À la manière des Choses de Georges Perec (1965) ou de Deux ou trois choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard (1966), Le Joli Mai (1963) est très réactif à ce qui fait les années soixante, le consumérisme. Alors que l’occupation allemande et la Seconde Guerre mondiale imprègnent encore les mémoires, que la décolonisation et que les guerres d’indépendance ont des conséquences traumatisantes, la démocratie, question de fond du captivant documentaire de Chris Marker et Pierre Lhomme, apparaît comme un acquis que personne n’interroge. Si le film contemple avec causticité ces choses emblématiques de la modernité (l’automobile, la télévision et la machine à laver), il remet aussi en cause une manière de se rapporter au monde, de travailler, de parler, d’aimer et, évidemment, de considérer le bonheur. La civilisation n’est pas l’art de l’électroménager. Dans ce contexte de grande consommation, les auteurs tentent d’aller au-delà des apparences. Avec grande intelligence, ils incitent chacun à s’ouvrir à des buts plus spirituels, à se poser des questions sur sa place dans l’histoire, son rapport au politique (et au gaullisme), ainsi que sur l’exercice de la souveraineté. Anticipation troublante de la révolution de mai 1968, cette quête immatérielle qui nécessite une confrontation passe par des canaux on ne peut plus concrets et techniques.
Des innovations marquent le début des années soixante et permettent aux cinéastes de se rapprocher de leur contemporain. Les chefs-opérateurs Michel Brault et Raoul Coutard utilisent la MKT pou…