On le savait, c’est à une véritable croisière touristique parcourant la Méditerranée que Godard a convié acteurs et guests (notamment Patti Smith, Alain Badiou, Bernard Maris, Elias Sanbar), introduisant apologues philosophiques, esquisses de fictions et de métaphores dans les intervalles de la vie à bord, vie crûment documentée par ces éclats bruts de captations numériques à basse définition : images pixellisées et sons saturés.
Cette première partie du triptyque Film Socialisme, intitulée par les noirs intertitres godardiens : « DES CHOSES COMME ÇA », frappe autant par la splendeur marmoréenne de ses marines que par son principe strictement égalitaire : son socialisme visuel met figurants et actants à la même enseigne, ni vraiment archétypes ni pleinement personnages. Coexistant dans les espaces de ce microcosme, incarnation calme et luxueuse du capitalisme contemporain, volontiers amnésique et consumériste, les uns et les autres se croisent comme les citations et les paysages, signes auratiques ou monades interrogatives formant un rébus dont le chiffre serait autant topographique qu’historique. Comme rarement auparavant, le style métonymique et elliptique des mises en scène recoupe la logique métaphorique et inductrice des montages : éclats de signes pour condensations de sens, fragments pour fragments, toutes choses égales. La croisière, en intervalles et échos, semble répondre à la définition mystérieuse du cinéma donnée par Manoel de Oliveira à Godard, lors d’un échange organisé pa…