Couverture de VIN_112

Article de revue

L'éléphant français libre

Babar, Romain Gary et la France libre

Pages 70 à 82

Notes

  • [1]
    André Malraux à propos du général de Gaulle, « Le Miroir des limbes », Œuvres complètes, Gallimard, « La Pléiade », 1996, t. III, p. 109.
  • [2]
    Jean-Louis Crémieux-Brilhac a reproduit certains scripts de Babar, passés alors inaperçus, puisque personne dans la famille de Brunhoff n’était au courant de cette présence de Babar à la BBC (voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Voix de la liberté : ici Londres, 1940-1944, Paris, La Documentation française, « Le Club français des bibliophiles », 1975 ; et note 8, p. 76). Jacques Pessis et Jean-Louis Crémieux-Brilhac ont entrepris une réédition de la quasi-intégralité des scripts de la BBC. Le premier volume, couvrant la période du 18 juin 1940 au 18 juin 1941, est paru : Les Français parlent aux Français, Jacques Pessis et Jean-Louis Crémieux-Brilhac (éd.), Paris, Omnibus, 2010. Les suivants comprendront les scripts de Babar. Je remercie Jean-Louis Crémieux-Brilhac d’avoir, avec son inaltérable amabilité, répondu à mes questions ; Paul Audi et Miriam Cendrars d’avoir accepté de relire cet article.
  • [3]
    Pascal Ory, Le Petit Nazi illustré : vie et survie du Téméraire (1943-1944) (1979), préf. de Léon Poliakov, Paris, Nautilus, 2002, p. 11. Voir aussi Gilles Ragache, « Un illustré sous l’Occupation : Le Téméraire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 47 (4), octobre-décembre 2000, p. 747-768.
  • [4]
    Voir, par exemple, Aristote A. Kallis, Nazi Propaganda and the Second World War, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2005.
  • [5]
    Antonio Gramsci, « Origine populaire du surhomme » (1933-1934), Cahiers de prison 16, Paris, Gallimard, 1990, p. 228-231. Voir aussi Pascal Durand, « Culture populaire, culture de masse ou culture de mass-médias ? Autour de cinq thèses d’Antonio Gramsci », Quaderni, 57, printemps 2005, p. 79.
  • [6]
    Jacques Laurent, « Étrennes noires » (1949), L’Esprit des lettres, Paris, Éd. de Fallois, 1999, p. 52-62.
  • [7]
    Roger Nimier, « Tintin fait son entrée dans la littérature » (1959), Les Écrivains sont-ils bêtes ? Essais, Paris, Rivages, 1990, p. 139.
  • [8]
    Alison Lurie, « The Royal Family », The New York Review of Books, 51 (20), 16 décembre 2004, http://www.nybooks.com/articles/archives/2004/dec/16/the-royal-family/ (notre traduction).
  • [9]
    Adam Gopnick, « Freeing the Elephants : What Babar Brought », The New Yorker, 22 septembre 2008, http://www.newyorker.com/reporting/2008/09/22/080922fa_fact_gopnik (ma traduction). Voir aussi Maurice Sendak, « Hommage à Babar pour son cinquantième anniversaire », La Revue des livres pour enfants, 81-82, décembre 1981, p. 24.
  • [10]
    Fred Poché, Sujet, parole et exclusion : une philosophie du sujet parlant, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 91. Une photographie d’éléphant orne l’édition officielle du premier tome du séminaire de Jacques Lacan.
  • [11]
    « Et pourquoi éprouverions-nous, aujourd’hui, nous ne savons quelle fausse honte à reconnaître […] que la France libre a joué une partie de poker dans laquelle elle a bluffé jusqu’à l’extrême limite […]. Nous appelions “divisions” des brigades ou des régiments, “groupes d’aviation” des escadrilles, “divisions navales” des rassemblements de quelques navires […]. Nous jouions les maîtres Jacques ou les Fregoli changeant d’uniformes ou de dénominations suivant les heures du jour ou les jours de la semaine. » (Hoover Institution on War, Revolution and Peace, Stanford University, Pierre Tissier, « La France combattante, juin 1940-août 1944 », conférence au palais de Chaillot le 22 mars 1945, p. 24-25)
  • [12]
    Titre du recueil posthume de chroniques d’Alexandre Vialatte publié en 1980 aux éditions Julliard.
  • [13]
    Romain Gary, Les Racines du ciel (1956), Paris, Gallimard, « Folio », 2009, « Préface », p. 12, © Éditions Gallimard. La Rédaction remercie les éditions Gallimard de l’avoir autorisée à reproduire cette citation ainsi que les suivantes.
  • [14]
    Firyel Abdeljaouad, Les Racines du ciel de Romain Gary, Paris, Gallimard, « Foliothèque », 2009, « L’éléphant », p. 115-120. Myriam Anissimov privilégie l’association entre les éléphants et l’« extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale » (Myriam Anissimov, Romain Gary, le caméléon, Paris, Denoël, 2004, Paris, Gallimard, « Folio », 2008, p. 361). Voir aussi Paul Audi, L’Europe et son fantôme, Paris, Léo Scheer, 2003, p. 51.
  • [15]
    Dominique Decèze, La Lune est pleine d’éléphants verts : histoire des messages de radio Londres à la Résistance française (1942-1944), Paris, Jacques Lanzmann-Seghers, 1979, p. 87.
  • [16]
    « Rappelez-vous la haine de Roosevelt pour de Gaulle, en 40 : or de Gaulle, en 40 comme aujourd’hui, c’est un peu, à sa façon, Morel et les éléphants. » (Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 162)
  • [17]
    Sur « la divergence dans la complicité » unissant Romain Gary et André Malraux, voir Paul Audi, « Le gaullisme de Gary », in Romain Gary, Ode à l’homme qui fut la France, Paris, Gallimard, « Folio », 2000, p. 134-161 ; Anne Henry, « Histoire d’un champion de cause perdue : Les Racines du ciel », Cahiers de L’Herne, « Romain Gary », 2005, p. 250.
  • [18]
    Charles de Gaulle, Mémoires de guerre : l’appel, 1940-1942 (1954), Paris, Presses Pocket, 1980, p. 7.
  • [19]
    Romain Gary cité dans Paul Audi, « Le gaullisme de Gary », op. cit., p. 124.
  • [20]
    Ibid., p. 126.
  • [21]
    « C’est dans une chambre d’enfants, il y a près d’un demi-siècle que nous nous sommes rencontrés pour la première fois […] jusqu’au jour où ma mère vous emporta […] j’étais désormais trop grand garçon pour jouer avec un éléphant. » (Romain Gary, L’Affaire homme, op. cit., « Lettre à l’éléphant », p. 160)
  • [22]
    Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ?, Paris, Éd. de Minuit, 1998, p. 94.
  • [23]
    Ibid., p. 131. On retrouve là une version moins radicale, parce que plus soucieuse du texte, de la notion de « communauté interprétative », formulée par Stanley Fish, « Interpreting the Variorum », Critiqual Inquiry, 2 (3), printemps 1976, p. 483-484.
  • [24]
    Pierre Bayard, op. cit., p. 21.
  • [25]
    Pierre Macherey, À quoi pense la littérature ?, Paris, PUF, 1990, p. 198.
  • [26]
    Anne Pissard, « Vive Babar ! », La Revue des livres pour enfants, 81-82, décembre 1981, p. 27. Lors de la récente exposition que lui a consacré la Bibliothèque nationale de France (BnF), Babar est une référence parmi d’autres de la littérature enfantine. Voir Olivier Piffault (dir.), Babar, Harry Potter and Cie : livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui, Paris, BnF, 2008, en particulier les notices 108 à 110, p. 246-254. Outre-Atlantique, Babar est un classique, ainsi que l’atteste le soin et l’érudition déployés par la Morgan Library pour l’édition critique d’Histoire de Babar (Drawing Babar : Early Drafts and Watercolors, Christine Nelson (éd.), New York, The Morgan Library Museum, 2008). Le seul travail universitaire sur Babar, à ma connaissance, est un mémoire rédigé par Catherine Hardy (« L’Analyse du récit et de l’idéologie dans les premiers albums de Babar », mémoire de maîtrise, Université Paris-VII), mentionné par Myriam Bahuaud (Droits dérivés : le cas Babar, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 73) et cherché en vain à l’Université Paris-VII.
  • [27]
    Romain Gary, L’Affaire homme, op. cit., « Lettre à l’éléphant », p. 160.
  • [28]
    « Mon auteur favori c’est Hans Christian Andersen. » (Romain Gary, Pseudo (1976), Paris, Gallimard, « Folio », 2005, p. 134)
  • [29]
    Romain Gary, La Promesse de l’aube (1960), Paris, Gallimard, « Folio », 2010, p. 51. Parmi les contes cités, deux contes d’Andersen : Blanche-Neige et Le Chat botté. « Je suis sorti de Tintin, de Karl May [Surcouf le corsaire], de Jules Verne et des Trois Mousquetaires » (Romain Gary, Pour Sganarelle (1965), Paris, Gallimard, « Folio », 2003, p. 262).
  • [30]
    Charles de Gaulle, op. cit., p. 7.
  • [31]
    Cahiers des saisons, 9, février-mars 1957, p. 239 ; dossiers de presse des éditions Gallimard.
  • [32]
    Ibid. Voir aussi Gérard Lauzuy : « L’attribution du Goncourt […] me réjouit pour les éléphants, espèce dédaignée par la littérature depuis Lautréamont et Babar » (Gérard Lauzuy, « Défense du Goncourt », Esprit, janvier 1957). Celui-ci fait allusion à la phrase célèbre de Lautréamont : « L’éléphant se laisse caresser. Le pou, non » (Lautréamont, Les Chants de Maldoror (1870), Paris, Le Livre de Poche, 2010, Chant deuxième, p. 155). Voir Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 134.
  • [33]
    Le titre du deuxième album de Babar rédigé par Jean de Brunhoff et publié en 1932 aux éditions du Jardin des modes est Le Voyage de Babar.
  • [34]
    L’expression apparaît dans le script en français de l’émission Babar diffusée sur la BBC, le 18 août 1942.
  • [35]
    Alexandre Vialatte, « Éléphant » (1984), Bestiaire, Paris, Arléa, 2007, p. 95.
  • [36]
