« Matrix » (Larry et Andy Wachowski), « Dark City » (Alex Proyas), Cypher (Vincenzo Natali), Avalon (Mamoru Oshii), Solaris (Steven Soderbergh), Minority Report (Steven Spielberg) : reflets de métal brossé et lumière blanche ou jaunâtre. Gladiator, Star Wars (La Menace fantôme), Le Pacte des loups ou Vidocq : marronnasses. Mais aussi : Rosetta ou Le Fils, L’Humanité, Dancer in the Dark, d’un gris terreux et granuleux. Ou encore Ressources humaines et L’Emploi du temps de Laurent Cantet, livides ; l’Intimité de Chéreau ou La Chatte à deux têtes de Nolot, et leur gris des chairs non maquillées, des amours non simulées ; vaporeuses élégies, à travers fumées et brouillards, d’Alexandre Sokourov ; Tsaï Ming-liang (The Hole, La Rivière), Kiyoshi Kurozawa (Kaïro) ou Hideo Nakata (Dark Water) ; Michael Mann (The Insider), ou M. Night Shyamalan (Le Sixième Sens, Incassable, Signs), grisâtres, métalliques ou exsangues.
Tout cela ne se vaut pas, tout cela n’a pas la même texture. Reste que le cinéma a parfois ressemblé, ces derniers temps, à un grand nuancier, un camaïeu déroulant une gradation, évitant tout contraste ou aplat coloré. Les palettes des films récents, européens, américains ou asiatiques, du film dit d’auteur à la grosse production, ont tendance à s’éteindre, semblent parfois recouvertes d’un tulle, d’un voile gris, ou tout incrustées d’une poussière charbonneuse. Ce n’est pas qu’il n’y ait plus de couleurs. C’est qu’il y a fort peu « d’événements chromatiques » : la couleur ne surgirait plus, on s’en accommoderait comme d’un dépôt ou d’un substrat dont on ne pourrait faire l’économie, on ferait avec, ou alors on l’éteindrait, on l’asphyxierait sciemment…