Couverture de VIN_142

Article de revue

Requérir la peine de mort

Les magistrats militaires entre la France et l’Algérie durant la guerre d’indépendance algérienne

Pages 19 à 32

Notes

  • [1]
    Victor Hugo, Les Châtiments, cité par Pierre Vidal-Naquet, Mémoires. Le trouble et la lumière, Paris, Éd. du Seuil, 1998, t. II, p. 158.
  • [2]
    Dernière Heure lyonnaise (DHL), 24 mai 1960.
  • [3]
    Moussa Lachtar, La Guillotine, Paris, François Maspero, 1962, p. 5.
  • [4]
    Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 2001, 2004, p. 42.
  • [5]
    La bibliographie sur la guerre d’Algérie étant abondante, nous renvoyons à une synthèse : Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Flammarion, 2005.
  • [6]
    On pense ici aux travaux nombreux et pionniers de Sylvie Thénault.
  • [7]
    S. Thénault, Une drôle de justice…, op. cit., p. 15-16.
  • [8]
    Sur la circulation des hauts fonctionnaires entre l’Algérie et la France, avec, dans leur sillage, la circulation de modèles répressifs, on peut lire l’itinéraire du préfet Maurice Papon dans le premier chapitre (« Papon et les origines coloniales de la violence policière ») du livre de Jim House et Neil MacMaster, Paris, 1961. Les Algériens, la terreur d’État et la mémoire, Paris, Tallandier, 2006, 2008, p. 45-54 ; se reporter également à Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012, p. 183-205.
  • [9]
    Sylvie Thénault, « Armée et justice en guerre d’Algérie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 57, janvier-mars 1998, p. 104-114, p. 106.
  • [10]
    Ibid. L’analyse de ces décrets provient de cet article.
  • [11]
    En France, un article a étudié la justice civile : Annie Deperchin et Arnaud Lecompte, « Les crimes commis par les Algériens en métropole devant la cour d’assises du Nord, 1954-1962 », Histoire de la justice, 16, 2005, p. 257-270.
  • [12]
    Ce sont Pierre Lequime (200 cas), François Hennequin (176) et Joseph Bessi (123), pour le TPFA de Paris, Aimé Perrier (185), François Théret (159) et Albert Rebuffet (129) pour le TPFA de Lille, Roger Maurel (277), Lucien Vernet (144), Francis Clair (141) et Théodore Viboud (125) pour le TPFA de Lyon.
  • [13]
    L’École d’administration de Vincennes, créée en 1875, a été rebaptisée en 1975 École d’administration militaire. Elle forme, au sein des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, les officiers du corps technique et administratif de l’armée de terre, du service des essences des armées, du service de santé des armées, et des commissaires des armées ayant un ancrage « armée de terre ».
  • [14]
    Archives de la justice militaire (AJM), dossier 3051, relevé de feuillet personnel.
  • [15]
    AJM, dossier 2619, dossier pour devenir chevalier de la Légion d’honneur.
  • [16]
    AJM, dossier 2578, relevé de feuillet personnel, 1940.
  • [17]
    AJM, dossier 3387, relevé de notes, 1935.
  • [18]
    Cette prise en charge ne peut étonner tant l’« armée d’Afrique » a pris une place importante au sein des armées françaises. Sur cette armée, on se rapportera au livre classique d’Anthony Clayton, Histoire de l’armée française en Afrique. 1830-1962, Paris, Albin Michel, 1988, 1994.
  • [19]
    AJM, dossier 3051, relevé de notes, 1946.
  • [20]
    AJM, dossier 3387, relevé de notes, 1939.
  • [21]
    AJM, dossier 2893, état signalétique des services, 1928.
  • [22]
    Ordre honorifique marocain créé en 1913 peu après la création du protectorat français.
  • [23]
    AJM, dossier 3062, citation à l’ordre de la brigade.
  • [24]
    AJM, dossier 2578, relevé de notes, 1939.
  • [25]
    AJM, dossier 3386, état signalétique des services.
  • [26]
    AJM, dossier 3022, état signalétique des services.
  • [27]
    AJM, dossier 3387, citation à l’ordre de l’armée, 1952.
  • [28]
    AJM, dossier 2619, tableau d’avancement 1932.
  • [29]
    Suspecté de franc-maçonnerie, il a dû, en 1940, rédiger et signer une déclaration dans laquelle il reconnaissait avoir fait partie de la Ligue des droits de l’homme mais non à la franc-maçonnerie.
  • [30]
    AJM, dossier 3191, lettre au ministre des Armées.
  • [31]
    Raymond Colas est diplômé de criminologie en 1952 et docteur en droit en 1954.
  • [32]
    AJM, dossier 2578, relevé de notes, 1943.
  • [33]
    AJM, dossier 3308, feuille de notes, 1951.
  • [34]
    AJM, dossier 3098, lettre du 27 avril 1960.
  • [35]
    AJM, dossier 3191, relevé de notes, 1961.
  • [36]
    AJM, dossier 3051, citation de 1958.
  • [37]
    AJM, dossier 3191, citation à l’ordre de la brigade.
  • [38]
    Contrairement à l’image des juges appelés pour leur service militaire en Algérie mise en évidence par Sylvie Thénault, Une drôle de justice…, op. cit.
  • [39]
    Les juges présents dans les TPFA métropolitains ont plusieurs particularités. D’abord, il y a toujours huit juges aux côtés d’un commissaire du gouvernement durant la guerre d’Algérie alors qu’ils n’étaient que six durant la Seconde Guerre mondiale, signe de l’inflation judiciaire et de l’importance accordée au mouvement indépendantiste. Ensuite, les juges, à la différence des commissaires, ne sont pas attachés à un tribunal : ils sont prélevés dans les troupes de la région. Résultat, ils sont très nombreux à siéger pendant la guerre d’Algérie : 150 pour le TPFA de Lyon entre 1958 et 1962. Certains siègent 300 fois, d’autres une seule.
  • [40]
    AJM, dossier 2619, feuille de notes, 1960.
  • [41]
    AJM, dossier 3098, lettre, 19 avril 1960.
  • [42]
    AJM, dossier 3328, citation à l’ordre de la Brigade, 1960.
  • [43]
    AJM, dossier 2893, appréciation transmise par Salan.
  • [44]
    AJM, dossier 2578, synthèse des notes, 1959-1963.
  • [45]
    Sur cette stratégie de défense : Sylvie Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l’indépendance : la “défense de rupture” en question », Le Mouvement social, 240 (3), 2012, p. 121-135.
  • [46]
    DHL, 12 janvier 1960.
  • [47]
    DHL, 22 octobre 1959.
  • [48]
    Ils n’étaient, à ses yeux, que « pantins costumés » et « croquemorts absurdes » : Jean-Jacques Brochier, Un jeune homme bien élevé, Paris, Éd. de la Table Ronde, 1978, p. 124-126.
  • [49]
    AJM, dossier 3051, évaluation, 1961.
  • [50]
    AJM, dossier 2619, visite du 23 juin 1960.
  • [51]
    AJM, dossier 2578, notes, 1960.
  • [52]
    AJM, dossier 2712, lettre du 24 mars 1984.
  • [53]
    AJM, dossier 3100, citation à l’ordre de la division, 1959.
  • [54]
    Chiffres provisoires donnés par le président des Anciens condamnés à mort en Algérie : Mostefa Boudina, Rescapé de la guillotine, Rouiba, Anep, 2010, p. 139.
  • [55]
    Archives nationales (AN), 19970344, dossiers de recours en grâce (DRG), 94 PM 59.
  • [56]
    AN, 19970344, DRG, 136 PM 59.
  • [57]
    AN, 19970344, DRG, 73 PM 59.
  • [58]
    Salah Khalef, « Fort Montluc », in Mahfoud Kaddache (dir.), Récits de feu, Alger, SNED, 1977, p. 342-351, p. 350.
  • [59]
    J.-J. Brochier, Un jeune homme bien élevé, op. cit., p. 128.
  • [60]
    AJM, dossier Abdallah Kabbouche, note de service, 16 mars 1960.
  • [61]
    AJM, dossier Mahmoud Mokrani, procès-verbal d’exécution, 8 juillet 1960.
  • [62]
    AJM, dossier 3103, maintien en Algérie d’un magistrat militaire, 8 mai 1963.
  • [63]
    La Cour de sûreté de l’État a été instituée par deux lois votées au Parlement en janvier 1963. Sur ce tribunal : Vanessa Codaccioni, Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS éditions, 2015.
  • [64]
    AJM, dossier 3062, relevé de notes, 1963.
  • [65]
    AJM, dossier 3350, relevé de notes, 1962.
  • [66]
    AJM, dossier 3376, courrier de 1964.
  • [67]
    AJM, dossier 3308, relevé de notes, 1979.
  • [68]
    AJM, dossier 2601, note pour le cabinet militaire du ministre des armées, 1964.
  • [69]
    AJM, dossier 3328, relevé de notes, 1981.
  • [70]
    AJM, dossier 2929, courrier au procureur de la République, 1962.
  • [71]
    AJM, dossier 3051, relevé de notes, 1965.
  • [72]
    AJM, dossier 3194, inspection des services de la justice militaire en Algérie et au Sahara, 9 mai 1961.
Ceux qui tuaient le mieux et qui n’ont pas bronché Auront la Croix d’honneur par-dessus le marché [1].