    Je remercie Laurent de Brunhoff de m’avoir signalé cette chanson. Un entretien téléphonique avec Miriam Cendrars, le 15 janvier 2011, va également dans ce sens : si la « chanson » de Babar avait eu des paroles, le peintre Jean Oberlé, le « monsieur chanson » de l’équipe française, l’aurait chantée, ce dont elle n’a aucun souvenir. Il a toutefois existé d’autres chansons, avec des paroles celles-là, telle celle que chante « Ami » à « Babar, éléphant français libre », le 26 février 1942 : « Te voilà, mon p’tit Babar/T’es donc plus malade (bis)/Bien l’bonjour, mon p’tit Babar/Je suis bien content de te revoir. » La composition me paraît trop faible pour l’attribuer à la plume d’Oberlé.
  • [37]
    Sur l’organisation et les animateurs du programme français de la BBC, consulter Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Ces messages de combat et d’espoir… », Les Voix de la liberté : ici Londres, 1940-1944, op. cit., en particulier vol. 1, p. xiii ; id., La France Libre (1996), Paris, Gallimard, « Folio », 2001, t. I, p. 278-288. Voir aussi Aurélie Luneau, Radio Londres, 1940-1944 : les voix de la liberté, Paris, Perrin, 2005.
  • [38]
    Jean Marin, Petit Bois pour un grand feu, Paris, Fayard, 1994, p. 217. Miriam Cendrars pense que la Mme Morvan rédactrice de Babar était probablement la téléphoniste, la femme d’Yves Morvan étant d’origine suédoise ou danoise et, de ce fait, peut-être moins familière de la culture française de « base ».
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Parmi les dactylographes, on trouve les noms Stokes et Trenery, à propos desquelles j’ignore tout.
  • [41]
    Jean Oberlé vous parle : souvenirs de cinq années de Londres, Paris, La Jeune Parque, 1945, p. 127.
  • [42]
    Jean-Baptiste Gourmel, « Michel Saint-Denis, un homme de théâtre (1897-1971) », mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université Paris-I, 2005.
  • [43]
    Jean Oberlé vous parle… (op. cit., p. 47) rapporte cette anecdote au sujet de Pierre Lefèvre. Chauffeur à l’état-major des armées, en juin 1940, ce dernier laisse un mot au général qu’il conduit : « Mon Général, je prends la Hotchkiss pour aller continuer la guerre en Angleterre. Je suis sûr que vous m’approuvez. » Franck Bauer présente Lefèvre comme « la clé de voûte des émissions de la BBC » (Franck Bauer, 40 à Londres : l’espion qui venait du jazz, Paris, Bayard, 2004, p. 313).
  • [44]
    Ces scripts et ceux cités dans la suite de cet article ont été retrouvés dans « BBC French scripts », classés par mois, conservés aux archives de la BBC à Reading. Une copie microfilmée est également consultable à la bibliothèque de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) à Paris. Je remercie Anne-Marie Pathé et Valérie Hugonnard de leur accueil et de leur aide.
  • [45]
    Il s’agit là d’une durée maximale. Le script du 20 septembre 1941 précise : « Babar, deux minutes et demie, y compris les quarante secondes [de] Air de Babar. »
  • [46]
    La fille du romancier et poète Blaise Cendrars, « vingt ans, les joues rondes et fruitées comme un Renoir », est la collaboratrice de Georges Boris chargée de la revue de presse transmise au général de Gaulle tous les jours. (Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Georges Boris : trente ans d’influence, Paris, Gallimard, 2010, p. 119-120)
  • [47]
    Reading, archives de la BBC, E1/102/2, French Service, file 1B, 1941 (ma traduction).
  • [48]
    La question fut posée par Christian Jouhaud, lors d’un séminaire du Groupe de recherches interdisciplinaires en histoire du littéraire (GRIHL) de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), le 8 mars 2011 à la suite de mon intervention intitulée « Dessine-moi un éléphant : Babar dans la Seconde Guerre mondiale ».
  • [49]
    Dominique Decèze, op. cit., p. 18-35. Miriam Cendras a souvenir qu’à la Libération, des enfants de France lui ont parlé de Babar (entretien téléphonique avec Miriam Cendras le 15 janvier 2011). Laurent et Mathieu de Brunhoff, les enfants de Jean de Brunhoff, sont formels : ils n’ont jamais entendu parler des aventures de Babar à la BBC. Leur cousine, Marion de Brunhoff, fille de Michel de Brunhoff, leur oncle et tuteur à la mort de leur père en 1938, ami de Jean Oberlé, n’a jamais rien su non plus de ces aventures (voir Jean Oberlé, La Vie d’artiste, Paris, Denoël, 1956, p. 133-134, 138, 146, 212 et 223). Ceci explique que lorsque Laurent de Brunhoff décide de poursuivre Babar en 1946, il ne lui soit pas venu à l’esprit de faire un album qui, à partir des scripts de la BBC, aurait pu s’intituler : Babar, éléphant français libre. D’après les entretiens téléphoniques avec Marion et Mathieu de Brunhoff, respectivement les 13 et 14 janvier 2011.
  • [50]
    Voir, dans la même veine, les scripts du 18 juin et du 15 octobre 1942.
  • [51]
    « Bourdan et Marin ne craindront pas, au moment des pires défaites alliées, de dire que “les nouvelles sont mauvaises” et même “très mauvaises” », contribuant ainsi à instaurer cette « confiance » qui feront que les patriotes français accepteront sans discuter les directives de la BBC au moment du débarquement. (Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre…, op. cit., p. 283)
  • [52]
    Jean Oberlé vous parle…, op. cit., p. 140 et 202 ; Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Ces messages de combat et d’espoir… », op. cit., p. xxiii ; id., La France libre…, op. cit., t. I, p. 281-282.
  • [53]
    Entretien téléphonique avec Miriam Cendras le 15 janvier 2011.
  • [54]
    Hannah Arendt, La Crise de la culture (1954), Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 1998, p. 17.
  • [55]
    Ibid., p. 14.
  • [56]
    Ibid., p. 13.
  • [57]
    Romain Gary, « Préface », in Jacques Guillaume, Le Crépuscule des hommes, Paris, Del Duca, 1960, p. 13. Démenti dont l’une de ses biographes, Myriam Anissimov, ne juge pas utile de tenir compte (Myriam Anissimov, op. cit., p. 359).
  • [58]
    Firyel Abdeljaouad, op. cit., « Sur le personnage de Saint-Denis », p. 181.
  • [59]
    Robert Cover, « La session 1982 de la Cour suprême. Préface : nomos et narration » (1983), in Françoise Michaut, Le Droit dans tous ses états à travers l’œuvre de Robert M. Cover, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 70.
  • [60]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 12.
  • [61]
    Ibid., p. 46, 217 et 222.
  • [62]
    Ibid., p. 55.
  • [63]
    Ibid., p. 259 et 347.
  • [64]
    « Habiter un nomos, c’est savoir y vivre. » (Robert M. Cover, « La session 1982 de la Cour suprême… », op. cit., p. 72)
  • [65]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 206-207.
  • [66]
    Le SS la moque en la qualifiant de « demoiselle de grande vertu » (ibid., p. 210) ; elle pourrait être la vieille dame digne d’Histoire de Babar.
  • [67]
    Ibid., p. 210-211.
  • [68]
    Ibid., p. 212.
  • [69]
    Ibid.
  • [70]
    Ibid., p. 213.
  • [71]
    Yan Thomas, « Fictio legis : l’empire de la fiction romaine et ses limites médiévales », Droits : revue française de théorie juridique, 21, 1995, p. 36 et 27.
  • [72]
    Romain Gary, « Les Français libres », Revue de la France libre, 187, 24 août 1970, repris dans Romain Gary, Ode à l’homme…, op. cit., p. 84.
  • [73]
    François Ost, « La désobéissance civile : jalons pour un débat », in Pierre-Arnaud Perrouty (dir.), Obéir et Désobéir : le citoyen face à la loi, Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles, 2000, en particulier p. 16-19. Dans l’abondante littérature contemporaine sur le sujet, on mentionnera Sandrine Chassagnard-Pinet, « La désobéissance civile face à la normativité du droit », in David Hiez et Bruno Villalba (dir.), La Désobéissance civile : approches politique et juridiques, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 53-65 ; Albert Ogien et Sandra Laugier, Pourquoi désobéir en démocratie ?, Paris, La Découverte, 2010, p. 9-20. Pour des cas concrets, voir Limore Yagil, Histoire de la désobéissance civile : implication des corps de métier, Paris, Éd. du Cerf, 2010.
  • [74]
    Georges Koubi, « Penser le droit de résistance à l’oppression dans les sociétés démocratiques contemporaines », in Pierre-Arnaud Perrouty (dir.), op. cit., p. 122-146.
  • [75]
    Article 33 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793.
  • [76]
    Pierre Bayard, Il était deux fois Romain Gary, Paris, PUF, 1990, p. 15.
  • [77]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 63 et 182.
  • [78]
    Ibid., p. 195.
  • [79]
    Ibid., p. 348.
  • [80]
    Ibid., p. 214.
  • [81]
    Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 28 et 169.
  • [82]
    « Contre tous ceux qui croient “avoir absolument raison”. J’ajoute : même quand ils ont raison. » (Romain Gary, Pour Sganarelle, op. cit., p. 322)
  • [83]
    « J’avais honte de mon frère aîné parce qu’il s’était arrêté et allait rester jeune pour toujours » (Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 24). Dans la première préface des Racines du ciel, Romain Gary écrit à propos des pertes de la guerre : « Dans ma famille, six morts sur huit, et parmi mes camarades aviateurs de 1940, cinq survivants sur deux cents » (Romain Gary, Les Racines du ciel, Paris, Gallimard, 1956, « Préface », p. 8). Et dans l’article « Les Français libres », ce commentaire : « Il est étrange pour un écrivain d’avoir toutes ses sources dans quelque chose dont il ne parle jamais dans son œuvre » (Romain Gary, « Les Français libres », op. cit., p. 88).
« Alors l’œil rapetissait et s’allumait à la fois, et le lourd regard était remplacé pour une seconde par l’œil de Babar [1]. »
André Malraux

