1982 : deux films brefs, tournés avec une grande simplicité de moyens, par deux cinéastes cosmopolites, un Allemand et un Suisse. Wenders tourne Chambre 666 dans le cadre du festival de Cannes, aiguillonné par le pessimisme ambiant. Il installe une caméra dans la chambre du Martinez et convie les cinéastes qu’il croise à venir le rejoindre. Il leur soumet un court texte, une interrogation sur la fin du cinéma à l’heure où la télé envahit le monde. Il allume la caméra et sort de la chambre, laissant chacun seul face à l’objectif, une télévision allumée à leur côté. La raison de ce dispositif n’est pas claire. Pourquoi le réalisateur se refuse-t-il à se faire leur interlocuteur ? Pense-t-il que leur réponse sera plus sincère ? Veut-il découvrir d’un seul tenant les réponses pour mieux les appréhender ? Est-ce une métaphore de la solitude du cinéaste ? Ou celle d’un art qui n’a plus besoin de personne pour marcher ? Après tout, le hasard faisant bien les choses, le numéro de la chambre marque les entretiens au chiffre de l’apocalypse (la seule de libre, personne sur la Croisette ne voulant tenter le diable). En tout cas, tour à tour creuses (Goupil), futuristes (Antonioni), vaseuses (Spielberg), expédiées (Fassbinder), les réponses montrent où en est chacun. Wenders sort lui-même du tournage de L’État des choses, l’histoire d’un film en perdition, écho à ses propres difficultés avec Hammet comme au film sans fin de Nicholas Ray au titre inconsolé, We Can’t Go Home Again (1976). La plus belle intervention est sans conteste celle de Godard, lisant le texte de Wenders à voix haute et y répondant au fur à mesure…