1La guerre d’Algérie s’est exportée dans les prétoires des tribunaux militaires. L’article de Marc André retrace la trajectoire des commissaires de gouvernement des Tribunaux permanents des forces armées et leurs faits d’armes au sein de la justice militaire. Leur formation militaire, leur passé colonial, le déploiement de leurs carrières en Algérie et en métropole, expliquent la circulation des pratiques répressives entre les deux rives de la Méditerranée autant que le caractère politique et la sévérité de la justice rendue.

2« Ces individus se sont mis au ban de l’humanité. Montrer de la clémence dans de telles circonstances est inadmissible. […] Je demande au tribunal de se montrer impitoyable [2]. » C’est en ces termes que le commissaire du gouvernement Roger Maurel conclut son réquisitoire devant le Tribunal permanent des forces armées de Lyon (TPFA), le 23 mai 1960, à propos du groupe de choc FLN (Front de libération nationale) de Moussa Lachtar. Celui-ci, écrivant depuis sa prison un rapport sur sa vie de détenu, qualifie celui-là de « dromadaire enragé » et rappelle qu’il est « récemment revenu d’Algérie, “le beau pays qu’il aime” [3] ». Le face-à-face oppose manifestement moins un magistrat et un inculpé que deux ennemis. La guerre d’Algérie (1954-1962) s’est en effet exportée dans les tribunaux de la France métropolitaine.

3De fait, les commissaires du gouvernement, leurs noms comme les propos qu’ils tiennent à l’audience, sont aussi fréquemment cités dans les rubriques judiciaires des grands quotidiens régionaux qu’ils restent méconnus. Sur ces hommes et leurs parcours, peu de choses ont filtré alors qu’ils sont au cœur de la justice militaire. À la tête de parquets indépendants des corps de troupes depuis la création des TPFA en 1928, ils dépendent directement du ministre de la Défense [4]. Si quelques dossiers de carrière ont rejoint le centre des archives du personnel militaire (Pau), d’autres, plus nombreux, sont restés enfouis au dépôt central des archives de la justice militaire (Le Blanc). Leur découverte permet une étude prosopographique et apporte de nouveaux éclairages sur la justice pendant la guerre d’Algérie. En effet, aux versants militaire (envoi du contingent), policier (utilisation de la torture), psychologique (propagande) de cette guerre [5], s’est ajouté un versant judiciaire, champ d’investigation particulièrement fécond [6]. Mais jusqu’à présent, et alors que seul le territoire algérien a fait l’objet d’une enquête globale, il était admis, d’une part, que les hommes appelés à juger les nationalistes pendant la guerre étaient les mêmes en exercice avant son déclenchement et, d’autre part, que les magistrats exerçant en Algérie étaient pour l’essentiel des magistrats locaux [7]. C’était sans compter sur les magistrats militaires qui se caractérisent par une grande mobilité entre les deux territoires pendant toute la durée du conflit, notamment à partir de 1958 quand les TPFA de France sont mobilisés, et favorisent ainsi les transferts de pratiques répressives de part et d’autre de la Méditerranée [8].

4Cette entrée en action des tribunaux militaires sur un ensemble territorial allant, pour reprendre un slogan contemporain, « de Dunkerque à Tamanrasset » a été progressive. La loi du 23 avril 1955 décrétant l’état d’urgence en Algérie a permis aux ministres de la Justice et de la Défense nationale d’« autoriser, par décret, la justice militaire à se saisir de crimes ainsi que de délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d’Assises, dans la zone où est déclaré l’état d’urgence [9] ». Les décrets du 17 mars 1956, accordant les pouvoirs spéciaux au gouvernement, ont accru les compétences de la justice militaire puisqu’ils l’autorisent à revendiquer les affaires dès la phase de l’instruction, élargissent la liste des crimes et permettent « la traduction directe sans instruction préalable devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation » à l’un des crimes de la liste fixée [10]. Enfin, l’ordonnance du 8 octobre 1958 autorise les TPFA métropolitains à se saisir des affaires d’atteinte à l’intégrité du territoire national (AITN). Ceux-ci remplacent les cours d’assises dans les affaires criminelles [11] et complètent l’action des tribunaux correctionnels chargés du menu fretin des activités nationalistes (cotisations, propagande, etc.).

5Les officiers de justice militaire ont été tout autant les artisans de la refonte de la carte judiciaire que les acteurs d’une répression particulièrement forte : les nationalistes algériens, ainsi que leurs compagnons d’armes « européens » ont été non seulement massivement déférés devant cette juridiction d’exception, mais aussi lourdement condamnés puisque l’on compte près de 200 condamnés à mort exécutés en Algérie et plus de 20 en France. Afin de mieux comprendre le rôle joué par les commissaires du gouvernement pendant la guerre d’Algérie, cet article repose sur l’étude exhaustive des actes de jugements des TPFA de Paris, Lille et Lyon (plus de 2 500 cas jugés) et sur l’examen des dossiers de carrière des 41 commissaires du gouvernement qui ont siégé dans ces mêmes tribunaux. Dix d’entre eux méritent une attention particulière car, au-delà de leur représentativité, ils ont chacun traité plus d’une centaine de cas et apparaissent donc comme des magistrats spécialisés [12].

6Cet article montre que ces hommes ont été les vecteurs de l’importation d’une justice coloniale en métropole comme ils ont été les vecteurs d’une militarisation de la répression en Algérie et en France. L’examen de leur formation et de leurs expériences guerrières, de leur engagement durant la guerre d’indépendance et enfin de la reconnaissance reçue après la guerre tend à le prouver.

