« En réalité, mon rêve a toujours été de savoir bien danser. Le film qui a changé ma vie s’appelait Flashdance. Savoir danser..., et pourtant, à la fin, je reste toujours à regarder, c’est beau aussi, mais c’est tout autre chose. », dit Nanni dans Journal intime (1993). Cette alternative – « savoir danser » ou « rester à regarder » – traverse tout le cinéma de Moretti. D’autre part, la question de la danse va toujours de pair avec celle du « off » – Nanni cherche d’ailleurs à préciser le sens du mot « off », lorsque Jennifer Beals « di Flashdance » le qualifie d’« a little bit off » dans Journal intime. C’est peut-être là une des raisons pour lesquelles la danse exige souvent d’être interrogée dans un contexte cinématographique, qui implique par nature une série de démarcations possibles entre « in » et « off », aussi bien spatiales que temporelles.
Au tout début d’Ecce Bombo (1978), dans la scène du tournage en extérieurs du film dans le film, Michele (Nanni Moretti), en plan-séquence, commence à danser de manière saccadée sur le plateau, une fois le tournage interrompu. Il danse dans un temps off-camera, c’est-à-dire dans un excès temporel hors de la durée in du tournage filmé. Plus loin, un champ-contrechamp à axe vertical montre Mirko (Fabio Traversa) et Goffredo (Piero Galletti) qui, de haut, regardent des gens sur une terrasse au clair de lune dansant sur l’air de Lei de Salvatore Adamo. Face à cette danse, Goffredo dit : « Fa molto Fellini, vero ? Che bello ! » Le champ-contrechamp enferme les deux amis dans un espace à part, hors du champ qu…