Couverture de VIN_124

Article de revue

Images, lettres et sons

Pages 185 à 199

Notes

  • [1]
    L’exposition s’est tenue du 16 octobre 2013 au 17 février 2014. Emmanuel Bréon et Philippe Rivoirard en ont assuré le commissariat.
  • [2]
    Deux expositions sont à signaler : l’une à Paris, en 1966, sur les années 1925 (la thématique, différente, avait des points de recoupement), l’autre à Minneapolis, en 1971, organisée par Bevis Hillier, « The World of Art Deco ».
  • [3]
    Voir notamment John Burchard et Albert Bush-Brown, The Architecture of America : A Social and Cultural History, Boston, Brown, 1961.
  • [4]
    Voir Tami Lerer, Sand and Splendor : Eclectic Style Architecture in Tel-Aviv, Tel-Aviv, Bauhaus Center, 2013.
  • [5]
    Félix Marcilhac, Dominique, Paris, Éditions de l’Amateur, 1961.
  • [6]
    Par exemple, Mon voisin Totoro (1988), Princesse Mononoké (1997), Le Voyage de Chihiro (2001), Le Château ambulant (2004).
  • [7]
    En revanche, Hayao Miyazaki met régulièrement en scène l’univers de l’aviation et de l’aérien, que ce soit dans Le Château de Cagliostro (1979), Nausicaa et la vallée du vent (1984), Laputa, le château dans le ciel (1986) ou Porco Rosso (1992).
  • [8]
    L’animation est inspirée de l’ouvrage de Tatsuo Hori, Le Vent se lève (1936), trad. du jap. par Daniel Struve, Paris, Gallimard, « L’Arpenteur », 1993.
  • [9]
    Il faut à cet égard souligner la richesse du développement des multiples personnages secondaires.
  • [10]
    Giovanni Battista Caproni (1886-1957) est un ingénieur aéronautique civil ayant fondé le groupe Caproni spécialisé dans la construction d’aéronefs.
  • [11]
    L’engagement féministe de Hayao Miyazaki parcourt ses œuvres de fiction. Citons notamment Le Voyage de Chihiro, Nausicaa et la vallée des vents et Princesse Mononoké.
  • [12]
    En 2013, le Premier ministre nippon, Shinzo Abe, a présenté un projet de révision constitutionnelle visant à rétablir une puissance militaire. L’article 9 de la Constitution rédigée en 1947 par les Américains stipule que les Japonais s’engagent à renoncer à la guerre et par extension à reconstituer une armée. Cet article est au fondement du pacifisme constitutionnel japonais. Hayao Miyazaki s’est opposé de façon virulente au projet, en publiant une tribune dans un journal gratuit. Le studio de production Ghibli l’a également mise en ligne : http://www.ghibli.jp/docs/0718kenpo.pdf. Voir à ce sujet une analyse sur les ambivalences de l’article 9 et de la politique militaire actuelle du pays : Marianne Péron-Doise, « Japon : puissance militaire, puissance civile ? », Outre-Mer, 6, 2004, p. 57-70. Sur les rapports de coopérations militaires entre les États-Unis et Japon, voir Hervé Couraye, « L’alliance japonaise à l’épreuve de la transformation de l’armée américaine », Politique américaine, 6, 2006, p. 43-63.
  • [13]
    Mémoire du camp des Milles, 1939-1942, Marseille, Métamorphoses/ Le Bec en l’air, 2013, 240 p., 29 Ä.
  • [14]
    Deux remarques de détails toutefois, que nous espérons utiles à une possible réédition : les documents ne sont pas numérotés et le renvoi aux légendes est donc moins aisé ; comme sur les cartels de trop nombreuses expositions aujourd’hui, les techniques (huile, gouache, crayon, etc.) ne sont pas systématiquement renseignées.
  • [15]
    Sébastien Lifshitz, Les Invisibles, Paris, Hoëbeke, 2013, 144 p., 20 Ä.
  • [16]
    Hello Sailor ! The Hidden History of Gay Life At Sea, Paul Baker et Jo Stanley (éd.), Londres, Pearson Education, 2003.
  • [17]
    Juliette Rennes, Femmes en métiers d’hommes : cartes postales, 1890-1930, Paris, Bleu autour, 2013.
  • [18]
    Petros Markaris, Liquidations à la grecque, trad. du grec par Michel Volkovitch, Paris, Éd. du Seuil, « Policiers », 2012, 328 p., 21,50 Ä ; id., Le Justicier d’Athènes, trad. du grec par Michel Volkovitch, Paris, Éd. du Seuil, « Policiers », 2013, 328 p., 21 Ä ; Naïri Nahapétian, Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?, Paris, Liana Levi, 2009, 288 p., 17 Ä ; Qiu Xialong, Cyber China, trad. du chinois par Adélaïde Pralon, Liana Levi, 2012, 278 p., 18,50 Ä ; Leonardo Oyola, Chamamé, trad. de l’esp. par Olivier Hamilton, Paris, Asphalte, 2012, 224 p., 18 Ä. Tous ces ouvrages sont parus en format poche.
English version

Art déco, résonances de l’ancien et du nouveau

1L’exposition « 1925, quand l’Art déco séduit le monde » de la Cité de l’architecture au palais de Chaillot est saisissante par les collections rassemblées, une présentation suggestive et l’effort de réinterprétation historique qu’elle suscite  [1]. La chronologie court de l’exposition de 1925 (Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes) à celle de 1937 (Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne), les deux grandes expositions parisienne ayant en commun l’adjectif « moderne ». On retrouve d’ailleurs cette sémantique du « moderne » dans les manifestes esthétiques de l’époque en Italie et en Espagne comme dans le monde anglophone. L’idée première de l’exposition de 1925 appartient plutôt au milieu des décorateurs, aux artistes de ce qu’on avait naguère appelé les arts appliqués : mais précisément, l’opinion s’était répandue qu’on ne pouvait pas séparer l’architecture, décor de la ville, de ce qui vit dans le bâtiment, qu’il s’agisse de mobilier des particuliers ou d’une autre fonctionnalité. Par référence à l’intitulé de l’exposition de 1925 et de ses pavillons, on se mit à parler d’un style architectural Art déco, surtout dans les pays anglophones. Et en histoire de l’art, un début de conceptualisation intervint avec l’ouvrage Art Deco of the 20s and 30s, publié en 1968 par l’historien d’art britannique Bevis Hillier. C’est un style qui marque un retour à la forme, qui oriente le regard, qui combine l’utilisation de matériaux ordinaires avec un projet esthétique signifiant, qui sait mettre en scène et parfois vise à la majesté.