Du terrain au tribunal : la formation continue des magistrats militaires

Une formation militaire

7D’après les souvenirs des Algériens ayant comparu devant les TPFA de la France métropolitaine, deux traits distinguent les magistrats auxquels ils font face : leur âge et leur tenue militaire. À l’évidence, la jeunesse des inculpés, qui ont généralement la vingtaine, tranche avec l’âge avancé des commissaires du gouvernement. Né en 1902 pour le plus ancien et en 1925 pour le plus jeune, ces derniers ont en moyenne 50 ans lorsqu’ils sont amenés à exercer leurs fonctions pendant la guerre d’indépendance algérienne. Ils ont donc un long parcours derrière eux, lequel débute par une formation dans les écoles militaires les plus prestigieuses. En effet, à quelques rares exceptions près, tels un magistrat formé à l’École de gendarmerie et un autre sorti de l’École de santé militaire, tous sont issus des deux écoles spéciales militaires de Saint-Cyr et de Saint-Maixent ou, moins nombreux, de l’École d’administration militaire [13]. Dès lors, à leur sortie d’école, les cahiers de notation révèlent à la fois leurs compétences et leurs connaissances militaires. Roger Maurel, par exemple, est apprécié à sa sortie de Saint-Cyr comme un brillant officier en devenir, « très doué intellectuellement et pourvu d’un sérieux bagage militaire [14] ». Leurs solides connaissances en font également, tôt dans leurs carrières, des instructeurs recherchés. Roger Maurel dirige en Algérie un peloton préparatoire au cours d’élèves aspirants dans les années 1940. Théodore Viboud dispense, dès 1924, à Constantine, des cours aux sous-officiers de sa garnison qui se préparent aux écoles militaires [15]. François Théret est désigné en 1939 comme adjoint au capitaine directeur du centre de préparation militaire supérieure à Tours où il a « le constant souci de donner à 120 jeunes gens candidats à l’École polytechnique, Saint-Cyr, École de médecine et de pharmacie, une haute idée de ce que devait être un véritable officier [16] ». D’autres encore sont instructeurs bénévoles et rendent « de bons services [17] ».

8Leur formation les dispose également à commander des troupes. Or, il apparaît que les commissaires en place dans les tribunaux militaires durant la guerre d’Algérie ont, pour la très grande majorité d’entre eux, commandé des « indigènes », notamment en Algérie [18]. Roger Maurel est ainsi à la tête, dans les années 1930, d’une compagnie de recrues indigènes en Algérie dont l’effectif atteint 3 500 hommes. Dans cette fonction, il « fait preuve de grandes facultés d’assimilation, d’intelligence et de méthode [19] ». D’ailleurs, il apprend l’arabe, qu’il parle et lit couramment en 1945. Lucien Vernet, « excellent officier de tirailleurs [20] », s’intéresse à ses hommes et à ses gradés indigènes, apprenant l’arabe et accomplissant même en Algérie un stage de formation islamique. Les parcours se ressemblent : Théodore Viboud, né à Sétif, est affecté en 1923 au 3e régiment de zouaves en Algérie. Aimé Perrier est détaché en 1935 à la compagnie des Groupes républicains mobiles d’Algérie. Francis Clair commande les tirailleurs sénégalais à Alger en 1942 et maîtrise aussi l’arabe. Pierre Lusinchi, né à Mascara, dirige les spahis marocains. Quelques commissaires ont eu un parcours colonial en dehors de l’Algérie : l’un commande un régiment de tirailleurs indochinois [21], un autre reçoit des décorations étrangères en intégrant l’ordre du Ouissam Alaouite [22] et en devenant chevalier de l’ordre royal du Cambodge. Les origines coloniales, pour ne pas dire algériennes, des magistrats militaires engagés en France comme en Algérie dans les affaires de « terrorisme » algérien, entre 1954 et 1962, sont évidentes.

9Au-delà de ces parcours coloniaux, tous ont été des combattants avant de rejoindre la justice militaire. Trois épisodes majeurs ont marqué leur vie militaire : la campagne de France, la Libération, les guerres de décolonisation. Certes, pendant la Seconde Guerre mondiale, quelques-uns ont été démobilisés et ont changé de voie temporairement : Roger Maurel soigne une tuberculose en Algérie, François Hennequin devient instituteur puis liquidateur judiciaire. Certes aussi, d’autres ont été prisonniers pendant toute la durée du conflit comme Aimé Perrier, détenu en Allemagne. Mais tous ont un jour pris les armes. Joseph Bessi reçoit une citation à l’ordre de la brigade car, alors « jeune aspirant plein d’allant, le 19 juin 1940 dans la région d’Épinal, [il] a par sa résistance dissocié une attaque d’engins blindés appuyée par un violent tir de mortiers [23] ». Un relevé de notes de François Théret indique qu’« arrivé en période de mobilisation [il] a sollicité comme un honneur qu’il n’a pu obtenir de prendre le commandement d’un peloton vacant au front » et qu’il a « le feu sacré » [24]. Il peut accomplir son vœu en rejoignant la Résistance le 15 août 1944, jour du débarquement allié sur les côtes méditerranéennes. Nombreux sont ceux qui ont appartenu aux FFI : l’un est passé à la Résistance dès 1942 (réseau radio-patrie, section Aix-en-Provence) avant d’être arrêté par la Gestapo de Nîmes et déporté en Allemagne en 1943 [25] ; un autre est chargé en 1945 de l’instruction des cadres FFI [26].

10À la Libération, certains poursuivent les combats dans les colonies et Lucien Vernet, considéré dès 1940 par ses supérieurs comme « un officier remarquable, organisateur et réalisateur de premier ordre, voyant tout, vérifiant tout, et d’une calme bravoure au feu », reçoit en 1951 une citation à l’ordre de l’armée pour avoir su défendre un poste français en Indochine et avoir « su maintenir l’esprit de résistance des légionnaires et tirailleurs de la garnison qui repoussèrent sans désemparer de nombreux et durs assauts appuyés par du canon et des mortiers lourds » [27]. L’Indochine apparaît dans bien des dossiers comme un prélude à l’Algérie.

11Toutefois, la Libération marque une césure dans la carrière des magistrats militaires. En effet, de leur engagement dans la Seconde Guerre mondiale dépend leur radiation ou leur entrée dans la justice militaire. Les commissaires en place avant 1945 disparaissent, à quelques exceptions près dont Viboud qui, entré dans la justice militaire en 1933 [28], voit son activité sous Vichy passée au crible au moment de l’épuration. S’il est certes freiné dans son avancement [29], il n’est pas radié car il a fait l’objet d’un blâme en octobre 1940. Qualifié d’« officier insociable » dans ses relevés de notes, il peut, de manière quelque peu forcée, se présenter comme un antivichyste à la Libération. François Hennequin est également inquiété car, liquidateur judiciaire, il fut en charge de l’administration provisoire de biens juifs. Suspecté de collaboration, il apparaît toutefois qu’il « n’a été guidé que par le désir de protéger et de sauvegarder, dans l’intérêt des propriétaires, les biens dont il s’occupait [et que] certains de ces propriétaires furent tellement satisfaits de son administration qu’ils lui demandèrent de continuer à gérer leurs biens [30] ». Les autres commissaires sont entrés dans la justice militaire après la Libération. Ils ont dû, pour cela, se former en droit.

Une formation juridique

12« Ils s’instruisent pour vaincre. » Cette devise de Saint-Cyr reflète pleinement l’esprit des magistrats militaires. En effet, tous s’inscrivent dans un processus de formation permanente qui débute par une licence en droit. Maurel obtient la sienne à la faculté d’Alger en 1944, et nombreux sont ceux qui ajoutent un certificat de sciences pénales, un diplôme d’études supérieures ou de criminologie, voire un doctorat [31]. Les avis se suivent et se ressemblent donc dans les relevés de notes annuels : d’une part, on relève qu’ils possèdent tous « de solides connaissances juridiques », de l’autre, on repère ce désir de formation continue. Il est noté par exemple que François Théret « n’a négligé aucune occasion d’augmenter son bagage scientifique » et qu’il est « animé du désir de perfectionner sans cesse ses connaissances » [32]. Tous sont estimés pour leurs « qualités intellectuelles », voire leur « intelligence éveillée » [33].