1En suivant la piste des éléphants, cet article propose une contextualisation expérimentale, des Racines du ciel de Romain Gary, en donnant au prix Goncourt 1956 un sous-main inattendu, le personnage de Babar, dont l’adaptation « gaullienne » dans les feuilletons de la BBC entre 1941 et 1944 demeure méconnue.

2Aragon avait coutume de dire que Vercors, pseudonyme du dessinateur Jean Bruller, auteur du Silence de la mer et cofondateur des Éditions de Minuit clandestines en 1942, était « le seul vrai secret de la guerre ». Or, il existe dans l’histoire culturelle de la France occupée, un secret plus troublant encore, mieux gardé, malgré sa taille et son exposition régulière : les émissions pour enfants consacrées à Babar sur les ondes de la BBC entre juillet 1941 et mai 1944 [2].

3Vendu à des millions d’exemplaires en 1939, Babar est l’une des figures centrales de la littérature pour enfants tant au niveau national qu’international. Or, personne, des toujours vivants (interrogés) aux Mémoires des disparus, ne semble avoir entendu parler, et encore moins conservé le souvenir, de trois ans d’aventures hebdomadaires du Free French Elephant à la section française de la BBC.

4Dans son étude consacrée au Téméraire (1943-1944), journal pronazi dont le tirage oscillait entre cent et cent quarante mille exemplaires, Pascal Ory pointait le dédain universitaire réservé à l’étude des productions pour la jeunesse : « En vertu de quoi […] la littérature d’un Drieu La Rochelle, le sommaire d’un Je suis partout ont trouvé leurs exégètes avant Signal ou Radio-Paris, de diffusion, sinon d’audience, pourtant singulièrement plus large [3]. » Cet angle mort de l’histoire littéraire de la France est d’autant plus étonnant, concernant l’Occupation, que les historiens s’accordent sur l’importance de la propagande dans l’analyse de la mainmise des nazis sur l’Europe [4]. Quant aux rapports de la littérature avec l’histoire, ils sortent singulièrement diminués de la négligence des productions pour la jeunesse, interdits de comprendre, en quelque sorte, les « effets de réels » de l’imaginaire.

5On sait l’importance qu’Antonio Gramsci accordait au comte de Monte-Cristo dans le mythe du surhomme, au point de penser que le héros fictif d’Alexandre Dumas avait, bien davantage que les thèses défendues par Nietzsche, acclimaté les classes moyennes au fascisme [5]. Jacques Laurent devait, des années plus tard, voir dans l’œuvre de la comtesse de Ségur la grande diffusion d’une vision Sade du monde [6]. À la suite de quoi, Roger Nimier serait formel : « Le monde de Tintin peut prétendre au rang d’univers [7]. » Babar, « le plus célèbre et le plus controversé éléphant du monde [8] », lui, a dû se contenter de la presse américaine, pour bénéficier, certes dans le New Yorker, de la défense la mieux argumentée que je connaisse : « Les livres de Babar figurent parmi cette demi-douzaine de livres illustrés qui ne définissent pas seulement un personnage, mais une façon d’être, voire même une civilisation », écrit Adam Gopnick. Celui-ci poursuit : « Ainsi, “une certaine idée de la France”, comme aurait dit le général de Gaulle, fait tout l’intérêt des livres de Babar [9]. » En resurgissant sur les ondes de la BBC, dans le cadre de l’émission « Les Français parlent aux Français », avec son refus affiché de la défaite, sa volonté sans faille de poursuivre la lutte sous la direction du Général, Babar a incarné entre 1941 et 1944 ce qui fut bien davantage qu’une affaire de tactique ou de diplomatique, la civilisation France Libre, la revendication et la défense des principes et des valeurs issus de 1789 dans une Europe livrée à la domination temporaire des nazis.

6De la même façon qu’il suffit que Jacques Lacan, dans son séminaire, parle d’un éléphant, pour que, tout à coup, il soit bien là « grâce au mot éléphant [10] », Babar atteste un certain type de présence de la France libre et attribue à ce qui est alors un vaste « bluff » historique [11], la réalité de la France en guerre. Car seul L’Éléphant est irréfutable[12]. Et Babar est un éléphant.

7En 1956, Romain Gary recevait le prix Goncourt pour son roman Les Racines du ciel, ode aux éléphants d’Afrique pourchassés. Qui sont les éléphants mis en scène par Gary ? Interrogés à de multiples reprises à ce sujet, Gary a toujours été clair : « Les éléphants de mon roman ne sont donc nullement allégoriques : ils sont de chair et de sang, comme les droits de l’Homme justement [13]… » Symboles de la préservation de la nature, de l’extermination des juifs, de la « dernière innocence [14] », les éléphants de Gary ont tout été ou presque : il leur manquait un ultime avatar, celui ici proposé, être l’incarnation d’une France libre idéale. Par le truchement de Babar, les éléphants de Gary incarnent une vision de la France, patrie des droits de l’Homme qui s’est historiquement réalisée, temporairement incarnée, dans une France libre idéale, cette « lune pleine d’éléphants verts [15] ».

8Hormis Babar, insister sur la France libre comme épopée fondatrice des Racines du ciel n’a rien de très original. Pourquoi dès lors y revenir ? Je ne suis pas certaine qu’on ait perçu toute la mesure de la reprise historique à laquelle se livre Romain Gary lorsque, tel le général de Gaulle en charge de la République en 1944, il rétablit, en 1956, la France libre dans le maquis d’une forêt du Tchad, sous la direction de son personnage principal, Morel-de Gaulle [16]. Par cette reprise, Gary marquerait ses premiers adieux à Malraux [17], en réaffirmant, à travers les éléphants, une foi enfantine dans la puissance de la fiction seule à même d’incarner cette France « princesse des contes [18] » localisée à Londres, puis à Alger. Mais Les Racines du ciel font davantage que célébrer un idéal perdu, une mystique dégradée en politique, processus dont fut inévitablement victime la France libre historique. Les Racines du ciel, dans un pari optimiste radical qu’alimente l’invincibilité des éléphants, rend concevable, à tout moment, sous toutes les latitudes, cette entreprise un peu folle qui vise à recréer la France libre afin de maintenir la France réelle au-dessus d’elle-même. Babar ou l’incarnation de la grandeur de la France, un idéal peut-être inaccessible mais qui « s’il est poursuivi avec toute l’ardeur de l’esprit et du cœur [laisse] dans le sillage même de notre échec à l’atteindre, quelque chose qui ressemble fort à une civilisation [19] », écrit Gary. Babar ou l’incarnation « imaginale » de la grandeur, car Babar rend visible et présent au monde ce qui accompagne le mot France et ne se réalise jamais [20]. Au moment même où se met en place une politique de la grandeur – qui, face au régime de Vichy, a pour nom la France libre –, Babar confère au projet « France libre » une tradition et une éternité : la grandeur de la France échappe à l’histoire, ne dépend ni de l’événement ni des hommes, mais du souvenir d’enfance d’où sa puissance et son évidence à l’instar de la foi du charbonnier [21].

