Notes
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[1]
« Biodiversité, le monde bouge », dossier réalisé par F. Petitjean, CNRS, le journal, novembre 1995, n° 71, p. 11-22.
-
[2]
François Ramade, Le Grand Massacre : l’avenir des espèces vivantes, Hachette, Paris, 1999.
-
[3]
Edward O. Wilson & Francis M. Peter (Eds.), Biodiversity, National Academic Press, Washington, D.C., 1988.
-
[4]
Voir notamment l’ouvrage Conserving the World’s Biological Diversity, de Jeffrey A. McNeely, Kenton R. Miller, Walter V. Reid, Russel A. Mittermeier et Timothy B. Werner, publié en 1990 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en partenariat avec The World Bank, le World Resources Institute (WRI), Conservation International et le World Wildlife Fund (US). On y voit apparaître, de-ci de-là, le mot « biodiversity ». Dès 1989, le WRI, sous les signatures de Walter V. Reid et Kenton R. Miller, avait publié un document utilisant d’emblée le néologisme dans son titre Keeping Options Alive : The Scientific Basis for Conserving Biodiversity.
-
[5]
Un exemple parmi bien d’autres : en 1989, l’assemblée des professeurs du Muséum national d’histoire naturelle avait chargé deux d’entre eux (Patrick Blandin et Jean-Claude Lefeuvre) de faire le point sur la prise en compte de la biodiversité dans les divers champs d’action de l’établissement, au premier rang desquels la recherche. En même temps, la notion était intégrée dans le synopsis en cours d’élaboration de la grande galerie de l’Évolution.
-
[6]
Sommet de Göteborg, juin 2001.
-
[7]
Intervention à la séance inaugurale de la Semaine verte 2006, citée dans L’Environnement pour les Européens, magazine de la direction générale de l’environnement de la Commission européenne, septembre 2006, supplément au n° 25, p. 2.
-
[8]
Les « objectifs d’Aichi », au nombre de 20, constituent le Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020. Se situant dans une vision à l’horizon 2050, ils tendent à ce que les humains vivent en harmonie avec la nature. Dans cette perspective, « la diversité biologique est valorisée, conservée et utilisée avec sagesse, en assurant le maintien des services fournis par les écosystèmes, en maintenant la planète en bonne santé et en procurant des avantages essentiels à tous les peuples ».
-
[9]
Cet instrument a été officiellement créé le 21 avril 2012.
-
[10]
Michel Chauvet et Louis Olivier, La Biodiversité, enjeu planétaire. Préserver notre patrimoine génétique, Sang de la terre, Paris, 1993.
-
[11]
Jacques Blondel, Biogéographie. Approche écologique et évolutive, Masson, Paris, 1995, p. 225.
-
[12]
Voir par exemple plusieurs chapitres de l’ouvrage La Biodiversité en question. Enjeux philosophiques, éthiques et scientifiques, publié sous la direction d’Elena Casetta et de Julien Delord, Éditions Matériologiques, Paris, 2014.
-
[13]
www.developpement-durable.gouv.fr, consulté le 14 juin 2014.
-
[14]
Jeffrey McNeely et al., 1990, op. cit., p. 17.
-
[15]
Pour certaines citations, la langue originale a été conservée. Dans d’autres cas, il a paru préférable de donner des traductions aussi littérales que possible.
-
[16]
U.S. Congress, Office of Technology Assessment, 1987. « Technologies to Maintain Biological Diversity », OTA-F-330. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, March 1987, p. 3.
-
[17]
Michel Loreau, « Enjeux de la science et de la gouvernance de la biodiversité », in Robert Barbault (dir.) et Jean-Patrick Le Duc (coor.), actes de la conférence internationale Biodiversité, science et gouvernance, Paris, 24 au 28 janvier 2005. Muséum national d’histoire naturelle au nom des membres de l’Institut français de la biodiversité, Paris, p. 53.
-
[18]
L’Environnement pour les Européens, septembre 2006, supplément au n° 25, publié à l’occasion de la Semaine verte 2006.
-
[19]
CNRS, le journal, novembre 1995, n° 71, p. 13.
-
[20]
Christian Lévêque, « Sous le nom de biodiversité », in Sciences au Sud, le journal de l’IRD, 2010, n° 54, p. 16. Christian Lévêque avait publié dès 1997 un « Que sais-je ? » consacré à la biodiversité.
-
[21]
IUBS : International Union of Biological Sciences. Scope : Scientific Committee on Problems of the Environnement, organisme dépendant de l’International Council of Scientific Unions (ICSU).
-
[22]
Francesco di Castri et Talal Younès (eds.), « Ecosystem function of biological diversity », Biology International, 1990, special issue 22.
-
[23]
Otto T. Solbrig (ed.), « From genes to ecosystems : a research agenda for biodiversity », International Union of Biological Sciences, Paris, 1991.
-
[24]
Sources Unesco, juillet-août 1994, n° 60.
-
[25]
Francesco di Castri et Talal Younès, « Biodiversity, the emergence of a new scientific field – Its perspectives and constraints », in Biodiversity, Science and Development, towards a New Partnership, Cab International, IUBS, Paris, 1996.
-
[26]
Patrick Blandin, « La diversité du vivant avant (et après) la biodiversité : repères historiques et épistémologiques », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 31-68.
-
[27]
Frédéric Gosselin, « Diversité du vivant et crise d’extinction : des ambiguïtés persistantes », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 119-127.
-
[28]
Eugene P. Odum, Fundamentals of Ecology, W. B. Saunders CO., Philadelphia, 1953. Robert H. MacArthur, « Fluctuations of animal populations and a measure of community stability », Ecology, 1955, vol. 36, p. 533-536.
-
[29]
Daniel Goodman, « The theory of diversity-stability relationships in ecology », The Quaterly Review of Biology, 1975, vol. 50, p. 237-266.
-
[30]
Volker Grimm et Christian Wissel, Oecologia, 1997, vol. 109, p. 323-334.
-
[31]
Kevin Shear McCann, « The diversity-stability debate », Nature, 2000, vol. 405, p. 228-233.
-
[32]
D. U. Hooper, F. S. Chapin, III, J.-J. Ewel, A. Hector, P. Inchausti, S. Lavorel, J. H. Lawton, D. M. Lodge, M. Loreau, S. Naeem, B. Schmid, H. Setälä, A. J. Symstad, J. Vandermer & D. A. Wardle, « Effects of biodiversity on ecosystem functioning : a consensus of current knowledge », Ecological Monographs, 2005, vol. 75, p. 3-35.
-
[33]
Les concepts de « type fonctionnel » et de « diversité fonctionnelle » sont venus enrichir la liste des notions engrangées dans la valise de la biodiversité. En arrière-plan, il y a l’idée que plusieurs espèces remplissant une même fonction appartiennent à un même type fonctionnel, par exemple les petits animaux consommateurs des feuilles mortes dans la litière d’une forêt, et celle qu’un écosystème est d’autant plus complexe qu’il comprend des espèces appartenant à une plus grande diversité de types fonctionnels.
-
[34]
K. S. McCann, « The diversity-stability debate », 2000, op. cit.
-
[35]
P. Blandin, R. Barbault et C. Lecordier, « Réflexions sur la notion d’écosystème : le concept de stratégie cénotique », Bulletin d’écologie, 1977 [1976], t. 7, p. 391-410. Voir aussi : Patrick Blandin, « Évolution des écosystèmes et stratégies cénotiques », in Robert Barbault, Patrick Blandin et Jean-Acady Meyer (dir.), Recherches d’écologie théorique. Les stratégies adaptatives, Maloine, Paris, 1980, p. 221-235.
-
[36]
George Evelyn Hutchinson, « Homage to Santa Rosalia or Why are there so many kinds of animals ? », American Naturalist, 1959, n° 93, p. 145-158.
-
[37]
Arthur G. Tansley, « The use and abuse of vegetational concepts and terms », Ecology, 1935, vol. 16, p. 284-307. Traduction de Jean-Marc Drouin dans sa thèse, La naissance du concept d’écosystème, université Paris-I, 1984.
-
[38]
Denis Couvet et Jean-Christophe Vandevelde, « Biodiversité ordinaire : des enjeux écologiques au consensus social », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 183-208.
-
[39]
Francesco di Castri et Talal Younès, 1996, op. cit.
-
[40]
Voir Martin Holgate, The Green Web, a Union for World Conservation, Earthscan Publications Ltd, Londres, 1999. Martin Holgate a été directeur général de l’UICN de 1988 à 1994. Voir aussi Patrick Blandin, De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité, Éditions Quæ, Versailles, 2009, et Patrick Blandin, Biodiversité, l’avenir du vivant, Albin Michel, Paris, 2010.
-
[41]
Ce congrès fut organisé du 31 mai au 2 juin 1923 par la Société nationale d’acclimatation de France (aujourd’hui Société nationale de protection de la nature), la Ligue française pour la protection des oiseaux et la Société pour la protection des paysages de France.
-
[42]
Cette citation et la suivante sont tirées des actes du congrès, datés de 1925 (mais imprimés en 1926), établis par le secrétariat du congrès composé de Raoul de Clermont, ingénieur agronome, avocat à la cour, Albert Chappellier, ingénieur agronome, Louis de Nussac, sous-bibliothécaire du Muséum, Fernand Le Cerf, préparateur au Muséum, et Charles Valois, archiviste-paléographe. Le congrès rassemblait non seulement des scientifiques, mais aussi une belle diversité de représentants de la société civile : négociants, hommes de lettres, industriels, journalistes, élus…
-
[43]
L’UIPN fut créée à Fontainebleau le 5 octobre 1948, à l’invitation de l’Unesco et du gouvernement français. En 1956, le nom fut changé en Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN).
-
[44]
Article 1 (buts) de la constitution de l’UIPN, point 2 a.
-
[45]
Voir Martin Holgate, 1999, op. cit.
-
[46]
Roger Heim, L’Angoisse de l’an 2000. Quand la nature aura passé, l’homme la suivra, éditions de la Fondation Singer-Polignac, Paris, 1973, p. 395.
-
[47]
Roger Heim, op. cit., p. 394-395.
-
[48]
Il s’agissait d’une conférence intergouvernementale d’experts appartenant aux domaines de la science, de la gestion et de la diplomatie, consacrée à « l’utilisation rationnelle et la conservation des ressources de la biosphère ». Elle fut à l’origine du programme Man and Biosphere (MAB) de l’Unesco. « La Conférence de la biosphère vingt-cinq ans après », Unesco, Paris, 1993.
-
[49]
« Stratégie mondiale de la conservation. La conservation des ressources vivantes au service du développement durable », UICN, Pnue, WWF, UICN, Gland (Suisse), 1980.
-
[50]
Voir Donato Bergandi et Patrick Blandin, « De la protection de la nature au développement durable : genèse d’un oxymore éthique et politique », in Revue d’histoire des sciences, 2012, t. 65-1, p. 103-142.
-
[51]
Le texte explicite ensuite ce principe moral. Constatant que l’homme a le pouvoir de bouleverser la biosphère, la stratégie recommande d’agir avec prudence, une « obligation morale » vis-à-vis de nos descendants et des autres espèces. Mais l’utilitarisme ressurgit aussitôt : « Nous ne pouvons pas prévoir quelles espèces pourront demain nous être utiles. Bien au contraire, il se peut que nombre d’espèces dont on croit pouvoir se passer soient en puissance une source de substances importantes – pharmaceutiques, par exemple – ou qu’elles constituent des pièces maîtresses dans les systèmes entretenant la vie, dont nous dépendons. En conséquence, pour des raisons d’éthique autant que d’intérêt, nous ne devrions pas occasionner l’extinction d’espèces en connaissance de cause. » UICN, Pnue, WWF, 1980, op. cit., objectif n° 3.
-
[52]
Cf. note 4.
-
[53]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 170.
-
[54]
Article 1, point 2nd de la constitution de l’UIPN.
-
[55]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 213.
-
[56]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 215.
-
[57]
François Ramade, 1999, op. cit., p. 8 et p. 277.
-
[58]
Stavros Dimas, « Le plan d’action communautaire en faveur de la biodiversité. Enrayer la diminution de la biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà. » Office des publications officielles des communautés européennes, Luxembourg, 2008, p. 3.
-
[59]
Michet Chauvet et Louis Olivier, 1993, op. cit., p. 39.
-
[60]
Gilles Bœuf, La biodiversité, de l’océan à la cité, Librairie Arthème Fayard et Collège de France, Paris, 2014.
-
[61]
Table ronde « 2010 et après ? Quels objectifs pour quel programme d’action ? » présidée par Lucien Chabason, avec Ashok Koshla, président de l’UICN, Patrick Blandin, président d’honneur du comité français de l’UICN, et Corinne Lepage, députée européenne. Colloque « Biodiversité 2010, et après ? » organisé par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), le 16 février 2010.
-
[62]
www.millenniumassessment.org/fr/Synthesis.html (consulté le 21 juillet 2014).
-
[63]
L’idée de « services écosystémiques » était déjà présente, mais sans doute trop précocement, dans un propos de Julian Huxley tenu lors du symposium technique associé à la conférence fondatrice de l’UIPN. Il déclara en effet que « l’opinion est mûre pour admettre la constitution de “services écologiques officiels“destinés à asseoir définitivement sur des bases scientifiques les rapports, principalement économiques, qui ne cesseront d’exister entre l’homme et la nature ». UIPN, 1949. Documents préparatoires à la Conférence technique internationale pour la protection de la nature, août 1949, États-Unis. Unesco, Paris-Bruxelles, p. 26.
-
[64]
Voir notamment Denis Couvet et Jean-Christophe Vandevelde, 2014, op. cit. Bien entendu, le fonctionnement des écosystèmes n’est pas uniquement assuré par des espèces communes. Certaines espèces à faible abondance, fréquemment appelées « espèces clés de voûte », tels des prédateurs régulant des populations de proies, peuvent aussi remplir des fonctions majeures.
-
[65]
Jean-Paul Harroy, Définition de la protection de la nature, UIPN, 1949, op. cit., p. 13.
-
[66]
Voir notamment Georges Ribière, « Valeurs de la biodiversité, prix de la nature », Vraiment durable, 2013 n° 4, p. 29-45.
-
[67]
Bernard Chevassus-au-Louis, Jean-Michel Salles et Jean-Luc Pujol, « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes – Contribution à la décision publique », Centre d’analyse stratégique, Premier ministre, la Documentation française, Paris, 2009.
-
[68]
Jean-Michel Salles, « Estimer la valeur de la nature », CNRS, le journal, 2010, n° 240-241, p. 30-31.
-
[69]
Julien Delord in Elena Casetta et Julien Delord, 2014, op. cit., p. 83-116.
-
[70]
Elena Casetta et Julien Delord, « Versatile biodiversité », in Elena Casetta et Julien Delord, op. cit., p. 250.
-
[71]
Michel Loreau, « Enjeux et résultats de la conférence de Paris », in Robert Barbault (dir.), Jean-Patrick Le Duc (coord.), 1999, op. cit., p. 7.
-
[72]
Buffon, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 2007.
-
[73]
Passage cité par Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 32, d’après les notes manuscrites de Julian Huxley.
-
[74]
Julian Huxley, New Bottles for New Wine – Essays, Harper & Brothers Publishers, New York, 1957.
-
[75]
Charles Darwin, L’Origine des espèces. Traduction de l’édition anglaise définitive par Edmond Barbier, 1982, Jean de Bonnot, Paris.
-
[76]
Je préfère parler du premier bouleversement planétaire plutôt que de banaliser la situation actuelle, anthropogène, dans la série des « crises de biodiversité » qui se sont succédé au cours des temps géologiques, du fait d’importants changements environnementaux. Voir Patrick Blandin, 2010, op. cit.
-
[77]
L’argument de la valeur intrinsèque des êtres vivants est souvent utilisé. Il pose cependant bien des problèmes. Voir par exemple Georges Ribière, 2013, op. cit., p. 32-33.
-
[78]
Voir Patrick Blandin, « Le papillon, de la nature à la boîte. Regard sur le collectionneur, ses motivations et ses pratiques », in Bernadette Lizet et Jacqueline Milliet (dir.), Animal certifié conforme. Déchiffrer nos relations avec le vivant, Dunod et Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 2012, p. 221-247.
-
[79]
Jean-Claude Génot et Robert Barbault, « Quelle politique de conservation ? » in Robert Barbault et Bernard Chevassus-au-Louis (dir.), Anne Teyssèdre (coord.), Biodiversité et changements globaux. Enjeux de société et défis pour la recherche, Association pour la diffusion de la pensée française, ministère des Affaires étrangères, Paris, p. 170.
-
[80]
Voir Patrick Blandin, « Towards EcoEvoEthics », in Donato Bergandi (ed.), The Structural Links between Ecology, Evolution and Ethics. The Virtuous Epistemic Circle, Springer, Dordrecht, p. 83-100.
-
[81]
En 1991, l’UICN, le Pnue et le WWW ont publié Caring for the Earth : a Strategy for Sustainable Living, mettant en exergue l’idée de « care ».
-
[82]
Elena Casetta et Julien Delord, 2014, op. cit., p. 253.
1 La situation du monde vivant ne s’est pas améliorée, et la perte de biodiversité est même devenue, avec le changement climatique, la cause de ce que l’on peut appeler l’angoisse du XXIe siècle. Une approche économique de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes se développe, sans convaincre de sa capacité à lever cette angoisse. La biodiversité ne serait-elle donc qu’un leurre utilisé par les scientifiques pour obtenir des moyens en entretenant l’angoisse ? L’auteur préfère y voir un « méta-concept passeur » permettant de faire partager entre humains une démarche qualifiable d’altruisme égoïste, soucieuse du devenir des autres espèces parce que celui de l’humanité en dépend.
2 En novembre 1995, le journal du Centre national de la recherche scientifique publiait un dossier consacré à la biodiversité, où l’on pouvait lire : « Juin 1992, naissance du mot biodiversité. » [1] En 1999, dans un ouvrage au titre percutant, Le Grand Massacre [2], l’écologue François Ramade écrivait : « Le terme de biodiversité – synonyme de diversité biologique – est un néologisme apparu au tout début des années quatre-vingt au sein de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN). » En réalité, le terme « biodiversity » fut inventé en 1985 pour l’intitulé d’un forum devant se tenir, en 1986, à Washington, D.C., et le livre issu de cette manifestation, Biodiversity [3], édité par Edward O. Wilson et Francis M. Peter, parut en 1988. Commises par l’organisme phare de la recherche scientifique française et par l’un des scientifiques français les plus engagés dans la protection de la nature, de telles erreurs sur l’origine d’un terme aussi récent sont surprenantes. Surtout, elles sont révélatrices du flou très vite installé autour d’un objet sémantique mal identifié qui avait envahi les sphères de la conservation de la nature [4] et les milieux scientifiques [5] avant que la signature de la Convention sur la diversité biologique (CDB), en juin 1992 à Rio de Janeiro, ne contribue à son succès médiatique.
3 Une dizaine d’années plus tard, en 2001, l’Union européenne s’engageait à enrayer la perte de biodiversité sur ses territoires à l’horizon 2010 [6]. Cet objectif fut repris en 2002, à Johannesburg, lors du Sommet mondial sur le développement durable, toutefois avec davantage de prudence : la communauté internationale s’engagea seulement à ralentir la perte de biodiversité. En 2006, à l’occasion de la Semaine verte de l’Union européenne, le commissaire à l’environnement, Stravos Dimas, affirmait : « Si les changements climatiques monopolisent l’attention des médias, la diminution de la biodiversité est un phénomène encore plus important, ne serait-ce que pour cette raison fondamentale : elle est irréversible. » [7] En 2010, il fallut se résigner à reconnaître que l’objectif n’était pas atteint, et l’on en fixa d’autres pour 2020, à l’occasion de la Conférence des parties de la CDB [8]. On décida aussi de mettre en place une structure internationale d’expertise scientifique, l’Intergovernemental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (Ipbes), destinée à éclairer la communauté internationale sur l’état et l’évolution de la biodiversité et des écosystèmes [9].
4 Il semble donc que la biodiversité soit un sujet sérieux mobilisant une large communauté scientifique, en connexion avec le monde politique. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Michel Chauvet, du Bureau des ressources génétiques, et Louis Olivier, conservateur au Conservatoire botanique national de Porquerolles, publièrent dès 1993 un ouvrage intitulé Biodiversité, enjeu planétaire, se proposant d’expliquer la biodiversité à un large public et de montrer pourquoi il est essentiel de la conserver [10]. Ayant préfacé cet ouvrage, André Cauderon, de l’Académie des sciences et de l’Académie d’agriculture, s’exprimait ainsi : « La diversité du monde vivant, composante essentielle de ce que nous appelons aujourd’hui l’environnement, s’imposait aux hommes de l’ère préindustrielle : phénomène grandiose d’ordre évidemment supérieur, base de ressources indispensables au quotidien, puissance omniprésente et parfois redoutable, la biodiversité était objet de vigilance et de respect ; elle occupait une place éminente dans les mythes qui structuraient les cultures. Depuis quelques millénaires, les systèmes agricoles artisanaux ont contribué à réduire le décalage hiérarchique entre cette force mystérieuse et les sociétés dont elle permettait la survie […]. »
5 Sous la plume d’un grand scientifique, ce texte est sidérant : il fait de la biodiversité une entité aux attributs quasi divins, à laquelle les humains d’autrefois auraient voué un culte craintif. Introduire ainsi un livre sur la biodiversité, en la mythifiant, en lieu et place de la nature, ne pouvait guère contribuer à en faciliter la compréhension par le grand public. Deux ans plus tard, l’écologue Jacques Blondel écrivait : « La “biodiversité” n’est pas un concept, encore moins un paradigme : c’est une coquille vide où chacun met ce qu’il veut, un “mot de passe” […]. » [11]
6 Il y a deux catégories de mots de passe, ceux qui garantissent la confiance, et ceux qui permettent de se parler sans savoir si l’on parle de la même chose. Le néologisme de 1985 appartient-il à l’une d’entre elles ? À moins qu’il ne s’agisse véritablement d’un concept scientifique à l’origine d’une nouvelle dynamique de recherche, ou d’une autre manière de parler de la nature pour mieux la conserver ?
