Diourka Medveczky arrive en France, depuis Budapest, en 1948, où il se forme à la taille de la pierre et devient sculpteur. Il rencontre Picasso dans le sud, à Vallauris, puis expose dès 1959 à la galerie Rive Neuve à Paris. Son histoire d’amour avec Bernadette Lafont et la naissance de leurs trois enfants changent l’orientation de son travail. Il réalise de 1967 à 1970 trois films à la poésie cruelle (avec B. Lafont, hormis Jeanne et la moto). Malgré le succès, il cesse toute production artistique et se retire de la vie sociale. Il vit aujourd’hui au cœur des Cévennes dans une petite cabane en bois.
Poème fulgurant sur l’impuissance d’un homme amoureux qui s’identifie à sa moto jusqu’à devenir lui-même une prothèse machinique, en une métaphore rappelant la reptilienne DS noire du docteur Génessier dans Les Yeux sans visage de Franju (1959), ce court métrage noir et blanc en 16 mm est aussi une ode à la moto. Celle-ci devient le personnage central dès que Jeanne lance à Paul ces mots assassins : « Tu ressembles à ta vieille moto crevée ». De là circulent les contradictions de l’amour, allant de la vitesse emportant le couple enlacé, à la panne qui les sépare, entre ordre et transgression, volupté et cruauté. La sécrétion d’une substance insaisissable, un « esprit moto », anime la narration et la forme de l’extérieur à l’intérieur et vice versa, comme un ruban de Möbius.
La moto pilote un récit secoué d’accidents, au point de faire vibrer la pellicule affectée par de brusques sautes de son et de luminosité…