9Là où les choses se compliquent est que rien dans ce qu’a dit ou écrit Romain Gary concernant la genèse des Racines du ciel n’autorise à défendre l’idée selon laquelle « les éléphants c’est Babar ». Mais l’auteur est-il maître des interprétations de son œuvre ? Pierre Bayard a consommé la dépossession de l’auteur, en démontrant l’erreur commise par Agatha Christie quant à l’identité du coupable dans l’un de ses propres romans, et accessoirement l’un des romans les plus célèbres de l’histoire du roman policier : Le Meurtre de Roger Ackroyd[22]. La lecture a priori délirante à laquelle Pierre Bayard s’est livré lui a permis de comprendre que « ce qui justifie ou, à l’inverse, invalide une lecture interprétative est moins une “réalité” du texte même si celui-ci interfère évidemment – que […] l’accueil fait à cette proposition de lecture par la série de ses récepteurs [23] ». Quelle place pour le texte dans cette analyse ? Bayard ne consacre-t-il pas sa première partie à une « enquête » qui « implique de communiquer au lecteur les éléments principaux de l’histoire » [24], donc qui inscrit le texte commenté au cœur de sa démarche ? Quant à l’interprétation la plus « délirante » (Babar comme sous-main des Racines du ciel), elle a ici pour ambition de réinstituer une littérature dépréciée, la littérature dite pour enfants, fondatrice de notre vision du monde et vecteur d’une pensée littéraire certes moins légitime que la pensée philosophique – mais moins profonde [25] ? La France libre sans le Général était difficilement concevable ; sans d’Artagnan, c’eût été impossible. En 1933, la parade qui terminait Le Roi Babar, troisième album de Jean de Brunhoff, faisait défiler les éléphants habillés en mousquetaires, et arborant le « tous pour un, un pour tous » comme devise.

10Toute acceptation de Babar comme sous-main des Racines du ciel suppose donc d’abord de rendre Babar légitime aux yeux d’un public lettré. La chose est entendue pour les critiques anglo-saxons, moins évidente en France, on l’a déjà dit [26].

11Légitime, aux yeux de Romain Gary, Babar l’est sans nul doute, par ses origines enfantines et sa nature éléphantesque. Quand, à la fin de l’année 1967, à l’attention du public du magazine Life, Gary rend hommage à notre « dernière innocence », c’est au « Cher éléphant » qu’il s’adresse, en mêlant le souvenir d’enfance [27] à cette source trop méconnue du patriotisme, le conte pour enfants [28] : « Je suis probablement un des rares hommes au monde restés fidèles à un conte de nourrice [29]. » Phrase qui fait écho à celle qui ouvre les Mémoires du général de Gaulle : « Ce qu’il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes […] [30]. »

12Concernant Les Racines du ciel, la référence à Babar n’est pas seulement légitime aux yeux de l’auteur, elle l’est également dans la presse de l’époque. Lors de la parution du livre, une plume bienveillante des Cahiers des saisons titre « Babar au pays des hommes ».

13

« Connaissez-vous Babar ? C’est un éléphant qui a enchanté toute une génération d’enfants. À présent, il a grandi ; il s’est fait homme et a entrepris de défendre ses anciens frères de race : il se nomme désormais Morel. Il cherche avec obstination au plus profond de la nature […] la liberté […] [31]. »

14Les autres références à Babar sont moins amènes pour l’œuvre de Romain Gary : « Je crains qu’ayant lu Les Racines du ciel de mauvaises langues n’aillent répétant que le chef-d’œuvre de la littérature pachydermique est l’Histoire de Babar », écrit Pascal Pia dans Carrefour, le 14 décembre 1956 [32]. Ceci, somme toute, n’est juste ni pour Gary, ni pour Babar : le voyage que Babar entreprit pour Londres en 1941 [33], le récit que Gary commença en 1953 pour défendre les éléphants, ne se ridiculisent pas l’un l’autre, mais se complètent, célébrant la naissance d’un nouveau mythe, l’éléphant français libre [34], cet éléphant qui a l’œil du Général [35], et montre en pleine guerre froide aux Modernes qu’ils ne doivent jamais cesser d’exercer leur liberté dans l’imaginaire, sous peine de la faire avorter dans la réalité.

Babar à la section française de la BBC

15On sait peu de choses concernant les trois années que Babar devait passer à Londres, sinon qu’il se rendait une fois par semaine au studio d’enregistrement de la BBC, pour, dans le cadre du programme français des enfants de la France libre, converser à bâtons rompus avec « M. Ami ». La première émission « Babar », présentée dans « Le quart d’heure des petits enfants de France », fut diffusée le samedi après-midi 12 juillet 1941, entre 16 h 17 et 16 h 20 et demie.

16Introduite par un « Air de Babar », se présentant sous la forme d’un dialogue entre Babar et un « Ami », l’émission se conclut par une « Chanson de Babar » dont, en l’absence du texte, on peut penser qu’il s’agit de la « Chanson des éléphants » qui figure dans le volume Le Roi Babar (1933), suite d’onomatopées dont le sens s’est perdu [36].

17Qui rédige les tapuscrits lus à la radio et soumis à la censure anglaise ? Au moins trois personnes : le journaliste politique Yves Morvan (alias Jean Marin), une personnalité clé des programmes français de la BBC [37] et dont la présence signale l’importance politique accordée à ce programme par la France libre. Associée à Morvan, Mme Nathan, sa secrétaire, qui probablement tape à la machine Babar sous sa dictée et parfois rédige seule, d’où la formule que l’on rencontre sur certains scripts : « written and typed : Nathan ». Enfin, troisième source, une Mme Morvan. Je pensais qu’il ne pouvait s’agir que de la femme d’Yves Morvan, jusqu’à ce que la lecture des Mémoires de ce dernier m’apprenne qu’il existait… deux dames Morvan à la BBC [38]. L’imprécision renseigne sur la position dominée des rédacteurs, secrétaires ou apparentées, que ces messieurs qualifient de « simplement merveilleuses [39] », sans toutefois transmettre les éléments biographiques permettant de les distinguer comme acteurs historiques à part entière [40].

18Le programme pour enfants de la France libre fut dirigé d’abord par Yves Morvan, puis par Pierre Lefèvre [41]. Ce dernier était un élève du metteur en scène trop oublié aujourd’hui, Michel Saint-Denis (alias Jacques Duchesne), vétéran de la Première Guerre mondiale, neveu de Jacques Copeau et « patron » du programme français de la BBC [42]. Jean Oberlé loue la « chance » d’avoir recruté Pierre Lefèvre « qui devint notre homme Protée, parlant, chantant, jouant dans tous nos programmes, faisant le régisseur, imitant les cris d’animaux, l’accent anglais, que sais-je encore [43] ». On peut toujours imaginer sa performance à partir d’extraits de scripts :

19

« – Babar : Et tout d’un coup j’entends “hu, hu”, et je fais mon cri d’éléphant comme ça “hu, hu”, et au bout de quelques instants, j’entends venant d’une ferme tout près un “hu, hu” en réponse. Je cours vers la ferme, la trompe en l’air. Et qui est-ce que je vois : ma tante Annie ! » (6 septembre 1941)
« Babar [cri d’éléphant, un peu hors d’haleine]. » (20 septembre 1941) [44]

20Pierre Lefèvre fut Babar pour la BBC, trois minutes et demie [45], une fois par semaine, le jeudi à partir du 27 novembre 1941, pendant près de trois ans.

21L’arrivée de Babar sur la BBC ne passe pas inaperçue. Le Bulletin hebdomadaire des émissions de la BBC à destination de l’Europe signale, dans son édition du 24 juillet 1941 que « le célèbre éléphant […] Babar est désormais Français Libre ». La même source apprend, le 4 septembre 1941, que « Babar a un concurrent » dans la personne de Jean, Françoise et le chien gaulois, inventés par Miriam Cendrars [46] et diffusés, pendant sept minutes et demie, le double de son temps d’antenne, juste après lui. Mais le 2 octobre 1941 est jour de gloire : « Babar, peut-on lire, a conquis ses galons de crack du journalisme du service français [47]. » Comment alors expliquer que l’éléphant français libre soit à ce point méconnu, sans postérité aucune à la Libération ? Qui étaient les auditeurs de ces émissions [48] ? Les enfants de France ? On peut en douter quand on connaît les précautions prises par les occupés pour avoir accès à la radio anglaise et le brouillage exercé par les Allemands pour limiter au maximum l’audition de la BBC en France occupée [49] ? Les auditeurs de ces émissions étaient probablement les enfants des Français habitant Londres, en quelque sorte les déjà convaincus, pour lesquels Babar rétablissait une normalité, dotant la France libre d’un imaginaire familier, sans pour autant négliger la propagande : l’éléphant français libre est, en effet, un gaulliste ultra-orthodoxe.