De la diversité des définitions de la biodiversité
7 Ou comment le trop-plein crée le vide. Il est bien connu que la biodiversité a fait l’objet d’un nombre considérable de définitions [12], phénomène qui reflète la diversité de ceux qui en parlent. Alors que s’élabore en France une loi sur la biodiversité, il est donc assez naturel que le citoyen se tourne vers une source gouvernementale pour savoir sur quoi le Parlement légifère. Le site du gouvernement [13] propose la définition suivante : « La biodiversité est le tissu vivant de notre planète. Plus précisément, la biodiversité recouvre l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, virus…) ainsi que toutes les relations et interactions qui existent, d’une part entre les organismes vivants eux-mêmes, d’autre part entre ces organismes et leurs milieux de vie. »
8 Cette définition a un caractère inclusif, que traduit l’emploi du verbe « recouvrir ». Elle diffère de celle que donne en 1992 la CDB, laquelle met l’accent sur la variabilité du monde vivant, à trois niveaux d’organisation : « Diversité biologique : variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »
9 La différence est subtile, mais profonde : la biodiversité est-elle le monde vivant, ou en est-elle une propriété ? Deux ans avant le sommet de Rio de Janeiro, en 1990, dans Conserving the World’s Biological Diversity, l’UICN et ses partenaires avaient déjà donné de la diversité biologique une définition « double », associant une vision inclusive, impliquée par le verbe « encompass », et une définition technique du degré de diversité de la nature : « Biological diversity encompasses all species of plants, animals, and microorganisms and the ecosystems and ecological processes of which they are part. It is and umbrella term for the degree of nature’s variety, including both the number and frequency of ecosystems, species or genes in a given assemblage. » [14], [15]
10 Les auteurs de ce texte s’étaient explicitement inspirés d’une définition proposée après le colloque de Washington par l’Office of Technology Assessment (OTA) du Congrès des États-Unis, dans un document daté de 1987 [16]. Cette définition, cependant, n’avait nul caractère inclusif : « Biological diversity refers to the variety and variability among living organisms and the ecological complexes in which they occur. Diversity can be defined as the number of items and their relative frequency. For biological diversity, these items are organized at many levels, ranging from complete ecosystems to the chemical structures that are the molecular basis of heredity. Thus, the term compasses different ecosystems, species, genes, and their relative abundance. »
11 Ainsi, très tôt, l’ambiguïté « biodiversité-propriété » versus « biodiversité-entité » était en place. Mais, en dépit de leurs différences, les définitions de l’OTA et de l’UICN apportaient une précision extrêmement importante : elles indiquent en effet que le terme « diversité biologique » fait référence à des données quantitatives exprimant le degré de diversité d’assemblages soit d’écosystèmes (par exemple au sein d’un paysage), soit d’espèces (par exemple au sein d’une communauté biologique), soit de gènes (par exemple au sein d’une population d’une espèce). La biodiversité devrait donc être mesurable, ce qui permettrait de suivre l’évolution du degré de diversité d’un assemblage au cours du temps. Cette dimension quantitative a disparu dans la définition de la CDB. Ce fait n’est pas anodin. La « mesure » de la biodiversité soulève de très difficiles problèmes tant conceptuels que techniques, aussi peut-on penser que les rédacteurs de la CDB n’ont pas voulu contraindre le concept de biodiversité par une définition trop précise, et donc peut-être réductrice.
12 La définition gouvernementale française ne se risque pas davantage sur ce terrain. En revanche, elle pousse très loin la vision inclusive, en assimilant la biodiversité à l’ensemble du tissu vivant de la planète, y incluant tous les milieux naturels et tous les êtres qui y vivent, ainsi que toutes les relations et interactions que ces êtres ont entre eux et avec leur environnement. Même si l’on admet que cette définition, en prenant en compte la totalité des espèces et des milieux, reconnaît implicitement leur diversité, il n’en est pas moins évident que, par un tour de passe-passe, un terme qui était supposé exprimer le fait que le monde vivant est diversifié en est venu à désigner ce monde vivant lui-même. En cela, la définition gouvernementale ne diffère pas de la déclaration des scientifiques qui participèrent à la conférence internationale Biodiversité, science et gouvernance, organisée à Paris en janvier 2005, à l’initiative du président Jacques Chirac. Reprenant les termes employés par le président du comité scientifique de la conférence, Michel Loreau [17], ils déclarèrent en effet : « La Terre abrite une extraordinaire diversité biologique, qui inclut non seulement les millions d’espèces qui habitent notre planète, mais aussi la diversité de leurs gènes, physiologies et comportements, la multitude des interactions écologiques entre elles et avec leur environnement physique, et la variété des écosystèmes complexes qu’elles constituent. »
13 Certes, il y est question de diversité et de variété, mais l’idée majeure, c’est que la diversité biologique « inclut » tout. En lisant cette déclaration, on en vient à penser que la biodiversité, c’est ce que l’on appelle la biosphère, cet ensemble vivant abrité par notre planète. D’ailleurs, un an plus tard, la couverture d’une livraison du magazine de la direction générale de l’environnement de la Commission européenne affichait : « La biodiversité, c’est la vie. » [18]
14 Le dossier du CNRS de 1995 consacré à la biodiversité rapportait un propos de Jean-Claude Mounolou, directeur du Centre de génétique moléculaire du CNRS. Pour lui, la biodiversité était « un concept très flou, une notion très ambiguë » [19]. En 2010, un autre spécialiste, Christian Lévêque, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, écrivait : « Biodiversité est un terme valise. Chacun y projette ses représentations de la nature en fonction de son milieu culturel et de son expérience vécue, mais aussi par rapport à ses attentes et à ses intérêts immédiats. Quoi de surprenant alors que la “biodiversité” soit devenue si populaire, chacun trouvant son compte dans cette auberge espagnole ! » [20]
15 Si l’on met tout le tissu vivant de la planète dans la valise, elle sera assurément pleine. Mais alors, l’invention du terme « biodiversité » aurait-elle fait avancer la compréhension du monde vivant ? Totalement remplie, la biodiversité-valise ne serait-elle rien d’autre que la coquille vide évoquée par Jacques Blondel ? À moins que l’arrivée du terme sur le marché des mots à la mode n’ait véritablement contribué à l’émergence d’un nouveau domaine scientifique.
La biodiversité, nouveau paradigme scientifique ou habit neuf pour de vieilles questions ?
16 Admettons que la valise soit pleine : la biodiversité serait donc un « quelque chose » qui habite la Terre et qui serait le contenant de tous les assemblages écologiques que forment tous les êtres vivants, avec tous leurs gènes, et avec toutes les interactions qu’ils tissent à toutes les échelles d’espace et de temps : n’est-ce pas cette partie vivante de la nature que les sciences naturelles cherchaient depuis toujours à comprendre ? On sait que le développement de la biologie moléculaire, à partir des années 1960, avait relégué au rang de vieilleries la botanique, la zoologie, la systématique, et rangé leurs praticiens dans la catégorie des espèces en voie d’extinction. Quant à l’écologie, elle passait aux yeux des modernes pour un avatar des sciences naturelles, irrémédiablement déconsidérée du fait de ses liens possibles avec les écolos, ces militants naïfs croyant pouvoir élever des chèvres en Ardèche. Grâce à la biodiversité, objet unique et suprême de la biologie, les sciences naturelles pouvaient-elles espérer prendre leur revanche ?
17 Peu de temps après la parution de Biodiversity, des scientifiques s’attellent à l’élaboration d’un programme coopératif international, sous l’égide de l’IUBS, du Scope [21] et de l’Unesco. En 1990, sous la direction de Francesco di Castri (Unesco) et Talal Younès (IUBS), de premières orientations sont proposées, centrées sur les relations entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes [22]. L’année suivante, un atelier international est organisé à Harvard Forest, aux États-Unis [23]. L’enjeu est posé : « Tous les participants ont reconnu que notre connaissance sur la contribution de la diversité au fonctionnement des systèmes biologiques est encore inadéquate. La perte de biodiversité est difficile à percevoir et à quantifier, car il est difficile de distinguer les changements naturels de ceux provoqués par l’homme. En outre, pour la plus grande partie de la surface du globe, nous manquons de mesures de base par rapport auxquelles on pourrait évaluer les changements observés. Ce problème est équivalent à celui de l’identification du changement climatique dû aux activités humaines. En conséquence, aucune prédiction fiable ne peut être faite actuellement sur la façon dont les systèmes biologiques répondront aux changements d’origine anthropique. Néanmoins, on en sait assez pour pouvoir dire, de façon qualitative, que la réponse la plus vraisemblable sera un accroissement de la fragilité des écosystèmes. Il apparaît aussi que des aménagements appropriés nécessitent une connaissance plus précise de la façon dont fonctionnent les écosystèmes. Nous pensons qu’au vu des grandes avancées faites ces cinquante dernières années dans la compréhension des mécanismes moléculaires du fonctionnement cellulaire, il est temps, maintenant, de commencer une étude sérieuse du rôle de la biodiversité dans les systèmes biologiques. Les changements d’origine humaine attendus, de l’usage des terres et du climat, imposent de telles études. »
18 L’étude de la biodiversité est ainsi présentée comme une nouvelle période de la biologie, prenant le relais des décennies dominées par la biologie moléculaire. Désormais, il s’agirait d’étudier le fonctionnement des systèmes biologiques, à tous les niveaux d’organisation, et de comprendre en quoi il dépend de leur degré de diversité. En outre, le problème de la perte de biodiversité est mis sur le même plan que celui du changement climatique. Il y a ici les prémices de la revendication portée plus tard par ce que l’on pourrait appeler le « lobby scientifique biodiversité », à savoir la constitution d’un organisme équivalant au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
19 À la suite de l’atelier de Harvard Forest, en 1991, l’IUBS, le Scope et l’Unesco lancèrent le programme Diversitas. Trois ans plus tard, en 1994, un forum international nommé Biodiversity, Science and Development. Towards a New Partnership était organisé par l’IUBS, et parrainé par l’Unesco, l’ICSU et le gouvernement français. Dans Sources Unesco [24], cette manifestation était ainsi présentée : « Quelque 600 scientifiques, responsables politiques et d’entreprises, communicateurs prendront part à un forum international […]. Ils auront à débattre en particulier du problème que pose le manque d’informations et de connaissances sur la biodiversité, qui reste un mystère pour beaucoup d’entre nous, bien qu’elle ait fait l’objet d’une convention internationale adoptée en 1992 au Sommet de la Terre. »
20 Mystérieuse biodiversité… Francesco di Castri et Talal Younès, les chevilles ouvrières du forum, s’employèrent à lever le voile, en avançant l’hypothèse d’un champ scientifique émergent. Dans le chapitre introductif des actes du forum [25], ils posaient les fondements d’un nouveau paradigme, en affirmant que le problème scientifique essentiel était de comprendre l’interdépendance des trois niveaux de la diversité biologique : la diversité génétique, la diversité spécifique et la diversité écosystémique. Jusqu’alors, il est vrai, les recherches avaient porté sur ces différents domaines de façon très généralement indépendante, en biologie des populations et en écologie. Dans ce contexte, l’idée que la diversité à chaque niveau d’organisation dépende de la diversité aux autres niveaux était effectivement innovante. La question se pose alors de savoir si l’invention de la biodiversité a effectivement provoqué une révolution épistémologique en biologie. J’ai ailleurs comparé les thèmes de recherche relatifs à la diversité spécifique avant et après cette invention [26]. Le bilan est mitigé.
21 Jusqu’à la fin des années 1980, en écologie, les recherches étaient pour l’essentiel concentrées sur les méthodes de quantification de la diversité spécifique et sur la question des relations entre celle-ci, la complexité et la stabilité des écosystèmes. La quantification est toujours d’actualité, mais elle n’a guère progressé, car elle soulève de délicats problèmes conceptuels, sans même parler de ses multiples difficultés méthodologiques. Comme le montre Frédéric Gosselin [27], l’invention de la biodiversité n’a fait que révéler les ambiguïtés du concept de diversité spécifique et l’incapacité des outils actuels à évaluer quantitativement les variations de biodiversité de façon satisfaisante.