2L’ambition de l’exposition de la Cité de l’architecture ne va pas sans paradoxes. Pour le visiteur des paysages urbains de notre temps, New York frappe davantage que Paris par ce que nous appelons aujourd’hui l’architecture Art déco. Et, chronologiquement, on ne peut dire ni que l’Art déco naît en 1925, puisqu’on en trouve des prémices dès 1910, en particulier avec Auguste Perret, ni qu’il correspond à une invention typiquement française, car il a existé ailleurs de bons créateurs en architecture, par exemple dans l’école dite d’Amsterdam (Willem Dudok, Michel de Klerk), en Espagne (Secundino Zuazo, Luiz Guttiérez Soto, Pedro Muguruza Otano), en Allemagne (Erich Mendelsohn), en Italie (Marcello Piacentini, Giovanni Muzzio), dans d’autres pays européens, voire aux États-Unis : le travail de William Lamb sur le Standard Oil Building à New York commence en 1922, le Finlandais Eliel Saarinen s’installe aux États-Unis en 1923. Certains des architectes étrangers cités ici sont certes venus à Paris en 1925, mais ils avaient déjà des idées personnelles sur la question. En revanche, il est vrai d’affirmer que Paris a réussi en 1925 une magnifique opération d’orchestration, de promotion et de valorisation. C’est typiquement un événement qui a cristallisé des phénomènes épars plus vastes, et suscité des effets de mode, en architecture bien sûr, mais aussi dans les arts décoratifs, la mode féminine (Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Eileen Gray, collaboration de Sonia Delaunay à la confection), la communication (affiches de Cassandre, Iribe, Carlu, Follot, Loupot, photographies, décors de cinéma), voire dans le dessin des objets techniques (avion, train, paquebot, automobile illustrée par une Bugatti type 40 de 1927 et la Renault type NN de 1924) : une mémoire qui s’est peu à peu estompée sinon abolie? [2].

3Cet Art déco présente le visage d’une certaine modernité, mais éclectique. En effet, il existe une modernité d’avant-garde, radicale, qui, en architecture, est symbolisée par Le Corbusier, Theo van Doesburg, Gerrit Rietveld, Ludwig Mies van der Rohe : c’est l’architecture rationnelle fonctionnaliste du style international. L’architecture Art déco se veut moderne, géométrique, dépouillée, sobre ou brute, mais conserve des colonnes, des pilastres plats, des motifs décoratifs simplifiés, parfois récurrents afin de créer un rythme, toujours de qualité, des ornements de ferronnerie (Edgar Brandt par exemple) ou de céramique, le goût de beaux placages en pierre, des allusions au style classique? [3]. Elle cultive les compromis, y compris avec le régionalisme (reconstruction des villes du Nord de la France comme Béthune, Armentières, Bailleul, gare de La Baule de Louis Brachet). À Tel-Aviv, elle reprend par endroits des motifs judaïques, une occasion de signaler que cette ville neuve des années 1920 présente une belle harmonie Art déco? [4]. Cette architecture a pu être qualifiée par certains auteurs de néoclassique. Elle a en tout cas convenu à des bâtiments d’usine, gares, aéroports, garages, stations-service, barrages, dispensaires, piscines, cinémas, églises. Un certain éloge de la virilité et de la monumentalité héroïque, le sens du théâtre et de la richesse visuelle ont permis sa récupération par les régimes de Franco, Mussolini, Staline, l’architecture nazie étant en revanche beaucoup plus hétérogène.

4On peut voir, comme il se doit en un tel lieu, de belles maquettes de différents édifices, dont des bâtis d’habitation tel l’immeuble paquebot de Pierre Patout boulevard Victor. Certains architectes de talent ont conçu des logements sociaux, comme Henri Sauvage, André Arfvidson, Joseph Bassompierre, André Berry. Ces maquettes et quelques photographies sont particulièrement importantes quand l’édifice a disparu ou quand il est difficile de le considérer dans ses volumes. Néanmoins, il faut bien comprendre que l’exposition de 1925 n’était pas homogène du point de vue architectural. Le Corbusier y avait bâti un pavillon, L’Esprit nouveau, qui n’était pas dans la ligne dominante. L’URSS, récemment reconnue diplomatiquement par la France, était représentée par un bâtiment d’avant-garde dû à Constantin Melnikov, car Staline n’avait pas encore imposé l’art officiel du réalisme socialiste. Ce bâtiment avait une ossature en bois facile à monter et ses formes étaient très épurées. Malheureusement, l’intérieur du pavillon était rempli d’objets folkloriques et contenait peu de créations modernes originales (présentes tout de même avec des décors constructivistes), parce qu’il n’existait pas un consommateur soviétique. D’ailleurs, Melnikov fut écarté d’un concours pour l’exposition de 1937.

5La section de l’exposition de Chaillot peut-être la plus fascinante est consacrée aux grands magasins de Paris. D’une part ils eurent tous un pavillon, à l’architecture audacieuse, d’autre part chacun mettait en valeur une ligne de produits élaborés dans des ateliers sous-traitants selon les conceptions d’un directeur artistique (Primavera pour le Printemps, Maîtrise pour les Galeries Lafayette, Pomone pour le Bon Marché, Studium pour le Louvre). C’est l’occasion de remarquer que les arts décoratifs de 1925 se partagent en deux versants : ceux destinés à un public de moyenne ou petite bourgeoisie (par exemple boîte à cigarettes Pomone, vase Primavera), et le mobilier raffiné et cher de grands créateurs comme Jacques-Émile Ruhlmann, Louis Süe, André Mare, Jules Leleu, Jacques Adnet, continuateurs d’une tradition de luxe et d’élégance française. Ces derniers sont présents dans l’exposition de 1925 avec des verriers, des ferronniers, des céramistes, grâce à plusieurs pavillons, tels Une ambassade française, La Cour des métiers, l’Hôtel du collectionneur, le Musée de l’art contemporain, le Pavillon Lalique, le Pavillon de Limoges, celui de Sèvres, etc. Plusieurs des pièces présentées proviennent des grands paquebots de l’époque, comme le Normandie. On évoque des ensembliers, par exemple une chaise Dominique, maison de décoration fondée en 1922 par André Donin et Marcel Genevrière? [5]. Les appréciations sur les arts décoratifs de 1925 varient selon le point de vue où l’on se place : il y entre une définition du bon goût, réactualisé par des lignes plus rectilignes, mais la part de l’esthétique vraiment industrielle est faible, bien qu’on puisse citer Saint-Gobain, Baccarat, Lalique, Daum, Christofle, Puiforcat, les industriels de la céramique.

6L’architecture Art déco, devenue un peu architecture officielle de la République, est présente dans des ministères, de nombreux bureaux de poste, des écoles, des piscines, des gares et des ambassades françaises à l’étranger. Dans le parcours de l’exposition, des prolongements scénographiques en alvéoles illustrent le phénomène d’internationalisation : territoires coloniaux, Amériques du Nord et du Sud, Japon, le Shanghai de la concession française. Il est à remarquer que l’époque s’enthousiasme pour les formes d’art que l’on ne disait pas encore premier, à la recherche d’une humanité archétypique parlant au cœur de tout un chacun, ce dont témoigne le bâtiment du musée de la Porte dorée, dû à l’architecte Albert Laprade. Si elle transmet un message des puissants (la civilisation moderne, la raison, le progrès, le travail efficace, la patrie), dont on trouve un aperçu dans les citations de Paul Valéry gravées sur la façade du palais de Chaillot, comme d’ailleurs avec les allégories du Rockefeller Center à Manhattan, la culture Art déco s’adapte aussi à des aspirations profondes de la société industrielle : la vitesse, le déplacement, l’éducation, le sport, l’hygiène, la consommation, la culture de masse de la ville.

