Paul. – Agnès ! Agnès ! Accroche-toi à la vie, de toutes tes forces. Accroche-toi, accroche-toi à moi. Je t’aime, tu ne peux pas me quitter, tu ne peux pas partir. Accroche-toi, fais un effort. Lutte !Agnès. – Je lutte.Paul. – Tu es ma femme Agnès, je t’aime. Reste avec moi, reste !Agnès. – Je vais essayer.Paul. – C’est un ordre que je te donne, tu ne peux pas me désobéir. Reste.
Reste avec moi, reste !Agnès. – ... Je reste.
Scènes de chevet, finales d’adieu : blessé ou malade, un moribond lutte contre les puissances de la mort dans les bras de son aimé(e). Que nous racontent ces visages tournés l’un vers l’autre comme pour un baiser, pour l’ultime chuchotement d’un secret – les uns penchés au-dessus de l’être aimé ; les moribonds allongés, la tête rejetée en arrière ou tendus vers le ciel dans une dernière volonté ? Dans le mélodrame classique, le passage de vie à trépas clôt la marche du récit pour le conduire à son accomplissement, auréolant la séparation des êtres du sceau d’un fatum, d’un destin inéluctable – qu’il s’agisse d’amoureux (Trois Camarades), de pères et de fils (L’Incompris), de maîtresses et employées de maison (Mirage de la vie).
Les films de Jean Cocteau réfutent cette inéluctabilité. Qu’il en ait écrit les dialogues (Les Dames du bois de Boulogne), le scénario (Les Enfants terribles), supervisé la mise en scène (L’Éternel Retour), ou qu’il les ait lui-même réalisés, tous ces films sont tendus vers un refus catégorique de la séparation, de la coupure entre la vie et la mort…