22 La problématique diversité-complexité-stabilité a généré un volume de recherches important jusque vers la fin des années 1970. Le concept de complexité était supposé rendre compte de l’organisation des réseaux trophiques : un réseau impliquant de nombreuses espèces est plus complexe qu’un réseau moins riche, mais, à nombre égal, un réseau est d’autant plus complexe que chacune interagit avec davantage d’espèces. Intuitivement, on voit qu’il doit exister un lien entre complexité et diversité spécifique. En fait, si l’on considère les approches initiales d’Eugene P. Odum et de Robert H. MacArthur [28], c’est la diversité des voies de circulation de l’énergie qui était la caractéristique fondamentale des écosystèmes, la diversité spécifique n’en étant qu’un descripteur possible. On comprend alors la motivation des chercheurs pour inventer des indices numériques de diversité spécifique, mathématiquement fondés : de tels indices auraient fourni une mesure synthétique du degré de complexité des écosystèmes. Mais l’on voyait encore plus loin : l’idée qu’en cas de perturbation de l’environnement, une plus grande diversité de voies de circulation de l’énergie garantirait mieux la permanence d’un écosystème qu’une diversité moins grande a constitué l’horizon théorique de la plupart des recherches prébiodiversité. Cependant, ni les recherches théoriques, ni les modélisations sur ordinateur de systèmes plus ou moins complexes, ni les données empiriques fournies par les études de terrain n’apportaient d’arguments décisifs en faveur d’une relation entre la stabilité d’un système écologique et son degré de diversité spécifique. Telle était en 1975 la conclusion de Daniel Goodman, au terme d’une revue critique de la littérature [29]. Il faut dire que le concept de stabilité posait des problèmes de définition aussi difficiles que ceux posés par celui de diversité. Pourtant, de nombreux efforts avaient été faits pour en donner une définition précise, voire formalisable mathématiquement, mais la confusion n’a cessé de régner, y compris après l’invention de la biodiversité. Ainsi, en 1997, dans un article au titre sans concession, « Babel, or the ecological stability discussions : an inventory and analysis of terminology and a guide for avoiding confusion », les auteurs avaient relevé 163 définitions pour 70 concepts différents de la stabilité ! [30] Peu après, en 2000, dans Nature [31], Kevin Shear McCann soulignait aussi la diversité conceptuelle que recouvre le terme « stabilité », mais concluait son article en constatant que « considérées ensemble, les récentes avancées indiquent que l’on peut s’attendre, en moyenne, à ce que la diversité soit source de stabilité pour l’écosystème », et il soulignait que ceci était cohérent avec les idées des grandes figures que furent entre autres Odum et Mac Arthur. Si l’on admet que la conclusion de McCann est fondée, une étape importante a été franchie depuis l’analyse critique de Goodman en 1975 : les idées des pionniers étaient justes !
23 Contestée, défendue, l’hypothèse diversité-stabilité, expression sophistiquée de l’idée populaire qu’il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans un seul panier, est souvent encore présente, de manière plus ou moins explicite, dans les travaux post-biodiversité. Toutefois, la problématique a glissé vers le couple conceptuel biodiversité-fonctionnalité. En 2005, un groupe international de chercheurs, coordonné par David U. Hooper, a publié un article présentant ce qui faisait alors consensus quant aux effets de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes [32]. D’emblée, un point important ressort. Les auteurs écrivent en effet : « Dans cet article, nous considérons pour l’essentiel les changements de richesse et de composition aux niveaux des espèces et des types fonctionnels [33], non parce qu’ils sont toujours les plus importants, mais parce que c’est là que la plupart des recherches se sont concentrées. »
24 Curieusement, Hooper et ses collègues n’ont fait référence ni aux publications de Francesco di Castri et Talal Younès, ni à celle d’Otto Solbrig, évoquées plus haut, publications qui avaient jeté les bases intellectuelles des recherches sur la signification fonctionnelle de la biodiversité. Pourtant, l’atelier d’Harvard Forest avait bien posé la question « quels sont les impacts sur le fonctionnement d’un écosystème d’additions ou de suppressions d’espèces ou de composants du système ? », et la question principale, pour Hopper et ses collègues, était bien de savoir si la perte d’espèces (« l’érosion de la biodiversité ») pouvait affecter le fonctionnement des écosystèmes.
25 Le consensus constaté par David U. Hooper et ses collègues a dégagé deux certitudes : premièrement, « certaines propriétés des écosystèmes ne sont pas sensibles à la perte d’espèces parce que : a) les écosystèmes peuvent avoir de multiples espèces qui tiennent des rôles fonctionnels similaires ; b) certaines espèces peuvent ne contribuer que relativement peu aux propriétés des écosystèmes ; c) les propriétés peuvent être contrôlées avant tout par des conditions de l’environnement abiotique ». Deuxièmement, « il faut d’autant plus d’espèces pour assurer une fourniture stable de biens et services écosystémiques que la variabilité spatiale et temporelle augmente, ce qui évidemment se produit lorsque l’on considère de plus longues périodes de temps et de plus vastes étendues ». Plus loin, les auteurs se disent « confiants » dans l’idée que « l’existence d’une gamme d’espèces qui répondent différemment à différentes perturbations environnementales peut permettre la stabilisation des processus écosystémiques en réponse à des perturbations et des variations des conditions abiotiques ». Ainsi, l’ancienne intuition de Odum et MacArthur, selon laquelle une plus grande richesse en espèces rend plus probable la persistance du fonctionnement des écosystèmes, se serait transformée en quasi-certitude.
26 Cette idée implique une notion importante, celle de redondance fonctionnelle, en entendant par là l’existence d’espèces accomplissant une même fonction. La redondance fonctionnelle, évidemment liée à l’idée que la diversité conditionne la stabilité, n’est devenue un sujet « actif » qu’après 1988, l’arrivée de la biodiversité sur le devant de la scène ayant conduit à mettre l’accent sur les relations possibles entre la diversité des espèces d’un écosystème et les caractéristiques fonctionnelles de celui-ci. En 2000, par exemple, on pouvait lire dans un article publié par Nature : « Une grande diversité augmente les chances qu’un écosystème possède une redondance fonctionnelle liée à l’existence d’espèces capables de remplacer des espèces importantes d’un point de vue fonctionnel. » [34] Le concept n’a donc guère progressé depuis qu’avec Robert Barbault et Charles Lecordier, j’écrivais, en 1977, que le maintien d’un écosystème fonctionnel était possible en dépit de la disparition d’espèces importantes, s’il existait des espèces de rechange : « Ce que nous voulons faire ressortir pour le moment, c’est l’existence possible, au sein d’un écosystème, d’une certaine redondance fonctionnelle [...]. Considérons alors un écosystème à richesse et diversité spécifique élevées et supposons que cela témoigne d’une redondance potentielle forte. Au cas où l’environnement viendrait à se transformer considérablement, le maintien d’un système fonctionnel serait possible même si des espèces importantes étaient appelées à disparaître, pour peu qu’il existe des espèces de rechange capables de survivre dans de nouvelles conditions, soit qu’elles s’y révèlent préadaptées, soit qu’elles puissent se modifier en augmentant leurs moyens de produire des individus génétiquement nouveaux [...] » [35]. Cette réflexion se situait dans une perspective évolutionniste, en ce sens qu’elle cherchait à relier la capacité d’adaptation des écosystèmes à leur composition en espèces. Elle se situait clairement dans le prolongement de celle de George E. Hutchinson, qui écrivait en 1959 [36] : « Tout comme l’évolution adaptative sous l’effet de la sélection naturelle est moins facile dans une petite population d’une espèce que dans une population plus nombreuse, parce que le pool total de variabilité génétique est inévitablement moindre, il est de même probable qu’un groupe comprenant beaucoup d’espèces diversifiées doit être davantage capable de saisir de nouvelles opportunités d’évolution qu’un groupe non diversifié. » Ces idées avaient déjà été ébauchées en 1935 par Arthur G. Tansley qui, dans l’article où il inventa le concept d’écosystème, avait écrit : « Il y a en réalité une sorte de sélection naturelle des systèmes à leurs débuts, et ceux qui peuvent atteindre l’équilibre le plus stable survivent le plus longtemps. » [37]
27 Quoi qu’il en soit, le développement de la problématique « biodiversité-fonctionnalité », qui a largement relayé la problématique « diversité-stabilité », a constitué une certaine avancée. Elle a eu pour conséquence une véritable nouveauté, qu’exprime le concept de « biodiversité ordinaire ». Alors que la protection de la nature s’est longtemps préoccupée de la sauvegarde des espèces menacées d’extinction, la conservation de la biodiversité implique celle des espèces banales, communes, qui forment l’essentiel des systèmes écologiques, et y remplissent la majorité des fonctions. Étudier la relation « biodiversité-fonctionnalité », c’est donc très largement se préoccuper des rôles que jouent les espèces ordinaires. Malheureusement, la biodiversité ordinaire, tout comme la biodiversité globale, pose de difficiles problèmes de définition, comme l’ont montré récemment Denis Couvet et Jean-Christophe Vandevelde [38].
28 Quand on lit le lumineux article de George E. Hutchinson, qui tentait de répondre à la question « Why are there so many kinds of animals ? », on se prend à penser que toute la problématique de la signification scientifique du mot « biodiversité » était déjà posée. En même temps, ce qui frappe, c’est que tous les concepts mis en jeu, anciens et nouveaux (diversité spécifique, complexité, stabilité, fonctionnalité, redondance, adaptabilité, biodiversité ordinaire…) ne sont toujours pas définis de façon satisfaisante. Mobilisés pour appréhender les rôles possibles de la diversité, en tant que caractéristique des systèmes biologiques, ces concepts sont encore insuffisamment précis, parce que ces systèmes sont multiples, emboîtés en hiérarchies dont il n’est pas simple de savoir si elles leur sont propres, ou si elles résultent de la diversité de nos échelles d’observation, et parce que ces systèmes s’inscrivent dans des histoires évolutives qui obligent à distinguer, tout en les articulant, le temps court et le temps long. Francesco di Castri et Talal Younès, dans leur texte introductif aux actes du forum international Biodiversity, Science and Development [39], avaient insisté sur la nécessité de saisir la multiplicité des échelles d’espace et de temps, conjointement avec l’organisation hiérarchique du vivant : c’est là, incontestablement, un défi épistémologique majeur.
29 Ainsi, l’invention de la biodiversité aurait fait apparaître le besoin d’un nouveau cadre théorique pour appréhender l’organisation du monde vivant, son fonctionnement à différentes échelles, ses capacités d’adaptation. Néanmoins, concrètement, bien des questions que se posent aujourd’hui les chercheurs sont des questions qui déjà préoccupaient nombre de leurs prédécesseurs depuis les années 1950. La biodiversité n’est-elle alors qu’un outil pour réécrire des questions posées de longue date, ou un terme indicateur de l’émergence d’un nouveau paradigme ? Il ne faut sans doute pas trancher. Le mot, avec toutes ses ambiguïtés, accompagne des efforts de recherche qui abordent les aspects les plus complexes du monde vivant, et affrontent en dernière analyse une seule mais redoutable question : pourquoi ce monde vivant est-il diversifié ? Sans réponse, comment la science pourrait-elle prétendre éclairer les décisions en matière de préservation de la biodiversité ?
La biodiversité, au secours de la conservation de la nature ?
30 Il y a peut-être des personnes qui croient que c’est avec le sommet de Rio que les humains ont commencé à se préoccuper de conserver la nature. En réalité, il s’agit d’une longue histoire [40]. La conservation de la nature prit une dimension internationale au début du XXe siècle. C’est en 1923 que se tint à Paris, au Muséum national d’histoire naturelle, le premier Congrès international pour la protection de la nature. [41] Dans son discours de clôture, le 2 mai, le professeur Louis Mangin, membre de l’Institut, directeur du Muséum, faisait le constat suivant : « Presque partout, hélas, les exemples abondent, de ces déboisements aveugles qui à la fois enlaidissent une région et ruinent pour longtemps sa prospérité, de ces mutilations de sites pittoresques qui, en affligeant l’artiste, écartent aussi le touriste, de ces exterminations d’animaux dont les miracles de la science ne sauraient faire sortir de ses cendres l’espèce une fois éteinte, de mille autres actes de vandalisme matériellement irréparables… » [42]
31 Le regard était sévère, en syntonie avec la lettre d’invitation au congrès, diffusée en décembre 1922, sous la signature de Raoul de Clermont, secrétaire général du comité d’organisation. Il y était écrit : « La nature, dans ses trois règnes, est de toutes parts menacée par les progrès de l’industrie. L’activité de l’homme gagne des régions jusqu’ici inaccessibles à ses entreprises ; son caprice ou son utilitarisme imprévoyant mettent en péril l’existence d’un grand nombre d’espèces animales et végétales.
