindustrialisation n’est donc pas synonyme de fin de l’industrie. Elle atteste plutôt la perte de sa centralité [14], voire sa marginalisation, à la fois sur le plan matériel et sur le plan symbolique, pour des sociétés qui se définissent désormais, à tort ou à raison, comme « post-industrielles [15] ». Ce mouvement, dont on ne saisit souvent que les traits les plus saillants – les fermetures d’usines, les drames sociaux, la déréliction de certains territoires –, entraîne en même temps des mutations beaucoup plus profondes, concernant la définition des individus et des collectifs, à commencer par les mondes ouvriers, les formes du travail, comme les imaginaires qui les entourent, le fonctionnement des États adossés à l’industrialisation, le rapport au temps et à l’espace, etc. Ce sont ces mutations qui font de la désindustrialisation, bien plus qu’un mot de l’histoire économique, un concept pour penser un basculement [16] que l’on souhaite aborder ici. Si, dans un numéro qui entend avant tout ouvrir des perspectives, nous n’abordons pas tous les territoires concernés par ce phénomène (le Japon par exemple [17]), nous avons essayé au moins de faire varier les perspectives : des cas en apparence classiques des « pays noirs » à des territoires plus étonnants, de l’Écosse à la Vénétie, de l’Ontario canadien à la chaussure française de Romans-sur-Isère, de la Wallonie au Sud-Ouest, afin de montrer comment et donc combien les sociétés occidentales tout entières ont été et sont malmenées, déstabilisées, bouleversées par la désindustrialisation. C’est dire aussi que cette histoire en cours s’écrit avec un sentiment d’urgence.
Quelles histoires de la désindustrialisation ?
8Ce sentiment n’est pas entièrement neuf. Comme le montrent les articles de Nicolas Verschueren et de Marion Fontaine, dès les années 1960, la conscience de ce qui est défini comme une modernisation ou un changement de grande ampleur, dynamisant certaines branches, mais entraînant aussi la crise des « vieilles » industries – les mines et le textile en particulier – suscite l’intérêt des sciences sociales, dans une perspective à la fois théorique et très pragmatique d’aide à la décision publique, pour la conversion des salariés menacés ou pour le réaménagement des territoires en crise [18]. C’est ainsi le cas pour les géographes, comme Jean-François Gravier, ou encore des économistes tels que le Néerlandais Leo Klaassen, sur lesquels revient Nicolas Verschueren en insistant sur l’organisation en la matière d’une véritable expertise à l’échelle européenne. On notera encore l’intérêt précoce que manifestent les sociologues, même si c’est sous des auspices déjà très différents selon les configurations nationales : alors que des sociologues français comme Serge Moscovici ou Alain Touraine [19] se préoccupent avant tout du changement et de la manière dont les « vieux » ouvriers peuvent laisser la place – ou non – à de « nouveaux » producteurs, tout un pan de la sociologie britannique utilise plutôt le prisme de la « communauté », en se penchant sur la manière dont les communautés ouvrières « traditionnelles » résistent à la dislocation qu’amènent à la fois la crise des industries traditionnelles et l’entrée dans la société de consommation [20].
9Il faut en revanche attendre l’extrême fin des années 1970 pour que la désindustrialisation soit saisie comme un enjeu politique et économique crucial et un objet de recherches interdisciplinaires [21]. Le fait est d’abord patent du côté anglo-américain, et surtout des États-Unis, avec des ouvrages comme ceux de Frank Blackaby (1978) ou encore de Barry Bluestone et Bennett Harrison (1982) [22]. L’extrême violence du phénomène, avec des fermetures et des licenciements massifs, l’apparition de la figure de la « Rust Belt », contribuent sans doute là à un intérêt, qui mène aussi bien à des études sur certains secteurs, la sidérurgie et l’automobile en particulier, qu’à des interrogations sur les causes générales de cette désindustrialisation (l’évolution du capitalisme américain, la mutation des rapports entre les firmes et la nation…) [23]. Cet intérêt ne s’est pas démenti depuis. Le début des années 2000 est, quant à lui, marqué par une nouvelle dynamique, notamment sur le plan historique [24], dont les articles de Steven High et Arthur McIvor offrent ici une illustration. Du côté anglophone, un véritable champ de recherche s’est donc institué, avec la publication de plusieurs numéros spéciaux de revues et d’ouvrages collectifs [25]. On observera – les deux articles que nous présentons ici d’ailleurs en témoignent – que cette historiographie, dont la dynamique s’entrelace avec celle de l’histoire orale, se veut particulièrement attentive à la désindustrialisation comme expérience subjective [26] ; elle témoigne plus largement aujourd’hui de la volonté d’entreprendre une véritable histoire culturelle de la désindustrialisation [27], soucieuse des représentations, des productions culturelles, comme des phénomènes de mémoire et de patrimonialisation [28].