13C’est donc tout logiquement qu’ils passent le concours d’entrée dans la justice militaire, une épreuve en deux parties, la première (une étude de cas) étant plus instructive que la seconde (un exposé théorique) dans la mesure où elle montre un concours constamment actualisé : à partir de 1954, tous les cas traités sont liés à la guerre d’Algérie. Il s’agit, en 1955, de bâtir un réquisitoire contre neuf individus soupçonnés d’avoir manifesté en gare de Valence contre le départ d’un train militaire, d’avoir incité les soldats du convoi à désobéir et à se joindre aux manifestants, d’avoir lancé des tracts « d’inspiration étrangère », proféré des injures à l’égard de l’armée ainsi que des cris séditieux. À charge pour le candidat Francis Clair de démontrer que l’infraction commise est « l’entrave violente à la circulation destinée à la Défense nationale », de définir l’atteinte à la sûreté extérieure de l’État et d’affirmer que la justice militaire est la juridiction compétente en vertu du code d’instruction criminelle. Ce sont bien, en France, les premiers cas d’anticoloniaux jugés par les TPFA.

14Un an plus tard, avec l’approfondissement de la guerre, l’étude porte sur un cas de destruction de chemin de fer en Algérie commis par sept Algériens. Comme pour l’affaire précédente, le candidat Lucien Vernet justifie la saisie de l’affaire par la justice militaire par le cadre législatif, ici le décret sur les pouvoirs spéciaux. Il définit également les membres du personnel de justice amenés à juger l’affaire, précise les articles du Code pénal et du Code de la justice militaire appliqués en tel cas, la modalité du recours en grâce et le mode d’exécution des condamnés (la guillotine). Ces compositions démontrent non seulement le bagage juridique des magistrats et leur mode de pensée, mais aussi la permanente adaptation de la justice au conflit en cours.

15Ainsi, les magistrats ont inévitablement dû composer sur la guerre telle qu’elle se déroule en France. Le sujet traité par Pierre Lusinchi en 1960 permet de voir l’évolution du conflit et l’adaptation de la justice militaire au contexte métropolitain. Il s’agit de bâtir un réquisitoire dans une affaire impliquant trois Algériens, dont une femme, à Paris entre 1956 et 1960. Tout y est. En premier lieu, ces inculpés tombent sous le coup de l’AITN pour avoir, dans le courant de l’année 1956, « manifesté leur intention criminelle » en militant activement au Front de libération nationale (collectes, distribution de tracts). En deuxième lieu, les hommes sont coupables d’association de malfaiteurs, puisqu’ils ont adhéré à un groupe de choc, à la fin de l’année 1958, qui avait pour but de « commettre des crimes destinés à faire respecter et à assurer les règles de collecte de fonds édictées par le FLN ». Ils sont également coupables de coups et blessures, puisque le groupe de choc a blessé un compatriote algérien. En troisième lieu, les inculpés ont assassiné un Algérien à Paris en mai 1960, avec une arme livrée par une femme algérienne, et ont blessé un brigadier qui tentait de les arrêter. Ainsi, toute la gamme des activités clandestines est répertoriée afin de s’assurer que le commissaire saura requérir en toutes circonstances. La compétence de la juridiction militaire est justifiée par l’ordonnance du 8 octobre 1958 et tous les articles du Code pénal et du Code de la justice militaire sont invoqués, notamment ceux qui condamnent à mort. Les commissaires, forts de ce bagage théorique, peuvent passer de l’étude de cas au cas concret, dans l’enceinte du tribunal.

Un engagement sans failles sur les deux fronts de la guerre d’Algérie

Des tribunaux en guerre

16Les commissaires du gouvernement ne sont pas arrimés à un tribunal. Leur trait commun est la mobilité. En effet, dans le temps même de la guerre d’indépendance, ils ne cessent de passer d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Roger Maurel, par exemple, siège en 1952 au TPFA de Metz, rejoint celui d’Alger en 1956, celui de Lyon en 1959, TPFA qu’il quitte début 1961 pour Paris avant de retourner à nouveau à Lyon à la fin de l’année 1961. Quant à Lucien Vernet, le mouvement de balancier est encore plus net : Lyon en 1955, Alger en 1958, Lyon encore en 1960, Alger enfin en 1963. Le voyage entre la France et l’Algérie est une règle partagée par tous les commissaires. Parfois, ils font part de leur motivation à servir dans tel ou tel tribunal, exposant leur désir à demi-mot (« je sais, mon colonel, que sur ce point je n’ai pas voix au chapitre. Les servitudes militaires sont telles [34] ! ») mais ils n’ont guère le choix. L’acceptation de la migration professionnelle est d’ailleurs un critère d’évaluation et l’on note, pour François Hennequin, qu’appelé à diriger le parquet du TPFA de la Zone ouest du constantinois (ZOC) à Sétif, en 1961, « il a accepté avec discipline et bonne humeur sa désignation pour l’AFN [35] ». La justice militaire englobe dans un même espace la colonie et sa métropole, si bien que les magistrats militaires ont servi sur deux fronts, en Algérie et en France.

17Sur « deux fronts », car il s’agit d’une campagne militaire, inscrite comme telle dans leur tableau d’avancement et tous les commissaires ont reçu soit la médaille de maintien de l’ordre en Algérie, soit la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord (agrafe « Algérie »). Les mots utilisés dans les récompenses témoignent fortement d’un engagement guerrier : la justice militaire est tout à la fois poursuite de la guerre par d’autres moyens et construction idéologique destinée à justifier cet engagement. Recevant une citation avec attribution de la Croix de la valeur militaire, Roger Maurel est dépeint comme un combattant :

18

Magistrat militaire qui a occupé le siège du Ministère public depuis le 1er mars 1957. A fait preuve d’un dévouement et d’un courage remarquables, sacrifiant pour défendre le droit, son temps et sa santé, ignorant le risque que pouvaient entraîner ses réquisitions justes, mais implacables. Animé d’une foi ardente, a continué ainsi, tant à Alger que dans l’Orléansvillois à l’œuvre de pacification [36].

19Il a de fait participé, en tant que magistrat, au versant judiciaire de la « bataille d’Alger », cette reprise en main de la casbah par les parachutistes du général Massu. Comme lui, François Hennequin est considéré comme un « militaire d’une haute valeur, qui a rempli depuis le 21 mars 1961 les délicates fonctions de commissaire du gouvernement auprès du TPFA de la ZOC ». La citation honorifique reçue pour son engagement en Algérie précise qu’il s’est fait remarquer pour sa conscience professionnelle et ses qualités militaires, et qu’il a été « l’un des collaborateurs directs et écoutés du Commandement dans l’accomplissement de l’œuvre pacificatrice dans l’Ouest constantinois ». Surtout, il est précisé qu’il a effectué de très nombreuses liaisons sur l’ensemble du territoire de la zone [37].