32 Ceux même des animaux que devrait préserver leur utilité, leur rareté ou leur beauté, sont pourchassés, massacrés, détruits, voire à la veille de l’extinction ; les espèces botaniques, isolées ou groupées en stations et forêts, sont victimes de funestes innovations, qui, sous le très louable couvert de progrès industriels, nous ravissent l’aide salutaire de l’arbre, ou gâtent l’harmonie de nos sites les plus pittoresques, de nos plus magnifiques paysages, détruisant parfois d’admirables témoins des temps géologiques.
33 Tous les amis, tous les défenseurs de la nature doivent se grouper pour élever la voix, rédiger des protestations efficaces et exercer une action protectrice qui sauvegarde pour l’avenir notre patrimoine naturel. »
34 La destruction d’espèces animales et végétales, de milieux naturels, de paysages, de sites géologiques, en conséquence d’un développement économique imprévoyant, fut stigmatisée tout au long des séances. Pour autant, l’esprit du congrès était de chercher à concilier la sauvegarde de la nature avec « les transformations économiques qui s’imposent », en empêchant « les égoïsmes individuels et collectifs de dilapider un patrimoine de beauté qui appartient à tous », en dénonçant et enrayant « la destruction désastreuse, même au simple point de vue pratique, d’incalculables richesses dont l’exploitation prudente devrait assurer la perpétuité », pour reprendre les termes employés par Louis Mangin dans son discours.
35 Cet état d’esprit a marqué le long cheminement du mouvement international pour la protection de la nature, qui a pu enfin s’organiser en 1948, avec la création de l’Union internationale pour la protection de la nature (UIPN) [43]. Le premier but de l’Union, en effet, était de favoriser toute action nationale et internationale relative à « la sauvegarde dans toutes les parties du monde de la vie sauvage et de son milieu naturel, sols, eaux, forêts, y compris les réserves et les zones de protection, les objets, animaux et plantes qui présentent un intérêt scientifique, historique ou esthétique ; cette action pourra notamment s’exercer par des mesures législatives créant des parcs nationaux, instituant des réserves et des monuments naturels, des refuges pour la vie sauvage, et s’attachant spécialement à protéger de l’extinction les espèces menacées » [44].
36 Cet objectif est à mettre en perspective avec le préambule de la constitution de l’Union, pour comprendre comment les fondateurs posaient la problématique du devenir de la nature au sortir de la Seconde Guerre mondiale : « L’appauvrissement progressif des ressources naturelles entraîne déjà un abaissement des conditions de vie de l’humanité. Leur renouvellement ne pouvant pas suivre la cadence des destructions, le moment est venu de convaincre l’homme de l’étroite dépendance dans laquelle il se trouve à leur égard. Si l’on veut arrêter cette évolution redoutable, il faut que l’homme se pénètre de la nécessité de protéger et même de régénérer ces ressources et de ne les consommer qu’avec ménagement, de manière à garantir la prospérité du monde et sa paix future. »
37 La notion de ressources naturelles, présente sous d’autres termes dans le propos de Louis Mangin, était devenue centrale. On ne craignait plus seulement la destruction d’espèces végétales et animales, il ne s’agissait plus seulement de la dégradation du patrimoine naturel évoqué par Raoul de Clermont, du patrimoine de beauté dont parlait Louis Mangin : il était aussi question de la perte de ressources indispensables à l’homme, à la prospérité du monde, à la paix.
38 L’UICN a bien sûr à son actif un grand nombre d’actions en faveur de la protection de la nature [45]. Pourtant, l’un de ses plus grands présidents, le professeur Roger Heim, qui fut, comme Louis Mangin, directeur du Muséum, exprimait au début des années 1970 un extrême pessimisme : L’Angoisse de l’an 2000. Quand la nature aura passé, l’homme la suivra, tel fut le titre qu’il donna à un recueil de ses nombreux textes sur la protection de la nature, publié en 1973 [46]. Dans sa postface, il écrivait : « La destruction des bocages et des sylves, des espèces animales et végétales, dont beaucoup sont encore inconnues à la surface de la planète, tout ce massacre dont nous venons de parler frustre la science d’objectifs à tout jamais évanouis dans le silence du néant avec les possibilités et les applications qui auraient pu naître de leur composition chimique, de leur comportement, leur physiologie, leur structure. Cette extermination sévit d’autre part, à l’opposé en quelque sorte, sur les populations primitives et anciennes dont les langages et les vertus seront bientôt totalement, pour toujours, perdus. Ce n’est plus la loi de la chiquenaude qui traduit de tels événements, c’est celle de l’irréversibilité. »
39 On retrouve ici l’inquiétude régnant au congrès de 1923, ce texte exprimant toutefois plus explicitement ce que pourrait apporter la connaissance des espèces vivantes. En outre, mais avec un vocabulaire daté (les « populations primitives »), Roger Heim innovait en rapprochant la conservation de la nature de la conservation de ce que l’on appelle aujourd’hui la diversité culturelle. Mais, à l’évidence, il craignait que le combat pour la protection de la nature ne soit perdu. Il était particulièrement sévère pour l’aveuglement des gouvernements, comme le montre cet autre passage de sa postface : « Un autre aspect de ces énormes questions est également soulevé dans cet ouvrage. C’est celui dont bien des gouvernements ne parlent pas, qu’ils ignorent ou qu’ils méprisent, et pourtant il est inséparable du progrès alors que la civilisation de masse, dont l’évolution régressive nous submerge, l’oublie malgré les apparences. Notre siècle est paradoxalement celui de l’ignorance, j’entends qu’il est à la fois celui de la technique aveugle et d’un irrationnel souvent primaire et incohérent que déchaîne un scientisme outré et inhumain. Ajoutons que cette civilisation est celle que créent la satiété des commodités et la lassitude de l’effort. » [47]
40 Le profond pessimisme de Roger Heim était nourri non seulement par les multiples constats qu’il fit un peu partout dans le monde, mais aussi par sa vision négative du monde politique et de la société de consommation issue des Trente Glorieuses. C’est cependant à la fin des années 1960 que la communauté internationale commença véritablement à se saisir du devenir de la nature dans une perspective politique, avec la Conférence de la biosphère organisée en 1968 par l’Unesco avec l’appui de l’UICN [48], puis au début des années 1970, avec la tenue à Stockholm de la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain.
41 À la suite de celle-ci, l’UICN élabora, en partenariat avec l’Unesco et d’autres organismes internationaux, la Stratégie mondiale de la conservation. Publiée en 1980 [49], cette stratégie peut être considérée comme l’acte de naissance formel du développement durable, concept en réalité longuement mûri dans le contexte du mouvement international pour la protection de la nature [50].
42 L’élaboration de la stratégie avait été difficile, car il y eut confrontation de deux visions, celle des protecteurs de la nature, toujours nombreux au sein de l’UICN, et celle des promoteurs du développement. Au final, la stratégie a une connotation fortement utilitariste, que souligne son titre, qui subordonne la conservation au développement. Cette orientation est évidente dans la section consacrée à la préservation de la diversité génétique, ainsi introduite : « La préservation de la diversité génétique est un gage d’avenir et un investissement nécessaire pour maintenir et améliorer la production agricole, forestière, halieutique, pour garder des options ouvertes pour l’avenir, et pour parer aux changements défavorables qui surviennent dans l’environnement. Elle est la matière première de l’innovation scientifique et industrielle, mais aussi un principe moral. » [51] On peut comprendre que les protecteurs de la nature sauvage n’y trouvaient pas leur compte.
43 L’invention de la biodiversité arriva à point nommé pour relancer la dynamique internationale de la conservation de la nature. Dès 1989, le World Resources Institute (WRI) publiait Keeping Options Alive : The Scientific Basis for Conserving Biodiversity ; suivit, en 1990, Conserving the World’s Biological Diversity, ouvrage élaboré par l’UICN avec plusieurs partenaires [52]. Auparavant, en novembre 1988, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) avait mis en place un groupe de travail qui souligna la nécessité de disposer d’un traité global sur la conservation de la biodiversité. Or, en 1982, à Bali, lors de la troisième Conférence mondiale sur les parcs nationaux, organisée par l’UICN, Cyrille de Klemm, juriste français spécialiste du droit de l’environnement, avait lancé l’idée d’une convention globale portant sur tous les habitats naturels du monde [53]. C’était là, en réalité, une réactivation de l’un des buts initiaux de l’UIPN : « La préparation de projets d’accords internationaux et d’une convention mondiale pour la “protection de la nature”. » [54] De 1984 à 1989, l’UICN, avec sa commission du droit de l’environnement, dont Cyrille de Klemm était membre, travailla à des projets de texte, qui se concentrèrent sur l’action globale à mener pour la conservation de la diversité aux niveaux génétique, spécifique et écosystémique [55]. La préparation officielle de la future convention sur la diversité biologique fut menée bon train, et l’UICN y contribua activement. Enfin, en 1992, peu avant le sommet de Rio, le WRI, l’UICN et le Pnue publiaient Global Biodiversity Strategy, un guide conçu pour aider à la mise en œuvre de la convention.
44 Ainsi, en s’appropriant le concept de biodiversité, l’UICN retrouvait un nouveau souffle, et peut-être une légitimité érodée dans les milieux naturalistes inquiets de la voir se préoccuper davantage de développement que de conservation. Comme l’écrivit Martin Holgate en 1999 : « Biodiversity conservation is now a major component of IUCN’s endeavour, spearheaded by the chief scientist, Jeffrey McNeely. Its renewed emphasis marks something of a return by IUCN to its original intellectual heartland. » [56]
45 Cette remise à l’ordre du jour, sous couvert de conservation de la biodiversité, des objectifs fondamentaux de la protection de la nature, était par exemple explicite, dès 1992, dans la directive européenne 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Son but affiché était en effet de « favoriser le maintien de la biodiversité ». De fait, considérant que, sur le territoire des États membres, les habitats naturels ne cessaient de se dégrader et qu’un nombre croissant d’espèces sauvages étaient gravement menacées, la directive était en parfaite syntonie avec le but que se donnait l’UIPN en 1948. Aucun changement sur le fond, donc, mais l’Union européenne adoptait un terme qui allait désormais s’imposer dans les milieux politiques.
46 Néanmoins, la CDB est autant tournée, sinon plus, vers les conditions d’exploitation des composantes de la diversité biologique que vers leur conservation, si bien qu’elle n’a pas suffi à rassurer nombre de protecteurs de la nature. Ainsi, en 1999, dans Le Grand Massacre, tout en reconnaissant quelques vertus à la CDB, François Ramade écrivait : « Jamais dans sa longue histoire – et au moment même où elle entre dans le XXIe siècle – l’espèce humaine n’a exercé un effet aussi dévastateur sur la nature.[…]. Les conséquences majeures, en termes écologiques, de ces diverses actions négatives de notre espèce tiennent en la destruction des divers habitats terrestres ou aquatiques et (ou) en l’extermination des nombreuses espèces de plantes et d’animaux qui y vivent. Il en résulte une disparition accélérée de la flore et de la faune continentales et marines dont les divers composants constituent ce que l’on désigne de nos jours sous le terme général de biodiversité. »
47 Et François Ramade de conclure : « L’action de l’homme moderne sur la biosphère se traduit pour l’instant, de toute évidence, par un génocide sans précédent des espèces vivantes qui la peuplent, dont le résultat ultime est de remplacer la variété par l’uniformité, la diversité par la dominance, la richesse spécifique par la rareté. […]. Il y a fort à craindre que la disparition de la diversité biologique, prévisible au rythme des destructions actuelles pour la fin du prochain siècle, ne serait que le prodrome du destin ultime mais hélas ! prématuré de notre propre espèce : celui des dinosaures… » [57]
48 L’invention de la biodiversité a donc fourni aux protecteurs de la nature un moyen de « moderniser » leur discours. Mais a-t-elle permis que les hommes arrêtent enfin de dilapider ce patrimoine de beauté qui appartient à tous, selon le vœu de Louis Mangin ? Il est loisible d’en douter.
