Après Rome plutôt que vous (2006) et Inland (2008), qui l’un et l’autre s’attachaient patiemment, passionnément, à prendre le pouls d’une Algérie mortifiée et pourtant prête à tous les embrasements, Tariq Teguia poursuit avec Révolution Zendj son travail de sismographe, en étendant cette fois-ci l’espace à explorer au-delà des frontières de son pays. Du Sud-Est algérien jusqu’à la région des marais de Bassora, en passant par Alger, Thessalonique, Athènes et Beyrouth, Révolution Zendj se tient à l’écoute du présent, dont il cherche à mesurer à la fois le désastre et l’ouverture. Épousant le périple d’Ibn Battûta, un journaliste algérien lancé sur les traces perdues de la révolte des Zendj – esclaves noirs qui, condamnés à assécher les marais du bas Euphrate, s’insurgèrent contre le califat abbasside au ixe siècle –, le film s’emploie à déceler les effets de la domination ultralibérale telle qu’elle s’exerce sur ce territoire où se rencontrent Europe, Méditerranée et monde arabe, en même temps que les signes par lesquels se manifestent les ralliements – le plus souvent fragiles, intermittents, moléculaires – travaillant à lui faire obstacle.
Délicate opération qui a pour condition l’élaboration d’une forme renonçant à « faire somme » ; autrement dit : délibérément lacunaire, jouant de visions parcellaires et des écarts qu’elles produisent pour mettre en rapport ce qui reste séparé par les distances géographiques et historiques, tracer des diagonales propres à articuler ici et là-bas, hier et maintenant…