Vouloir rapprocher l’image du bidonville de celle d’un territoire assiégé peut paraître hasardeux tant les deux figures s’opposent : d’un côté, un espace ouvert, où se confondent souvent dehors et dedans, le principe même de l’extériorité ; de l’autre, un espace fermé, terrain d’affrontement où l’enjeu est justement d’assurer la clôture du lieu, soit en interdisant toute sortie, soit en empêchant toute entrée. Cinématographiquement parlant, le siège jouerait volontiers sur le rapport champ/contrechamp là où le bidonville convoquerait davantage le hors-champ. C’est qu’un bidonville, agglomérat miséreux de tout ce que la cité ne peut ou ne veut intégrer — et dès lors rejette hors de ses murs —, n’est pas à proprement parler assiégeable. Comment assiéger une « ville » ouverte aux quatre vents ? Et surtout, pourquoi l’assiéger quand il est si facile de la raser ? Faute d’offrir la moindre prise, le bidonville apparaît paradoxalement comme le lieu de résistance idéal à la notion de siège. C’est ce que montrent nombre de films ayant pour cadre un bidonville, ainsi Dodes’kaden (1970) d’Akira Kurosawa et Invasion Los Angeles (They Live, 1988) de John Carpenter, des films où l’espace du bidonville n’est pas seulement géographique, déterminé par l’étendue du territoire occupé, mais reconfiguré aux dimensions psychique, esthétique, politique, que prend le bidonville pour ses habitants, faisant de celui-ci — le « quartier sans soleil » aux couleurs bariolées dans Dodes’kaden, « Justiceville », le camp d’exclus dan…