Les hommes à l’heure de la biodiversité
49 Dans un registre millénariste, Roger Heim avait évoqué « l’angoisse de l’an 2000 ». Il faudrait mieux parler aujourd’hui de « l’angoisse du XXIe siècle », qui associe les inquiétudes provoquées d’un côté par l’évolution du climat, de l’autre par « l’érosion de la biodiversité ». Stavros Dimas, le commissaire européen chargé de l’Environnement, par exemple, écrivait en 2008 : « La disparition de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique sont les deux défis majeurs qui se posent à l’humanité. Ils comportent, l’un comme l’autre, des effets potentiels dévastateurs sur notre environnement, santé et prospérité. » [58] Certes, beaucoup d’humains ont d’autres raisons, plus immédiates, d’être angoissés. Certes, beaucoup d’autres croient avoir de bonnes raisons de ne pas l’être. Mais cette angoisse est officielle : elle justifie les engagements politiques internationaux pris à Johannesburg en 2002 et renouvelés, insuccès oblige, en 2010 à Nagoya, pour la période 2011-2020.
50 De même que Noé, informé du déluge proche, se hâta de rassembler dans l’Arche un échantillon complet de la faune (il semble avoir oublié la flore), la peur de voir la biodiversité s’effondrer presse les naturalistes d’engranger, dans les muséums, des représentants de toutes les espèces, numérotés en attendant d’être nommés. Combien donc peuvent-elles être, ces espèces qui survivent encore ? En 1993, Michel Chauvet et Louis Olivier écrivaient que des scientifiques avançaient des nombres se situant entre 5 et 30, voire 80, voire 100 millions [59]. Autant dire que les savants ne savaient pas. Rien n’a changé depuis. Gilles Bœuf, le président du Muséum national d’histoire naturelle, citant une référence de 2011 proposant 8 à 10 millions d’espèces, pense que c’est une sous-estimation, car il faut tenir compte de la diversité des micro-organismes marins et continentaux, certainement bien plus grande qu’on ne l’imagine, au vu de quelques tests préliminaires [60]. Mais alors, peut-on alarmer les humains sur les risques que leur ferait encourir la régression d’une biodiversité dont on ignore l’immense majorité des composantes, la biologie et les rôles écologiques de la plupart des espèces que l’on a nommées étant en outre inconnus ? En 2010, lors d’une table ronde à laquelle je participais, le président en exercice de l’UICN, citant comme source l’ONU, indiqua que le taux d’extinction des espèces était mille fois supérieur « à la normale » [61] ? Peut-on vraiment croire ceux qui répètent les estimations produites par tel ou tel scientifique au terme de calculs et d’extrapolations acrobatiques ?
51 La notion de perte de biodiversité, certes concrète quand il faut inscrire une espèce de plus sur le monument aux espèces disparues, devient incertaine si l’on veut en évaluer l’ampleur et le rythme en prenant l’espèce pour unité de compte. Heureusement – si j’ose dire – un autre concept a été inventé pour alarmer plus efficacement le monde politique et les citoyens de la planète. À la suite d’une commande du secrétaire général de l’ONU, plus de 1300 scientifiques ont dressé en 2005 un état des lieux des écosystèmes de la planète, visant à évaluer dans quelle mesure ils contribuent au bien-être humain [62]. À cette occasion, un « nouveau » [63] concept, « les services écosystémiques », a été mis en avant. Ce concept, pas plus que celui de biodiversité, n’a de définition simple. Il découle évidemment d’un regard anthropocentré sur les systèmes écologiques, considérés sous l’angle des productions et aménités qu’ils fournissent aux humains, depuis la nourriture jusqu’à l’élévation spirituelle, en passant, entre autres, par la régulation du cycle de l’eau, par l’écotourisme ou par l’exploitation des cétacés sous prétexte d’études scientifiques, sans oublier les hallucinations provoquées par l’ayahuasca, breuvage traditionnel tiré d’une plante amazonienne déclarée patrimoine national du Pérou. Selon les experts, 60 % des écosystèmes ne rendraient plus leurs services de façon satisfaisante : à l’angoisse de la perte de biodiversité s’est ainsi ajoutée – ou substituée ? – une angoisse nouvelle. Évidemment, les deux se renforcent, dans la mesure où l’on fait l’hypothèse que les services écosystémiques seraient d’autant mieux rendus que la biodiversité serait préservée, tandis que celle-ci serait d’autant mieux maintenue que les écosystèmes fonctionneraient bien.
52 Même ceux que la disparition des espèces rares inquiète peuvent trouver leur compte dans le concept de services écosystémiques. On sait en effet depuis longtemps que la conservation des espèces passe par la protection de leurs habitats. Autrement dit, le maintien des espèces rares est un service rendu par le bon fonctionnement des écosystèmes. C’est là qu’intervient un autre concept, celui de « biodiversité ordinaire », en gros les espèces banales et abondantes qui assurent l’essentiel du fonctionnement des écosystèmes [64].
53 Dans ce contexte terminologique, la protection de la nature se pose ainsi : comment maintenir la biodiversité ordinaire, à toutes les échelles, du bout de jardin urbain jusqu’au jardin planétaire, de sorte que les services écosystémiques soient toujours rendus à la satisfaction de tous ? En 1949, constatant que les arguments esthétiques et moraux en faveur de la protection de la nature avaient failli, le premier secrétaire général de l’UIPN avait appelé de ses vœux « un ensemble d’arguments à caractère antropocentriquement utilitaire » pour convaincre les masses [65]. Quelques décennies plus tard, le concept de « services écosystémiques » vient-il satisfaire ce souhait ? À première vue, il a un avantage certain : en faisant entrer par son biais les espèces et les milieux naturels dans les raisonnements économiques, il sera plus facile, pensent certains, de convaincre les sphères économico-politiques de l’intérêt de la conservation de la nature. Mais est-ce faisable ? C’est toute la question, éminemment complexe, de l’évaluation économique des services rendus par les écosystèmes et, au-delà, de l’évaluation des composantes de la biodiversité par le jeu desquelles les ser vices sont produits [66]. Des travaux ont été menés dans ce but à l’échelle planétaire, sous la direction de l’économiste Pavan Sukhdev. Dans le même esprit, en France, le Premier ministre demanda en 2008 à un groupe de travail : 1) de faire le point sur les connaissances scientifiques relatives à la monétarisation des services rendus par les écosystèmes et à la valeur de la biodiversité ; 2) d’établir de premières valeurs de référence pour la prise en compte de la biodiversité, pouvant être utilisées notamment dans les études socio-économiques relatives aux projets d’infrastructures ; 3) plus largement, de fournir des éléments d’évaluation objective qui permettraient de mieux prendre en compte la valeur de la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes [67].
54 Selon l’économiste Jean-Michel Salles, vice-président du groupe, il n’était pas question de donner une valeur marchande à la biodiversité « dans l’idée de la vendre à qui que ce soit », mais d’estimer sa valeur économique, définie comme « sa capacité à contribuer au bien-être des gens parce qu’elle est utile et rare ». En particulier dans le cas de projets d’infrastructures, il faudrait pouvoir comparer différentes options, n’ayant pas les mêmes conséquences sur la biodiversité, pour éclairer les décisions publiques. Il était pour cela nécessaire de tout ramener à une même unité, en utilisant une évaluation monétaire [68].
55 Le groupe commença par reconnaître que la biodiversité « remarquable » (essentiellement les espèces et les habitats rares, en danger, bénéficiant ou non d’une protection juridique) est inestimable. Il concentra donc ses efforts sur la biodiversité « générale » (terme préféré à « ordinaire »), mais sans pouvoir la détailler par espèces. Deux postulats furent avancés pour surmonter cette difficulté : 1) la biodiversité générale assure les services que les écosystèmes rendent à la société ; 2) les espèces ordinaires sont substituables, du fait qu’il en existe généralement plusieurs pouvant jouer le même rôle dans le fonctionnement d’un écosystème ; inutile, donc, d’inventorier et de caractériser les espèces composant la biodiversité générale, du moment que les services sont rendus de façon satisfaisante. Le tour était joué : on estimerait directement la valeur de ces services, en prenant pour acquise la redondance fonctionnelle des espèces composant la biodiversité ordinaire. Mais peut-on faire croire que la monétarisation de la biodiversité permettra de discuter d’égal à égal avec les représentants de l’industrie, des travaux publics, de l’agriculture ? Ce type de démarche est-il susceptible d’éroder l’angoisse du XXIe siècle ?
La biodiversité, imposture ou invitation à habiter autrement la Terre ?
56 L’écologue et philosophe Julien Delord n’a pas hésité. « La biodiversité : imposture scientifique ou ruse épistémologique ? », tel est le titre de sa contribution à l’ouvrage qu’il a dirigé avec Elena Casetta [69]. Le constat est simple : à toutes les échelles, les politiques de conservation de la biodiversité ont échoué, tandis que la biodiversité est le sujet apparent de milliers de publications chaque année. Faudrait-il en conclure, s’interrogent alors Elena Casetta et Julien Delord, que la biodiversité est « une sorte de fiction (pour ne pas dire imposture) créée par les scientifiques pour attirer l’attention et les financements sur une discipline ? » [70].
57 C’est le sentiment que l’on peut avoir en lisant ce qu’écrivait le scientifique Michel Loreau dans la préface des actes de la conférence internationale Biodiversité, science et gouvernance : « La conférence de Paris a été un franc succès. Un dialogue réel s’y est noué entre scientifiques, politiques et grand public. Des pistes nouvelles de gouvernance de la biodiversité y ont été explorées. La science de la biodiversité s’y est affirmée comme une science à part entière, possédant un programme de recherche passionnant et ambitieux. Dans la déclaration de Paris sur la biodiversité, la communauté scientifique a lancé “un appel urgent aux gouvernements, aux décideurs politiques et aux citoyens pour que soient prises les actions nécessaires pour soutenir le développement des connaissances scientifiques ainsi que la conservation et l’utilisation durable et équitable de la biodiversité” » [71]. Cela se passe de commentaire, sauf à dire qu’ici la biodiversité ne semble bien n’être qu’un leurre agité par des scientifiques mendiants, espérant attirer l’attention du monde politique, sans omettre d’user du langage politiquement correct imposé par la CDB (« l’utilisation durable et équitable… »).
58 Revenons à un constat basique : le monde vivant est diversifié. En 1749, dans son premier discours, « De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle », évoquant la « multitude prodigieuse » des objets naturels, Buffon écrivait : « Il y a une espèce de force de génie et de courage d’esprit à pouvoir envisager, sans s’étonner, la nature dans la multitude innombrable de ses productions, et à se croire capable de les comprendre et de les comparer ; il y a une espèce de goût à les aimer, plus grand que le goût qui n’a pour but que des objets particuliers ; et l’on peut dire que l’amour de l’étude de la nature suppose dans l’esprit deux qualités qui paraissent opposées, les grandes vues d’un génie ardent qui embrasse tout d’un coup d’œil, et les petites attentions d’un instinct laborieux qui ne s’attache qu’à un seul point. » [72] D’emblée, Buffon posait les termes du défi, toujours actuel, que constitue l’étude de la diversité du monde vivant : en faire l’inventaire, en construire une compréhension globale. Passionnant et ambitieux programme, en vérité.