7Un prolongement intéressant est l’art du jardin, illustré par Gabriel Guévrékian (Jardin d’eau et de lumière) et Albert Laprade (Jardin des nymphéas et Jardin des oiseaux, ainsi que le jardin pour l’hôtel Robert de Vogüé, 59, quai d’Orsay). Il s’est créé toute une esthétique du jardin Art déco (modern garden dans les pays anglophones), en partie théorisée par l’architecte français Joseph Marrast et le paysagiste anglais Geoffrey Jellicoe. Il faut y inclure le jardin du riche propriétaire (créations d’André Vera à l’hôtel du vicomte de Noailles à Saint-Germain-en-Laye, jardin de sa villa à Hyères, Villa des arts à Casablanca), le jardin d’une simple maison (sans rupture avec le bâti et ouvrant sur le paysage) et des squares ou beaux jardins publics d’architectes, certains à but social, des oasis du bonheur, comme le parc de la Butte du Chapeau-Rouge de Léon Azéma (l’un des architectes du palais de Chaillot), le parc Kellermann, le square Le Gall (Gobelins) ou le square Lambert. On y trouve de l’eau, des lieux où goûter un apaisement en suspension de l’agitation ambiante, un tracé régulier, un végétal contrôlé (rideaux de haies ou arbres, axes de vue), d’importants éléments minéraux et décoratifs à fonction allégorique : c’est une version réajustée du jardin italianisant de la Renaissance à destination du bonheur des classes populaires.

8L’exposition de la Cité de l’architecture a certes été critiquée ici et là pour différentes raisons : ni Reims, ni l’architecture religieuse (églises du Raincy, du Saint-Esprit, de Saint-Michel-des-Batignolles, de Sainte-Odile, etc.) ne sont évoquées, peu de meubles sont exposés, l’évocation allusive l’emporte sur la claire démonstration. Mais elle contribue à une mise en perspective utile. Elle permet de percevoir d’une autre façon le paysage urbain et sa grammaire.

9Jean-Pierre Daviet

Le Vent se lève, de Hayao Miyazaki

10Avec Le Vent se lève, celui qui a été surnommé « le maître de l’animation », et qui est souvent présenté comme pacifiste et antinationaliste, signe ce qu’il a annoncé comme étant sa dernière réalisation. Les précédentes œuvres de Miyazaki se déroulaient dans des univers fantastiques au sein desquels évoluaient une multitude de créatures? [6]. Le réalisateur japonais a toujours privilégié des thèmes tels que l’environnement, l’innocence, l’enfance et la rêverie. Le Vent se lève s’inscrit dans une certaine continuité, tout en se détachant de ses précédentes œuvres? [7]. Si l’enfance et la rêverie ponctuent le film, Miyazaki livre sa première œuvre « réaliste »? [8]. Il propose le biopic romancé d’un ingénieur japonais, Jiro Horikoshi, qui a inventé dans les années 1930 l’avion chasseur Mitsubishi A6M, aussi connu sous le nom de Zéro, utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet engin a été le cauchemar des Américains à Pearl Harbor et l’outil privilégié des kamikazes nippons. Le film de Hayao Miyazaki présente deux intérêts : le premier est de se focaliser sur un personnage relativement méconnu en Occident et dont le réalisateur s’attache à montrer la neutralité dans un contexte de regain nationaliste au Japon. Le genre de la biographie permet de saisir la complexité d’une personnalité dans un environnement social en plein bouleversement? [9]. Le second intérêt est d’offrir un paysage du Japon des décennies 1920-1940, en se concentrant sur les aspects économique, politique, urbanistique et de rapports de genre.

11L’œuvre s’ouvre sur Jiro enfant. Il rêve de devenir aviateur, mais ne disposant pas d’une bonne vue, il doit renoncer à cette ambition après avoir vainement tenté d’améliorer sa vision en fixant des points au loin. L’enfant est présenté comme d’une grande gentillesse. Surnommé « petit grand frère » par sa sœur cadette, c’est tantôt la figure d’un rêveur fragile et tantôt celle d’un concepteur déterminé qui est mise en avant. Pendant son enfance, déjà passionné d’aviation, il lit des revues anglaises. L’enfant formule rapidement l’envie de devenir ingénieur aéronautique et se montre très assidu pendant ses études. Il rêve aussi régulièrement de Giovanni Battista Caproni qui lui fait parcourir ses propres créations? [10]. Les scènes sont ponctuées d’explications techniques et de réflexions « philosophiques » sur l’usage auquel ses avions sont destinés. Pour l’ingénieur italien, il s’agit de transporter non des bombes mais des passagers, et celui-ci répète plusieurs fois que dans les rêves tout est permis. Ces discours contrastent avec le travail de Jiro Horikoshi. Celui-ci doit en effet concevoir des avions qui allient vitesse, légèreté et capacité de portage bombardier. Le Japonais s’inspire de son environnement quotidien, comme des courbures d’arêtes de maquereaux ou du vol des mouettes, pour concevoir un modèle plus efficace. À cette époque, il est dit par les personnages que l’aéronautique japonaise a plus de dix ans de retard sur le reste du monde. Au cours de son activité professionnelle, Jiro Horikoshi poursuit sa formation notamment lors d’un séjour en Allemagne sous Hitler. Apparaissant davantage comme un héros du quotidien que comme un héros de l’histoire, il ne fait ni preuve d’un quelconque nationalisme ni état de considérations politiques critiques. En ce sens, lui et son entourage sont présentés tels des personnages emportés par les tourments de la société. La célèbre citation de Verlaine est sans cesse reprise : « Le vent se lève !.. Il faut tenter de vivre ! ».

12Le film d’animation dépeint également le Japon des décennies 1920-1940 avec un accent prononcé sur les années 1930. Le pays, pauvre et dévasté, s’apprête à entrer en guerre. Les paysages urbains, la plupart miséreux, se succèdent, alors que les scènes de rêves ou de voyages en train laissent davantage entrevoir les espaces ruraux. Les champs montagneux sont aussi présents lors des visites de Jiro Horikoshi à sa femme. Le personnage de la sœur, bien que secondaire, constitue un précieux indicateur des conditions des femmes à cette époque? [11]. Enfant, alors qu’elle souhaite étudier la médecine, elle se plaint que les filles, à la différence des garçons, ne puissent quitter leur famille pour effectuer leur formation à Tokyo. Finalement, la jeune femme parviendra à faire ses études et à devenir médecin. La compagne de Jiro, Nahoko, et la relation qu’ils entretiennent illustrent, elles, la rigueur traditionnelle du mariage nécessaire à toute vie commune. Terrassée par la tuberculose, la jeune épouse passe une bonne partie de son temps à attendre son époux. Notons que dans Le Vent se lève, Hayao Miyazaki semble livrer des éléments de sa propre histoire : sa mère est morte de tuberculose et son père, Katsuji Miyazaki, dirigeait une fabrique de pièces de bombardiers. Ces années sont aussi celles de la grande dépression : un passage du film montre des Japonais agglutinés devant leur banque. Par ailleurs, fait particulièrement rare dans l’animation et plus généralement dans le cinéma aujourd’hui (et ce y compris dans des films « historiques »), plusieurs personnages dont Jiro Horikoshi ne cessent de fumer des cigarettes.

13Le Vent se lève a suscité de vifs débats lors de sa sortie au Japon en juillet 2013. Hayao Miyazaki a été accusé d’être antijaponais : la dénonciation de la guerre primerait sur la défense du militarisme japonais dans ce dernier film. D’autres œuvres du réalisateur sont pourtant bien plus critiques en la matière. Si la guerre est omniprésente, nul questionnement des positions du Japon, nulle remise en cause des utilisations militaires des avions ne traversent le film. La polémique qu’il a suscité révèle le caractère sensible des politiques mémorielles du Japon contemporain à l’égard de son passé militariste ainsi que la prégnance d’un nationalisme? [12]. S’inscrivant dans un registre que Hayao Miyazaki n’avait jamais abordé, Le Vent se lève clôt une vaste œuvre dont les fils conducteurs semblent bien avoir toujours été l’engagement et la mise en scène d’idéaux et d’utopies tragiques.

