Est-on jamais sûr d’aimer un zoom ? On s’y abandonne comme à une pulsion, un plaisir défendu. Élancé et grossier, rentre-dedans et piteux, vif et machinal. On en jouit, mais l’aime-t-on pour autant ? Là est toute sa beauté, que de ne pouvoir être gracieux, de kidnapper et non d’emporter, de forcer et non de séduire. De même pour Conte de cinéma, étonnamment constellé de zooms, vrillé, balafré. Probablement pas le film le plus souverain, « aimable » de Hong Sang-soo, et c’est sans doute la première motivation de ce recours inattendu et appuyé au zoom. Pour son sixième film, le Coréen semble avoir voulu se secouer, se décadrer, brutaliser la splendeur atonale qu’il avait précédemment déployée, craignant peut-être que son art de la ritournelle vire au ronron diaphane. Échos et dédoublements, répétitions et variations sont bien sûr toujours à l’œuvre ici, mais leur réverbération paraît plus éraillée, telle la voix de la jeune Yongsil, agrippée à une rengaine de karaoké.
Plutôt rétif aux déplacements d’appareil, Hong s’autorise le seul mouvement que la caméra puisse opérer en restant fixe, cette impensable vrille du zoom, par lequel le plan se contorsionne, comme on se pince les lèvres. Oui, zoomer, c’est comme se pincer les lèvres, on ne sait pas si ça fait du bien ou du mal, cela agace les commissures, cela rappelle les rictus de l’étreinte, cela peut mordre aussi jusqu’au sang. Le zoom est une irritation, ce qui, du temps de Sade, désignait comme aujourd’hui l’inflammation douloureuse, mais aussi l’excitation sexuelle…