59 Diversité, donc différences. Constat essentiel, qu’envoie hélas aux oubliettes la triste erreur commise lorsque l’on écrit l’équation : « biodiversité = le tissu vivant de la planète » (lequel, il y a bien plus de 3 milliards d’années, existait déjà sans être aussi diversifié qu’aujourd’hui). Revenons plus de soixante ans en arrière, à Fontainebleau. Le 30 septembre 1948, Julian Huxley, directeur général de l’Unesco, ouvrait la conférence fondatrice de l’UIPN. Il évoqua la fascination des humains pour les autres formes de vie dans des termes d’une grande force : « All these other manifestations of life which, though all products of the same process of evolution, yet are something in their own rights, are alien from us, give us new ideas of possibilities of life, can never be replaced if lost, nor substituted by products of human endeavor. » [73] Magnifique propos, qui laisse entendre que si toutes les formes de vie nous sont autres, elles nous sont en même temps proches, en tant que fruits de l’unique processus évolutif dont nous sommes nous-mêmes issus. Propos qui pourrait permettre de refonder l’idée de biodiversité.
60 Dire « biodiversité », n’est-ce pas affirmer que le tissu vivant de la planète est fait d’aliens, dont les humains ? N’est-ce pas ancrer l’égale valeur d’existence de tous dans leur commune origine, dans l’unique histoire dont ils constituent en ce moment la fragile surface ? N’est-ce pas admettre humblement que cette histoire ne peut se réécrire, si puissants que deviennent nos moyens manipulatoires ?
61 Le même Julian Huxley, une dizaine d’années plus tard, affirmait que, désormais, l’humanité est responsable de l’évolution [74]. De fait, grâce à la puissance de nos moyens, nous sommes responsables de la suite de cette unique histoire, du devenir de cette arche remplie d’aliens dont les ADN racontent à la fois l’absolue parenté et l’extraordinaire diversification. Souvenons-nous. Darwin ouvrit un champ totalement nouveau en écrivant : « Nul ne peut supposer que tous les individus de la même espèce soient coulés dans un même moule. Ces différences individuelles ont pour nous la plus haute importance, car, comme chacun a pu le remarquer, elles se transmettent souvent par hérédité ; en outre, elles fournissent aussi des matériaux sur lesquels peut agir la sélection naturelle. » [75] Il y avait là, en quelques mots simples, ce qui permettra la construction, encore inachevée, d’une compréhension globale de la diversification du vivant. L’adaptation à un environnement changeant est rendue possible par l’existence de « collectifs diversifiés » : tel est le paradigme darwinien dans le cadre duquel il faut poser la question de la diminution de la diversité des systèmes vivants.
62 La Terre change, elle n’a cessé de changer, les humains sont aujourd’hui les moteurs biologiques d’un bouleversement inédit [76]. Des aliens, membres de notre parentèle, sont en train de disparaître, de notre fait. Il est des humains qui, reconnaissant que ces autres vivants « are something of their own rights », luttent pour défendre leur existence [77]. C’est là une démarche altruiste. Encore que. Chez beaucoup de naturalistes, l’affirmation de la valeur d’existence des espèces animales et végétales, même sincère, n’est pas indépendante d’un intérêt personnel pour certaines espèces plus que d’autres : intérêt scientifique, intérêt esthétique, assez souvent associé à une démarche de « collectionneur », qu’il s’agisse d’engranger des observations sur un carnet ou de mettre des spécimens « en boîte » [78]. L’altruisme n’est donc pas nécessairement désintéressé. Quand des naturalistes plaident pour « une nature en libre évolution », qui seule peut « sauvegarder des espèces “ingérables” […] qui ne se développent jamais mieux que lorsque l’homme n’agit pas sur leur habitat », ils semblent faire preuve d’un parfait altruisme. Mais les mêmes écrivant quelques lignes plus loin : « Cette nature en libre évolution est source d’émotions et de valeur spirituelle » dévoile une conception anthropocentrée de leur rapport à la nature ! [79]
63 Considérons alors la métaphore du tissu vivant de la planète. Elle est inspirée par la compréhension du monde vivant que l’écologie a peu à peu bâtie : la biosphère est un ensemble interactif, un réseau d’interactions ou, mieux, de transactions, au sens de Dewey [80]. Les humains ne peuvent donc espérer un mieux-être qu’en prenant soin de ce vaste système écologique dans lequel ils sont physiquement, chimiquement, biologiquement immergés [81]. Ils ne peuvent espérer exister durablement sur la Terre que si perdure une biosphère leur prodiguant nourriture, matériaux, molécules, aliens fascinants, émotions et valeur spirituelle. Préserver la diversité de la biosphère, à tous ses niveaux d’organisation, c’est se donner pour norme, selon le paradigme darwinien, le maintien du potentiel évolutif des systèmes écologiques.
64 Les aliens sont nos alliés, au sens phylogénétique du terme. Ils sont aussi nos alliés, écologiquement parlant, comme acteurs des processus écologiques dont nous dépendons. Et ils sont nos alliés en tant que participants de la trajectoire évolutive qui chaque jour ébauche notre futur. L’attitude la plus réfléchie que nous puissions avoir à leur égard, et à l’égard des systèmes écologiques qu’ils composent d’un pôle à l’autre, c’est donc un altruisme égoïste. Nous préoccuper avec générosité de l’avenir de tous les vivants, c’est en réalité s’assurer au mieux de l’avenir de l’humanité.
65 Peu importe alors que la « biodiversité » soit une coquille vide débordant de définitions, floues, incomplètes, contradictoires. Peu importe qu’elle ait été indûment hypostasiée en lieu et place de la nature. « Finalement, ne serait-il pas temps que la biodiversité soit conçue, non comme une catégorie cognitive statique, mais comme un permanent processus exploratoire, combinatoire, pluridi-mensionnel ? Voire comme une dynamique heuristique, tel un processus de variation-sélection (ou plutôt de diversification-sélection) autour de ses propres sous-concepts, scientifiques ou sociaux ? » [82] Elena Casetta et Julien Delord, avec ces interrogations, ouvrent une stimulante perspective : le mot « biodiversité » ne serait plus un vulgaire mot de passe, ni un étendard que l’on afficherait hypocritement tout en continuant le grand massacre, mais un « méta-concept passeur », passeur, d’un humain à l’autre, d’une démarche où chacun participerait à l’invention d’une nouvelle façon d’habiter la Terre avec la multitude prodigieuse de nos compagnons d’évolution, ces aliens qui par millions nous sont encore inconnus mais qui, dans la discrétion des réseaux trophiques, tissent opiniâtrement la vie.
Notes
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[1]
« Biodiversité, le monde bouge », dossier réalisé par F. Petitjean, CNRS, le journal, novembre 1995, n° 71, p. 11-22.
-
[2]
François Ramade, Le Grand Massacre : l’avenir des espèces vivantes, Hachette, Paris, 1999.
-
[3]
Edward O. Wilson & Francis M. Peter (Eds.), Biodiversity, National Academic Press, Washington, D.C., 1988.
-
[4]
Voir notamment l’ouvrage Conserving the World’s Biological Diversity, de Jeffrey A. McNeely, Kenton R. Miller, Walter V. Reid, Russel A. Mittermeier et Timothy B. Werner, publié en 1990 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en partenariat avec The World Bank, le World Resources Institute (WRI), Conservation International et le World Wildlife Fund (US). On y voit apparaître, de-ci de-là, le mot « biodiversity ». Dès 1989, le WRI, sous les signatures de Walter V. Reid et Kenton R. Miller, avait publié un document utilisant d’emblée le néologisme dans son titre Keeping Options Alive : The Scientific Basis for Conserving Biodiversity.
-
[5]
Un exemple parmi bien d’autres : en 1989, l’assemblée des professeurs du Muséum national d’histoire naturelle avait chargé deux d’entre eux (Patrick Blandin et Jean-Claude Lefeuvre) de faire le point sur la prise en compte de la biodiversité dans les divers champs d’action de l’établissement, au premier rang desquels la recherche. En même temps, la notion était intégrée dans le synopsis en cours d’élaboration de la grande galerie de l’Évolution.
-
[6]
Sommet de Göteborg, juin 2001.
-
[7]
Intervention à la séance inaugurale de la Semaine verte 2006, citée dans L’Environnement pour les Européens, magazine de la direction générale de l’environnement de la Commission européenne, septembre 2006, supplément au n° 25, p. 2.
-
[8]
Les « objectifs d’Aichi », au nombre de 20, constituent le Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020. Se situant dans une vision à l’horizon 2050, ils tendent à ce que les humains vivent en harmonie avec la nature. Dans cette perspective, « la diversité biologique est valorisée, conservée et utilisée avec sagesse, en assurant le maintien des services fournis par les écosystèmes, en maintenant la planète en bonne santé et en procurant des avantages essentiels à tous les peuples ».
-
[9]
Cet instrument a été officiellement créé le 21 avril 2012.
-
[10]
Michel Chauvet et Louis Olivier, La Biodiversité, enjeu planétaire. Préserver notre patrimoine génétique, Sang de la terre, Paris, 1993.
-
[11]
Jacques Blondel, Biogéographie. Approche écologique et évolutive, Masson, Paris, 1995, p. 225.
-
[12]
Voir par exemple plusieurs chapitres de l’ouvrage La Biodiversité en question. Enjeux philosophiques, éthiques et scientifiques, publié sous la direction d’Elena Casetta et de Julien Delord, Éditions Matériologiques, Paris, 2014.
-
[13]
www.developpement-durable.gouv.fr, consulté le 14 juin 2014.
-
[14]
Jeffrey McNeely et al., 1990, op. cit., p. 17.
-
[15]
Pour certaines citations, la langue originale a été conservée. Dans d’autres cas, il a paru préférable de donner des traductions aussi littérales que possible.
-
[16]
U.S. Congress, Office of Technology Assessment, 1987. « Technologies to Maintain Biological Diversity », OTA-F-330. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, March 1987, p. 3.
-
[17]
Michel Loreau, « Enjeux de la science et de la gouvernance de la biodiversité », in Robert Barbault (dir.) et Jean-Patrick Le Duc (coor.), actes de la conférence internationale Biodiversité, science et gouvernance, Paris, 24 au 28 janvier 2005. Muséum national d’histoire naturelle au nom des membres de l’Institut français de la biodiversité, Paris, p. 53.
-
[18]
L’Environnement pour les Européens, septembre 2006, supplément au n° 25, publié à l’occasion de la Semaine verte 2006.
-
[19]
CNRS, le journal, novembre 1995, n° 71, p. 13.
-
[20]
Christian Lévêque, « Sous le nom de biodiversité », in Sciences au Sud, le journal de l’IRD, 2010, n° 54, p. 16. Christian Lévêque avait publié dès 1997 un « Que sais-je ? » consacré à la biodiversité.
-
[21]
IUBS : International Union of Biological Sciences. Scope : Scientific Committee on Problems of the Environnement, organisme dépendant de l’International Council of Scientific Unions (ICSU).
-
[22]
Francesco di Castri et Talal Younès (eds.), « Ecosystem function of biological diversity », Biology International, 1990, special issue 22.
-
[23]
Otto T. Solbrig (ed.), « From genes to ecosystems : a research agenda for biodiversity », International Union of Biological Sciences, Paris, 1991.
-
[24]
Sources Unesco, juillet-août 1994, n° 60.
-
[25]
Francesco di Castri et Talal Younès, « Biodiversity, the emergence of a new scientific field – Its perspectives and constraints », in Biodiversity, Science and Development, towards a New Partnership, Cab International, IUBS, Paris, 1996.
-
[26]
Patrick Blandin, « La diversité du vivant avant (et après) la biodiversité : repères historiques et épistémologiques », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 31-68.
-
[27]
Frédéric Gosselin, « Diversité du vivant et crise d’extinction : des ambiguïtés persistantes », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 119-127.
-
[28]
Eugene P. Odum, Fundamentals of Ecology, W. B. Saunders CO., Philadelphia, 1953. Robert H. MacArthur, « Fluctuations of animal populations and a measure of community stability », Ecology, 1955, vol. 36, p. 533-536.