14Sophie Louey

Concevoir le site-mémorial des Milles

15De septembre 1939 à la fin de l’année 1942, l’imposante tuilerie située à la sortie du village des Milles, au sud d’Aix-en-Provence, servit à trois fins : camp d’internement des « sujets ennemis » allemands et autrichiens au cours des derniers mois de la Troisième République, camp de transit pour les « indésirables étrangers » souhaitant quitter la France sous le régime de Vichy, enfin lieu de regroupement des juifs livrés par les autorités françaises aux nazis en vue de leur déportation. Au cours de cette période, plus de dix mille personnes transitèrent par les Milles. Unique grand camp français d’internement et de déportation encore debout et accessible au public, le bâtiment de briques accueille un mémorial depuis 2012.

16Ouvrage déroutant tant que le lecteur n’en a pas saisi la nature, Mémoire du camp des Milles, 1939-1942 révèle l’échafaudage de la réhabilitation du lieu et de sa constitution en « site-mémorial », soit à la fois lieu de mémoire et musée? [13]. Le livre, de grand format et illustré, comporte, si on oublie quelques doubles pages égarées, cinq parties : un historique de Robert Mencherini, un texte d’Angelika Gausmann sur les œuvres que les artistes internés ont réalisées pendant leur détention, un porte-folio de soixante photographies en noir et blanc de la tuilerie désaffectée, une présentation par l’historien Olivier Lalieu des choix muséographiques et un dossier dans lequel l’atelier d’architecture Novembre explicite son travail. Les contributions s’appuient sur des documents iconographiques dont on peut louer la richesse, la diversité, la qualité : photographies, peintures, dessins, manuscrits, imprimés, plans, schémas constituent l’un des points forts de l’ouvrage [14]. De par sa structure et son contenu, Mémoire du camp des Milles intéressera en particulier toute personne qui envisagerait de se rendre au site-mémorial ainsi que tout professionnel porteur de ce type de projet.

17Outre l’allure impressionnante du bâtiment industriel qu’il occupait, deux éléments caractérisent ce camp : il fut un lieu d’internement déjà sous le régime démocratique de la Troisième République française et un foyer de création littéraire et artistique. De septembre 1939 à l’été 1940, il accueillit, dans des conditions très rudimentaires, des réfugiés allemands et autrichiens antinazis, des partisans du Troisième Reich ainsi que des Tchèques, des Alsaciens, d’anciens légionnaires. Les internés réalisaient diverses corvées, préparaient les repas et, pour lutter contre la peur et l’ennui, pratiquaient des activités intellectuelles, manuelles, artistiques (voir document 1). À partir de février 1940, les hommes de moins de quarante ans, constitués en formations de travailleurs, furent répartis dans de nombreux camps annexes, comme le montre la carte figurant page 21. Fermé en avril 1940, rouvert lors de l’offensive allemande de mai, le camp changea finalement d’affectation à l’automne de la même année.

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Peter Lipman-Wulf, Nuit au camp, 1939

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Peter Lipman-Wulf, Nuit au camp, 1939

© Collection particulière, Barbara et Ghilia Lipman-Wulf.

18La plupart des consulats et légations étant désormais installés à Marseille, seul port d’où il était encore possible d’embarquer, furent rassemblés au camp des Milles les étrangers en instance d’émigration. Un service officiel fut créé et des associations caritatives furent présentes sur place pour les aider dans leurs démarches. Sur une double page ont ainsi été reproduites des lettres et cartes envoyées par des internés (pages 196-197). Pendant deux ans, le rythme des départs fluctua en fonction de la politique du régime de Vichy et de celles des pays d’accueil. À la suite de la visite du dirigeant du Service des affaires juives de la Gestapo au cours de l’été 1942, l’État français ayant consenti à la déportation des juifs apatrides, deux mille internés furent déportés, via Drancy et Rivesaltes, à Auschwitz-Birkenau. Raymond-Raoul Lambert, alors président de l’Union générale des israélites de France (UGIF), a témoigné sur le départ du premier convoi le 10 août. Des extraits de son carnet sont reproduits dans l’ouvrage. Les quelques centaines d’internés restants furent envoyés dans de plus petits camps ou durent rejoindre des groupes de travailleurs étrangers.

19La courte présentation d’Angelika Gausmann, « Trop beau pour rester dans l’oubli », est consacrée à la seconde spécificité du camp des Milles, lieu d’une intense création artistique puisque plus de trois cents œuvres, non uniquement de circonstance, ont été retrouvées. Cette création, d’abord marquée par l’influence de Max Ernst, Hans Bellmer, Heinrich Davringhausen et Ferdinand Springer, se tourna à partir de 1940 vers des œuvres de commande : affiches d’illustrateurs et, in situ, peintures murales. L’ancien réfectoire des gardiens du camp des Milles, classé monument historique en 1993, présente en effet une série de fresques attribuées aux peintres Karl Bodek, Franz Meyer et Max Lingner. Le Cortège des prestataires (voir document 2), Les Moissons, Les Vendanges, Les Noces, Les Noces de légumes, Le Banquet des nations sont accompagnés des phylactères « si vos assiettes ne sont pas très garnies puissent nos dessins vous calmer l’appétit » et « aidez moi faites la chaîne en me tendant la main ». Comme l’écrit la sociologue, « les peintures murales racontent l’histoire d’un pays de cocagne ou la nourriture est profuse. Elles nous parlent de pain et de vin, du festin de toutes les nations, de toutes les cultures et toutes les religions » (page 53). De ce fait et en raison de l’histoire lacunaire de leur réalisation, ces expressions d’espoirs interrogent encore le visiteur qui les découvre.

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Le Cortège des prestataires, peinture murale attribuée à Franz Meyer

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Le Cortège des prestataires, peinture murale attribuée à Franz Meyer

© Photographie Yves Jeanmougin, 2012.

20Entre 2008-2010, période au cours de laquelle Yves Jeanmougin a réalisé les photographies de la tuilerie désaffectée, et 2012, année d’ouverture du site-mémorial, furent réalisés non seulement du gros œuvre mais également un travail muséographique qu’éclairent les deux dernières parties de Mémoire du camp des Milles. Olivier Lalieu retrace l’histoire du projet de mémorial en explicitant les choix scientifiques, pédagogiques, muséographiques, puis présente le parcours du visiteur : l’histoire du camp des Milles, qui en constitue le fil directeur, est complétée par l’explication des traces matérielles laissées par les internés et encore visibles aujourd’hui (dessins, inscriptions, graffitis, etc., voir document 3) et par une réflexion sur les mécanismes, invariants ou non, qui conduisent aux génocides. L’Atelier Novembre, lui, traite également du projet et de ses trois volets (historique, mémoriel, réflexif) mais selon une approche architecturale : quelles relations créer entre le mémorial et le site qu’il occupe ? Comment réhabiliter le bâtiment afin qu’il corresponde au plus près au projet tout en respectant le cahier des charges propre aux espaces accueillant du public ? À quels choix procéder en matière de restauration et de conservation ? D’architecture paysagère ? De graphisme, de signalétique, de typographie ? De nombreux plans et photographies viennent à l’appui des explications.

