Couverture de VDUR_001

Article de revue

Une pensée, une culture, une civilisation

Édito 1

Pages 5 à 6

1 Si nous avons, de façon un peu provocante, donné à cette revue le titre de Vraiment durable c’est que nous croyons que la notion de développement durable, après un parcours local et international de plus de vingt ans, doit à la fois être sauvegardée et régénérée pour qu’elle puisse enfin exprimer son contenu civilisationnel.

2 Sauvegardée, car les auteurs du rapport Brundtland avaient bien identifié les facteurs déterminants d’un avenir viable pour l’humanité du XXIe siècle : la prospérité économique, le bien-être social et la protection de la biosphère. Nul n’a proposé depuis une meilleure communauté d’idéaux reliant l’exigence de liberté et de progrès humain apparue au XVIIIe siècle et les aspirations et conquêtes en matière de bien-être collectif du XIXe siècle avec la vigilance indispensable sur l’utilisation des ressources naturelles, dans un approfondissement éthique de la responsabilité de chacun et de tous.

3 Régénérée, car le concept de développement durable a connu, après des débuts timides, un engouement médiatique qui l’a transformé en slogan, instrumentalisé, voire détourné. Même si son utilité est incontestable en ce qu’il a permis de sensibiliser les dirigeants et la société civile au caractère précaire des choix faits en matière économique, il peut paraître aujourd’hui « usé » et devoir laisser la place à des notions plus adaptées dans la sphère économique, comme la responsabilité sociale et environnementale (RSE), même si celle-ci témoigne d’une moindre ambition pour l’avenir global de la planète.

4 Or, dans un monde où les idéologies ont disparu au profit d’une pensée hésitante, souvent unique, le développement durable nous semble un fil dont il faut tirer toutes les incarnations et les interprétations. Car derrière cette notion, se joue la conception que les différentes civilisations mondiales ont de la nature, du progrès, de l’humanisme. Ou bien le développement durable a, au fil des conférences de Stockholm – où il n’était pas encore conceptualisé –, de Rio, de Johannesburg, de Copenhague, acquis le rang d’un concept théorique et opératoire, d’une vraie proposition pour l’avenir, ou bien il doit aider à en forger un, utile pour ce passage si délicat que va devoir franchir l’humanité au XXIe siècle.

5 Pour ce faire, nous avons décidé d’inviter des intellectuels et des personnalités engagées à s’approprier ce questionnement, qui, au contraire de beaucoup d’autres pays, ne semble pas les mobiliser. La France, pays de culture, n’a jamais surmonté le schisme du XIXe siècle entre la science et la culture, alors qu’elle a « donné » ou accueilli les philosophes et penseurs les plus précurseurs de la réflexion écologique. Faut-il citer Serge Moscovici, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Jean Chesneaux, André Gorz, Michel Serres ou Edgar Morin ? Mais aujourd’hui, il est très difficile de nourrir un débat intellectuel rationnel sur les questions de durabilité, car s’opposent les pourfendeurs d’une écologie radicale qui, selon eux, confisquerait les libertés, nierait les avancées du progrès scientifique et nourrirait les peurs, et les défenseurs éclairés d’une planète dont les signes d’épuisement seraient reconnus par eux seuls.

6 Le développement durable a pu être un nouveau socle commun de discussion, en ce qu’il a permis de dépasser les reproches faits, de manière souvent injuste, à beaucoup d’écologistes : préférer une planète déserte à une planète humaine. Cependant, faute d’être conceptualisé et enraciné dans les grandes questions culturelles et philosophiques, il s’est fait happer par la banalisation médiatique. Pourtant, de très nombreux universitaires approfondissent cette notion et la société civile comme les décideurs s’y réfèrent. Au moment où le développement durable devient presque populaire, il ne faut surtout pas l’abandonner au zapping général et destructeur. Il est riche de cinquante ans de réflexions, d’échanges et de constructions concrètes. Il est porteur d’une interrogation sur le temps, la finitude, l’adaptation des espèces – en particulier la nôtre. Il relaie la grande interrogation philosophique sur la nature et peut fonder un humanisme nouveau pour cette « multitude » que nous sommes désormais. Comme le dit très bien l’un des membres de notre comité de rédaction, Bernard Perret, le développement durable a besoin d’intelligence écologique et de culture de complexité.

7 Chaque numéro de la revue, ouverte à toutes les sensibilités et nationalités, comportera un dossier phare lié au développement durable, des entretiens avec des intellectuels, des politiques, des scientifiques et des décideurs économiques, mais aussi un regard historique car, selon nous, le développement « vraiment durable » est une nouvelle Encyclopédie qui doit s’enrichir des expériences les plus diverses.

8 Que toutes les personnalités et partenaires qui ont bien voulu appuyer de leur nom, de leur soutien, de leur réflexion notre projet soient chaleureusement remerciés pour leur engagement et leur marque de confiance.

9 Que Gilles Berhault, président du Comité 21 et son équipe, Charles-Henry Dubail, président de Victoire Editions, tous deux codirecteurs de publication, Patricia Aderno, vigilante et passionnée secrétaire de rédaction soient remerciés de m’accompagner dans cette aventure que je conçois comme une petite pierre utile pour surmonter les contradictions et multiples crises que nous traversons.


Date de mise en ligne : 21/03/2014

https://doi.org/10.3917/vdur.001.0005

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.82

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions