Il ne parle quasiment pas à la presse, ne se laisse pas photographier et n’apparaît pas sur la scène lors de ses concerts. Pourtant, le discret compositeur Ryoji Ikeda s’est taillé en moins de quinze ans une réputation internationale de ténor de l’électronique moderne. Et beaucoup ignorent encore que son œuvre ne s’arrête pas à l’art sonore : elle inclut aussi un travail visuel high-tech.
Paris, 11e arrondissement, lundi 16 juin 2008. Ryoji Ikeda a accepté, très exceptionnellement, de donner une interview. La chose est rarissime. 14h45 : l’homme est au rendez-vous avec une ponctualité métronomique. Vu qu’il n’existe de lui aucune photo de presse, c’est avec curiosité que l’on découvre en chair et en os ce quadragénaire mince, élégant, empreint d’une politesse et d’une réserve toutes japonaises : un artiste qui, nonobstant sa discrétion, a marqué d’une empreinte phénoménale l’avant-garde électronique des années 1990 et 2000.
Ryoji Ikeda naît en 1966 à Gifu, entre Nagoya et Kyoto, et y reste jusqu’à la fin de son adolescence. C’est une ville dont il garde un souvenir d’ennui et de banalité, en raison notamment de l’absence de vie culturelle. Puis c’est la découverte de Tokyo où il entre à l’université. Charmé par la capitale, il y étudie la microéconomie tout en écumant les clubs avec ses amis. Il aime la fête mais aussi la musique, au point de devenir DJ. C’est la fin des années 1980. La house music, la techno et le hip hop font fureur. Pourtant, dès le début, le jeune homme opte pour l’abstraction, et ses mixes se font plus volontier…