Le 19 décembre 1979 sort aux États-Unis, pour les fêtes de Noël, le nouveau film de Hal Ashby, Being There (Bienvenue Mister Chance). Ce nom semble aujourd’hui oublié, mais, pour un spectateur averti, il évoquait immédiatement Harold et Maude (1971), Shampoo (1975) et surtout Coming Home (1978), un drame du retour du Viêt Nam qui venait de rafler trois Oscars (Jane Fonda et Jon Voight pour les meilleurs acteurs, et Robert C. Jones pour le meilleur scénario). Bref, l’une des meilleures signatures du Nouvel Hollywood.
Un homme se réveille dans une grande maison vide. Comme s’il était chez lui. Jusqu’à ce que l’on comprenne que ce drôle de particulier téléphage fait partie du personnel, qu’il est le jardinier, et que le maître de maison est allé ad?patres. Mis à la porte par les avocats chargés de la succession, Chauncey Gardiner qui littéralement n’est personne, n’a aucune existence au regard de la loi, est une sorte de plante de serre, d’enfant domestiqué grandi à l’ombre de quatre murs au cœur de Washington, D.C. Du jour au lendemain, le voilà qui marche, valise à la main, impeccable dans un des costumes vieux jeu de feu son patron, à travers les rues d’une ville à la fois familière – il en a un savoir télévisuel – et étrangère – il n’en a aucune expérience pratique. Sa relation au monde est parfaitement déréalisée. C’est devant un magasin de téléviseurs dont l’un lui renvoie son image inversée qu’il rencontre accidentellement Eve Rand (Shirley MacLaine), qui, soucieuse de n’avoir pas blessé avec le pare-chocs de sa limousine cet homme tranquillement guindé, le conduit jusque chez elle…