Le bonimenteur comme ancêtre de la voix off ? La comparaison peut sembler intéressante, mais est-elle vraiment possible, adéquate ? La voix off, telle qu’on l’entend (!) dans les traités de théorie sur le son ou la voix (par exemple chez Chion ou Châteauvert) est tout autre chose que ce qu’était le commentaire du bonimenteur (qu’on pourrait davantage assimiler à la « voix over »), qui ne faisait pas partie de la diégèse, pas plus que du dispositif technique ; aussi toute comparaison, si productive soit-elle, serait toujours un peu boiteuse. Pour comparer adéquatement, il me semble qu’il faut dépasser la stricte définition théorique contemporaine de la voix off, et porter la réflexion sur le lieu abstrait de ce « off », souligner le je qui situe cette voix. Ici.
Voix off : ce terme implique déjà une déterritorialisation, il indique dans une autre langue un autre lieu, ou peut-être un non-lieu : où est le site de cette voix, quel est son point d’ancrage, le corps qui la rend possible, l’identité de ce corps, les marques ou les repères de sa présence et de sa localisation ? Au nom de qui parlent cette voix et ce corps, et qui représentent-ils ? Et quand ? Off, c’est la distance, ou aussi bien l’absence, le non-lieu, et peut-être aussi le non-temps, le lieu et le temps insituables ? Toujours ?
Georges Didi-Huberman, commentant les œuvres-traces de Claudio Parmiggiani (il expose les traces laissées dans la poussière par des œuvres), dit que ces non-lieux sont empreints de génie, qu’ils permettent d’éprouver la distance comme « forme spatio-temporelle du sentir en général…