Cette dernière décennie cinématographique a vu l’émergence de nouvelles formes, de nouvelles préoccupations esthétiques. Rattrapé au xxie siècle par un monde précédé par ses propres images, le 7e art a dû chercher hors de lui les solutions pour le reformuler. Il les a trouvées dans l’hypermédiatisation contemporaine, cette profusion de représentations qui brouille le signal à force de générer des simulacres. Aidés par les progrès du numérique, nombre de films vont ouvrir leurs plans à une hybridation tous azimuts. Ici commence le cinéma mutant...
Voilà un an que James Cameron a coulé le Titanic dans les eaux noires et froides de l’Atlantique nord. Avec ce fameux naufrage, c’est le xixe siècle que le cinéaste eschatologue a évidemment envoyé par le fond, mais pas seulement : une certaine idée du classicisme a elle aussi sombré. On ne dira jamais assez combien la perfection architecturale de Titanic en fait l’ultime rêverie d’un cinéma à l’élégance toute cristalline. Nous sommes à l’aube du xxie siècle, et le dernier des classiques repose, comme le saphir de Rose, par quatre mille mètres de fond. C’est dans ce contexte que sort Matrix (1999), prologue thématique et esthétique d’une décennie qui verra le cinéma subir les derniers outrages du digital. La période « postmoderne » qui s’ouvre avec le film des frères Wachowski se révèle comme l’un de ces moments cruciaux où un art bascule dans une sorte de stase, se cherche et se réinvente sous les coups de boutoir de la technologie…