10La situation est sensiblement différente pour ce qui concerne le cadre français. On pourrait sans doute faire remarquer que, dès le début des années 1980, un historien étatsunien, en l’occurrence Donald Reid, part du cas du bassin minier de Decazeville, pour analyser la genèse de la désindustrialisation [29]. Il reste cependant à cette date un cas isolé. Si la désindustrialisation est prise durant les années 1980-1990 comme objet, c’est plutôt le fait des économistes, qui s’interrogent sur les causes, sur le rôle de l’État en particulier face à cette crise [30], ou des sociologues. Le livre majeur d’Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers, qui paraît en 1990, dresse ainsi le portrait de ce que la précarité et le chômage font aux familles ouvrières du Nord au cours des années 1980 [31]. Des sociologues comme Stéphane Beaud et Michel Pialoux s’interrogent de leur côté, un peu plus tard, sur les effets de la désindustrialisation, à la fois au sens de perte des emplois et de réorganisation de l’appareil productif, sur le travail et en général sur la condition ouvrière [32]. On pourrait multiplier à l’infini de tels exemples qui font de la désindustrialisation avant tout une rupture saisie au présent, dont les effets, au cours des années 1980-1990, éclatent de plus en plus visiblement (chômage de masse, friches industrielles, crise aiguë de certains territoires, effritement des structures politiques et syndicales entées sur la société industrielle, etc.).
11Il a fallu en revanche plus longtemps pour que les historiennes et les historiens se penchent sur la question, ce qui peut s’expliquer par son caractère ultra-contemporain, sans doute aussi par l’affaissement provisoire de l’histoire du travail durant les dernières décennies du 20e siècle, avant que sa dynamique ne se relance [33]. Il faut attendre ainsi 2004 pour que la revue, qui s’appelle encore Vingtième Siècle, consacre tout un numéro à la crise qui s’ouvre en 1973-1974, notamment sous l’angle économique, social et industriel [34]. Les travaux se font aujourd’hui beaucoup plus nombreux, en particulier du côté des jeunes chercheuses et chercheurs, comme l’attestent ici par exemple les articles de Romain Castellesi et Amandine Tabutaud. Les dernières années ont vu par ailleurs apparaître les premiers ouvrages et dossiers de revues visant à entamer, dans une perspective comparée, une analyse plus générale du phénomène [35]. Les formes de désindustrialisation trouvent par ailleurs de plus en plus leur place dans les nouvelles synthèses ou les travaux consacrés aux mondes ouvriers [36]. Force est cependant de constater que ces recherches demeurent encore assez éclatées. Faut-il y voir un simple effet retard ou peut-être aussi la trace d’un moindre intérêt français pour les questions ouvrières et industrielles [37] ? La question reste pendante ; on a toutefois essayé ici de l’éclairer en multipliant les points de vue, et en faisant dialoguer l’historiographie française avec d’autres historiographies, anglaise, étatsunienne et canadienne, mais aussi belge, ou encore italienne, exemples qui sont loin d’être exclusifs [38].
12Ce numéro, loin d’être un aboutissement ou une conclusion, se veut davantage un bilan d’étape et une invite à poursuivre les recherches. Bien des domaines et des perspectives restent en effet à explorer, comme nous le soulignons ci-dessous. On observera ainsi que la plupart des travaux concernent les effets localisés ou sectoriels de la désindustrialisation, même s’ils les inscrivent dans un cadre national. Rares sont encore les véritables comparaisons ou les analyses transnationales, celles-là mêmes que dessinent dans ce dossier Nicolas Verschueren, à propos des réponses des experts européens à la désindustrialisation, et Pascal Raggi, en comparant les évolutions industrielles de la Lorraine et du Luxembourg. Il s’agit là pourtant d’un enjeu crucial. Les contributions présentées ici illustrent ainsi une véritable différence entre des travaux anglophones, adossés à l’histoire orale et tournés de plus en plus vers une histoire culturelle, au sens large, de la désindustrialisation, et nombre de travaux européens, qui se tournent vers les politiques industrielles – celles des États, de l’Europe [39], des firmes – et les réactions sociales qu’elles entraînent. Il y a là sans doute le reflet de dynamiques historiographiques différentes. Il n’est pas impossible que cette diversité soit liée également à un état des sources, qui serait lui-même un indicateur de la manière dont ont été menés et saisis les processus de désindustrialisation : alors que ces derniers, en Europe mais aussi au Canada, auraient été érigés en objet de politiques publiques à différentes échelles, en question d’intérêt national, ce qui expliquerait l’importance des sources institutionnelles, cela aurait été beaucoup moins le cas aux États-Unis, ou sous des formes différentes [40]. Ce n’est là qu’une hypothèse, mais elle montre à quel point la désindustrialisation demeure un champ ouvert. Les articles de ce dossier permettent au moins de l’entrevoir sous quelques angles saillants.