-
[29]
Daniel Goodman, « The theory of diversity-stability relationships in ecology », The Quaterly Review of Biology, 1975, vol. 50, p. 237-266.
-
[30]
Volker Grimm et Christian Wissel, Oecologia, 1997, vol. 109, p. 323-334.
-
[31]
Kevin Shear McCann, « The diversity-stability debate », Nature, 2000, vol. 405, p. 228-233.
-
[32]
D. U. Hooper, F. S. Chapin, III, J.-J. Ewel, A. Hector, P. Inchausti, S. Lavorel, J. H. Lawton, D. M. Lodge, M. Loreau, S. Naeem, B. Schmid, H. Setälä, A. J. Symstad, J. Vandermer & D. A. Wardle, « Effects of biodiversity on ecosystem functioning : a consensus of current knowledge », Ecological Monographs, 2005, vol. 75, p. 3-35.
-
[33]
Les concepts de « type fonctionnel » et de « diversité fonctionnelle » sont venus enrichir la liste des notions engrangées dans la valise de la biodiversité. En arrière-plan, il y a l’idée que plusieurs espèces remplissant une même fonction appartiennent à un même type fonctionnel, par exemple les petits animaux consommateurs des feuilles mortes dans la litière d’une forêt, et celle qu’un écosystème est d’autant plus complexe qu’il comprend des espèces appartenant à une plus grande diversité de types fonctionnels.
-
[34]
K. S. McCann, « The diversity-stability debate », 2000, op. cit.
-
[35]
P. Blandin, R. Barbault et C. Lecordier, « Réflexions sur la notion d’écosystème : le concept de stratégie cénotique », Bulletin d’écologie, 1977 [1976], t. 7, p. 391-410. Voir aussi : Patrick Blandin, « Évolution des écosystèmes et stratégies cénotiques », in Robert Barbault, Patrick Blandin et Jean-Acady Meyer (dir.), Recherches d’écologie théorique. Les stratégies adaptatives, Maloine, Paris, 1980, p. 221-235.
-
[36]
George Evelyn Hutchinson, « Homage to Santa Rosalia or Why are there so many kinds of animals ? », American Naturalist, 1959, n° 93, p. 145-158.
-
[37]
Arthur G. Tansley, « The use and abuse of vegetational concepts and terms », Ecology, 1935, vol. 16, p. 284-307. Traduction de Jean-Marc Drouin dans sa thèse, La naissance du concept d’écosystème, université Paris-I, 1984.
-
[38]
Denis Couvet et Jean-Christophe Vandevelde, « Biodiversité ordinaire : des enjeux écologiques au consensus social », Elena Casetta et Julien Delord (dir.), 2014, op. cit., p. 183-208.
-
[39]
Francesco di Castri et Talal Younès, 1996, op. cit.
-
[40]
Voir Martin Holgate, The Green Web, a Union for World Conservation, Earthscan Publications Ltd, Londres, 1999. Martin Holgate a été directeur général de l’UICN de 1988 à 1994. Voir aussi Patrick Blandin, De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité, Éditions Quæ, Versailles, 2009, et Patrick Blandin, Biodiversité, l’avenir du vivant, Albin Michel, Paris, 2010.
-
[41]
Ce congrès fut organisé du 31 mai au 2 juin 1923 par la Société nationale d’acclimatation de France (aujourd’hui Société nationale de protection de la nature), la Ligue française pour la protection des oiseaux et la Société pour la protection des paysages de France.
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[42]
Cette citation et la suivante sont tirées des actes du congrès, datés de 1925 (mais imprimés en 1926), établis par le secrétariat du congrès composé de Raoul de Clermont, ingénieur agronome, avocat à la cour, Albert Chappellier, ingénieur agronome, Louis de Nussac, sous-bibliothécaire du Muséum, Fernand Le Cerf, préparateur au Muséum, et Charles Valois, archiviste-paléographe. Le congrès rassemblait non seulement des scientifiques, mais aussi une belle diversité de représentants de la société civile : négociants, hommes de lettres, industriels, journalistes, élus…
-
[43]
L’UIPN fut créée à Fontainebleau le 5 octobre 1948, à l’invitation de l’Unesco et du gouvernement français. En 1956, le nom fut changé en Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN).
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[44]
Article 1 (buts) de la constitution de l’UIPN, point 2 a.
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[45]
Voir Martin Holgate, 1999, op. cit.
-
[46]
Roger Heim, L’Angoisse de l’an 2000. Quand la nature aura passé, l’homme la suivra, éditions de la Fondation Singer-Polignac, Paris, 1973, p. 395.
-
[47]
Roger Heim, op. cit., p. 394-395.
-
[48]
Il s’agissait d’une conférence intergouvernementale d’experts appartenant aux domaines de la science, de la gestion et de la diplomatie, consacrée à « l’utilisation rationnelle et la conservation des ressources de la biosphère ». Elle fut à l’origine du programme Man and Biosphere (MAB) de l’Unesco. « La Conférence de la biosphère vingt-cinq ans après », Unesco, Paris, 1993.
-
[49]
« Stratégie mondiale de la conservation. La conservation des ressources vivantes au service du développement durable », UICN, Pnue, WWF, UICN, Gland (Suisse), 1980.
-
[50]
Voir Donato Bergandi et Patrick Blandin, « De la protection de la nature au développement durable : genèse d’un oxymore éthique et politique », in Revue d’histoire des sciences, 2012, t. 65-1, p. 103-142.
-
[51]
Le texte explicite ensuite ce principe moral. Constatant que l’homme a le pouvoir de bouleverser la biosphère, la stratégie recommande d’agir avec prudence, une « obligation morale » vis-à-vis de nos descendants et des autres espèces. Mais l’utilitarisme ressurgit aussitôt : « Nous ne pouvons pas prévoir quelles espèces pourront demain nous être utiles. Bien au contraire, il se peut que nombre d’espèces dont on croit pouvoir se passer soient en puissance une source de substances importantes – pharmaceutiques, par exemple – ou qu’elles constituent des pièces maîtresses dans les systèmes entretenant la vie, dont nous dépendons. En conséquence, pour des raisons d’éthique autant que d’intérêt, nous ne devrions pas occasionner l’extinction d’espèces en connaissance de cause. » UICN, Pnue, WWF, 1980, op. cit., objectif n° 3.
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[52]
Cf. note 4.
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[53]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 170.
-
[54]
Article 1, point 2nd de la constitution de l’UIPN.
-
[55]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 213.
-
[56]
Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 215.
-
[57]
François Ramade, 1999, op. cit., p. 8 et p. 277.
-
[58]
Stavros Dimas, « Le plan d’action communautaire en faveur de la biodiversité. Enrayer la diminution de la biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà. » Office des publications officielles des communautés européennes, Luxembourg, 2008, p. 3.
-
[59]
Michet Chauvet et Louis Olivier, 1993, op. cit., p. 39.
-
[60]
Gilles Bœuf, La biodiversité, de l’océan à la cité, Librairie Arthème Fayard et Collège de France, Paris, 2014.
-
[61]
Table ronde « 2010 et après ? Quels objectifs pour quel programme d’action ? » présidée par Lucien Chabason, avec Ashok Koshla, président de l’UICN, Patrick Blandin, président d’honneur du comité français de l’UICN, et Corinne Lepage, députée européenne. Colloque « Biodiversité 2010, et après ? » organisé par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), le 16 février 2010.
-
[62]
www.millenniumassessment.org/fr/Synthesis.html (consulté le 21 juillet 2014).
-
[63]
L’idée de « services écosystémiques » était déjà présente, mais sans doute trop précocement, dans un propos de Julian Huxley tenu lors du symposium technique associé à la conférence fondatrice de l’UIPN. Il déclara en effet que « l’opinion est mûre pour admettre la constitution de “services écologiques officiels“destinés à asseoir définitivement sur des bases scientifiques les rapports, principalement économiques, qui ne cesseront d’exister entre l’homme et la nature ». UIPN, 1949. Documents préparatoires à la Conférence technique internationale pour la protection de la nature, août 1949, États-Unis. Unesco, Paris-Bruxelles, p. 26.
-
[64]
Voir notamment Denis Couvet et Jean-Christophe Vandevelde, 2014, op. cit. Bien entendu, le fonctionnement des écosystèmes n’est pas uniquement assuré par des espèces communes. Certaines espèces à faible abondance, fréquemment appelées « espèces clés de voûte », tels des prédateurs régulant des populations de proies, peuvent aussi remplir des fonctions majeures.
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[65]
Jean-Paul Harroy, Définition de la protection de la nature, UIPN, 1949, op. cit., p. 13.
-
[66]
Voir notamment Georges Ribière, « Valeurs de la biodiversité, prix de la nature », Vraiment durable, 2013 n° 4, p. 29-45.
-
[67]
Bernard Chevassus-au-Louis, Jean-Michel Salles et Jean-Luc Pujol, « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes – Contribution à la décision publique », Centre d’analyse stratégique, Premier ministre, la Documentation française, Paris, 2009.
-
[68]
Jean-Michel Salles, « Estimer la valeur de la nature », CNRS, le journal, 2010, n° 240-241, p. 30-31.
-
[69]
Julien Delord in Elena Casetta et Julien Delord, 2014, op. cit., p. 83-116.
-
[70]
Elena Casetta et Julien Delord, « Versatile biodiversité », in Elena Casetta et Julien Delord, op. cit., p. 250.
-
[71]
Michel Loreau, « Enjeux et résultats de la conférence de Paris », in Robert Barbault (dir.), Jean-Patrick Le Duc (coord.), 1999, op. cit., p. 7.
-
[72]
Buffon, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 2007.
-
[73]
Passage cité par Martin Holgate, 1999, op. cit., p. 32, d’après les notes manuscrites de Julian Huxley.
-
[74]
Julian Huxley, New Bottles for New Wine – Essays, Harper & Brothers Publishers, New York, 1957.
-
[75]
Charles Darwin, L’Origine des espèces. Traduction de l’édition anglaise définitive par Edmond Barbier, 1982, Jean de Bonnot, Paris.
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[76]
Je préfère parler du premier bouleversement planétaire plutôt que de banaliser la situation actuelle, anthropogène, dans la série des « crises de biodiversité » qui se sont succédé au cours des temps géologiques, du fait d’importants changements environnementaux. Voir Patrick Blandin, 2010, op. cit.
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[77]
L’argument de la valeur intrinsèque des êtres vivants est souvent utilisé. Il pose cependant bien des problèmes. Voir par exemple Georges Ribière, 2013, op. cit., p. 32-33.
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[78]
Voir Patrick Blandin, « Le papillon, de la nature à la boîte. Regard sur le collectionneur, ses motivations et ses pratiques », in Bernadette Lizet et Jacqueline Milliet (dir.), Animal certifié conforme. Déchiffrer nos relations avec le vivant, Dunod et Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 2012, p. 221-247.
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[79]
Jean-Claude Génot et Robert Barbault, « Quelle politique de conservation ? » in Robert Barbault et Bernard Chevassus-au-Louis (dir.), Anne Teyssèdre (coord.), Biodiversité et changements globaux. Enjeux de société et défis pour la recherche, Association pour la diffusion de la pensée française, ministère des Affaires étrangères, Paris, p. 170.
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[80]
Voir Patrick Blandin, « Towards EcoEvoEthics », in Donato Bergandi (ed.), The Structural Links between Ecology, Evolution and Ethics. The Virtuous Epistemic Circle, Springer, Dordrecht, p. 83-100.
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[81]
En 1991, l’UICN, le Pnue et le WWW ont publié Caring for the Earth : a Strategy for Sustainable Living, mettant en exergue l’idée de « care ».
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[82]
Elena Casetta et Julien Delord, 2014, op. cit., p. 253.