Dans Stand by Me (Rob Reiner, 1986), un écrivain se remémore l’escapade qu’il fit en 1959 avec trois camarades pour aller à la recherche du cadavre d’un autre enfant disparu en pleine nature. Le flash-back et la voix off maintiennent dans un passé révolu ce temps des joies amicales et des blessures inconsolables de l’enfance, dont le personnage de River Phoenix (Chris) apparaît comme l’incarnation la plus fragile. La découverte du cadavre marque une cassure dans l’enfance des personnages, tandis que la fugue en aura été le point d’orgue. Mais le film est surtout hanté par un autre mort : nous apprenons que Chris fut tué peu de temps après cette aventure, alors qu’il tentait de séparer deux bagarreurs dans un bar. Et pendant que le narrateur évoque la fin de Chris, celui-ci disparaît littéralement dans un fondu. Idée simple et belle pour figurer combien sa mort brutale l’a pour toujours ancré dans ce souvenir, à l’orée de l’adolescence. L’écrivain écrit grâce à un ami évanoui dans le silence du temps, et il a raconté cette histoire pour faire réapparaître ce fantôme. La mort prématurée de River Phoenix (1970-1993) l’a également maintenu indéfiniment dans sa jeunesse et dans des personnages si profondément adolescents qu’on ne peut imaginer quel homme mûr il aurait été, ou de quelle façon il aurait perdu sa grâce. De rôle en rôle, il a incarné une forme de romanesque intemporel à un moment où le cinéma américain a eu, plus que jamais, conscience d’être à un tournant décisif de son histoire…