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Site-mémorial du camp des Milles, galerie dite « des légionnaires », entrée d’un four à tuiles Hoffmann

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Site-mémorial du camp des Milles, galerie dite « des légionnaires », entrée d’un four à tuiles Hoffmann

© Photographie Yves Jeanmougin, 2012.

21Le titre de la préface d’Alain Chouraqui, président de la Fondation du camp des Milles – Mémoire et Éducation, résume la philosophie du projet : il ne s’agit pas d’un mémorial pour comprendre notre passé, ce qui pût passer pour prétentieux, mais d’« un mémorial pour apprendre de notre passé », et ce dès le plus jeune âge. En permettant au visiteur de se confronter à l’histoire d’un camp, de faire l’expérience des lieux, en mettant à sa portée les résultats de recherches menées en psychologie comportementale par exemple, le site-mémorial œuvre pour la non-discrimination, lutte contre la xénophobie, le racisme, encore trop répandus de nos jours. De ce fait, la conception et la réalisation du projet des Milles constituèrent « trente ans de combat » non seulement contre l’oubli, mais aussi contre des dérives de nos sociétés actuelles. Initié par une équipe restreinte, puis soutenu par plusieurs institutions, ce projet prouve, s’il en était besoin, qu’il suffit de vouloir pour bâtir demain. Cependant, de ce courage et de cette ténacité, Mémoire du camp des Milles, 1939-1942, ouvrage pour partie initié par les porteurs du projet eux-mêmes, ne pouvait faire explicitement l’écho.

22Hélène Bourguignon

Homosexualités d’entre-deux-guerres

23À l’origine de son film Les Invisibles, César du meilleur documentaire en 2012 et grand succès public, Sébastien Lifshitz confiait qu’il y avait la découverte d’une photographie chinée aux puces de Vanves, représentant un couple de femmes âgées, « à l’allure bourgeoise ». Elles semblaient très proches, sans qu’il fût possible de déterminer avec certitude la nature de leur relation. L’exhumation d’une série d’albums de photographies lui révéla qu’elles avaient formé un couple et avaient sans doute été amantes. De cette découverte naquit le projet du documentaire, qui entendait donner la parole, mais aussi un visage, à ces hommes et ces femmes, nés dans l’entre-deux-guerres et qui, en dépit d’un climat peu favorable, avaient vécu leur homosexualité avec bonheur et su construire des relations durables et heureuses.

24Avec ce recueil de photographies, également titré Les Invisibles, Sébastien Lifshitz revient aux origines mêmes du projet : les clichés amateurs? [15]. Ceux qui nous sont présentés ici couvrent une période allant de 1900 à 1960. La majorité est en noir et blanc et semble remonter au début du siècle et à l’entre-deux-guerres. Amassés au gré des puces et des vide-greniers, ils nous sont livrés sans légende, ni indication d’aucune sorte : refus d’imposer une lecture sur des images bien souvent ouvertes à des interprétations multiformes, invitation à laisser errer son imagination.

25Vrai rêve de chercheur, les photographies rassemblées par Sébastien Lifshitz nous font ainsi entrer dans le secret des vies d’hommes et de femmes anonymes, qu’il serait imprudent et problématique d’étiqueter, mais qui offrent toutes une grille de lecture queer, souvent en fort contraste avec les images publiques « officielles » et parfois tragiques de l’histoire gay et lesbienne, photographies de manifestations, d’arrestations, instantanés volés dans les bars, portraits de célébrités ou de militants… Pas trace non plus ici de ces photographies suggestives, ou franchement pornographiques, qui circulaient sous le manteau ou ornaient les pages de périodiques spécialisés, éphèbes alanguis chers à Die Eigene, revue homosexuelle allemande créée à la fin du 19e siècle, ou mâles athlètes aux corps huilés, adeptes de body-building et de naturisme, qui firent les beaux jours des magazines « physiques » des années 1950, comme Physique Pictorial. Si l’érotisme n’est pas absent, il s’inscrit dans l’intimité du couple, loin de tout voyeurisme : c’est une main qui effleure la peau en remontant un tee-shirt, le visage d’une femme en maillot de bain reposant sur la cuisse nue de sa compagne. Pas de « regard caméra » pour ces protagonistes qui n’ont d’yeux que l’un pour l’autre. Le plus souvent, échange de baisers, sourires et regards complices, poses sans ambiguïtés, mains jointes, épaules ou taille enlacées suffisent à signaler le sentiment amoureux. Ce qui frappe, au final, dans ses clichés, c’est leur apparente banalité, et la joie de vivre qui s’en dégage, loin de la culture du secret et du mythe de l’« l’homosexualité noire » : volonté d’enregistrer les moments heureux, de préserver l’image d’une relation, éphémère ou durable, de porter témoignage d’un mode de vie (les couples butch/ fem sont particulièrement bien représentés, de même que les soirées travesties).

26La subculture gay et lesbienne était certes déjà bien documentée. Dans l’entre-deux-guerres, Roger-Viollet et Brassaï avaient photographié les bars lesbiens et les bals travestis parisiens, comme celui de Magic-City ou de la Montagne Sainte-Geneviève, le peintre Christian Schad avait, entre autres, croqué les jeunes prostitués allemands, tandis que les caricaturistes s’emparaient du personnage de la garçonne pour en faire un symbole des années folles. Nombre des photographies récoltées par Sébastien Lifshitz corroborent ce que l’on sait du jeu sur les codes, de la popularité de figures fantasmées comme celle du marin (que l’on retrouve ici réinterprétée à toutes les époques, par des hommes mais aussi par des femmes) et du goût pour le high camp, comme ce jeune qui fait retoucher son portrait de manière à accentuer son maquillage, ou cet homme qui donne le sein à un bébé imaginaire. On pense à ces photographies, également d’origine privée, représentant des membres du personnel de la marine marchande britannique, en couple, ou travestis, présentées lors de l’exposition « Hello Sailor ! Gay Life on the Ocean Wave » au Merseyside Maritime Museum de Liverpool à partir de 2006 et publiées depuis par Paul Baker et Jo Stanley, et qui attestaient de l’existence d’une subculture homosexuelle originale à bord notamment des paquebots de croisière? [16].

27Bien que non datées, certaines images évoquent immédiatement l’esprit d’une époque. Les nus vaporeux, dans un cadre bucolique, rappellent les photographies du baron von Gloeden ou de Wilhelm von Plüschow. Les deux garçons qui posent dans une barque sur fond de montagne suggèrent le Berlin des années 1920, cher à Christopher Isherwood, et certaines photographies de Humphrey Spender. L’atmosphère est détendue, complice, la charge homo-érotique évidente, mais le couple mixte et potentiellement gay défie dangereusement la norme. Les jeunes filles photographiées enlacées dans une sororité américaine nous rappellent quant à elles que les universités et les pensionnats furent des lieux d’épanouissement privilégiés des amours lesbiennes. Dès le 19e siècle, on parlait de « mariages bostoniens » pour évoquer les couples de femmes.