22La lecture de l’intégralité des scripts conservés de Babar pour l’année 1941 et 1942 est, de ce point de vue, instructive. Babar apparaît aux « petits enfants de France » avec « la croix de Lorraine bâtonnée sur [les] oreilles » et remplit d’une certitude : « Tous les éléphants français sont des éléphants français libres » (6 septembre 1941). La croix de Lorraine, on la retrouve, « rouge brodée sur le ventre » sur le « magnifique maillot de bain » qu’il met pour aller nager dans la Tamise (18 août 1942). Quant à la pèlerine qu’il a reçue en cadeau des dames patronnesses qui l’entourent, elle est « brodée avec ses initiales, avec une croix de Lorraine » (10 décembre 1942). La croix de Lorraine colonise le corps d’un Babar dont l’identité fluctue au gré des dénominations de la France libre. À partir du 27 novembre 1941, Babar devient : « éléphant français libre » ; le 1er octobre 1942, il est « éléphant français combattant ». De corps, de nom et d’esprit, Babar est gaulliste. Quand il rêve à l’après-guerre, qu’imagine-t-il ?

23

« Je [vois] mon ami et mon idole, le grand chef de tous les Français libres, le général de Gaulle, entrant à Paris […] sur son beau cheval blanc, ému, montant les Champs-Élysées, recevant les acclamations d’une foule heureuse et délivrée […]. Moi, je [ferme] la procession – moi, éléphant français libre – et je [porte] élevé dans ma trompe pointant vers le ciel, un énorme bouquet de fleurs, de bleuets, de marguerites et de coquelicots. » (20 septembre 1941) [50]

24Ce rêve par anticipation du triomphe du général de Gaulle emprunte curieusement au passé du maréchal Pétain, qui parcourut les Champs-Élysées juché sur un cheval blanc lors du défilé de la victoire, le 14 juillet 1919. L’important est que, dès septembre 1941, au plus sombre de la guerre, Babar est partisan du happy end.

25S’identifiant aux minuscules îles des Indes néerlandaises qui portent son nom, les îles Babar, qui opposent une farouche résistance à l’envahisseur japonais, Babar développe auprès de ses auditeurs un rapport à la vérité, marque distinctive des émissions de la BBC [51], inséparable d’une pédagogie d’un optimisme vital :

26

« – Ami : Il faut bien que toi [Babar] et tous tes petits amis de France comprennent que ça va mal, en ce moment, mais c’est seulement pour que ça aille mieux après. Tout finira bien tu peux en être sûr – et la plus petite résistance, même celle des petites îles Babar perdues dans l’océan Pacifique […], toutes ces résistances aident à gagner la bataille finale qui nous donnera la victoire. » (26 février 1942)

27Quel discours plus conforme à ce qu’est la vision de la guerre et de la résistance du chef de la France libre que celui tenu par Babar ? Alors que l’on insiste souvent sur les tensions existant entre les gaullistes et les animateurs du programme français de la BBC, l’entourage du Général trouvant ces derniers trop indépendants ou trop soumis aux Anglais [52], Babar, par son orthodoxie gaullienne, contredit ces dissensions conjoncturelles. « C’est Babar qui est dans le vrai », tranche Miriam Cendras [53].

Du testament des éléphants

28« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » : Hannah Arendt, dans des pages désormais classiques, a commenté cet aphorisme du poète résistant René Char, et fait de lui le porte-parole de la génération de la Résistance [54]. Célébrant la « brèche entre le passé et le futur », la tradition interrompue, la phrase de Char, commentée par Arendt, contribue à faire de la Résistance un événement sans avenir, un « trésor perdu [55] ». Analyse que la présence de Babar dans le récit de la France libre remet radicalement en cause. Babar dote, on l’a déjà dit, la France libre d’un imaginaire et d’une tradition. Conséquemment d’une possibilité d’avenir. L’éléphant français libre rétablit la continuité là où Char et Arendt célèbrent la brèche insurmontable et l’irrémédiable rupture. Ayant vécu une fracture de vie similaire à celle expérimentée par Char, Romain Gary, pilote de la France libre, promeut une tout autre philosophie : le « trésor » a peut-être été oublié, Babar a disparu de la mémoire des Français libres, mais le « trésor » n’a jamais été perdu, et ne demande qu’à être à nouveau découvert. La fée Morgane ou la licorne (évanescentes) sont avec René Char et Hannah Arendt [56] ; Babar est du côté du général de Gaulle et de Romain Gary.

29Les évidences, chez Gary, sont trompeuses. Quand en 1960 paraît le livre de Jacques Guillaume consacré à la biographie de Raphaël Matta, surnommé « le saint François des éléphants », gardien de la réserve de Bouna en Côte d’Ivoire, assassiné par des chasseurs d’éléphants le 16 janvier 1959, la presse décrète : « Morel, c’est Matta. » Gary dément : « Je ne connaissais pas l’existence de Matta lorsque j’écrivais Les Racines du ciel[57]. » Au jeu des noms en commun entre la fiction et le réel, Les Racines du ciel offre une belle prise.

30Quel est le nom du personnage principal du roman ? Saint-Denis (tout court). Comment s’appelle le directeur des émissions françaises à la BBC ? Saint-Denis (Michel) alias Jacques Duchesne. Et les explications que fournit Gary au sujet du caractère purement imaginaire de son narrateur, « inventé […] assis aux pieds d’un séquoia de la Californie du Nord [58] », laissent place à l’hypothèse d’un nom pas si commun surgi dans la mémoire de l’écrivain parce que déjà entendu, et lié à cette période pas si lointaine de la France libre. Il n’en demeure pas moins que la présence de Babar dans Les Racines du ciel excède tel ou tel marqueur objectif des années de guerre dans la mesure où, bien davantage qu’une référence, Babar est un nomos, au sens où l’entend le juriste Robert Cover, « un univers normatif [dans lequel] le droit et la narration sont inséparablement liés [59] ».

31Du mot « éléphant », Romain Gary donne comme définition simultanée : « les droits de l’Homme [60] » ; « une liberté géante, maladroite et magnifique qui vit encore à nos côtés [61] » ; « une fiction, un mythe [que les SS gardiens du camp de concentration où Morel a passé deux ans] ne pouvaient pas nous enlever [62] » ; « la défense d’une marge humaine assez grande et généreuse pour contenir même les géants pachydermes [,…] la seule cause digne d’une civilisation [63] ». De ces éléments complexes et variés, le droit n’est pas absent, il est même premier, puisque les éléphants sont d’abord associés aux droits de l’Homme. Reste à voir comment Gary va articuler ces différents éléments dans une narration qui va leur donner sens, afin de nous montrer comment vivre dans l’univers de Babar [64].

Les Racines du ciel ou la résistance mode d’emploi

32Morel a rencontré Robert, de son nom de résistant, dans un camp de concentration, en Allemagne. Quatre épisodes saillants marquent leurs relations :

331. La dame imaginaire

34

« Un jour, […] il était entré dans le block mimant l’attitude d’un homme qui donne le bras à une femme. Nous étions écroulés dans nos coins, sales, écœurés, désespérés […]. Personne ne dit rien. Il était peut-être devenu fou […].
– Bon. Alors, je vous préviens : à partir d’aujourd’hui, ça va changer. Vous allez essayer de vous conduire devant elle comme si vous étiez des hommes. Je dis bien “comme si” – c’est la seule chose qui compte […]. On le regardait bouche bée, en silence. Puis quelques-uns commencèrent à comprendre [,…] tous nous ressentions confusément qu’au point où nous en étions, s’il n’y avait pas une convention de dignité quelconque pour nous soutenir, si on ne s’accrochait pas à une fiction, à un mythe, il ne restait plus qu’à se laisser aller, à se soumettre à n’importe quoi et même à collaborer […] [65]. »

352. Refusant de « consentir à la livrer ou de reconnaître que [la dame imaginaire [66]] n’existait pas » face aux SS qui lui en intiment l’ordre, Robert est envoyé au cachot. Là, pour échapper à la claustrophobie qui le guette, il invente les éléphants, « des troupeaux d’éléphants en pleine liberté en train de courir à travers l’Afrique [67] ».

