Au début de 2001, Channel 4 ouvre un cycle de programmation de dix jours sur le Japon constitué de documentaires et de films. Son titre, Secret Life Of Japan. Dans un bel élan « mondo », la chaîne britannique participe à une plus vaste perception du pays comme une terre exotique et violente (derrière un vernis d’hypercivilisation) en consacrant une case de ses programmes aux copycat suicides et aux teenage japanese killers.
(Ici et là fleurissent légendes urbaines sur des têtes décapitées plantées à l’entrée d’un lycée. À l’écran, une série de direct-to-video telle qu’All Night Long – Katsuya Matsumura, 1992 –, récits de nuits d’horreur où des adolescents torturent l’un des leurs, dissèque au sens propre une jeunesse qui semble se considérer comme perdue.)
Channel 4 diffuse ainsi un documentaire sobrement intitulé Suicide. Entre deux visites dans un centre de prise en charge téléphonique, on erre dans les rues de Tokyo, cherchant sur les visages croisés les stigmates de la douleur. Plus loin, le film nous emmène en dehors de la ville. Direction Aokigahara, vaste forêt s’étendant au pied du Fujiyama. Si vaste qu’on l’appelle aussi Jukai, soit, littéralement, « mer d’arbres ». Réputée hantée par d’anciens démons, c’est aussi l’endroit le plus populaire du Japon pour se suicider (et le deuxième dans le monde, après le Golden Gate Bridge de San Francisco).
Un sortilège pour conjurer un autre sortilège. On vient ainsi ici se libérer des pressions sociales, de l’incapacité à se réaliser en tant qu’individu, d’un souvenir insupportable, en compagnie d’esprits malins…