28De fait, alors que le mariage entre personnes de même sexe continue de faire l’actualité, en France et à l’étranger, on ne peut qu’être frappé par le nombre de mises en scène de propositions de mariage, genou à terre, et d’unions de couples d’hommes ou de femmes, souvent en grande tenue, robe blanche et costume. Au 18e siècle déjà, dans les « assemblées de sodomites » parisiennes et les « molly houses » britanniques, on célébrait des unions homosexuelles et l’on ne compte plus, à travers l’histoire, les mariages entre femmes officiellement célébrés, l’une des épouses, travesties, se faisant passer pour un homme. Ce désir de légitimer un couple, au moins aux yeux des siens, d’officialiser une relation, est ici particulièrement bien rendu : cérémonies champêtres, avec témoins, photographie des deux mariées dans leur salon, où l’on imagine qu’elle serait peut-être ensuite exposée.

29Toutes ces photographies posent, bien sûr, la question de la prise de vue et du développement. Selfies d’un autre temps, pour ces deux amoureux photographiés au réveil, enlacés dans les draps ? Clichés de vacances, suffisamment ambigus pour pouvoir être apportés au photographe de quartier sans attirer l’attention ? On présume cependant que certaines images ont bénéficié de la complicité d’un photographe compréhensif, peut-être lui-même homosexuel, ou ont été développées par l’un des protagonistes dans un studio privé. On sait qu’aux États-Unis, dans les années 1950 et 1960, dans un climat très homophobe, beaucoup de couples gays se faisaient photographier dans un photomaton, le développement instantané réglant la question des intermédiaires peu fiables.

30D’autres mises en scènes, notamment les très nombreux spectacles travestis, pouvaient cependant sans doute passer pour des bouffonneries ou une simple représentation théâtrale. L’ouvrage de Juliette Rennes, Femmes en métiers d’hommes : cartes postales, 1890-1930, souligne la vogue, dans la première moitié du 20e siècle, des cartes postales de femmes habillées en hommes, supposées illustrer la féminisation de la sphère professionnelle (les premières femmes cochères, avocates ou doctoresses), mais qui le plus souvent érotisaient, ou tournaient en dérision, une situation jugée incongrue, peu crédible, voire grotesque? [17]. Chapeau melon ou casquette vissée sur la tête, pipe ou cigarette à la bouche, fausse moustache parfois, costume trois pièces ou accoutrement de poulbot parisien, pose à la Marlène Dietrich, effronterie d’une jeune cycliste, ou mise en scène à la Laurel et Hardy, les jeunes femmes, en couple ou en groupe, que l’on retrouve sur les photographies rassemblées par Sébastien Lifshitz attestent de ce qui est alors l’espace des possibles. S’il importe du reste de ne pas plaquer abusivement sur ces images des interprétations unilatéralement queer (les clichés représentant des femmes d’âge mûr dansant ensemble, au milieu d’autres couples composés d’hommes et de femmes, dans une salle des fêtes ou une guinguette, témoignent aussi bien de l’existence admise de formes d’homosociabilité, de la pénurie d’hommes dans les thés dansants, de l’innocuité supposée des contacts physiques entre femmes que d’une possible relation amoureuse), d’autres jouent au contraire à l’évidence avec les codes, telle cette improbable photographie d’un homme adulte, obèse, en culotte courte et à la coiffure enfantine, exposant à la caméra l’un des comic strips de Palmer Cox, intitulé tout simplement… Queer People, et datant de 1888. L’image de Divine vient alors immédiatement à l’esprit.

31Combien de ces clichés dorment encore dans des greniers, chez des bouquinistes ? Combien d’autres, hélas, ont été détruits, à la fin d’une relation, de peur qu’ils ne tombent dans de mauvaises mains ou, plus simplement, par une parenté soucieuse de préserver l’image hétéronormée de la famille ? Espérons que la publication du livre de Sébastien Lifshitz encouragera d’autres anonymes à montrer leurs trésors.

32Florence Tamagne

L’histoire sociale mondiale par les polars

33Alors que le roman policier a longtemps été l’apanage d’auteurs britanniques, français et américains, puis plus récemment d’auteurs scandinaves, depuis peu des polars nous arrivent de pays plus variés : la Chine avec les « enquêtes de l’inspecteur Chen » de Qiu Xiaolong, la Grèce avec la « trilogie de la crise » entamée par Petros Markaris, l’Iran avec le premier roman de Naïri Nahapétian ou encore l’Argentine avec Chamamé de Leonardo Oyola? [18]. On assiste donc à une mondialisation du roman policier. Le point commun à ces romans est qu’ils inscrivent leur intrigue dans l’histoire sociale de ces dernières années. Les lire permet de se plonger dans les péripéties et dans la tourmente des événements récents dans ces pays, telles les répercussions de la crise économique en Grèce ou la surveillance des médias et la corruption en Chine. En effet, la fiction policière apparaît comme un bon moyen d’évoquer pour un large public la situation sociale et politique d’un pays.

34Dans Cyber China, Qiu Xiaolong, romancier chinois émigré aux États-Unis depuis 1988 (son père avait été victime des gardes rouges pendant la Révolution culturelle, et lui-même a été interdit d’études en Chine pendant plusieurs années et a décidé de rester en Occident après le massacre de Tian’anmen), met en scène une enquête de l’inspecteur Chen Cao autour de la mort suspecte d’un important cadre chinois, Zhou, retrouvé « suicidé » dans une chambre d’un prestigieux hôtel de Shanghai, la Villa Moller. Le roman aborde différents aspects de l’histoire de la Chine depuis les années 1990 : la spéculation immobilière, la corruption qui gangrène le pays, la censure de la presse et la tentative des « cyber-citoyens » d’accéder à l’information par Internet et de s’organiser pour faire éclater les scandales et obtenir justice.

35Pour ce roman, Qiu Xiaolong s’est inspiré d’une affaire qui avait défrayé la chronique en 2006 : le limogeage et la condamnation pour corruption du numéro un du parti communiste à Shanghai, Chen Liangyu, présenté par certains observateurs comme un règlement de comptes entre la « faction de la Ligue de la jeunesse » (« tuanpai », emmenée par Hu Jintao) et le « clan de Shanghai » (de son prédécesseur Jiang Zemin).

36En suivant cette enquête, le lecteur se familiarise avec des pratiques réelles comme le shuanggui, détention illégale menée confidentiellement par le Parti à l’encontre de cadres suspectés de corruption. Cela peut aller jusqu’à la mort de la personne visée ; ainsi en avril 2013, Yu Qiyi, un cadre d’une entreprise étatique, a été tué au cours d’un shuanggui. Dans le roman, Zhou était sous shuanngui et une « chasse à l’homme virtuelle » contre lui avait été lancée peu avant sa mort par des « cyber-citoyens » après ses propos s’opposant à une baisse des prix de l’immobilier et après qu’une photographie le montrant à côté d’un paquet de cigarettes de luxe, les 95 Majesté Suprême, a été diffusée sur l’Internet. Les marques de cigarette réservées à l’élite du Parti existent bien dans plusieurs provinces où on les appelle « cigarettes de corruption ».

37C’est tout un monde de corruption que nous dépeint l’auteur, où les « gros sous » accompagnés de leurs « petites secrétaires » concluent des marchés mirobolants, au restaurant, au karaoké ou au salon de massage ; où des chefs d’entreprise véreux amassent rapidement des fortunes, tel le vieux Xiang qui s’est enrichi en vendant de faux médicaments, avant de faire faillite ; où des hauts dignitaires du Parti bénéficient de cadeaux de luxe et du privilège de pouvoir faire soigner leurs proches dans les bons hôpitaux. Cela n’est pas sans rappeler l’affaire Bo Xilai, ce haut cadre du Parti ayant connu une ascension remarquable avant de tomber en 2012, notamment pour corruption. On y croise aussi des haigui, terme péjoratif signifiant « tortue de mer », désignant les Chinois de retour de l’étranger après avoir échoué à se faire une situation en Occident.