363. Dix ans plus tard, Morel, au Tchad, justifie en ces termes son combat en faveur des éléphants pourchassés :

37

« Il existe une loi qui permet d’abattre autant d’éléphants que l’on veut, lorsqu’ils piétinent votre champ… lorsqu’ils menacent les moissons et les cultures […]. Il suffit de prouver qu’un éléphant a traversé votre plantation, qu’il a piétiné un champ de courges, et vous voilà libre de décimer un troupeau […]. Il n’y a pas un administrateur qui ignore les abus auxquels cette “tolérance” donne lieu depuis plusieurs années […]. Je voulais […] attirer l’attention sur les abus de ce genre, et toucher l’opinion publique à la veille de la conférence du Congo pour la protection de la flore africaine [68] […]. »

384. Alors qu’il a pris le maquis et qu’il organise des expéditions punitives contre les chasseurs d’éléphants, Morel apprend « qu’un certain Duparc, propriétaire de la seule plantation de coton à deux cents kilomètres à la ronde, avait tué une vingtaine d’éléphants au cours de ces battues “punitives” [69] ». Morel fait mettre le feu à sa maison.

39

« Le gars, en pyjama, était attaché à un acacia, et il regardait brûler son bien avec un étonnement sans bornes. Je m’approchais de lui pour l’explication d’usage, au nom du comité mondial pour la défense des éléphants. Nous nous regardâmes pour la première fois : je reconnus Robert [70]… »

40La somme de ces quatre points égale la résistance. À savoir, selon Romain Gary : une certaine idée de la fiction (points 1 et 2) ; un certain rapport à la loi (point 3) ; un refus de l’irrémédiable ou du définitif (point 4).

41Points 1 et 2 : le choix de la fiction, chez Gary, ne signifie pas un enfermement loin du réel. La locution qui introduit la dame imaginaire dans l’histoire de Robert-Duparc, le « comme si », est caractéristique d’un raisonnement juridique qui procède par une affirmation objectivement fausse, mais qui n’en produit pas moins un « effet de réel ». Gary met ici en œuvre une « fiction juridique positive », telle que la définit Yan Thomas. Est alors « dit qu’existe ce qui n’existe pas » : « Loin de l’analogie [… la fiction juridique positive] porte tout au contraire la décision de contrer la réalité » [71], par un effet qui n’est pas que de pure croyance. Il s’agit d’instituer un imaginaire qui permette, dans le camp de concentration, comme à Londres pendant la guerre, de s’insurger contre la réalité historique, de lui résister au sens littéral du terme. La fiction permet aux prisonniers des camps de concentration de reconquérir une dignité. Elle les hisse au statut d’Homme, que les SS traitent à nouveau non plus comme un troupeau, mais comme des ennemis qu’ils s’efforcent en vain de plier au réel. Des Français libres, Gary écrira qu’il furent des « pionniers de l’imaginaire [72] », leur dame rêvée avait alors pour nom le général de Gaulle.

423. Tout milite à faire de Morel un des grands ancêtres de la désobéissance civile, cette attitude politique qui se caractérise par une transgression de la loi positive à des fins publiques, en mobilisant des principes éthiques, en vue de défier ouvertement les autorités et d’obtenir une abrogation, ou une modification de la loi [73]. C’est, a priori, très exactement la démarche de Morel quand il dénonce les abus de la loi contre les éléphants qui dévastent les propriétés privées. À ceci près que la désobéissance civile ignore la violence qui anime Morel, violence affleurant dans les moyens qu’il mobilise pour arriver à ses fins (l’incendie de la maison). L’action de Morel emprunte davantage à l’article 33 de la Déclaration des droits de 1793 concernant « la résistance à l’oppression ».

43Si la désobéissance civile a nombre de points communs avec la résistance à l’oppression, cette dernière s’en distingue, selon Geneviève Koubi, par le fait qu’il s’agit d’un droit, placé par le législateur révolutionnaire au fondement de tous les autres droits [74] : « La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’Homme [75]. » C’est alors que l’assimilation de l’éléphant aux droits de l’Homme et à Babar prend tout son sens : lestée d’un héritage historique, 1793 pour dire vite, la résistance à l’oppression devient un devoir pour un homme comme Morel, qui a survécu, quand la plupart de ses camarades de guerre sont morts [76]. Et il leur doit, dix ans plus tard, d’être ce « bandit d’honneur [77] », ce hors-la-loi volontaire, qui prend « l’affaire homme » à bras-le-corps, et exige de l’État dans lequel il vit qu’il respecte les principes au fondement de sa légitimité : « Si tu as été avec les Alliés, pendant la guerre, tu dois être avec nous aujourd’hui, mon bon, lui dit [Morel]. C’est le même combat [78]. » « J’ai fait de la résistance sous l’Occupation… C’était pas tellement pour défendre la France contre l’Allemagne, c’était pour défendre les éléphants contre les chasseurs [79]. » Pour défendre aussi la France libre contre la France de Vichy et la France idéelle que symbolise Babar contre tous les reniements de la France réelle.

444. Ayant reconnu Robert dans le chasseur d’éléphants Duparc, Morel ne le tue pas : il le laisse partir [80]. Il y a des idées qui valent qu’on meure pour elle, il n’y a pas une idée qui vaille qu’on tue pour elle, écrira, à peu près, Romain Gary. Trop de civils « bousillés », d’innocents bombardés, pendant la guerre [81] : un mort de plus résoudra quoi ? Éliminera un salaud ? Mais qui peut prétendre ne pas en être un ? Même un résistant aussi irréfutable que Robert…

45Il est à la fois court et simple le testament qui accompagne l’héritage : croire dur comme fer à l’imaginaire ; faire primer l’esprit sur la lettre de la loi ; savoir qu’on n’a jamais absolument raison [82]. Ces principes boussoles permettent de décliner le passé au présent, uni à ceux que l’histoire a trop tôt « arrêtés [83] ». Babar ou le souvenir d’une enfance partagée dans les rangs d’une France libre qu’on a historiquement connue à Londres, puis à Alger, que Morel transporte et refonde en Afrique équatoriale française, au Tchad, berceau historique de la Résistance, puisque premier des territoires coloniaux ralliés au général de Gaulle. Au service d’un combat pour le respect des droits de l’Homme au fondement des principes généraux du droit républicain, hier, aujourd’hui comme demain, l’opération Babar est toujours d’actualité.

46Anne Simonin, Identités Relations internationales et Civilisations de l’Europe (IRICE), CNRS, 75005, Paris, France.