20Les magistrats militaires ne sont pas cantonnés dans l’enceinte de leur tribunal. Certes, ils ne correspondent pas à l’image du magistrat qui siège le matin et part combattre les armes à la main l’après-midi [38] et donc des juges, nombreux et mobiles, engagés au sein des TPFA [39]. Mais ils vont bien sur le terrain et ouvrent de nouveaux fronts judiciaires. C’est vrai en Algérie où l’on apprend par exemple que Théodore Viboud a été chargé, en juillet 1959, d’installer le TPFA de Médéa nouvellement créé qui absorbe rapidement les procédures renvoyées par les juges d’instruction ou les procédures militaires, signe d’un « zèle indéniable [40] ». Par ailleurs, ils participent à des audiences foraines, dans des territoires parfois reculés de l’Algérie. Marcel Girard rappelle dans ses vœux de mutations, qu’il n’a « ménagé ni son temps ni sa peine », car, « quand certains devaient rentrer le soir à leur domicile, il [lui] arrivait de [s]e retrouver en audience foraine à Mascara, à Sidi Bel Abbès ou au Telagh » et qu’ainsi « les affaires les plus importantes et les plus délicates de terrorisme urbain [lui] sont presque toutes passées entre les mains ». Il rappelle également qu’il lui est arrivé d’aller diriger officieusement à côté d’un commissaire central une enquête concernant un attentat avant de soutenir, quelques jours après, l’accusation, « méthodes [qui] sont maintenant à déconseiller, mais [qui] satisfaisaient l’opinion [41] ». À côté de leurs charges de commissaires de gouvernement, ces magistrats officient également comme juges d’instruction, ce qui les amène à parcourir l’Algérie. Le juge d’instruction près les tribunaux militaires d’Oran et de Tlemcen, Gabriel Denis, fut très apprécié par ses supérieurs pour son engagement « dans la lutte contre le terrorisme urbain et dans l’œuvre de la pacification en Algérie », étant « volontaire pour accomplir aussi bien dans les régions d’Oran et de Tlemcen plusieurs transports de justice en zone d’insécurité, en en acceptant délibérément tous les risques avec un tranquille courage [42] ». Enfin, quelques commissaires sont détachés de leurs fonctions pour coordonner la justice militaire en Algérie. C’est ainsi que Charles Giraux est désigné en 1957, après avoir été quelques mois commissaire du TPFA d’Alger, conseiller juridique du général commandant supérieur interarmées et commandant la 10e région militaire. Il se rend alors régulièrement auprès des autorités militaires responsables dans l’Algérois, à Tizi-Ouzou, Orléansville, Oran, Mascara, Colomb-Béchar, Constantine et Bône où il « a été à l’origine des mesures qui ont permis de ramener le calme dans les centres urbains [43] ».

21L’ouverture de fronts judiciaires est tout aussi vraie en France. C’est ainsi que plusieurs TPFA métropolitains sont réactivés pendant la guerre. Les premiers Algériens arrêtés dans la région de Dijon sont jugés par le « TPFA de Lyon siégeant à Dijon », le TPFA de Dijon n’étant réactivé que dans le courant de l’année 1959. Celui de Lille, de la même façon, est rétabli en avril 1959, après que 108 individus ont été jugés par le « TPFA de Paris siégeant à Lille ». La transition a été assurée par François Théret, magistrat qui « a su organiser dans les meilleures conditions le TPFA de Paris, siège de Lille, et [à] faire fonctionner cette juridiction au mieux des intérêts d’une répression efficace et bien comprise », si bien que « la juridiction dont il dirigeait le parquet est devenue autonome sans qu’il y ait eu lieu d’y apporter le moindre changement de structure » [44]. Entre l’Algérie et la France, si les situations se ressemblent, on note une différence : en Algérie, les commissaires peuvent être juges d’instruction ; en France, ils se saisissent des dossiers une fois l’enquête bouclée par la police judiciaire et un juge d’instruction civil.

22À la spécialisation algérienne née dans les années de formation s’est donc ajoutée une spécialisation algérienne pendant le conflit. Les pratiques guerrières nées en Algérie ont pu être exportées en métropole, expliquant en partie la dureté de la répression judiciaire sur son versant métropolitain.

Affrontements dans les tribunaux

23Si, dans la majorité des cas, les procès se déroulent sans incidents, ils virent parfois à l’affrontement. Un conflit de légitimité oppose les commissaires du gouvernement et les Algériens. C’est ainsi que des Algériens, membres de groupes de choc ou de l’organisation spéciale, ne reconnaissent pas la justice française et l’ont fait savoir au tribunal, refusant même que leurs avocats s’expriment [45]. Par exemple, les Algériens inculpés pour avoir attaqué un commissariat à Lyon en septembre 1958 déclarent :

24

Nous ne reconnaissons pas votre compétence […]. En notre qualité de soldats algériens, nous voulons être considérés comme des prisonniers de guerre. Nous n’avons de comptes à rendre à personne, qu’au GPRA [Gouvernement provisoire de la République algérienne]… Malgré nos pertes, malgré la répression féroce, nous continuerons à lutter contre l’obscurantisme, contre le colonialisme [46].

25Outre l’expulsion des inculpés du tribunal et l’envoi d’un rapport au ministre des Armées, le commissaire peut riposter verbalement : Francis Clair qualifie, lors d’un procès, les inculpés de « malfaiteurs » et « leur dénie la qualité de combattants qu’ils veulent se donner » [47].

26D’un autre côté, entre les commissaires du gouvernement et les Français, inculpés pour avoir aidé les Algériens, il y a, à mots couverts, un procès en « indignité nationale ». Les procès servent aux inculpés de tribune pour dénoncer le colonialisme et ceux qui le défendent en Algérie. C’est le cas lors du procès de la wilaya 3 à Lyon, le 6 avril 1961. Dans un récit rédigé a posteriori, Jean-Jacques Brochier rappelle la haine qu’il éprouvait pour les hommes en face de lui [48]. De fait, lors de l’audience, il s’était lancé dans une violente diatribe contre le colonialisme et la trahison des valeurs françaises par les militaires siégeant en face de lui. Pierre Sigaud avait estimé que « cette affaire [avait] pour origine un défaut de conscience, [qu’] elle [était] l’exaspération d’un intellectualisme irraisonné et le besoin de mouvement d’une certaine jeunesse ». Quand des Français comparaissent en compagnie d’Algériens, leur attitude entraîne des peines plus fortes : Jean-Jacques Brochier écope de la peine la plus lourde (dix ans) quand le chef de la wilaya est condamné à huit années de prison.

27Les réquisitoires sont scrutés et évalués par la hiérarchie. On note par exemple pour Roger Maurel qu’il est « doué d’un esprit de synthèse, d’une grande mémoire, d’une facilité de réplique [mais qu’il] aurait cependant intérêt à condenser parfois ses réquisitions [49] ». Pour Théodore Viboud, il apparaît que ses « réquisitions [sont] très répressives, mais trop brèves, insuffisamment motivées », même si ses dossiers sont bien préparés, les témoins judicieusement cités, et les instructions bien faites [50]. Il est rappelé pour François Théret qu’il « a soutenu l’accusation avec conviction dans des affaires graves de terrorisme dont il connaissait parfaitement les dossiers [51] ». Les réquisitoires ont pu être brefs, quelques minutes, mais aussi très longs, plusieurs heures. Ainsi, un commissaire s’adresse aux archives de la justice militaire lors de sa retraite afin de faire reconnaître « le type même de la maladie contractée en service », à savoir « l’extinction de voix totale qui avait suivi un réquisitoire de plus de six heures d’affilée dans cette affaire du professeur Jeanson et de trente-six autres co-inculpés impliqués dans ce réseau d’aide au FLN » [52].

28Du côté de la hiérarchie, il apparaît que les commissaires requièrent de manière « juste », « impartiale », « objective » et qu’ils assurent, de ce fait, « le rayonnement des grandes traditions de la justice française, sous le signe d’une fermeté nécessaire, nuancée du respect de la personne humaine » [53]. Pour les Algériens, cela se traduit par un emploi régulier de la peine de mort. En Algérie, près de 2 000 peines de mort ont été prononcées (plus de 650 à Alger, plus de 620 à Constantine et Oran) [54]. En France, le TPFA de Lyon prononce 112 fois la peine capitale, soit dans 11 % des cas. Dans le même temps, le TPFA de Paris prononce 49 peines de mort (6 % des cas) ; le TPFA de Lille prononce 59 peines de morts (12 % des cas). C’est à Lyon que les peines de mort ont été les plus nombreuses et les plus suivies d’exécution. Ainsi une justice coloniale, partisane, s’est développée en métropole. Les commissaires choisis étaient les plus prompts à condamner les Algériens. Des « ennemis intimes » se font face dans les enceintes des tribunaux militaires. Et, quand la peine de mort requise est prononcée par le président du tribunal, les commissaires assurent avec fermeté le suivi du dossier.