38L’auteur décrit surtout l’Internet chinois. Une toile surveillée par le wang guan, la police de l’Internet, qui efface des articles (elle dit qu’elle les « harmonise », pour le « maintien de la stabilité »). Dans les cybercafés, il faut montrer sa carte d’identité et se faire enregistrer. Malgré cela, des microblogueurs, qui écrivent notamment sur Weibo, le twitter chinois, défient les autorités, déjouent la « Grande Muraille de Chine électronique », et dénoncent les scandales, initiant des « chasses à l’homme » contre des hommes politiques ou des entrepreneurs corrompus ; dans le roman c’est contre des hommes politiques photographiés avec des cigarettes de luxe, dans la réalité c’est contre des hommes politiques photographiés avec des montres de luxe que se sont élevés des cyber-citoyens.

39Qiu Xiaolong offre un beau parcours à travers Shanghai. On y découvre le district de Pudong, ancien village de riziculteurs urbanisé rapidement depuis les années 1990, à la faveur de son élévation au rang de « zone économique spéciale ». En l’espace de quinze ans, plus de sept mille sociétés chinoises et étrangères se sont établies dans le quartier aux côtés de grands hôtels internationaux. Plus de 1,5 million de Chinois se sont alors installés à Pudong, dont la croissance économique annuelle dépassait les 17 % au début des années 2000. On y trouve des bâtiments symbolisant l’essor économique chinois, comme la Perle de l’Orient (tour de quatre cent soixante-huit mètres construite en 1995), ou le Shanghai World Financial Center construit en 2008. Dans cette ville modernisée, le comble du chic, pour les Chinois de la « génération 80 » (génération grandie avec l’esprit capitaliste), est d’aller dans un café Starbucks ou Häagen-Dazs, symboles d’occidentalisation. À côté de ces quartiers ultra-modernes, l’auteur dépeint aussi les bâtiments plus anciens, telle la Villa Moller, une ancienne villa construite en 1936 dans le style gothique européen par un homme d’affaires juif, Éric Moller, qui avait fait fortune à Shanghai, puis transformée après 1949 en siège de la Ligue de la jeunesse communiste de Shanghai, avant de devenir depuis 2002 un hôtel de luxe. L’auteur montre également le contraste entre les bâtiments modernes et les maisons shikumen, maisons traditionnelles du 19e siècle ; on y voit comment le Longtang, vieux quartier populaire de Shanghai, revient depuis peu à la mode, phénomène initié par la classe aisée, les bourgeois bohême chinois. Il évoque aussi les logements ouvriers construits pendant les années 1960 à Shanghai, qui remplacèrent les bidonvilles antérieurs à 1949. Ces appartements ont été ensuite systématiquement divisés et redivisés, jusqu’à ce que chaque famille n’occupe plus qu’une pièce, avec cuisine et salle de bains communs à plusieurs familles. Dans cette ville en pleine transformation urbaine, la corruption immobilière bat son plein, dans laquelle les cadres du Parti ainsi que les édiles locaux sont impliqués. Souvent, près de la moitié des revenus des grandes villes proviennent des terrains que celles-ci cèdent aux promoteurs. Dans la réalité, le maire de Shanghai a été démis de ses fonctions il y a quelques années à cause d’un scandale immobilier.

40Le roman présente aussi Shaoxing, située au sud de Shanghai : la ville, pittoresque, chargée d’histoire, a accueilli de nombreux hommes de lettres, comme Lu Xun (1881-1936). Ayant lutté contre l’injustice sociale de son époque, il a été élevé par Mao au rang d’« écrivain révolutionnaire ». Qiu Xiaolong, qui a rédigé une thèse de doctorat en littérature, parsème son roman de citations de poèmes chinois anciens et modernes, et fait des allusions à plusieurs personnages historiques et à des événements marquants de l’histoire contemporaine chinoise, comme la Révolution culturelle, qui a décimé de nombreux intellectuels dont le père de l’inspecteur Chen dans le roman.

41L’auteur agrémente en outre l’intrigue de nombreux repas au restaurant, qui donnent au lecteur un aperçu de la gastronomie chinoise : « canard fumé, poisson blanc sauté aux oignons verts, tofu et melon d’hiver fermentés, crevettes d’eau douce bouillies au sel et pousses de bambou séchées ». Ces descriptions gastronomiques voisinent avec des allusions aux récents scandales alimentaires qui ont éclaté en Chine, comme celui du lait à la mélamine.

42C’est un État de non-droit que nous dépeint Qiu Xiaolong, où les journalistes sont mis sur liste noire lorsqu’ils dénoncent les scandales, où il faut dissimuler les livres non autorisés sous la couverture en plastique rouge des Citations de Mao, où, au nom de la protection de la « société harmonieuse », le gouvernement réprime les moindres formes de dissidence, y compris dans l’art. Du fait de cette dimension de dénonciation sociale, les romans de Qiu Xiaolong sont partiellement censurés en Chine : le gouvernement chinois en fait effacer certains passages avant publication (notamment les passages donnant une mauvaise image des hommes politiques) et la ville de Shanghai, cadre de la plupart de ses romans, n’y est pas désignée sous son nom mais sous celui plus anonyme de « H City ».

43C’est également un pays rongé par la corruption et miné par la spéculation immobilière que dépeint le romancier grec Petros Markaris dans Liquidations à la grecque. Un pays qui, à l’inverse de la Chine en plein essor, subit de plein fouet la crise économique, faisant partie des PIIGS (acronyme désignant les pays d’Europe les plus fragiles économiquement : Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne, et signifiant aussi « porcs »). Une ville, Athènes, où la vie quotidienne est rythmée par les embouteillages et par les manifestations, où les jeunes ne peuvent pas s’en sortir financièrement sans le soutien de leurs parents, où les salaires des fonctionnaires sont rognés et où les retraités ne touchent pas plus de quatre cents euros par mois, et où on assiste à des suicides de citoyens désespérés par la crise et l’endettement. Le commissaire Charitos mène l’enquête sur une mystérieuse série de meurtres par décapitation. Parmi les victimes : le gouverneur de la Banque centrale grecque, qui l’a introduite en bourse et a aussi créé une banque d’investissement procédant à du blanchiment d’argent ; un dirigeant d’une agence de notation qui a rétrogradé la Grèce dans la catégorie « junk » ; ou encore le dirigeant d’une entreprise de recouvrement d’argent, chargée de récupérer l’argent des prêts par tous les moyens, pressions et menaces comprises. Au même moment, des affiches et des annonces dans les journaux appellent les citoyens à ne pas payer leurs dettes aux banques et rappellent que le gouvernement a distribué à ces mêmes banques des milliards d’euros provenant des impôts. Est-ce le même homme qui a commis ces assassinats et qui a diffusé ces annonces ? Charitos part à la recherche de ce « Robin des banques ». En suivant le commissaire dans son enquête, on découvre aussi le milieu du dopage sportif. Dans Le Justicier d’Athènes, le deuxième volet de cette « trilogie de la crise », Petros Markaris aborde les scandales et dérives d’un système de santé en plein délitement : dans un contexte d’aggravation de la crise, où les pauvres sont partagés entre révolte et désespoir, on découvre le cadavre d’un chirurgien renommé qui profitait de la mauvaise gestion du système de santé. Juste auparavant, ce chirurgien a reçu une lettre, signée d’un homme qui se fait appeler « le percepteur national » et qui lui demandait de payer ce qu’il devait au fisc, faute de quoi il périt. L’auteur dénonce les magouilles et les scandales financiers et dépeint le désespoir d’une population saignée par la crise.