Hommes et femmes dans la désindustrialisation
13On notera pour commencer que la désindustrialisation n’efface pas la domination de classe que subissent les groupes ouvriers, mais s’y superpose : ainsi, alors que le Yorkshire voit ses emplois miniers s’effondrer, en 1969, une fille de mineur sur 600 seulement entre à l’université [41]. Surtout, ce processus provoque un gigantesque traumatisme, dont il importe de prendre la mesure chez les hommes et les femmes qui en sont les cibles. Dès les années 1970 avec les premières mobilisations ouvrières d’ampleur contre les fermetures d’usines, est posée la question du rapport différencié des hommes et des femmes au travail industriel et de leur exposition inégale au chômage. Le conflit de Lip à Besançon à compter de 1973 est à cet égard inaugural en France [42]. Une génération d’ouvrières, mises au travail à compter des années 1960, fait ainsi l’épreuve de la désindustrialisation. Tout au long de leur carrière, elles ont développé non seulement un rapport à l’emploi [43], mais aussi à leur travail et aux produits qu’elles fabriquent, ainsi qu’à l’ambiance dans les ateliers [44]. Dans ce numéro, Amandine Tabutaud reprend cette question en montrant comment et combien les ouvrières de la Seine-Saint-Denis et de Haute-Vienne sont exposées à la perte de leur emploi, dans une certaine indifférence des pouvoirs publics, notamment sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.
14Mais parce que les industries les plus exposées à ce déclin – les mines, la construction navale et la sidérurgie spécialement – embauchaient une main-d’œuvre quasi exclusivement masculine, les ouvriers se trouvent confrontés à une augmentation spectaculaire du chômage à partir des années 1970.
Nombre de chômeurs masculins entre 1973 et 1993 en milliers [45]
1973 | 1979 | 1989 | 1993 | |
---|---|---|---|---|
États-Unis | 2 275 | 3 120 | 1 257 | 4 932 |
France | 224 | 581 | 970 | 1 384 |
Allemagne | 150 | 417 | 1 070 | 1 508 |
Italie | 603 | 724 | 1 220 | 1 188 |
Royaume-Uni | 476 | 888 | 1 802 | 2 209 |
Nombre de chômeurs masculins entre 1973 et 1993 en milliers [45]
15Dès lors, l’effondrement d’un milieu professionnel précipite celui du modèle de l’homme soutien de famille (le male breadwinner), lequel légitimait toute une masculinité fondée sur le travail, l’effort et une exposition au risque élevée en échange de salaires convenables voire élevés. Un militant aimait ainsi à dire en 1971 qu’aux chantiers navals de Glasgow : « we didn’t only build ships on the Clyde, we built men » (« nous ne construisions pas seulement des navires sur la Clyde, nous construisions des hommes »). Alors que la désindustrialisation provoque principalement une limitation de l’autonomie conquise par les femmes, elle vient saper un des fondements de la masculinité ouvrière [46]. Cette crise radicale, aux effets psychologiques dévastateurs qu’évoquent Arthur McIvor et Gilda Zazzara dans leurs contributions, s’accompagne d’un discours des ouvriers fondé sur la métaphore de la destruction et la nécessité et la difficulté à rester debout ou vivants [47]. Avec la perte d’activité et la diminution afférente des ressources, un univers s’est racorni et des communautés ouvrières se sont disloquées.
16Dès lors, cette crise de la masculinité précipite également une crise de la reproduction ouvrière, affectant la génération des fils, bien documentée pour Newcastle au nord de l’Angleterre [48]. Les jeunes hommes, socialisés selon le modèle de la masculinité traditionnelle jusqu’aux années 1980-1990, doivent s’adapter à un marché du travail qui n’offre des emplois qu’à ceux qui acceptent de servir : dans l’administration, les bars, les centres d’appel, etc., et sachant déployer des compétences davantage développées chez les filles comme la flexibilité, la présentation de soi ou la capacité à parler au téléphone. Dès lors, l’exhibition de la masculinité se réfugie hors de la sphère professionnelle en même temps qu’elle se clive selon des logiques de classe et de « race » : les jeunes issus de la classe ouvrière blanche s’identifient au club local et se prétendent les Real Geordies, issus des mineurs (disparus), s’opposant aux Charvers, reconnaissables à leurs vêtements de sport à capuche, à leur attachement à la culture de rue, et accusés d’être violents. Ce clivage, qui reprend en partie l’opposition ancienne entre une classe ouvrière respectable et une classe violente, signale par extension combien la désindustrialisation a participé à, voire aiguisé, la stigmatisation des groupes ouvriers.
Haro sur les vaincus !
17À Newcastle en effet, le terme Charvers fait écho aux Chavs. Le mot, apparu à la fin des années 1990 en Grande-Bretagne, serait l’acronyme de « Council Housed And Violents » et renvoie à la manière dont une partie des classes dominantes nomme et considère désormais les classes populaires et spécialement les ouvriers, après le long exercice du pouvoir de Margaret Thatcher : au lieu de former une classe ouvrière respectable, ces populations seraient sexistes, racistes et homophobes [49]. L’évolution britannique est ici tout à fait caractéristique : il apparaît normal et de bon goût de moquer les codes sociaux et la culture d’un groupe dont l’influence s’est effondrée [50], tandis que les premières victimes deviennent coupables des maux sociaux qui les affectent, notamment le développement de la criminalité ou la consommation de stupéfiants. Le passage de la Steel City à la Sin City est bien connu aux États-Unis, mais l’un des intérêts de l’article de Romain Castellesi est d’en montrer la réplique dans une petite ville mono-industrielle.