Après la guerre

Un suivi imperturbable des dossiers

29La procédure est encadrée par la loi : une fois la peine de mort prononcée, les condamnés peuvent encore espérer la cassation du jugement et la grâce même si, à quelques rares exceptions près, celle-ci n’est jamais demandée par les détenus algériens. Néanmoins, son examen est automatique puisque six autorités (le commissaire du gouvernement, le gouverneur militaire, la commission militaire des grâces, le ministre des Armées, le président du tribunal, le garde des Sceaux) sont invitées à se prononcer sur chaque dossier avant qu’un rapporteur transmette son avis au président de la République. Ce qui est sûr, c’est que les Algériens ne peuvent compter sur un revirement des commissaires du gouvernement. En effet, ceux-ci refusent, dans la majorité des cas, une commutation de peine. Ils laissent d’ailleurs libre cours à leurs jugements moraux. Dans le cas d’un jeune manœuvre condamné à mort en 1959 pour avoir tué un compatriote refusant de payer sa cotisation au FLN, et dont le pourvoi a été rejeté, Roger Maurel refuse catégoriquement un recours en grâce. Il « retient à juste titre, combien habile a été cet individu, pourtant si fruste, pour tenter d’égarer les recherches, l’évidente perversité dont il a fait preuve en tentant d’écarter [un] témoignage [55] ». La violence des propos prononcés dans les tribunaux se poursuit dans les salons feutrés de la commission des grâces. Lorsqu’il s’agit d’étudier les cas d’Ahcène Aït-Rabah et d’Ahmed Cherchari, condamnés à mort pour avoir tué un militant du Mouvement national algérien (MNA) en 1958, le commissaire Mourgeon refuse une mesure de grâce car « Aït-Rabah est le type même du tueur, inintelligent et borné, apte à n’importe quelle besogne » et « Cherchari est un garçon intelligent qui a très certainement utilisé la bestialité de l’homme de main et qui a sans doute ordonné et dirigé l’attentat » [56]. Il arrive même que le commissaire aggrave son réquisitoire. C’est ainsi que dans une triple affaire, Roger Maurel estime, « sans distinction », que la justice doit suivre son cours alors que « d’après les notes d’audience, il n’avait requis de façon ferme la peine de mort que pour Messaoud Nemmour ; pour Amara Chouania, il avait aussi demandé la peine de mort mais laissant au tribunal le soin d’“apprécier s’il [pouvait] descendre d’un degré dans l’échelle des peines” ; et contre Mekki Benmadhi, il n’avait requis que la peine des Travaux forcés à perpétuité » [57]. Ce durcissement de la position du commissaire est d’autant plus étonnant qu’il contraste avec celle du président du tribunal pour qui « il est vraisemblable que Nemmour, Chouania et Benmadhi n’ont fait que se conformer à des ordres implacables auxquels il leur était difficile de se soustraire [et qu’il estime donc] malgré la gravité des faits, qu’il y aurait lieu de les faire bénéficier d’une mesure de grâce ».

30Une fois l’avis synthétisé, le président de la République décide, souverainement, de la suite à donner à la décision de justice. Et quand celle-ci « doit suivre son cours », le rôle des commissaires ne s’arrête pas pour autant. En effet, ils font partie de la délégation qui se rend le matin à la prison pour conduire le prisonnier à la guillotine :

31

Soudain, la prison s’anima. Boudina, un condamné, qui avait sa cellule près de la grille cria étranglé par l’émotion : Allah ou Akbar ! Au même moment chaque condamné se jeta sur sa porte pour y coller son oreille. […] Le cortège funèbre arrivait. Il se composait du commissaire du gouvernement, du juge qui avait instruit l’affaire, des policiers qui avaient arrêté le condamné, de l’avocat et des membres de la famille du condamné. […] Un bien joli monde qui se rassemblait dans la prison avant l’aube, montait jusqu’à la cellule du condamné et descendait avec lui jusqu’à l’échafaud [58].

32Ce récit d’un ancien condamné à mort, rédigé après l’indépendance, présente, au premier rang du cortège, le commissaire du gouvernement. C’est lui qui suscite le plus la révolte. D’ailleurs, Jean-Jacques Brochier affirme que le seul fait de savoir que le commissaire qui le jugeait « avait obtenu précédemment plusieurs têtes, et avait pris un plaisir certain à accompagner ces têtes, sur les corps, jusqu’à leur séparation » l’empêchait de le « regarder sans avoir envie de vomir » [59]. De fait, si la liste est incomplète et inexacte (aucun membre de la famille n’a accompagné les guillotinés), le commissaire ayant requis la peine tient son rôle. Lorsque le président de la République a donné son avis, il doit, avec le général commandant le groupe de subdivisions de la ville où a lieu l’exécution, prendre toutes les dispositions pour l’exécution de la décision souveraine [60], à savoir rassembler les personnes chargées d’informer le détenu, de l’assister dans ses derniers moments, de l’exécuter et enfin de témoigner du décès. Le jour d’une exécution, il est présent aux côtés du major de garnison, du juge d’instruction, du chef d’escadron également juge au tribunal, du surveillant-chef de la maison d’arrêt, du médecin chef de l’établissement, du ministre du culte, du défenseur du condamné et du bourreau [61]. Une fois le détenu guillotiné, un convoi funéraire, militaire généralement, conduit le corps dans le carré des suppliciés du cimetière de la ville. Rien ne permet de savoir toutefois si le commissaire accompagne la dépouille jusqu’au cimetière.

33À partir de février 1961, aucune sentence de mort n’est exécutée en France pour les condamnés à mort algériens. Les commissaires du gouvernement poursuivent néanmoins leurs carrières.

La fin d’un métier

34Les accords d’Évian (18 mars 1962) et la déclaration d’indépendance (3 juillet 1962) ne marquent la fin de l’activité des commissaires du gouvernement ni en Algérie, ni en France. Aimé Perrier, par exemple, est affecté dès 1962 à la réorganisation de la justice militaire en Algérie, caractérisée par la concentration à l’échelon du commandement supérieur des pouvoirs antérieurement dévolus aux divisions [62]. Il a alors autorité sur l’ensemble des magistrats servant en Algérie et est chargé des rapports entre les autorités judiciaires algériennes et l’ambassade en cas d’incidents dans lesquels des membres des forces françaises seraient impliqués. D’autres magistrats ayant servi en métropole dirigent des parquets en Algérie en 1962 et 1963 (cf. supra, Lucien Vernet). Certains magistrats rejoignent la Cour de sûreté de l’État où sont jugés les membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) [63]. Joseph Bessi, qui s’était fait remarquer pour « ses éminentes qualités, notamment à l’audience dans des affaires difficiles », devient en février 1963 conseiller technique du procureur général près la Cour de sûreté de l’État [64].

35Les commissaires du gouvernement poursuivent donc leur carrière. Ils prennent généralement la tête de parquets en France ou dans les territoires d’outre-mer et diversifient leurs activités. Lucien Vernet, par exemple, dirige le TPFA de Lyon, où il affiche « une très haute idée de sa mission [et] s’y consacre sans compter », tout en étant responsable du cours préparatoire de commis greffier confié à ce tribunal. Comme lui, Gabriel Denis rejoint le TPFA de Tours où il dirige le même cours. Quant à Francis Clair, il est d’abord affecté aux Forces armées camerounaises au titre de l’aide technique avant de rejoindre le TPFA de Papeete. Nombreux sont ceux qui se consacrent à une activité plus réflexive. L’un devient rédacteur à l’Administration centrale [65], un autre sollicite l’autorisation de sa hiérarchie pour publier un article intitulé « Réflexions sur une incidence de la réforme pénale en matière de distribution de la justice militaire hors du territoire national » destiné à la Revue de science criminelle et pénitentiaire[66]. Les commissaires tentent de rénover leur fonction et sont félicités lorsqu’ils contribuent à « l’amélioration de l’image de marque de la justice militaire [67] », d’autant que celle-ci traverse, après 1962, un certain nombre de blocages ou de remises en cause.

36D’abord, appartenant à une même cohorte, les commissaires font face à des problèmes d’avancement et s’en plaignent. En effet, au début des années 1960, on leur oppose que « la justice militaire, au lendemain de la guerre de 1939-1945, a dû procéder à un large recrutement, les intégrations prononcées [ayant] porté sur des officiers, capitaines et lieutenant, d’un âge très voisin, qui composent encore la très grande partie du corps des magistrats [68] ». En conséquence, bien des carrières sont freinées. Ainsi Gabriel Denis dont « [l]es qualités foncières n’étant pas en cause, […] n’a pu, eu égard à l’extrême limitation des possibilités d’avancement être inscrit à la liste d’aptitude pour 1980 et [dont] son âge lui interdit désormais d’y postuler dans l’armée active [69] ». L’expérience algérienne devient un critère valorisé : les dossiers sont évalués « en tenant compte des réalités et des sacrifices supportés par les uns et par les autres » et les officiers de justice militaire qui « ont fait face pendant sept ans, en Algérie, à une tâche extrêmement lourde, avec des séjours multiples ou prolongés », sont privilégiés. C’est ainsi qu’Albert Rebuffet voit ses demandes retardées car, « s’il a été affecté au TPFA d’Alger en 1947-1948, il faut cependant convenir, d’abord qu’il n’a guère assumé de responsabilités à Constantine où il n’était que stagiaire, ensuite, que son affectation à Alger correspond à une période calme où la justice militaire était réduite à sa compétence normale de justice disciplinaire [70] ».

37La cour de sûreté de l’État se chargeant des procès politiques après 1962 en remplacement des TPFA, la fonction perd de son intérêt. Roger Maurel met moins d’entrain à venir au TPFA car « il continue à estimer, sans le dire ouvertement du reste, que sa place n’est pas dans un bureau, alors que son travail est terminé. Il ne désire supporter aucune contrainte qu’il prend pour une brimade [71] ». Certains menacent de démissionner, d’autres se reconvertissent, rejoignant la direction de la gendarmerie par exemple. Quelques-unes de ces reconversions sont étonnantes. Commissaire du gouvernement au sein du TPFA de la zone est-saharienne, à Ouargla, en 1961, René Larivière présente des signes de désintérêt croissant quant à sa fonction, il se fait alors sanctionner pour n’avoir pas caché son mépris pour le général de Gaulle et son gouvernement et pour avoir déclaré plusieurs fois à haute voix, au mess, que le chef de l’État était un « Grand C… [72] ». Muté à Lyon puis à Lille, il manifeste surtout un goût pour la culture historique et intègre en 1966 l’Éducation nationale en devenant professeur d’histoire-géographie. Dès lors, sans objectifs guerriers véritables après 1962, les commissaires du gouvernement se replient sur leurs gloires passées, jusqu’à la disparition de leur fonction en 1982.

38La « campagne d’Algérie », telle qu’elle a été vécue par les commissaires du gouvernement, englobe dans un même espace guerrier l’Algérie et la France. Cette étude démontre que les mesures d’exception nées en Algérie gagnent progressivement la France puisque, sur les deux rives de la méditerranée, les TPFA sont réactivés les uns après les autres pour juger les indépendantistes comme leurs soutiens. Elle signale également que l’espace méditerranéen est continuellement traversé par ces magistrats militaires qui contribuent ainsi à une militarisation de la répression en Algérie comme en France.

39Ces commissaires, formés à la même école, disposent d’un même habitus. Le tribunal est leur champ de bataille. Le droit est leur arme. Ceux qui siègent en France combattent les indépendantistes d’autant plus fortement que, s’ils ne sont pas eux-mêmes colons, ils ont suivi une trajectoire coloniale. Ils ont commandé des troupes indigènes, vécu et jugé en Algérie, et certains, les plus mobilisés, parlent arabe. En un mot, ils sont juges et parties, même si leurs parcours coloniaux ne sont jamais mis en avant pendant les procès : la justice militaire est aussi mise en scène. L’affrontement est violent et se traduit par de nombreuses peines de mort, fréquemment suivies d’exécutions. Les commissaires combattent également les Français qui luttent aux côtés des Algériens, d’autant plus durement qu’ils s’opposent sur « une certaine idée de la France ». Les « porteurs de valise » dénoncent des commissaires à contre-courant de l’histoire, quand ceux-ci estiment maintenir la grandeur de la France.

40En 1962, tous ont, en quelque sorte, perdu et gagné, gagné et perdu. Les condamnés à mort algériens – du moins ceux qui ont échappé à la guillotine – remportent l’indépendance et sont amnistiés, mais ils sont expulsés, avec leur mémoire, du territoire français. Les soutiens français du FLN restent en prison, pour certains, jusqu’au début de 1964 bien que leur « camp » l’ait emporté, et il leur faut attendre 1966 pour bénéficier de l’amnistie. Les commissaires du gouvernement, victorieux sur le terrain militaire, perdent sur le terrain politique et se replient sur des carrières moins politisées. En 1982, leur fonction disparaît et, avec elle, leur mémoire.

41Cependant la République fut reconnaissante. En effet, leur engagement dans la guerre d’Algérie leur a valu, pendant de longues années, l’attribution de multiples distinctions, citations, médailles et témoignages de reconnaissance. Ainsi le mémoire de proposition de grade de chevalier de l’Ordre national du mérite de Roger Maurel mentionne ses trente ans de services militaires et insiste sur ses trois années passées en Algérie (1956-1959), au cours desquelles il a reçu une citation à l’ordre de la brigade comportant attribution de la croix de valeur militaire. Comme tous les autres commissaires du gouvernement, il a également obtenu la Légion d’honneur.


Mots-clés éditeurs : guerre d’Algérie, tribunaux permanents des forces armées, commissaires du gouvernement, justice militaire, peine de mort