44La corruption et la pauvreté sont également présentes dans Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?, premier polar iranien. Dans ce roman, l’auteure, Naïri Nahapétian, nous offre le portrait d’une société iranienne marquée par la répression du pouvoir religieux, où assassinats, torture et emprisonnements sont légion. Le jeune journaliste franco-iranien Narek, réfugié de retour dans son pays natal, est impliqué par hasard dans l’assassinat d’un juge influent et détesté, l’ayatollah Kanuni, qui mène depuis vingt-cinq ans la répression contre les opposants. Entre une féministe islamique candidate aux présidentielles, inspirée d’un personnage réel, et un opposant laïque membre de la jet-set, Narek est confronté aux contradictions de la société iranienne, où les femmes sont opprimées et où la jeunesse a soif de liberté. Il est arrêté et jeté en prison. Qui a tué l’ayatollah Kanuni ? Des partisans du Shah, la CIA ou d’anciens Moudjahidine du peuple ? Dans ce roman didactique, Naïri Nahapétian dresse un tableau sombre de l’Iran à la veille de l’élection de Mahmoud Ahmadinejad : corruption des chefs politiques et religieux, et notamment des ayatollahs qui se livrent une lutte acharnée pour la direction des fondations pieuses, opacité de l’administration, culture de la paranoïa, obsession du soi-disant complot sioniste, heurts entre chrétiens et musulmans, etc.

45Dans tous ces romans, la description du contexte social constitue ainsi un ingrédient primordial. Derrière l’intrigue policière, les auteurs évoquent l’histoire récente de ces pays et dressent le tableau, souvent sombre, mais adouci par l’humour et la poésie, d’une société malade. Il y a une véritable portée sociale dans la dénonciation des dysfonctionnements, des scandales, des problèmes économiques, politiques ou religieux qui frappent ces pays. On peut y voir l’apparition d’une nouvelle génération de romans policiers, genre peut-être privilégié pour écrire l’histoire sociale mondiale.

46Chloé Maurel


Date de mise en ligne : 20/10/2014

https://doi.org/10.3917/vin.124.0185

Notes

  • [1]
    L’exposition s’est tenue du 16 octobre 2013 au 17 février 2014. Emmanuel Bréon et Philippe Rivoirard en ont assuré le commissariat.
  • [2]
    Deux expositions sont à signaler : l’une à Paris, en 1966, sur les années 1925 (la thématique, différente, avait des points de recoupement), l’autre à Minneapolis, en 1971, organisée par Bevis Hillier, « The World of Art Deco ».
  • [3]
    Voir notamment John Burchard et Albert Bush-Brown, The Architecture of America : A Social and Cultural History, Boston, Brown, 1961.
  • [4]
    Voir Tami Lerer, Sand and Splendor : Eclectic Style Architecture in Tel-Aviv, Tel-Aviv, Bauhaus Center, 2013.
  • [5]
    Félix Marcilhac, Dominique, Paris, Éditions de l’Amateur, 1961.
  • [6]
    Par exemple, Mon voisin Totoro (1988), Princesse Mononoké (1997), Le Voyage de Chihiro (2001), Le Château ambulant (2004).
  • [7]
    En revanche, Hayao Miyazaki met régulièrement en scène l’univers de l’aviation et de l’aérien, que ce soit dans Le Château de Cagliostro (1979), Nausicaa et la vallée du vent (1984), Laputa, le château dans le ciel (1986) ou Porco Rosso (1992).
  • [8]
    L’animation est inspirée de l’ouvrage de Tatsuo Hori, Le Vent se lève (1936), trad. du jap. par Daniel Struve, Paris, Gallimard, « L’Arpenteur », 1993.
  • [9]
    Il faut à cet égard souligner la richesse du développement des multiples personnages secondaires.
  • [10]
    Giovanni Battista Caproni (1886-1957) est un ingénieur aéronautique civil ayant fondé le groupe Caproni spécialisé dans la construction d’aéronefs.
  • [11]
    L’engagement féministe de Hayao Miyazaki parcourt ses œuvres de fiction. Citons notamment Le Voyage de Chihiro, Nausicaa et la vallée des vents et Princesse Mononoké.
  • [12]
    En 2013, le Premier ministre nippon, Shinzo Abe, a présenté un projet de révision constitutionnelle visant à rétablir une puissance militaire. L’article 9 de la Constitution rédigée en 1947 par les Américains stipule que les Japonais s’engagent à renoncer à la guerre et par extension à reconstituer une armée. Cet article est au fondement du pacifisme constitutionnel japonais. Hayao Miyazaki s’est opposé de façon virulente au projet, en publiant une tribune dans un journal gratuit. Le studio de production Ghibli l’a également mise en ligne : http://www.ghibli.jp/docs/0718kenpo.pdf. Voir à ce sujet une analyse sur les ambivalences de l’article 9 et de la politique militaire actuelle du pays : Marianne Péron-Doise, « Japon : puissance militaire, puissance civile ? », Outre-Mer, 6, 2004, p. 57-70. Sur les rapports de coopérations militaires entre les États-Unis et Japon, voir Hervé Couraye, « L’alliance japonaise à l’épreuve de la transformation de l’armée américaine », Politique américaine, 6, 2006, p. 43-63.
  • [13]
    Mémoire du camp des Milles, 1939-1942, Marseille, Métamorphoses/ Le Bec en l’air, 2013, 240 p., 29 Ä.
  • [14]
    Deux remarques de détails toutefois, que nous espérons utiles à une possible réédition : les documents ne sont pas numérotés et le renvoi aux légendes est donc moins aisé ; comme sur les cartels de trop nombreuses expositions aujourd’hui, les techniques (huile, gouache, crayon, etc.) ne sont pas systématiquement renseignées.
  • [15]
    Sébastien Lifshitz, Les Invisibles, Paris, Hoëbeke, 2013, 144 p., 20 Ä.
  • [16]
    Hello Sailor ! The Hidden History of Gay Life At Sea, Paul Baker et Jo Stanley (éd.), Londres, Pearson Education, 2003.
  • [17]
    Juliette Rennes, Femmes en métiers d’hommes : cartes postales, 1890-1930, Paris, Bleu autour, 2013.
  • [18]
    Petros Markaris, Liquidations à la grecque, trad. du grec par Michel Volkovitch, Paris, Éd. du Seuil, « Policiers », 2012, 328 p., 21,50 Ä ; id., Le Justicier d’Athènes, trad. du grec par Michel Volkovitch, Paris, Éd. du Seuil, « Policiers », 2013, 328 p., 21 Ä ; Naïri Nahapétian, Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?, Paris, Liana Levi, 2009, 288 p., 17 Ä ; Qiu Xialong, Cyber China, trad. du chinois par Adélaïde Pralon, Liana Levi, 2012, 278 p., 18,50 Ä ; Leonardo Oyola, Chamamé, trad. de l’esp. par Olivier Hamilton, Paris, Asphalte, 2012, 224 p., 18 Ä. Tous ces ouvrages sont parus en format poche.

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