Mots-clés éditeurs : éléphant, droits de l'Homme, France libre, Résistance, BBC

Date de mise en ligne : 23/11/2011

https://doi.org/10.3917/vin.112.0070

Notes

  • [1]
    André Malraux à propos du général de Gaulle, « Le Miroir des limbes », Œuvres complètes, Gallimard, « La Pléiade », 1996, t. III, p. 109.
  • [2]
    Jean-Louis Crémieux-Brilhac a reproduit certains scripts de Babar, passés alors inaperçus, puisque personne dans la famille de Brunhoff n’était au courant de cette présence de Babar à la BBC (voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Voix de la liberté : ici Londres, 1940-1944, Paris, La Documentation française, « Le Club français des bibliophiles », 1975 ; et note 8, p. 76). Jacques Pessis et Jean-Louis Crémieux-Brilhac ont entrepris une réédition de la quasi-intégralité des scripts de la BBC. Le premier volume, couvrant la période du 18 juin 1940 au 18 juin 1941, est paru : Les Français parlent aux Français, Jacques Pessis et Jean-Louis Crémieux-Brilhac (éd.), Paris, Omnibus, 2010. Les suivants comprendront les scripts de Babar. Je remercie Jean-Louis Crémieux-Brilhac d’avoir, avec son inaltérable amabilité, répondu à mes questions ; Paul Audi et Miriam Cendrars d’avoir accepté de relire cet article.
  • [3]
    Pascal Ory, Le Petit Nazi illustré : vie et survie du Téméraire (1943-1944) (1979), préf. de Léon Poliakov, Paris, Nautilus, 2002, p. 11. Voir aussi Gilles Ragache, « Un illustré sous l’Occupation : Le Téméraire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 47 (4), octobre-décembre 2000, p. 747-768.
  • [4]
    Voir, par exemple, Aristote A. Kallis, Nazi Propaganda and the Second World War, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2005.
  • [5]
    Antonio Gramsci, « Origine populaire du surhomme » (1933-1934), Cahiers de prison 16, Paris, Gallimard, 1990, p. 228-231. Voir aussi Pascal Durand, « Culture populaire, culture de masse ou culture de mass-médias ? Autour de cinq thèses d’Antonio Gramsci », Quaderni, 57, printemps 2005, p. 79.
  • [6]
    Jacques Laurent, « Étrennes noires » (1949), L’Esprit des lettres, Paris, Éd. de Fallois, 1999, p. 52-62.
  • [7]
    Roger Nimier, « Tintin fait son entrée dans la littérature » (1959), Les Écrivains sont-ils bêtes ? Essais, Paris, Rivages, 1990, p. 139.
  • [8]
    Alison Lurie, « The Royal Family », The New York Review of Books, 51 (20), 16 décembre 2004, http://www.nybooks.com/articles/archives/2004/dec/16/the-royal-family/ (notre traduction).
  • [9]
    Adam Gopnick, « Freeing the Elephants : What Babar Brought », The New Yorker, 22 septembre 2008, http://www.newyorker.com/reporting/2008/09/22/080922fa_fact_gopnik (ma traduction). Voir aussi Maurice Sendak, « Hommage à Babar pour son cinquantième anniversaire », La Revue des livres pour enfants, 81-82, décembre 1981, p. 24.
  • [10]
    Fred Poché, Sujet, parole et exclusion : une philosophie du sujet parlant, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 91. Une photographie d’éléphant orne l’édition officielle du premier tome du séminaire de Jacques Lacan.
  • [11]
    « Et pourquoi éprouverions-nous, aujourd’hui, nous ne savons quelle fausse honte à reconnaître […] que la France libre a joué une partie de poker dans laquelle elle a bluffé jusqu’à l’extrême limite […]. Nous appelions “divisions” des brigades ou des régiments, “groupes d’aviation” des escadrilles, “divisions navales” des rassemblements de quelques navires […]. Nous jouions les maîtres Jacques ou les Fregoli changeant d’uniformes ou de dénominations suivant les heures du jour ou les jours de la semaine. » (Hoover Institution on War, Revolution and Peace, Stanford University, Pierre Tissier, « La France combattante, juin 1940-août 1944 », conférence au palais de Chaillot le 22 mars 1945, p. 24-25)
  • [12]
    Titre du recueil posthume de chroniques d’Alexandre Vialatte publié en 1980 aux éditions Julliard.
  • [13]
    Romain Gary, Les Racines du ciel (1956), Paris, Gallimard, « Folio », 2009, « Préface », p. 12, © Éditions Gallimard. La Rédaction remercie les éditions Gallimard de l’avoir autorisée à reproduire cette citation ainsi que les suivantes.
  • [14]
    Firyel Abdeljaouad, Les Racines du ciel de Romain Gary, Paris, Gallimard, « Foliothèque », 2009, « L’éléphant », p. 115-120. Myriam Anissimov privilégie l’association entre les éléphants et l’« extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale » (Myriam Anissimov, Romain Gary, le caméléon, Paris, Denoël, 2004, Paris, Gallimard, « Folio », 2008, p. 361). Voir aussi Paul Audi, L’Europe et son fantôme, Paris, Léo Scheer, 2003, p. 51.
  • [15]
    Dominique Decèze, La Lune est pleine d’éléphants verts : histoire des messages de radio Londres à la Résistance française (1942-1944), Paris, Jacques Lanzmann-Seghers, 1979, p. 87.
  • [16]
    « Rappelez-vous la haine de Roosevelt pour de Gaulle, en 40 : or de Gaulle, en 40 comme aujourd’hui, c’est un peu, à sa façon, Morel et les éléphants. » (Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 162)
  • [17]
    Sur « la divergence dans la complicité » unissant Romain Gary et André Malraux, voir Paul Audi, « Le gaullisme de Gary », in Romain Gary, Ode à l’homme qui fut la France, Paris, Gallimard, « Folio », 2000, p. 134-161 ; Anne Henry, « Histoire d’un champion de cause perdue : Les Racines du ciel », Cahiers de L’Herne, « Romain Gary », 2005, p. 250.
  • [18]
    Charles de Gaulle, Mémoires de guerre : l’appel, 1940-1942 (1954), Paris, Presses Pocket, 1980, p. 7.
  • [19]
    Romain Gary cité dans Paul Audi, « Le gaullisme de Gary », op. cit., p. 124.
  • [20]
    Ibid., p. 126.
  • [21]
    « C’est dans une chambre d’enfants, il y a près d’un demi-siècle que nous nous sommes rencontrés pour la première fois […] jusqu’au jour où ma mère vous emporta […] j’étais désormais trop grand garçon pour jouer avec un éléphant. » (Romain Gary, L’Affaire homme, op. cit., « Lettre à l’éléphant », p. 160)
  • [22]
    Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ?, Paris, Éd. de Minuit, 1998, p. 94.
  • [23]
    Ibid., p. 131. On retrouve là une version moins radicale, parce que plus soucieuse du texte, de la notion de « communauté interprétative », formulée par Stanley Fish, « Interpreting the Variorum », Critiqual Inquiry, 2 (3), printemps 1976, p. 483-484.
  • [24]
    Pierre Bayard, op. cit., p. 21.
  • [25]
    Pierre Macherey, À quoi pense la littérature ?, Paris, PUF, 1990, p. 198.
  • [26]
    Anne Pissard, « Vive Babar ! », La Revue des livres pour enfants, 81-82, décembre 1981, p. 27. Lors de la récente exposition que lui a consacré la Bibliothèque nationale de France (BnF), Babar est une référence parmi d’autres de la littérature enfantine. Voir Olivier Piffault (dir.), Babar, Harry Potter and Cie : livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui, Paris, BnF, 2008, en particulier les notices 108 à 110, p. 246-254. Outre-Atlantique, Babar est un classique, ainsi que l’atteste le soin et l’érudition déployés par la Morgan Library pour l’édition critique d’Histoire de Babar (Drawing Babar : Early Drafts and Watercolors, Christine Nelson (éd.), New York, The Morgan Library Museum, 2008). Le seul travail universitaire sur Babar, à ma connaissance, est un mémoire rédigé par Catherine Hardy (« L’Analyse du récit et de l’idéologie dans les premiers albums de Babar », mémoire de maîtrise, Université Paris-VII), mentionné par Myriam Bahuaud (Droits dérivés : le cas Babar, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 73) et cherché en vain à l’Université Paris-VII.
  • [27]
    Romain Gary, L’Affaire homme, op. cit., « Lettre à l’éléphant », p. 160.
  • [28]
    « Mon auteur favori c’est Hans Christian Andersen. » (Romain Gary, Pseudo (1976), Paris, Gallimard, « Folio », 2005, p. 134)
  • [29]
    Romain Gary, La Promesse de l’aube (1960), Paris, Gallimard, « Folio », 2010, p. 51. Parmi les contes cités, deux contes d’Andersen : Blanche-Neige et Le Chat botté. « Je suis sorti de Tintin, de Karl May [Surcouf le corsaire], de Jules Verne et des Trois Mousquetaires » (Romain Gary, Pour Sganarelle (1965), Paris, Gallimard, « Folio », 2003, p. 262).
  • [30]
    Charles de Gaulle, op. cit., p. 7.
  • [31]
    Cahiers des saisons, 9, février-mars 1957, p. 239 ; dossiers de presse des éditions Gallimard.
  • [32]
    Ibid. Voir aussi Gérard Lauzuy : « L’attribution du Goncourt […] me réjouit pour les éléphants, espèce dédaignée par la littérature depuis Lautréamont et Babar » (Gérard Lauzuy, « Défense du Goncourt », Esprit, janvier 1957). Celui-ci fait allusion à la phrase célèbre de Lautréamont : « L’éléphant se laisse caresser. Le pou, non » (Lautréamont, Les Chants de Maldoror (1870), Paris, Le Livre de Poche, 2010, Chant deuxième, p. 155). Voir Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 134.
  • [33]
    Le titre du deuxième album de Babar rédigé par Jean de Brunhoff et publié en 1932 aux éditions du Jardin des modes est Le Voyage de Babar.
  • [34]
    L’expression apparaît dans le script en français de l’émission Babar diffusée sur la BBC, le 18 août 1942.
  • [35]
    Alexandre Vialatte, « Éléphant » (1984), Bestiaire, Paris, Arléa, 2007, p. 95.
  • [36]