18Cette stigmatisation sociale des vaincus résonne puissamment dans la société française, où la casquette, d’étendard ouvrier est devenue le couvre-chef inquiétant des « jeunes des cités », et dans laquelle les ouvriers, toutes générations confondues dans le même opprobre, font l’objet de dénonciations similaires : de jeunes écrivains mêlent leurs voix à de graves politistes pour repérer les mêmes travers et les mêmes penchants électoraux coupables, xénophobie, homophobie et conservatisme ouvrier [51]. La même évocation d’un supposé « autoritarisme ouvrier », qui servait de matrice explicative au vote en faveur du parti communiste à l’orée des années 1960, est avancée durant les années 1990 pour rendre raison du vote en faveur de l’extrême droite [52]. Aux États-Unis, l’élection de Donald Trump en 2016, nous rappelle Steven High, a conduit au même diagnostic par des commentateurs, qui restent à bonne distance et communient dans le même discours : ces classes ouvrières, qui auraient basculé dans le nationalisme le plus crasse, sont décidément indéfendables. La meilleure preuve, c’est qu’elles prétendraient défendre des activités qui polluent.
Les emplois, l’environnement et/ou la santé
19La désindustrialisation en cours révèle et avive des conflits environnementaux, qui concernent également la santé des protagonistes mêmes. Le sort de la fonderie de Metaleurop à Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais est emblématique des conflits à l’œuvre : installée sur la commune à partir de 1894, la fonderie devient la première usine au monde pour la production de métaux rares et embauche jusqu’à 1 700 ouvriers [53]. L’utilisation massive de plomb et de cadmium a pollué les sols, mais cette pollution connue et indemnisée dès 1968 est invisibilisée par un chantage implicite de l’entreprise enjoignant de consentir à l’empoisonnement continu de la population en échange de la préservation de l’emploi. La disparition de l’entreprise, à la suite de son pillage par un actionnaire suisse, met fin au chantage et fait éclater un scandale environnemental et sanitaire qu’on retrouve ailleurs : l’industrialisation a été aussi un long processus de contamination du monde et d’usure des corps ouvriers [54], que la désindustrialisation contribue à révéler. C’est notamment le cas en Amérique du Nord, avec l’affaire du Love Canal, à proximité immédiate des chutes du Niagara, une zone que des entreprises chimiques ont massivement polluée, provoquant ensuite l’intoxication des familles qui s’y étaient installées [55].
20Ces scandales environnementaux donnent à voir la naissance de mobilisations, qui contribueraient ainsi à la désindustrialisation, participant à développer un clivage à la fois social et politique entre les classes moyennes et les groupes ouvriers. Ils incitent dans tous les cas le législateur à intervenir, précipitant l’adoption de réglementations environnementales de plus en plus contraignantes, auxquelles depuis longtemps les entreprises occidentales essaient d’échapper. Le cas de la firme RCA (Radio Corporation of America) est à cet égard « exemplaire ». Créée en 1919 à Camden dans le New Jersey, elle réussit à mettre au point le premier poste de télévision, puis fonde des usines dans l’Indiana et surtout à Memphis, embauchant une main-d’œuvre noire. Avec le durcissement de la législation, RCA s’implante d’abord à Ciudad Juárez au Mexique puis à Taïwan en 1970, pour y établir trois usines de production de postes de télévision, où l’entreprise, revendue ensuite à General Electric et Thomson, pollue l’environnement et expose massivement les ouvrières à des solvants organiques cancérogènes [56].
21Ce récit cependant se complique car les protagonistes mêmes s’impliquent progressivement à compter des années 1970 surtout. Un environnementalisme ouvrier, articulé d’abord autour de la défense de la santé au travail à l’usine, se développe à la fois en Amérique du Nord et en Europe occidentale [57]. Gilda Zazzara montre bien comment cet environnementalisme se déploie dans la continuation du mouvement de 1968, où les ouvriers entendent conserver leur emploi tout en préservant leur santé dans les industries chimiques ou métallurgiques. Le drame est évidemment, à Porto Marghera comme à Tarente, que ces luttes échouent, tandis que les oppositions entre la mouvance écologiste et le mouvement ouvrier viennent légitimer les disparitions des entreprises polluantes et précipitent derechef le discrédit des mondes ouvriers, définitivement surnuméraires dans un monde qui suspecte désormais toutes les cheminées qui fument.
Économies morales de la désindustrialisation
22L’ensemble des contributions pousse également à suivre une autre piste, celle des économies morales à travers lesquelles les acteurs donnent sens – ou pas – à la désindustrialisation et qui peuvent expliquer les réactions, les stratégies, les discours qu’ils déploient à l’égard de cette dernière. On sait que ce concept d’économie morale a été développé par l’historien britannique Edward P. Thompson afin de montrer, au tournant des 18e et des 19e siècles, c’est-à-dire au moment de genèse des sociétés industrielles, que les révoltes frumentaires et autres protestations populaires, loin d’être irrationnelles, obéissaient à des valeurs, à des normes – liées par exemple à la définition d’un prix « juste » –, en somme à une logique, opposée à celle, naissante, du capitalisme industriel [58]. On a pu observer récemment que ce type d’analyse pouvait n’être pas cantonné à l’opposition entre tradition et modernité capitaliste/industrielle [59]. Il est même loisible de penser que ce concept, mis en œuvre pour penser le basculement que représentent l’industrialisation et la formation de la classe ouvrière, soit tout aussi utile pour appréhender cet autre basculement qu’induisent la désindustrialisation et la dé-formation de la classe ouvrière [60].
23Économies morales donc, et d’abord celle des salariées et des salariés en proie à la désindustrialisation. Nombre d’articles ici montrent que les réactions ouvrières aux fermetures, plus largement aux effets de court et de moyen termes de l’industrialisation, sont très variables, allant du refus, du soulèvement, aux formes sourdes de résistance, en passant par les tentatives d’apprivoisement ou de fuite. À cet égard, le cas des mineurs de Decazeville, observé ici par Marion Fontaine, permet de voir comment, au sein d’un même mouvement, les différentes réactions peuvent s’entremêler. Il est possible aussi, au fil des diverses contributions, de discerner les valeurs, les principes, qui guident ces réactions ouvrières : l’attachement, toujours ambivalent, au travail, comme socle des identités et des sociabilités, le souci de la dignité, l’ancrage dans la communauté locale et/ou nationale.
24On voit également que ces réactions ouvrières ne sont pas un soliloque, mais qu’elles tiennent d’un pacte, ou plutôt de l’impression de rupture de ce pacte. L’industrialisation ne tenait pas en effet à une seule économie morale, celle des dominés, mais à l’entrelacement de plusieurs d’entre elles. La période, décidément exceptionnelle, de haute croissance et de stabilisation qui suit la Seconde Guerre mondiale, peut ainsi se lire comme l’articulation de plusieurs systèmes de valeurs et de normes : celui des salariés et du mouvement ouvrier, celui des acteurs de la grande industrie, celui des acteurs des États-sociaux, les uns et les autres s’affrontant, mais aussi convergeant autour d’un certain nombre d’idées, telles que l’éthique productive ou l’ancrage de l’industrie dans le cadre de la nation. La désindustrialisation peut se lire alors comme désarticulation, rupture, même si elle est progressive, de ce pacte ou de ces pactes, avec l’internationalisation des firmes ou la mutation des politiques publiques. L’article de Matthieu Tracol saisit ainsi ce processus à ses débuts, dans le cadre du gouvernement Mauroy en France, quand la rupture n’en est encore qu’à ses prémices mais n’en plonge pas moins les acteurs de la politique et ceux du monde du travail dans une profonde incertitude. On peut lire aussi la contribution de Pascal Raggi, concernant les évolutions contrastées de la Lorraine et du Luxembourg, comme une illustration de l’éloignement croissant entre les attentes et les principes qui guident les conduites des différents protagonistes de la société industrielle.
25Il conviendrait sans doute d’aller beaucoup plus loin, car à la condition d’être prise dans une acception exigeante, une notion comme celle d’économie morale présente un véritable intérêt pour entreprendre une histoire large de la désindustrialisation, qui ne met pas en jeu uniquement les structures de la production, mais les relations sociales, comme les imaginaires et les pratiques. Loin de toute stigmatisation, il y a là sans doute aussi un véritable point de départ pour penser les réactions à la désindustrialisation, sur l’instant des fermetures et des licenciements et à plus longue échéance. Ce qui est dénoncé aujourd’hui sans beaucoup de nuances, ou pointé du doigt dans une veine très misérabiliste, comme repli nationaliste, régression, « archaïsme » des anciennes zones ouvrières, pourrait ainsi être davantage fouillé : que signifie, aux yeux mêmes des différentes catégories d’acteurs concernés, l’opposition, porteuse de violence et de rupture, entre « archaïsme » industriel et « modernité » post-industrielle ? Comment ces différentes catégories lisent-elles, justifient-elles, ou condamnent-elles les transformations du rapport de l’industrie aux territoires (locaux, nationaux) ?
26C’est bien dire que cet examen historique de la désindustrialisation que nous proposons ici n’engage pas seulement le passé, il questionne aussi le présent et l’avenir [61]. L’examen de la ou des désindustrialisations amène ainsi à relire l’histoire du second 20e siècle et nous conduit jusqu’à notre présent : parce qu’il ronge la seconde ou la troisième génération, celle des enfants et bientôt des petits-enfants de la désindustrialisation que seule la littérature aborde à partir de la sidérurgie [62] ; parce que le phénomène se prolonge et qu’il est encore devant nous. Cette histoire en cours de la désindustrialisation est aussi, par conséquent, une histoire urgente : urgente à écrire et à entendre.
Mots-clés éditeurs : économie morale, désindustrialisation, masculinités, chômage, environnementalisme, ouvriers
Date de mise en ligne : 24/10/2019
https://doi.org/10.3917/vin.144.0002Notes
-
[1]
Pour une présentation synthétique : El Mouhoub Mouhoud, Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris, La Découverte, 2006, 4e éd. 2017.
-
[2]
Statistiques empruntées à Cédric Lomba, La Restructuration permanente de la condition ouvrière. De Cockerill à ArcelorMittal, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2018, p. 27.
-
[3]
Arthur J. McIvor, A History of Work in Britain, 1880-1950, Basingstoke, Palgrave, 2001, p. 32.
-
[4]
Jefferson Cowie et Joseph Heathcott (dir.), Beyond the Ruins. The Meanings of Deindustrialization, Ithaca, Cornell University Press, 2003.
-
[5]
Thomas J. Sugrue, The Origins of Urban Crisis. Race and Inequality in Postwar Detroit, Princeton, Princeton University Press, 1996, p. 143.
-
[6]
Jim Phillips, « Deindustrialization and the Moral Economy of the Scottish Coalfields, 1947 to 1991 », International Labor and Working-Class History, 84, 2013, p. 99-115.
-
[7]
Voir aussi Christopher H. Johnson, The Life and Death of Industrial Languedoc, 1700-1920, New York/Oxford, Oxford University Press, 1995.
-
[8]
Anne Dalmasso, « Territoires et désindustrialisations : trajectoires d’entreprises et marginalisation territoriale », in Jean-Claude Daumas, Ivan Kharaba et Philippe Mioche (dir.), La Désindustrialisation : une fatalité ?, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 140.
-
[9]
Steven High, Industrial Sunset. The Making of North America’s Rust Belt, 1969-1984, Toronto, University of Toronto Press, 2003.
-
[10]
Miriam A. Golden, Heroic Defeats. The Politics of Job Loss, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
-
[11]
Trevor Wild et Philip Jones (dir.), De-Industrialisation and New Industrialisation in Britain and Germany, Londres, Anglo-German Foundation for the Study of Industrial Society, 1991.
-
[12]
Corinne Luxembourg, « Les villes moyennes françaises face à la désindustrialisation : les cas de Gennevilliers et du Creusot », Bulletin de l’Association de géographes français, 88 (2), 2011, p. 125-136.
-
[13]
Robert Storey, « Beyond the Body Count ? Injured Workers in the Aftermath of Deindustrialization », in Steven High, Lachlan MacKinnon et Andrew Perchard (dir.), The Deindustrialized World. Confronting Ruination in Postindustrial Places, Vancouver, UBC Press, 2017, p. 61. Voir le compte rendu de l’ouvrage dans ce numéro.
-
[14]
Pascal Raggi, La Désindustrialisation de la Lorraine du fer, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 13 et 18. Voir le compte rendu de l’ouvrage dans ce numéro.
-
[15]
Daniel Bell, The Coming of Post-Industrial Society : A Venture in Social Forecasting, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1973 (trad. fr. : Vers la société post-industrielle, Paris, Robert Laffont, 1973, 1976) ; Alain Touraine, La Société post-industrielle. Naissance d’une société, Paris, Denoël, 1969. Voir aussi, plus récemment, l’ouvrage de Jeremy Rifkin, The End of Work : The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era, New York, Putnam Publishing Group, 1995 (trad. fr. : La Fin du travail, Paris, La Découverte, 1995, 1996) et les débats qui l’ont entouré.
-
[16]
On suit ici l’approche large de la désindustrialisation proposée par exemple par Jefferson Cowie et Joseph Heathcott (dir.), Beyond the Ruins, op. cit., p. 12.
-
[17]
Voir par exemple Sébastien Lechevalier, La Grande Transformation du capitalisme japonais (1980-2010), Paris, Les Presses de Sciences Po, 2011.
-
[18]
Patrice Caro, Olivier Dard et Jean-Claude Daumas (dir.), La Politique d’aménagement du territoire : racines, logiques et résultats, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.
-
[19]
Guy Barbichon et Serge Moscovici, « Modernisation des mines, conversion des mineurs. Étude sur les conséquences psychologiques et sociales de la modernisation dans les charbonnages du Centre-Midi », Revue française du travail, 3, juillet-septembre 1962, p. 3-201 ; Alain Touraine, La Conscience ouvrière, Paris, Seuil, 1966.
-
[20]
Par exemple, Michael Young et Peter Willmott, Family and Kinship in East London, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1957 (trad. fr. : Le Village dans la ville. Famille et parenté dans l’Est londonien, Paris, PUF, 2010).
-
[21]
Pour deux panoramas historiographiques, voir Steven High, « The Wounds of Class’ : A Historiographical Reflection on the Study of Deindustrialization, 1973-2013 », History Compass, 13, 2013, p. 994-1007 ; Roberta Garruccio, « Chiedi alla ruggine. Studi e storiografia della deindustrializzazione », Meridiana. Rivista di storia e scienze sociali, 85, 2016, p. 35-60.
-
[22]
Frank Blackaby (dir.), De-Industrialisation, Londres, Heinemann Educational Books, 1978 ; Barry Bluestone et Bennett Harrison, The Deindustrialization of America, New York, Basic Books, 1982.
-
[23]
Par exemple, David Bensman et Roberta Lynch, Rusted Dreams. Hard Times in a Steel Community, New York, McGraw-Hill, 1987 ; Paul D. Staudohar et Holly E. Brown (dir.), Deindustrialization and Plant Closure, Lexington, Lexington Books, 1987.
-
[24]
Outre les travaux mentionnés tout au long de cette introduction, on peut ajouter par exemple : Jefferson Cowie, Stayin’ Alive. The 1970s and the Last Days of the Working Class, New York/Londres, The New Press, 2010 ; Alice Mah, Industrial Ruination, Community and Place. Landscapes and Legacies of Urban Decline, Toronto, University of Toronto Press, 2012 ; Arthur McIvor, Working Lives. Work in Britain Since 1945, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
-
[25]
Bert Altena et Marcel van der Linden, « De-industrialization : Social, Cultural, and Political Aspects », International Review of Social History, 47, 2002 (numéro spécial) ; S. High, L. MacKinnon et A. Perchard (dir.), The Deindustrialized World, op. cit.
-
[26]
Voir encore Sherry Lee Linkon, The Half-Life of Deindustrialization. Working-Class Writing about Economic Restructuring, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.
-
[27]
Tim Strangleman, James Rhodes et Sherry Linkon, « Introduction to Crumbling Cultures. Deindustrialization, Class, and Memory », International Labor and Working-Class History, 84 (1), 2013 (numéro spécial).
-
[28]
Voir en particulier l’article stimulant de Tim Strangleman, « “Smokestack Nostalgia”, “Ruin Porn” or Working-Class Obituary : The Role and Meaning of Deindustrial Representation », International Labor and Working-Class History, 84 (1), 2013, p. 23-37.
-
[29]
Donald Reid, The Miners of Decazeville. A Genealogy of Deindustrialization, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1985 (il faut attendre… 2009 pour que l’ouvrage soit traduit en français par l’Association de sauvegarde du patrimoine industriel du bassin de Decazeville-Aubin, sous le titre Les Mineurs de Decazeville. Historique de la désindustrialisation, Decazeville, ASPIBD, 2009).
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[30]
Par exemple, Élie Cohen, L’État brancardier. Politiques du déclin industriel (1974-1984), Paris, Calmann-Lévy, 1989 ; Élie Cohen et Pierre-André Buigues, Le Décrochage industriel, Paris, Fayard, 2014.
-
[31]
Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990.
-
[32]
Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard, 1999.
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[33]
Nicolas Hatzfeld, Michel Pigenet et Xavier Vigna (dir.), Travail, travailleurs et ouvriers d’Europe au xxe siècle, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2016.
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[34]
« Crises et conscience de crise », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 84, 2004.
-
[35]
Outre les collectifs déjà mentionnés, on peut citer : Pierre Lamard et Nicolas Stoskopf (dir.), 1974-1984. Une décennie de désindustrialisation ?, Paris, Picard, 2009 ; Laurent Jalabert et Christophe Patillon (dir.), Mouvements ouvriers et crise industrielle dans les régions de l’Ouest atlantique des années 1960 à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Jean-Luc Deshayes et Cédric Lomba (dir.), « Les désindustrialisations (re)visitées », dossier, Savoir/Agir, 39, 2017 ; Xavier Daumalin et Philippe Mioche (dir.), « La désindustrialisation au regard de l’histoire », Rives méditerranéennes (en ligne), 46, 2013, mis en ligne le 15 octobre 2014.
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[36]
Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier. Liévin 1974, Paris, Éditions de l’EHESS, 2014 ; Ingrid Hayes, Radio Lorraine cœur d’acier, 1979-1980. Les voix de la crise, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2018 ; Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au xxe siècle, Paris, Perrin, 2012.
-
[37]
C’est l’hypothèse que fait par exemple Jean-Claude Daumas, « Une France sans usines : comment en est-on arrivé là ? (1974-2012) », in J.-C. Daumas et al. (dir.), La Désindustrialisation : une fatalité ?, op. cit., p. 20-24.
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[38]
Pour un premier panorama des recherches européennes : Michel Hau (dir.), De-Industrialisation in Europe, 19th-20th Centuries, Séville, Fundación Fomento de la Historia Económica, 1998. Voir aussi le colloque qui s’est tenu à Sesto San Giovanni (Italie), les 5 et 6 mars 2015 : « Deindustrialization and Urban Transformation in Europe : A Comparative Perspective ». Voir enfin la synthèse de René Leboutte, Vie et mort des bassins industriels en Europe, 1750-2000, Paris, L’Harmattan, 1997.
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[39]
Outre son article présenté ici, voir le travail de Nicolas Verschueren, Fermer les mines en construisant l’Europe. Une histoire sociale de l’intégration européenne, Bruxelles, Peter Lang, 2013.
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[40]
On suit ici l’hypothèse très stimulante présentée par Steven High à propos de la différence Canada/États-Unis, Industrial Sunset, op. cit., p. 13-14.
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[41]
Norman Dennis, Fernando Henriques et Clifford Slaughter, Coal is Our Life. An Analysis of a Yorkshire Mining Community, Londres, Tavistock Publications, 1956, 1969, p. 9.
-
[42]
Donald Reid, Opening the Gates. The Lip Affair, 1968-1981, Londres, Verso, 2018.
-
[43]
Anni Borzeix et Margaret Maruani, Le Temps des chemises, Paris, Syros, 1982.
-
[44]
Fanny Gallot, En découdre. Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015, et Jackie Clarke, « Closing Time : Deindustrialization and Nostalgia in Contemporary France », History Workshop Journal, 79 (1), 2015, p. 107-125.
-
[45]
John Goodwin, Men’s Work and Male Lives, Aldershot, Ashgate, 1999, p. 50.
-
[46]
A. McIvor, Working Lives, op. cit., p. 258-263. La citation se trouve p. 82.
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[47]
Discours évoqué par Alessandro Portelli dans ses deux enquêtes sur le comté d’Harlan dans les Appalaches et dans la ville sidérurgique de Terni en Ombrie : Alessandro Portelli, They Say in Harlan County. An Oral History, Oxford/New York, Oxford University Press, 2011, chap. XV, et La città dell’acciaio. Due secoli di storia operaia, Rome, Donzelli, 2017, chap. X.
-
[48]
Anoop Nayak, « Displaced Masculinities : Chavs, Youth and Class in the Post-Industrial City », Sociology, 40 (5), 2006, p. 813-831.
-
[49]
Owen Jones, Chavs. The Demonization of the Working Class, Londres, Verso, 2011.
-
[50]
John Kirk, Class, Culture and Social Change. On the Trail of the Working Class, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007, p. 4.
-
[51]
Xavier Vigna, L’Espoir et l’effroi. Luttes d’écritures et luttes de classes en France au xxe siècle, Paris, La Découverte, 2016, chap. V.
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[52]
Seymour Martin Lipset, « “L’autoritarisme” de la classe ouvrière », in L’Homme et la politique, Paris, Seuil, 1960, 1963, p. 110-146, et son utilisation par exemple chez Nonna Mayer, Ces Français qui votent FN, Paris, Flammarion, 1999.
-
[53]
Judith Rainhorn et Coralie Dumontier, « Faire l’histoire d’un conflit manqué. Pollution environnementale et risques sanitaires autour de Metaleurop-Nord (1970-2003) », in Thomas Le Roux et Michel Letté (dir.), Débordements industriels. Environnement, territoire et conflit (xviiie-xxie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 377-397.
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[54]
François Jarrige et Thomas Le Roux, La Contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Seuil, 2017.
-
[55]
Richard Newman, « From Love’s Canal to Love Canal. Reckoning with the Environmental Legacy of an Industrial Dream », in J. Cowie et J. Heathcott (dir.), Beyond the Ruins, op. cit., p. 112-135. Cette affaire est aussi évoquée dans le roman de Joyce Carol Oates, Les Chutes, Paris, Points-Seuil, 2011 (édition originale : 2004).
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[56]
Jefferson Cowie, Capital Moves. RCA’s Seventy-Year Quest of Cheap Labor, Ithaca, Cornell University Press, 1999, et Paul Jobin, « Les cobayes portent plainte. Usages de l’épidémiologie dans deux affaires de maladies industrielles à Taiwan », Politix, 91 (3), 2010, p. 53-75.
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[57]
Andrew Hurley, Environmental Inequalities. Class, Race, and Industrial Pollution in Gary, Indiana, 1945-1980, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1995 ; Stefania Barca, « Sur l’écologie de la classe ouvrière : un aperçu historique et transnational », Écologie et Politique, 50 (1), 2015, p. 23-40 ; Renaud Bécot, « Syndicalisme et environnement en France de 1944 aux années quatre-vingt », thèse d’histoire sous la direction de Geneviève Massard-Guilbaud, EHESS, 2015, 2e partie.
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[58]
Edward P. Thompson, The Making of the English Working Class, Londres, Victor Gollancz Ltd, 1963 (trad. fr. : La Formation de la classe ouvrière anglaise, trad. de l’angl. par Gilles Dauvé, Mireille Golaszewski et Marie-Noëlle Thibault, Paris, Seuil, 1988) et Customs in Common : Studies in Traditional Popular Culture, Londres, Merlin Press, 1991 (trad. fr. : Les Usages de la coutume. Traditions et résistances populaires en Angleterre, xviie-xixe siècle, trad. de l’angl. par Jean Boutier et Arundhati Virmani, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 2015).
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[59]
Didier Fassin, « Les économies morales revisitées », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 6, 2009, p. 1237-1266.
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[60]
On peut retrouver cette idée, que le concept d’économie morale soit ou non employé, par exemple dans les articles suivants : Jim Phillips, « Deindustrialization and the Moral Economy of the Scottish Coalfields, 1947 to 1991 », art. cité ; David Byrne, « Industrial Culture in a Post-Industrial World : The Case of the North East of England », City, 6 (3), 2002, p. 279-291. L’historien Steven High y fait aussi allusion pour expliquer la différence des réactions des États-Unis et du Canada face à la désindustrialisation : Steven High, Industrial Sunset, op. cit., p. 17, p. 131-166.
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[61]
T. Strangleman, J. Rhodes et S. Linkon, « Introduction to Crumbling Cultures. Deindustrialization, Class, and Memory », op. cit., p. 20.
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[62]
Philipp Meyer, American Rust, New York, Spiegel & Grau, 2009 (trad. fr. : Un arrière-goût de rouille, trad. de l’américain par Sarah Gurcel, Paris, Denoël, 2010 [sur la vallée en amont de Pittsburgh]) ; Silvia Avallone, Acciaio, Milan, Rizzoli, 2010 (trad. fr. : D’acier, trad. de l’ital. par Françoise Brun, Paris, Liana Levi, 2011 [sur la ville de Piombino]) ; Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Paris, Actes Sud, 2018 (sur une vallée lorraine).