Date de mise en ligne : 05/04/2019

https://doi.org/10.3917/vin.142.0019

Notes

  • [1]
    Victor Hugo, Les Châtiments, cité par Pierre Vidal-Naquet, Mémoires. Le trouble et la lumière, Paris, Éd. du Seuil, 1998, t. II, p. 158.
  • [2]
    Dernière Heure lyonnaise (DHL), 24 mai 1960.
  • [3]
    Moussa Lachtar, La Guillotine, Paris, François Maspero, 1962, p. 5.
  • [4]
    Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 2001, 2004, p. 42.
  • [5]
    La bibliographie sur la guerre d’Algérie étant abondante, nous renvoyons à une synthèse : Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Flammarion, 2005.
  • [6]
    On pense ici aux travaux nombreux et pionniers de Sylvie Thénault.
  • [7]
    S. Thénault, Une drôle de justice…, op. cit., p. 15-16.
  • [8]
    Sur la circulation des hauts fonctionnaires entre l’Algérie et la France, avec, dans leur sillage, la circulation de modèles répressifs, on peut lire l’itinéraire du préfet Maurice Papon dans le premier chapitre (« Papon et les origines coloniales de la violence policière ») du livre de Jim House et Neil MacMaster, Paris, 1961. Les Algériens, la terreur d’État et la mémoire, Paris, Tallandier, 2006, 2008, p. 45-54 ; se reporter également à Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012, p. 183-205.
  • [9]
    Sylvie Thénault, « Armée et justice en guerre d’Algérie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 57, janvier-mars 1998, p. 104-114, p. 106.
  • [10]
    Ibid. L’analyse de ces décrets provient de cet article.
  • [11]
    En France, un article a étudié la justice civile : Annie Deperchin et Arnaud Lecompte, « Les crimes commis par les Algériens en métropole devant la cour d’assises du Nord, 1954-1962 », Histoire de la justice, 16, 2005, p. 257-270.
  • [12]
    Ce sont Pierre Lequime (200 cas), François Hennequin (176) et Joseph Bessi (123), pour le TPFA de Paris, Aimé Perrier (185), François Théret (159) et Albert Rebuffet (129) pour le TPFA de Lille, Roger Maurel (277), Lucien Vernet (144), Francis Clair (141) et Théodore Viboud (125) pour le TPFA de Lyon.
  • [13]
    L’École d’administration de Vincennes, créée en 1875, a été rebaptisée en 1975 École d’administration militaire. Elle forme, au sein des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, les officiers du corps technique et administratif de l’armée de terre, du service des essences des armées, du service de santé des armées, et des commissaires des armées ayant un ancrage « armée de terre ».
  • [14]
    Archives de la justice militaire (AJM), dossier 3051, relevé de feuillet personnel.
  • [15]
    AJM, dossier 2619, dossier pour devenir chevalier de la Légion d’honneur.
  • [16]
    AJM, dossier 2578, relevé de feuillet personnel, 1940.
  • [17]
    AJM, dossier 3387, relevé de notes, 1935.
  • [18]
    Cette prise en charge ne peut étonner tant l’« armée d’Afrique » a pris une place importante au sein des armées françaises. Sur cette armée, on se rapportera au livre classique d’Anthony Clayton, Histoire de l’armée française en Afrique. 1830-1962, Paris, Albin Michel, 1988, 1994.
  • [19]
    AJM, dossier 3051, relevé de notes, 1946.
  • [20]
    AJM, dossier 3387, relevé de notes, 1939.
  • [21]
    AJM, dossier 2893, état signalétique des services, 1928.
  • [22]
    Ordre honorifique marocain créé en 1913 peu après la création du protectorat français.
  • [23]
    AJM, dossier 3062, citation à l’ordre de la brigade.
  • [24]
    AJM, dossier 2578, relevé de notes, 1939.
  • [25]
    AJM, dossier 3386, état signalétique des services.
  • [26]
    AJM, dossier 3022, état signalétique des services.
  • [27]
    AJM, dossier 3387, citation à l’ordre de l’armée, 1952.
  • [28]
    AJM, dossier 2619, tableau d’avancement 1932.
  • [29]
    Suspecté de franc-maçonnerie, il a dû, en 1940, rédiger et signer une déclaration dans laquelle il reconnaissait avoir fait partie de la Ligue des droits de l’homme mais non à la franc-maçonnerie.
  • [30]
    AJM, dossier 3191, lettre au ministre des Armées.
  • [31]
    Raymond Colas est diplômé de criminologie en 1952 et docteur en droit en 1954.
  • [32]
    AJM, dossier 2578, relevé de notes, 1943.
  • [33]
    AJM, dossier 3308, feuille de notes, 1951.
  • [34]
    AJM, dossier 3098, lettre du 27 avril 1960.
  • [35]
    AJM, dossier 3191, relevé de notes, 1961.
  • [36]
    AJM, dossier 3051, citation de 1958.
  • [37]
    AJM, dossier 3191, citation à l’ordre de la brigade.
  • [38]
    Contrairement à l’image des juges appelés pour leur service militaire en Algérie mise en évidence par Sylvie Thénault, Une drôle de justice…, op. cit.
  • [39]
    Les juges présents dans les TPFA métropolitains ont plusieurs particularités. D’abord, il y a toujours huit juges aux côtés d’un commissaire du gouvernement durant la guerre d’Algérie alors qu’ils n’étaient que six durant la Seconde Guerre mondiale, signe de l’inflation judiciaire et de l’importance accordée au mouvement indépendantiste. Ensuite, les juges, à la différence des commissaires, ne sont pas attachés à un tribunal : ils sont prélevés dans les troupes de la région. Résultat, ils sont très nombreux à siéger pendant la guerre d’Algérie : 150 pour le TPFA de Lyon entre 1958 et 1962. Certains siègent 300 fois, d’autres une seule.
  • [40]
    AJM, dossier 2619, feuille de notes, 1960.
  • [41]
    AJM, dossier 3098, lettre, 19 avril 1960.
  • [42]
    AJM, dossier 3328, citation à l’ordre de la Brigade, 1960.
  • [43]
    AJM, dossier 2893, appréciation transmise par Salan.
  • [44]
    AJM, dossier 2578, synthèse des notes, 1959-1963.
  • [45]
    Sur cette stratégie de défense : Sylvie Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l’indépendance : la “défense de rupture” en question », Le Mouvement social, 240 (3), 2012, p. 121-135.
  • [46]
    DHL, 12 janvier 1960.
  • [47]
    DHL, 22 octobre 1959.
  • [48]
    Ils n’étaient, à ses yeux, que « pantins costumés » et « croquemorts absurdes » : Jean-Jacques Brochier, Un jeune homme bien élevé, Paris, Éd. de la Table Ronde, 1978, p. 124-126.
  • [49]
    AJM, dossier 3051, évaluation, 1961.
  • [50]
    AJM, dossier 2619, visite du 23 juin 1960.
  • [51]
    AJM, dossier 2578, notes, 1960.
  • [52]
    AJM, dossier 2712, lettre du 24 mars 1984.
  • [53]
    AJM, dossier 3100, citation à l’ordre de la division, 1959.
  • [54]
    Chiffres provisoires donnés par le président des Anciens condamnés à mort en Algérie : Mostefa Boudina, Rescapé de la guillotine, Rouiba, Anep, 2010, p. 139.
  • [55]
    Archives nationales (AN), 19970344, dossiers de recours en grâce (DRG), 94 PM 59.
  • [56]
    AN, 19970344, DRG, 136 PM 59.
  • [57]
    AN, 19970344, DRG, 73 PM 59.
  • [58]
    Salah Khalef, « Fort Montluc », in Mahfoud Kaddache (dir.), Récits de feu, Alger, SNED, 1977, p. 342-351, p. 350.
  • [59]
    J.-J. Brochier, Un jeune homme bien élevé, op. cit., p. 128.
  • [60]
    AJM, dossier Abdallah Kabbouche, note de service, 16 mars 1960.
  • [61]
    AJM, dossier Mahmoud Mokrani, procès-verbal d’exécution, 8 juillet 1960.
  • [62]
    AJM, dossier 3103, maintien en Algérie d’un magistrat militaire, 8 mai 1963.
  • [63]
    La Cour de sûreté de l’État a été instituée par deux lois votées au Parlement en janvier 1963. Sur ce tribunal : Vanessa Codaccioni, Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS éditions, 2015.
  • [64]
    AJM, dossier 3062, relevé de notes, 1963.
  • [65]
    AJM, dossier 3350, relevé de notes, 1962.
  • [66]
    AJM, dossier 3376, courrier de 1964.
  • [67]
    AJM, dossier 3308, relevé de notes, 1979.
  • [68]
    AJM, dossier 2601, note pour le cabinet militaire du ministre des armées, 1964.
  • [69]
    AJM, dossier 3328, relevé de notes, 1981.
  • [70]
    AJM, dossier 2929, courrier au procureur de la République, 1962.
  • [71]
    AJM, dossier 3051, relevé de notes, 1965.
  • [72]
    AJM, dossier 3194, inspection des services de la justice militaire en Algérie et au Sahara, 9 mai 1961.

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