    Je remercie Laurent de Brunhoff de m’avoir signalé cette chanson. Un entretien téléphonique avec Miriam Cendrars, le 15 janvier 2011, va également dans ce sens : si la « chanson » de Babar avait eu des paroles, le peintre Jean Oberlé, le « monsieur chanson » de l’équipe française, l’aurait chantée, ce dont elle n’a aucun souvenir. Il a toutefois existé d’autres chansons, avec des paroles celles-là, telle celle que chante « Ami » à « Babar, éléphant français libre », le 26 février 1942 : « Te voilà, mon p’tit Babar/T’es donc plus malade (bis)/Bien l’bonjour, mon p’tit Babar/Je suis bien content de te revoir. » La composition me paraît trop faible pour l’attribuer à la plume d’Oberlé.
  • [37]
    Sur l’organisation et les animateurs du programme français de la BBC, consulter Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Ces messages de combat et d’espoir… », Les Voix de la liberté : ici Londres, 1940-1944, op. cit., en particulier vol. 1, p. xiii ; id., La France Libre (1996), Paris, Gallimard, « Folio », 2001, t. I, p. 278-288. Voir aussi Aurélie Luneau, Radio Londres, 1940-1944 : les voix de la liberté, Paris, Perrin, 2005.
  • [38]
    Jean Marin, Petit Bois pour un grand feu, Paris, Fayard, 1994, p. 217. Miriam Cendrars pense que la Mme Morvan rédactrice de Babar était probablement la téléphoniste, la femme d’Yves Morvan étant d’origine suédoise ou danoise et, de ce fait, peut-être moins familière de la culture française de « base ».
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Parmi les dactylographes, on trouve les noms Stokes et Trenery, à propos desquelles j’ignore tout.
  • [41]
    Jean Oberlé vous parle : souvenirs de cinq années de Londres, Paris, La Jeune Parque, 1945, p. 127.
  • [42]
    Jean-Baptiste Gourmel, « Michel Saint-Denis, un homme de théâtre (1897-1971) », mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université Paris-I, 2005.
  • [43]
    Jean Oberlé vous parle… (op. cit., p. 47) rapporte cette anecdote au sujet de Pierre Lefèvre. Chauffeur à l’état-major des armées, en juin 1940, ce dernier laisse un mot au général qu’il conduit : « Mon Général, je prends la Hotchkiss pour aller continuer la guerre en Angleterre. Je suis sûr que vous m’approuvez. » Franck Bauer présente Lefèvre comme « la clé de voûte des émissions de la BBC » (Franck Bauer, 40 à Londres : l’espion qui venait du jazz, Paris, Bayard, 2004, p. 313).
  • [44]
    Ces scripts et ceux cités dans la suite de cet article ont été retrouvés dans « BBC French scripts », classés par mois, conservés aux archives de la BBC à Reading. Une copie microfilmée est également consultable à la bibliothèque de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) à Paris. Je remercie Anne-Marie Pathé et Valérie Hugonnard de leur accueil et de leur aide.
  • [45]
    Il s’agit là d’une durée maximale. Le script du 20 septembre 1941 précise : « Babar, deux minutes et demie, y compris les quarante secondes [de] Air de Babar. »
  • [46]
    La fille du romancier et poète Blaise Cendrars, « vingt ans, les joues rondes et fruitées comme un Renoir », est la collaboratrice de Georges Boris chargée de la revue de presse transmise au général de Gaulle tous les jours. (Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Georges Boris : trente ans d’influence, Paris, Gallimard, 2010, p. 119-120)
  • [47]
    Reading, archives de la BBC, E1/102/2, French Service, file 1B, 1941 (ma traduction).
  • [48]
    La question fut posée par Christian Jouhaud, lors d’un séminaire du Groupe de recherches interdisciplinaires en histoire du littéraire (GRIHL) de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), le 8 mars 2011 à la suite de mon intervention intitulée « Dessine-moi un éléphant : Babar dans la Seconde Guerre mondiale ».
  • [49]
    Dominique Decèze, op. cit., p. 18-35. Miriam Cendras a souvenir qu’à la Libération, des enfants de France lui ont parlé de Babar (entretien téléphonique avec Miriam Cendras le 15 janvier 2011). Laurent et Mathieu de Brunhoff, les enfants de Jean de Brunhoff, sont formels : ils n’ont jamais entendu parler des aventures de Babar à la BBC. Leur cousine, Marion de Brunhoff, fille de Michel de Brunhoff, leur oncle et tuteur à la mort de leur père en 1938, ami de Jean Oberlé, n’a jamais rien su non plus de ces aventures (voir Jean Oberlé, La Vie d’artiste, Paris, Denoël, 1956, p. 133-134, 138, 146, 212 et 223). Ceci explique que lorsque Laurent de Brunhoff décide de poursuivre Babar en 1946, il ne lui soit pas venu à l’esprit de faire un album qui, à partir des scripts de la BBC, aurait pu s’intituler : Babar, éléphant français libre. D’après les entretiens téléphoniques avec Marion et Mathieu de Brunhoff, respectivement les 13 et 14 janvier 2011.
  • [50]
    Voir, dans la même veine, les scripts du 18 juin et du 15 octobre 1942.
  • [51]
    « Bourdan et Marin ne craindront pas, au moment des pires défaites alliées, de dire que “les nouvelles sont mauvaises” et même “très mauvaises” », contribuant ainsi à instaurer cette « confiance » qui feront que les patriotes français accepteront sans discuter les directives de la BBC au moment du débarquement. (Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre…, op. cit., p. 283)
  • [52]
    Jean Oberlé vous parle…, op. cit., p. 140 et 202 ; Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Ces messages de combat et d’espoir… », op. cit., p. xxiii ; id., La France libre…, op. cit., t. I, p. 281-282.
  • [53]
    Entretien téléphonique avec Miriam Cendras le 15 janvier 2011.
  • [54]
    Hannah Arendt, La Crise de la culture (1954), Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 1998, p. 17.
  • [55]
    Ibid., p. 14.
  • [56]
    Ibid., p. 13.
  • [57]
    Romain Gary, « Préface », in Jacques Guillaume, Le Crépuscule des hommes, Paris, Del Duca, 1960, p. 13. Démenti dont l’une de ses biographes, Myriam Anissimov, ne juge pas utile de tenir compte (Myriam Anissimov, op. cit., p. 359).
  • [58]
    Firyel Abdeljaouad, op. cit., « Sur le personnage de Saint-Denis », p. 181.
  • [59]
    Robert Cover, « La session 1982 de la Cour suprême. Préface : nomos et narration » (1983), in Françoise Michaut, Le Droit dans tous ses états à travers l’œuvre de Robert M. Cover, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 70.
  • [60]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 12.
  • [61]
    Ibid., p. 46, 217 et 222.
  • [62]
    Ibid., p. 55.
  • [63]
    Ibid., p. 259 et 347.
  • [64]
    « Habiter un nomos, c’est savoir y vivre. » (Robert M. Cover, « La session 1982 de la Cour suprême… », op. cit., p. 72)
  • [65]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 206-207.
  • [66]
    Le SS la moque en la qualifiant de « demoiselle de grande vertu » (ibid., p. 210) ; elle pourrait être la vieille dame digne d’Histoire de Babar.
  • [67]
    Ibid., p. 210-211.
  • [68]
    Ibid., p. 212.
  • [69]
    Ibid.
  • [70]
    Ibid., p. 213.
  • [71]
    Yan Thomas, « Fictio legis : l’empire de la fiction romaine et ses limites médiévales », Droits : revue française de théorie juridique, 21, 1995, p. 36 et 27.
  • [72]
    Romain Gary, « Les Français libres », Revue de la France libre, 187, 24 août 1970, repris dans Romain Gary, Ode à l’homme…, op. cit., p. 84.
  • [73]
    François Ost, « La désobéissance civile : jalons pour un débat », in Pierre-Arnaud Perrouty (dir.), Obéir et Désobéir : le citoyen face à la loi, Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles, 2000, en particulier p. 16-19. Dans l’abondante littérature contemporaine sur le sujet, on mentionnera Sandrine Chassagnard-Pinet, « La désobéissance civile face à la normativité du droit », in David Hiez et Bruno Villalba (dir.), La Désobéissance civile : approches politique et juridiques, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 53-65 ; Albert Ogien et Sandra Laugier, Pourquoi désobéir en démocratie ?, Paris, La Découverte, 2010, p. 9-20. Pour des cas concrets, voir Limore Yagil, Histoire de la désobéissance civile : implication des corps de métier, Paris, Éd. du Cerf, 2010.
  • [74]
    Georges Koubi, « Penser le droit de résistance à l’oppression dans les sociétés démocratiques contemporaines », in Pierre-Arnaud Perrouty (dir.), op. cit., p. 122-146.
  • [75]
    Article 33 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793.
  • [76]
    Pierre Bayard, Il était deux fois Romain Gary, Paris, PUF, 1990, p. 15.
  • [77]
    Romain Gary, Les Racines du ciel, op. cit., p. 63 et 182.
  • [78]
    Ibid., p. 195.
  • [79]
    Ibid., p. 348.
  • [80]
    Ibid., p. 214.
  • [81]
    Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 28 et 169.
  • [82]
    « Contre tous ceux qui croient “avoir absolument raison”. J’ajoute : même quand ils ont raison. » (Romain Gary, Pour Sganarelle, op. cit., p. 322)
  • [83]
    « J’avais honte de mon frère aîné parce qu’il s’était arrêté et allait rester jeune pour toujours » (Romain Gary, Pseudo, op. cit., p. 24). Dans la première préface des Racines du ciel, Romain Gary écrit à propos des pertes de la guerre : « Dans ma famille, six morts sur huit, et parmi mes camarades aviateurs de 1940, cinq survivants sur deux cents » (Romain Gary, Les Racines du ciel, Paris, Gallimard, 1956, « Préface », p. 8). Et dans l’article « Les Français libres », ce commentaire : « Il est étrange pour un écrivain d’avoir toutes ses sources dans quelque chose dont il ne parle jamais dans son œuvre » (Romain Gary, « Les Français libres », op. cit., p. 88).

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.175

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions